« Quelques témoignages sur la vie des start-up » : différence entre les versions

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Dans les autres cas que nous avons pu examiner, l’équipe fondatrice jouit dès le départ du crédit lié à l’expérience de ses membres. Les fondateurs de Business Objects ont travaillé plusieurs années chez Oracle et profité de relations familiales avec un spécialiste du NASDAQ, ceux de SOITEC valorisent des technologies mises au point au CEA et bénéficient du soutien de ses laboratoires (le procédé qui fera le succès de l’entreprise n’est d’ailleurs pas celui qui a motivé sa création mais une autre technologie du LETI dont ils acquerront la licence). L’équipe réunit souvent des experts techniques pointus et des gestionnaires, comme chez Arisem ou chez Esterel Technologies [BusinessObjects, Soitec, Arisem, Esterel]. Parfois le fondateur exerçait déjà des fonctions de direction générale ou technique comme André Ulmann chez HMR ou André Michel chez Servier [HRA, Aureus]. De même, si Alain Cojean a pu attirer des investisseurs pour financer un nouveau concept de chaîne de restauration rapide haut de gamme, c’est parce que son expérience de directeur du développement de McDonald lui donnait une crédibilité personnelle essentielle dans ce domaine.
 
La start-up dans un garage est donc, sinon un mythe, du moins une exception assez rare. Au cours d’une vingtaine de séances du séminaire consacrées à la discussion de l’expérience de fondateurs ou de gestionnaires de start-up (liste et résumés en annexe), nous avons tenté d’identifier quelques traits récurrents qui semblent différencier les succès d’expériences moins heureuses. Nous ne savons pas dans quelle mesure notre échantillon est représentatif et nos constats sont donc autant de conjectures qui ont résisté à une discussion de groupe très ouverte, mais doivent être validées par ailleurs. D’une part, rien ne prouve que des traits qui semblent caractéristiques du succès ne soient pas partagés par beaucoup d’entreprises ayant échoué, d’autre part, les relations de causalité sont parfois ambiguës et telle particularité qui paraît à l’origine du succès ne se développe peut-être que comme conséquence de ce succès.
 
Après avoir présenté ces caractéristiques saillantes, nous aborderons l’action des pouvoirs publics et des grands groupes.
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Les créateurs de start-up à fort contenu technologique sont souvent des scientifiques ou des technologues qui sous-estiment l’importance des autres fonctions, notamment de marketing et de vente, mais aussi d’industrialisation, de service avant ou après vente. C’est spécialement vrai en France où les ingénieurs et les vendeurs ne sont pas formés sur les mêmes campus [Inria].
 
Lorsqu’il n’est pas possible de rassembler toutes les compétences désirables dans l’équipe initiale, on peut parfois mobiliser une partie des talents nécessaires chez des partenaires externes. Il peut s’agir d’alliés invités à siéger au conseil d’administration de l’entreprise ou de spécialistes présentés par un investisseur [Sofinnova, Vallée]. Parfois l’entreprise s’appuie sur les laboratoires publics ou privés dont sont issus des membres de l’équipe ou la technologie exploitée. C’est souvent le cas pour les spin-off de l’INRIA ou du CEA qui profitent d’un accès plus facile aux ressources de leur institut d’origine [Inria, Soitec, Soisic]. De même Meristem Therapeutics a largement bénéficié des services agronomiques de la coopérative Limagrain dont elle est issue [Meristem]. Il peut s’agir aussi du réseau professionnel des fondateurs ou des premiers cadres de haut niveau recrutés. Ainsi HRA Pharma s’est créé à une époque où Hoechst-Marion-Roussel incitait beaucoup de ses collaborateurs au départ et le PDG de l’entreprise a pu mobiliser largement leurs compétences [HRA]. Ces alliés externes pourront ainsi participer à l’aventure à moindre risque, puisqu’ils l’aident « en perruque », sans que leur situation personnelle ne dépende totalement du succès de l'entreprise. Le risque est plus réel pour les investisseurs, mais en dehors du cercle personnel de l’entrepreneur (family, friends and fools), ceux-ci répartissent leurs investissements et ne dépendent pas du succès d’une seule opération.
 
Enfin, une PME s’appuiera parfois sur un fournisseur pour lequel elle constitue un client « instructif » aux besoins particulièrement avancés. C’est le cas de Projective Design qui entretient des partenariats stratégiques avec ses fournisseurs de circuits intégrés et de lampes. Il arrive aussi qu’un client mette les moyens nécessaires pour s’assurer de la disponibilité d’une technologie complémentaire [Soitec].
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Dans certains cas, des fonds de ''corporate venture'' pourront se substituer avantageusement aux fonds « financiers », quand le groupe qui investit connait bien le marché et peut donc mieux juger le potentiel de l’entreprise (moindres coûts de transaction) et lorsqu’il a des intérêts stratégiques dans le développement de la technologie (la start-up peut devenir un fournisseur lui apportant une avance intéressante). Le groupe peut apporter à la start-up de précieux actifs complémentaires (capacité de fabrication, accès au marché). Le risque est qu’à terme, l’intérêt stratégique du groupe investisseur et celui de l’entreprise créée divergent (si par exemple l’entreprise a intérêt à vendre la technologie aux concurrents) [Barbier].
 
Un recours précoce aux investisseurs de ''venture capital'' implique une dilution économique et stratégique importante des fondateurs. C’est souvent nécessaire dans des cas où il est bien plus avantageux d’avoir quelques pourcents d’une belle entreprise que la totalité de rien, notamment quand le modèle économique implique la mise en œuvre rapide de développements technologiques, industriels ou commerciaux coûteux [Esterel, Business Objects]. Parfois, il peut être avantageux de démarrer sur un modèle mixte, lorsque les compétences à construire permettent une offre de service dont les revenus pourront être réinvestis dans le développement de produits. C’est ce qu’ont fait, dans des secteurs très différents, Projective Design (design d’équipements pour le compte de tiers avant de proposer leurs propres projecteurs), SOISIC (design de composants de technologie SOI, avant de vendre ses bibliothèques et outils de design) ou Aureus Pharma (mise en place de bases de données documentaires dans des laboratoires pharmaceutiques, avant de développer ses propres médicaments grâce à des outils documentaires très performants).
 
Un avantage de ce scénario prudent est qu’en cas de difficulté ou de retournement de conjoncture, l’entreprise peut se replier sur cette activité de service et connaître une croissance plus modeste mais robuste, fondée sur les compétences qu’elle a développées. Aureus a su s’y résoudre, SOISIC y a été contraint par les investisseurs, provoquant le départ du directeur, Arisem n’a pas eu la sagesse d’accepter ce scénario proposé par son PDG, Projective Design a pu passer à l’étape ultérieure et commercialiser ses propres produits.
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=== Faire évoluer rapidement les objectifs de l’entreprise en fonction des événements, mais savoir rester focalisé ===
 
Les exemples précédents montrent l’importance de réévaluer régulièrement le modèle économique de l’entreprise en fonction des informations acquises sur la technologie, sur son marché, sur la compétition et sur l’environnement en général.
 
Les praticiens insistent sur la nécessité d’avoir des plans de rechange (contingency plans), mais aussi sur l’impossibilité d’un dialogue ouvert sur ceux-ci avec la plupart des investisseurs. En effet, si les investisseurs potentiels veulent des entrepreneurs flexibles et adaptables, ils ont besoin d’un rêve crédible qu’ils puissent faire partager. Un faisceau de scénarios trop complexe exposera l’incertitude du projet et les fera fuir [Aureus]. Rares sont les investisseurs capables d’analyser leurs participations comme un portefeuille d’options dont l’incertitude sur le sous-jacent augmente la valeur [Jacquet].
 
Même si tout se déroule conformément au business plan initial, le style de management et les qualités requises évoluent rapidement d’une phase à l’autre, selon qu’il s’agit de prouver la faisabilité technique, de livrer les premières commandes, de gérer l’expansion commerciale, voire d’administrer une entreprise qui s’est rapidement développée. Il faut que le dirigeant s’entoure de nouvelles compétences, s’adapte à un nouveau rôle ou s’efface [CDC-PME].
 
D’une manière générale, la croissance rapide et l’adaptation à un contexte peu prévisible impose de réexpliquer périodiquement à chaque collaborateur son rôle dans l’entreprise [Esterel] et d’imaginer fréquemment de nouvelles trajectoires de développement [Aureus].
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'''Une clarification du droit des faillites'''
 
Un investisseur anglo-saxon qui n’a pas commis de malversation ne risque que son investissement, tandis qu’en France, on peut plus facilement le suspecter de gestion de fait ou de soutien abusif, notamment lorsqu’il a laissé l’entreprise tenter un pari risqué dont le résultat a été décevant. Cette insécurité juridique dissuade certains investisseurs ou les tient éloignés du conseil d’administration où leur présence serait bénéfique [Korda, Sofinnova].
 
'''Une clarification du droit de la propriété intellectuelle et une mutualisation des coûts de défense'''
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Créés par la loi de 1999 pour faciliter la création d’entreprises à partir de la recherche publique, les incubateurs apportent aux projets des moyens mutualisés de support, de formation, d’accès à des experts et de coaching pour aboutir à un business plan viable et validé. Ils sont parfois partagés entre le désir d’aider tous les projets technologiquement viables et celui d’afficher d’excellents résultats en soutenant les projets les plus prometteurs susceptibles d’attirer des investisseurs en capital-risque.
 
L’incubateur abrite souvent d’une part des projets aux débouchés mal établis qu’un comité de sélection plus exigeant aurait dû rejeter ou n’accueillir que le temps de valider ou non des points problématiques, d’autre part des projets mûrs et solides, qui profitent d’un effet d’aubaine (un crédit de 30 k€, un label valorisant et surtout un loyer modéré sans caution initiale), mais n’utilisent pas les autres moyens et prestations de l’incubateur. Si l’on juge l’incubateur uniquement sur son taux de réussite, on risque de privilégier ces derniers, qui pourraient se passer de l’incubateur. C’est le paradoxe connu des gestionnaires de HLM jugés sur le recouvrement des loyers, qui sélectionnent au sein de la population éligible la frange la plus solvable, c’est-à-dire celle qui a le moins besoin du dispositif d’aide.
 
On remarque que les incubateurs qui ont les meilleurs résultats sont souvent dirigés par une équipe ayant une solide expérience industrielle, tandis que d’autres sont dirigés par des universitaires ayant une vision plus théorique du marché.
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Une grande entreprise peut avoir un intérêt direct à favoriser le développement d’un écosystème innovant avec lequel elle travaillera en réseau, notamment lorsqu’elle met en œuvre une stratégie de plate-forme et profite des technologies compatibles qui enrichissent son environnement. C’est par exemple le cas des constructeurs de systèmes d’exploitation ou de processeur [Intel, SiliconValley].
 
Ils peuvent aussi y trouver des bénéfices indirects, en termes d’image dans une société qui valorisera de plus en plus les entreprises socialement responsables, d’adhésion des employés sensibles aux impacts indirects de leur travail, voire des investisseurs si les agences de notation s’intéressent à ces retombées de leur activité. L’État peut amplifier ces bénéfices s’il fait des actions de l’entreprise en faveur de son environnement un critère d’éligibilité à l’obtention de marchés publics ou à la participation aux programmes mobilisateurs pour l’innovation.
 
[[Catégorie:Management de l'innovation]]