« Recherche:Circulation et diffusion des savoirs dans le monde grec (VIIIe-Ier AEC)/La renaissance grecque » : différence entre les versions

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Au X<sup>e</sup> et IX<sup>e</sup> siècle, le monde qui émerge des Ages sombres reprend certaines bases de l’époque précédente. La disparition du royaume hittite et la fin du Nouvel Empire égyptien libèrent peu à peu les cités phéniciennes des ingérences extérieures. Relativement épargnées par les divers mouvements de populations (Araméens, Hébreux, Philistins) et dans ce contexte général de recomposition politique, les opportunités d’extensions territoriales ou commerciales ont disparu au Proche-Orient. Les cités de Byblos, Sidon et Tyr profitent de cette autonomie retrouvée pour se développer et se lancer à la recherche de nouveaux débouchés commerciaux vers l’Occident méditerranéen. Ainsi, se prépare l’expansion coloniale phénicienne qui prend au départ la forme de contacts commerciaux sporadiques, avant la création d'établissements fixes aisément défendables facilitant les échanges avec les autorités locales. Les Phéniciens<ref>L'appellation de « phénicien » bien que peu satisfaisante puisqu'elle induit le recours au point de vue grec pour désigner les populations de Proche-Orient dans leur grande diversité, sera tout de même préféré ici afin de faciliter la compréhension.</ref> ont réanimé les routes maritimes existantes à l'âge du bronze.
 
A la suite des Sidoniens qui dominèrent la Phénicie jusqu'à la fin du XIe siècle, ce sont les les Tyriens qui s'imposent au Xe siècle sous le règne d'Hiram I<sup>er</sup><ref>Elayi Josette, ''Histoire de la Phénicie'', Perrin, 2013, Paris, p.134</ref>. Tyr installe une colonie à Kition sur l’île de Chypre puis fonde Carthage en Occident. Il faut attendre le milieu du VIII<sup>e</sup> siècle pour que la situation internationale en Orient se stabilise avec le retour d’un grand empire oriental. Après avoir déjà subi depuis un siècle, les expéditions sanglantes des souverains assyriens, les cités phéniciennes sont contraintes de reconnaître la domination de leur puissant voisin vers 733-732 sous le règne de Teglat-Phalazar III<ref>Georges Roux'', Histoire de la Mésopotamie,'' Seuil'', 1995''</ref>.
 
Les souverains assyriens imposent un contrôle du commerce phénicien. Sidon, Tyr ou Arwad tentent à plusieurs reprises, en vain, de se débarrasser de la domination assyrienne. En 715 AEC, c’est l’Égypte qui parvient à sortir doucement d’une nouvelle période intermédiaire lors de laquelle le pouvoir a, de nouveau, été partagé entre plusieurs dynasties rivales. Pour peu de temps puisqu’en 671, Assarhaddon puis Assurbanipal prennent temporairement le contrôle de la vallée du Nil précipitant l’avènement de la monarchie saïte avec Psammétique Ier en 653 AEC.
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La Crête a donc joué un rôle d'intermédiaire majeur dans cette transmission des connaissances phéniciennes au monde grec. Cela se confirme par la découverte d'installations phéniciennes sur l'île et notamment un temple à Kommos prouvant la présence d'un culte oriental<ref>Jean-Claude Poursat, l''a Grèce pré-classique des origines à la fin du VIè siècle'', Seuil, 1995 p.94</ref>. Ainsi selon Michel Gras : « Pendant la période orientalisante, la Crête avait d’une certaine manière continué sa fonction séculaire, qu’elle assumait depuis l’époque mycénienne et à travers les siècles dits « obscurs » : celle d’une île qui contribuait à relier les deux bassins de la Méditerranée. Les Phéniciens s’en servaient comme d’étape à la fin du IXe siècle comme le montre le site de Kommos, sur la côte sud. Les apports stylistiques de l’Orient y furent importants, comme le montrent les boucliers de bronze à décor orientalisant découverts sur les pentes du mont Ida.»<ref>Michel Gras, ''La méditerranée archaïque'', p.49</ref> Si l'Odyssée parle des Crétois on peut également supposer que les Cariens, au contact des communautés grecques d'Asie Mineure et des comptoirs phéniciens de Rhodes<ref>Diodore de Sicile, V, 58</ref> ont pu jouer un rôle similaire. Un peu plus tard sans doute, lorsque les Grecs ont commencé à remonter le chemin emprunté jusqu'à alors par les Phéniciens comme le relate Ménélas dans l'Odyssée<ref>« Mais qu'il m'en a coûté de maux et d'aventures, pour ramener mes vaisseaux pleins, après sept ans! Aventures en Chypre, en Phénicie, En Egyptos et chez les Nègres ! » (IV, 83)</ref>, Chypre devient le nouveau point de contact. Les Eubéens très impliqués dans la fondation d'Al-Mina et de Pithécusses semblent avoir su tirer parti les premiers des informations en provenance de Phénicie via la Crête et Rhodes. Car la participation des Eubéens à des établissements commerciaux multi-culturels dès la moitié du IXe siècle signifie une habitude acquise de proximité et de collaboration entre les deux cultures. Ces changements sont très nets à partir des années 950 à Lefkandi où les échanges régionaux s'accroissent considérablement avec l'import de vases attique ou de Thessalie, l'évolution des pratiques funéraires et le début du commerce méditerranéen eubéen avec l'exportation du sklyphos (coupe à boire inventée en Eubée) Lefkandi est aussi le point d'entrée de nombreux produits en provenance d'Orient dès le Xe siècle. Des objets en or d'origine égyptienne pour certains sont retrouvés dans des riches tombes. En contrepartie, des vases eubéens arrivent à Tyr à la même période<ref>J-C Poursat p.93</ref>. Ainsi, on ne peut qu'imaginer aujourd'hui les accords commerciaux passés entre des ''aristoi'' grecques, eubéens dans un premier temps mais aussi corinthiens, avec des intermédiaires crétois et phéniciens pour s'associer dans le marché de produits finis de qualité ou de métaux. En effet, l'installation de Grecs à Al-Mina ne signifie pas que les produits phéniciens ne transitaient plus jusqu'en Grèce mais sans doute que de nouveaux intermédiaires sont apparus pour les potentiels clients grecs et phéniciens.
 
Ce temps d’échange et de cohabitation étalé sur trois siècles du Xe au VIIIe a engendré dans le domaine artistique une période dite «orientalisante»<ref>O.Murray, p.85-106</ref> (740-630) en rapport aux décorations de céramique qui apparaissent vers 725 à Corinthe imitées en partie de modèles orientaux, symbole du transfert de techniques artistiques<ref>« Grâce au transfert de techniques graphiques et à la découverte d’un très riche répertoire de représentations plus détaillées, les Grecs libérèrent et étoffèrent progressivement leur imaginaire traditionnel tout en se dotant de moyens d’expression plus performants qui leur permirent au VIe siècle de mieux exprimer leur propre sensibilité » Claude Baurain, p.438</ref>. Il s’agit d’un témoin important de cette remarquable ouverture à l’innovation et aux cultures étrangères dont ont fait preuve les ''aristoi'' et de façon plus large l’ensemble de la société grecque lors des âges sombres puis à l’époque archaïque. L’impact de cette proximité a également eu des conséquences sur la composition de l’univers religieux grec.
 
== Notes et références ==