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La [[w:Fédération sportive et gymnique du travail|Fédération sportive et gymnique du travail]] (FSGT) est née en 1934 de la fusion de la Fédération du sport travailliste (FST) créée en 1921 à l’initiative de la [[w:Parti communiste français|Section française de l’internationale communiste]] (SFIC) et de l’Union des sociétés sportives et gymniques du travail (USSGT) créée deux ans plus tard à l’initiative de la [[w:Section française de l'Internationale ouvrière|Section française de l’Internationale ouvrière]] (SFIO). Sous la coprésidence de Marane (FST) et de Poggioli (USSGT), elle est dirigée par une commission exécutive de 20 membres issus à part égale de chaque organisme fondateur. Les postes de secrétaires permanents, dont le rôle est capital, sont répartis équitablement : [[w:Auguste Delaune|Delaune]] et Mension pour les communistes, Guillevic et Roche pour les socialistes. Suite au décès d’un membre de cette dernière tendance, celle-ci propose en 1938 d’ouvrir la direction à un commissaire apolitique. L’heureux bénéficiaire en fut un jeune sportif de la banlieue rouge, André Le Guellec.
 
== Un fils de la banlieue rouge ==
 
Né à [[w:Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis)|Saint-Ouen]] en 1910 et venu à [[w:Argenteuil|Argenteuil]] à l’âge de cinq ans, Maurice Le Guellec y passe toute sa jeunesse entre Champioux et Marais avec son jeune frère Maurice. Si ses parents déménagent trois fois, ils ne s’éloignent jamais de plus d’un demi-kilomètre de l’usine d’aviation [[w:Lorraine-Dietrich|La Lorraine]] où son père est chef d’équipe depuis 1915. Il y passe ses loisirs à jouer avec les autres enfants du quartier dans un terrain vague d’où s’envolent aussi les cages à poules de [[w:Henri Farman|Farman]]<ref>très proches des [[w:Planeur ultra-léger motorisé|ULM]] actuels</ref> et assiste au premier vol de l’autogyre de [[w:Juan de la Cierva y Codorníu|Cierva]]<ref>le premier hélicoptère</ref> en 1924, année où il entre à la Lorraine comme apprenti-ajusteur. Il y découvre alors le football auquel il consacre ses week-ends et passe son CAP en 1927. Sa vivacité d’esprit le fait remarquer et affecter en 1929 au laboratoire pour seconder un ingénieur qui s’efforce d’accélérer la [[w:nitruration|nitruration]] des aciers par [[w:ultrasons|ultrasons]]. Le protocole réduit bien bien des ¾ le temps nécessaire à l’opération mais le brevet sera racheté par un fournisseur ... qui le gardera dans ses tiroirs car il remettait trop en cause sa logistique industrielle. De là naissent les premiers doutes d’André sur l’éthique d’une société technologique à laquelle il avait adhéré sans réserves jusqu’ici par culture familiale. Industriel à la retraite, il était encore qualifié d’anarcho-capitaliste par ses pairs du [[w:Lions Clubs|Lion’s]] !
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En 1936, il est sélectionné pour les [[w:Olympiades populaires|Olympiades populaires]] de Barcelone, organisés en contre-point de ceux de [[w:Jeux olympiques d’été de 1936|Berlin]]. Dès l’arrivée de la délégation, éclate l’insurrection franquiste et il rentre en France 15 jours plus tard avec pour seule performance l’attaque d’une boulangerie militaire où un jeune sportif français fut gravement blessé. L’année 1936 est aussi marquée par d’autres événements et après les grèves il adhère à une organisation du [[w:Front Populaire|Front Populaire]] : Les Jeunes. Il reconnaît volontiers que ce groupe animé par [[w:Jacques Duboin|Jacques Duboin]] développait une réflexion plus économique que politique : après la mécanisation rurale qui précipitait dans les villes les ouvriers agricoles au chômage, leur mentor s’inquiétait d’une mécanisation industrielle comparable ; alors le chômage fera un bond prodigieux et il n’y aura pas de reconversion possible pour la majorité des hommes. Il faudrait inventer une économie distributive s’apparentant plus ou moins au communisme ; dont l’échec est évident et là sera le vrai problème.
 
== La commission exécutive de la FSGT ==
 
Agé de 28 ans en 1938, sa carrière sportive associée à son bagout de banlieusard lui assurent un bon profil de jeune dirigeant et son engagement dans un organisme, certes modéré, du Front en fait un apolitique très fréquentable par les socialistes. Son statut de conseiller sportif de la municipalité communiste d’Argenteuil laissant par ailleurs des espoirs de récupération à l’autre moitié de la Commission exécutive, son élection ne souffrira guère de discussion. Mais ceux qui ont provoqué sa venue vont vite déchanter et pendant l’année où il siégera, il ne sera jamais l’otage des uns ou des autres : il reconnaît même y avoir utilisé son statut très particulier en négociant la minorité de blocage qu’il constitue à lui tout seul chaque fois que nécessaire.
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C’est cette collaboration bien établie qui donne aux exclus de 1939 de bonnes raisons d’occuper en pleine insurrection dès le 21 août 1944 le siège de la Fédération déserté par ses permanents - qui se sont auto-licenciés trois jours plus tôt avec quatre mois d’indemnités - et de convoquer à [[w:la Mutualité|la Mutualité]] le 9 septembre une assemblée générale extraordinaire. Celle-ci, constituée en commission d’épuration de la FSGT exclut ceux qui ont ratifié (le 31 décembre 1939) les exclusions prononcées contre les camarades .... et qui ont ainsi ... favorisé le travail de désagrégation de la 5° colonne. Le compte-rendu officiel signé de Charles Le Mansois exclut André Le Guellec et le comité de la région parisienne ayant donné son accord, la commission exécutive fédérale ratifie cette décision : une lettre recommandée du 12 janvier 1945 avertit celui-ci qu’il est condamné sans avoir pu présenter sa défense. Mais le plus dangereux pour lui reste d’être dénoncé dans ce compte-rendu comme « kollaborateur » pour avoir été journaliste sportif et ce titre avoir à contribué régulièrement à la presse nazie.
 
== Journaliste sportif sous l’Occupation ==
 
En effet quand André Le Guellec est libéré de ses obligations militaires l’essence est devenue denrée rare, les automobiles ne roulent plus ... et le métier d’assureur ne fait plus recette. Ne retrouvant pas son poste, il profite de ses relations sportives pour se faire embaucher à l’[[w:Echo des sports|Echo des sports]] - journal né en 1904 - dont le sous-titre porte l’unique journal français parlant exclusivement de sport. Car, si le prestigieux [[w:l’Auto (journal)|Auto]] n’hésite pas à se faire le relais de la propagande de l’occupant, le très modeste Echo apparaît - encore aujourd’hui - comme le plus neutre de tous ces périodiques. Son patron, Bardel un ancien des [[w:Croix de Feu|Croix de Feu]], refuse de pactiser avec l’occupant et préférera saborder sa publication fin 1942 plutôt que de publier les communiqués de guerre allemands. En dépit de multiples pressions, il résistera jusque là, se limitant à rapporter dans ses trois parutions hebdomadaires les maigres événements sportifs qui se déroulent le soir en semaine ou le dimanche après-midi. Il faut parfois tirer sur le rédactionnel pour remplir les colonnes et le métier ne nourrit pas son homme. Mais Le GUuellec, qui doit trouver des revenus complémentaires dans la journée, reconnaît que, ce métier, il aurait payé pour le faire : il appose avec délices sa signature au bas des articles, rêve inespéré pour un petit ajusteur de banlieue. Et à l’occasion de ce travail nouveau pour lui, où il navigue de la boxe au basket, il rencontrera Raymonde, internationale de ce beau sport qu’il épousera.
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Son collègue Pagnoud n’a pas les mêmes états d’âme. Resté dans le journalisme sportif jusqu’à la Libération il sera installé à la tête des sports de [[w:Miroir Sprint|Miroir Sprint]] et de [[w:Ce soir|Ce soir]] avec l’aval des censeurs de la FSGT Ce qui incite André Le Guellec à se demander encore si tout cela justifiait bien une exclusion et si celle-ci n’est pas plutôt liée à l’aide qu’il a implicitement apporté aux commissaires socialistes en ne s’opposant pas, par son abstention forcée, à la condamnation du pacte germano-soviétique ; le journalisme ne serait qu’un mauvais prétexte, faute d’autres chefs d’accusation. Il n’a pas de mal, preuves en mains, à démontrer à ses juges le 20 novembre 1944 son absence aux réunions du 15 octobre et du 31 décembre 1939. Mais solidaire sur le fond, il n’hésite pas à prendre la défense des décisions prises en ces occasions : ''les pouvoirs publics ayant imposé cette contrainte aux associations c’était : signer ou être dissous ... si nous ne l’avions pas fait, vous n’auriez pas l’occasion de vous asseoir maintenant aux places qui vous restaient dues ... et d’y trouver des clubs, des cadres, des installations sportives et des adhérents ... vous avez fait arrêter Roche ; huit jours après il était relâché après avoir réduit toutes vos accusations à néant. Certes il a fallu que nos camarades rusent et composent avec le gouvernement et avec l’occupant. C’était une nécessité pour le sport travailliste et cela n’implique pas qu’il y ait eu compromission''.
 
== Portrait d’un « collaborateur » ==
 
L’histoire de ce dirigeant mérite donc d’être confrontée à la rigueur d’un procès peut-être un peu hâtif. Appelé le 2 septembre 1939 dans la Marne au 306° R.I., le sergent Le Guellec est blessé au genou dès le 15 octobre ... en jouant au football. Déplacé d’hôpitaux en hôpitaux, il se re-blesse - toujours au foot ! - dès sa reprise de service et doit être opéré des ménisques le 1° juin 1940 à [[w:Reims|Reims]] ; il est rattrapé par les allemands à l’hôpital d’[[w:Angers|Angers]] huit jours plus tard. Cette bienheureuse entorse lui vaut d’être réformé à [[w:Rennes|Rennes]] le 7 août 1940 pour blessure en service commandé et d’éviter ainsi 4 ans de [w:Stalag|stalag]]. Dès son retour à Argenteuil il apprend que son frère Maurice, suspecté de communisme et arrêté par la gendarmerie est détenu avec deux amis, Champy et Gojard, à Fort-Barreaux, bagne situé au dessus de [[w:Grenoble|Grenoble]]. Il parvient à le faire libérer le 30 janvier 1941 après avoir convaincu le sous-préfet de la "bonne foi" de son frère ; entendons par là de sa non appartenance à la S.F.I.C. André Le Guellec avoue avoir trouvé un sujet de convergence avec ce personnage trouble qui sera fusillé à la Libération par les maquis de la région grenobloise : leur commun désaveux du pacte germano-soviétique et de ceux qui n’ont pas pu ou pas voulu le dénoncer. Ils sont tous deux d’accord sur un point : tout le mal vient de là et il faut bien maintenant en gérer les dégâts, chacun à sa place et le moins mal possible.
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Le nouveau président convoque en effet son conseil dès le 22 : l’ordre du jour porte exclusion de deux camarades du C.O.M.A. Le sigle du club est déjà modifié. Celui du [[w:COMAC (Résistance)|C.O.M.A.C.]], prestigieux [[w:comité de libération|comité de libération]] de la région parisienne sous le contrôle [[w:Francs tireurs et partisans|F.T.P.]] du colonel [[w:Henry Rol-Tanguy|colonel Rol-Tanguy]] et de [[w:Maurice Kriegel-Valrimont|Maurice Kriegel-Valrimont]] n’y est peut-être pas étranger. En application d’une réunion fédérale du 9 septembre, Leguellec et Campari, autre membre du comité de l’ex-C.O.A, sont exclus. Le cas du dernier ainsi que celui d’un autre membre du comité, Avanti, sont débattus, Berthier prenant leur défense car ils ont été dans l’obligation de prendre position. Le gouvernement obligeait toutes les organisations à se prononcer. Il se résout par discipline à rayer Campari mais demande révision de la décision et il renvoie l’exclusion d’Avanti à la prochaine Assemblée générale. Mais le 22 novembre 1945, celle-ci oublie l’affaire. En revanche le cas Le Guellec est réglé sans présentation de la moindre défense. Sa lettre à l’ex-camarade qu’il a sorti du bagne quatre ans plus tôt, fort amère, restera sans réponse. Et fin décembre 1944 sa trajectoire au sein du sport travailliste s’achève par cette ultime trace dans le livre de compte du C.O.M.A. : Remboursement culottes Le Guellec - 715 f.
 
== Postface ==
 
Voilà le parcours de ce « kollaborateur » qui reprendra vite ses activités de dirigeant sportif au sein de l’U.S.A. où il animera encore personnellement l’école de football bien après qu’il soit devenu un industriel cossu. Les nouveaux dirigeants de la F.S.G.T., poursuivant globalement tous ceux qu’ils estiment être leurs adversaires, tenteront encore de lui attirer quelques ennuis devant des [[w:Commissions d’épuration|Commissions d’épuration]] autrement dangereuses que la sienne mais les libérations qu’il a obtenues et sa forte personnalité le mettront vite hors de cause. Dès 1960, je l’ai côtoyé avec son frère Maurice à l’Office municipal des sports d’Argenteuil où son passé local fut rarement remis en cause par les responsables travaillistes en dépit d’interventions parfois houleuses, voire fracassantes, de sa part.
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On peut certes condamner aujourd’hui - par ce que l’histoire leur a donné tort - ceux qui, ayant foi en celui qu’on appelait le Père des peuples, ont refusé de stigmatiser un acte que celui-ci avait ratifié et qui condamnait la France ; on peut certes condamner aujourd’hui - par ce que l’histoire leur a donné tort - ceux qui ont dû composer, maladroitement et parfois trop, avec l’occupant pour assurer la survie de l’institution dont ils avaient pris la charge. Les sportifs travaillistes, comme les autres, ont eu à se débattre au milieu de contradictions et la seule morale qu’on peut tirer de cette histoire, c’est que l’apolitique de service en a fait les frais. Son indépendance d’esprit et l’aura qu’il aurait pu revendiquer ultérieurement au sein du monde sportif ouvrier n’était en effet pas sans risques pour les espoirs révolutionnaires de ses anciens amis. Pour eux, et en dépit des dettes personnelles, botter Le Guellec en touche par ce qu’il se trouvait à la mauvaise place au mauvais moment, c’était bien un devoir politique. Pris de vitesse par le soulèvement de la Préfecture et l'avancée de [[w:Jacques Chaban-Delmas|Chaban-Delmas]], Rol-Tanguy et le C.O.M.A.C. n’avaient pas pu transformer l’essai le 25 août lors de la [[w:Libération de Paris|libération de Paris]] ; avec la F.S.G.T. remobilisée dès le 21 Berthier et le C.O.M.A. se devaient de préserver l’avenir de la [[w:Banlieue rouge|banlieue rouge]] en y éliminant toute concurrence dont l'orthodoxie pouvait souffrir du moindre doute.
 
== Notes ==
{{Références|groupe=|colonnes=}}
 
== Sigles utilisés ==
 
*CE : Commission Exécutive (de la FSGT)
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*USSGT : Union des Sociétés Sportives et Gymniques du Travail (1923-1934)
 
== Sources ==
 
*Archives et interviews d’André Le Guellec