« Fondements des mathématiques/Des preuves de cohérence » : différence entre les versions

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Les connaissances intuitives conduisent parfois à des contradictions, même quand on fait attention à supprimer toute équivoque. Qu’une théorie des ensembles est intuitive ne prouve donc pas qu’elle est vraie. Si en revanche on a prouvé pour une théorie des ensembles qu’elle est cohérente, et si en plus elle est en accord avec nos connaissances intuitives sur les ensembles, alors on peut estimer que cela suffit pour prouver la vérité de cette théorie. On peut alors se reposer sur elle pour prouver l’existence de modèles et donc la vérité d’autres théories. Une théorie des ensembles est une sorte de théorie universelle, au sens où elle permet de raisonner sur toutes les théories.
 
Mais il y a ici une circularité. Pour prouver qu’une théorie des ensembles est cohérente par la théorie des modèles, il faut prouver l’existence d’un modèle, c’est -à -dire un ensemble, qui est un univers de tous les ensembles de cette théorie. Pour échapper à cette circularité, on pourrait songer à prouver la cohérence de la théorie d’une façon directe, sans passer par la preuve d’existence d’un modèle. Mais on n’y échapperait pas non plus, parce qu’alors il faut raisonner sur toutes les conséquences que l‘on peut déduire logiquement des axiomes et cela revient à définir l’ensemble de toutes ces conséquences et à prouver qu’il ne contient pas de contradiction. Dans ce cas aussi, on a donc besoin d’une théorie des ensembles.
 
Toute preuve de la fiabilité des principes de preuve a quelque chose de circulaire. Mais ce cercle n’est pas vicieux, ou pas trop, au sens où il ne remet pas en question la vérité de nos principes. S’il l’était alors on ne pourrait rien connaître avec certitude en mathématiques. Même les théories les plus élémentaires seraient douteuses. Par exemple, il est facile de définir une théorie qui contient toutes les égalités de la forme n + p = q où n, p et q sont des entiers positifs. Que cette théorie ne contient pas 2+2 = 5 peut être prouvé à partir de sa définition. Mais dans cette preuve, on raisonne sur l’ensemble de toutes les égalités qui définit la théorie. Ce serait cependant un absurde excès de rigueur logique d’avoir le moindre doute sur sa validité. Les seuls problèmes que posent cette preuve et d’autres semblables sont d’une part la portée des principes utilisés et d’autre part la façon de les formuler avec précision. Tant qu’on se limite à des techniques élémentaires, on peut être sûr de leur fiabilité, mais qu’en est-il quand on veut étendre leur puissance ?
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Les paradoxes de la théorie des ensembles ne remettaient pas en question la vérité des principes élémentaires, tels que ceux des théories des nombres entiers. Tant qu’on se limite aux nombres entiers, l’évidence des principes n’est pas contestable. Les théories sont des ensembles de formules et peuvent être définies avec des principes semblables à ceux qui sont utilisés en arithmétique. Dans les deux cas, on peut raisonner comme si l’on parlait de suites finies de signes graphiques. Hilbert faisait remarquer que les nombres peuvent être identifiés à des suites de barres par exemple : 1=/, 2=//, 3=///, 4=////, ... Les formules peuvent de même être identifiées à des suites de lettres, ou symboles. Les ensembles de nombres ou de formules sont des systèmes formels. Tant qu’on se limite aux systèmes formels et à quelques autres ensembles que l’on peut construire à partir d’eux, les mathématiques sont finitaires.
 
On peut formaliser la théorie de Cantor, c’est -à -dire définir avec précision un ensemble de formules prouvables à partir d’axiomes. On obtient ainsi un ensemble finitaire de formules destinées à dire des vérités sur tous les ensembles, et pas seulement ceux qui peuvent être identifiés à des ensembles finitaires déjà construits. Pour développer la théorie générale des ensembles sans tomber dans des contradictions, on est conduit à étudier un ensemble finitaire. On peut alors espérer prouver avec des méthodes finitaires que la théorie est cohérente. Cela place les mathématiques finitaires au cœur de toutes les mathématiques, parce que si on a prouvé qu’une théorie est cohérente on a établi du même coup l’existence mathématique des êtres qu’elle définit. La fiabilité des méthodes générales peut ainsi être prouvée avec des méthodes finitaires.
 
Hilbert a espéré trouver une théorie finitaire telle que toutes les questions mathématiques y reçoivent une réponse. Cet espoir était justifié en partie, parce que la cohérence de toute théorie est une question finitaire. Gödel a prouvé que ce programme complet de Hilbert n’est pas réalisable. Quelles que soient les théories finitaires que l’on se donne, elles seront toujours insuffisantes pour prouver toutes les vérités. Gödel a aussi prouvé un second théorème d’incomplétude qui a été mal interprété. Il dit qu’en général une théorie mathématique ne peut pas prouver sa propre cohérence. L’interprétation erronée consiste à en conclure que les méthodes finitaires ne suffisent pas pour prouver la cohérence des théories finitaires et qu’il faut abandonner à la fois le programme de Hilbert et la croyance en la prééminence des méthodes élémentaires.
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== Les preuves de cohérence par la théorie des modèles ==
On peut prouver la cohérence d’une théorie T en construisant un modèle de T, c’est -à -dire un ensemble de formules atomiques telles que tous les axiomes de T sont vrais pour elles. L’ensemble des vérités atomiques de l’arithmétique élémentaire permet par exemple de prouver la cohérence des théories arithmétiques.
 
Une théorie T est cohérente lorsqu’on ne peut pas déduire de contradiction à partir de ses axiomes. Si T a un modèle, tous les axiomes et toutes leurs conséquences logiques sont vrais dans ce modèle. Une contradiction est fausse dans tous les modèles. Elle ne peut donc pas être une conséquence des axiomes. Une théorie qui a un modèle est donc nécessairement cohérente. Le théorème de complétude de la logique du premier ordre montre qu’inversement une théorie cohérente a toujours un modèle.