« Recherche:L'ambiguité misanthrope : essai de réflexion sur Héraclite et l'amour » : différence entre les versions

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Comme certaines expressions d’une langue, Héraclite, sujet avec le temps à des glissements sémantiques, est entré dans une ambigüité misanthrope. Mais sa pensée, à bien regarder, est autant une philosophie qu’une philanthropie. Malgré cela, le présocratique fut la victime de ce que Spinoza pressentit plus tard dans son Ethique : il est du ressort de la volonté que de favoriser les affections de joie plutôt que les affections de tristesse, qui sont contraires à notre propre complexion. Il en fut la victime passionnée. Une période de la vie d’Héraclite a du faire basculer son amour des hommes dans l’affection de tristesse, jusqu’au point où, comme le précise Spinoza, cet affection de tristesse prend la plus grande part complexive. Pourrait-on imaginer Héraclite comme un premier Alceste ? Ce dernier, qui a l’amour si dur pour les hommes, celui à l’inclination épistémologique si grande pour l’exactitude et la vérité, qu’il préfère mortifier sa société plutôt que de trahir cet amour. Lorsque commence Le Misanthrope, comme Epicure ou Diogène en leurs temps l’avaient fait, il ne sollicite plus d’être, de soutien, de société autre que lui-même. La condition du courtisan hypocrite si bien cernée par Molière est une abjecte condition ; c’est une vie de puanteur. Elle ferme la porte aux vrais amours et aux vraies connaissances. Toute une vie de bêtise ; une mort dans les ombres, c’est-à-dire dans l’ignorance. La condition de cette humanité est une corde, qui court de siècle en siècle, d’époque en époque. Les pleurs d’Héraclite sur la vacuité des hommes sont ce que nous avons comme première occurrence de la cruauté de noblesse ; pour Alceste comme pour Héraclite, l’amour et l’exigence sont trop forts pour le vice qu’ils rencontrent en route. Ainsi, l’amour pour Héraclite est-il une souffrance. Ou plutôt, la rigueur qu’il tient à un si haut degré est ce qui permet à la douleur à gagner la plus grande part complexive. La tristesse, la rigueur, l’exigence et la souffrance d’Alceste pour l’amour de sa bien-aimée nous laisse assez de pistes pour idéer, pour nous représenter une Célimène fictive pour Héraclite.
L’entreprise que nous envisageons n’est pas uniquement une expérimentation littéraire, non. Nous devrons en passer par les personnages. Mais un « personnage » littéraire n’est pas une simple vue de l’esprit. Ce n’est qu’une Idée au sens que Platon donne à ce mot ; qui si elle existait, serait la chose la plus pure du monde, et ne serait rien d’autre que ce qu’elle serait. Une mère, par exemple n’est pas uniquement ce qu’elle est, elle est nécessairement, par exemple femme, ou fille de. Par la multiplication de ses aspects, elle peut être au monde, s’exprimer au nom de son être-femme, de son être-enfant. Concevoir ou simplement imaginer une mère qui ne serait ni femme ni enfant de, ni rien, mais juste mère, c’est cela que l’on peut appeler la Mère, ou l’Idée de mère. Cela est très clair avec le théâtre : Pirandello, avec Six personnages en quête d’auteur, se fait l’écho de cette conception, et l’applique à l’art dramatique. En quête d’auteur et non pas d’un auteur, sans article, en quête d’une matière pour poser ce qui est en tant que pur. Il n’y a pas pour Hamlet d’être-personnage et d’être-homme : il n’y a qu’Hamlet. C’est la raison pour laquelle nous tenons à formuler l’énoncé avec les deux appareils de la négation grammaticale : le personnage n’est qu’une Idée au sens de Platon. Du reste, après ce qui vient d’être dit, on pourrait voir comme paradoxal d’affubler d’une forme de négation un concept de chose en tant que pure. Au contraire, nous voulons le faire, afin de montrer que l’intérêt de parler par cet exemple, c’est que par le fait que les acteurs sont hommes, et donc que comme la mère ils peuvent s’exprimer dans leur être-homme, leur être-acteur, leur être-enfant, les acteurs ne peuvent accueillir, à cause de la fugacité qui les constitue, dans leur corps, dans leur voix, dans leur peau, cette chose que nous voulons absolument réaliser et que nous appelons personnage. Nous refusons, contre Proust, de songer à l’essai où au roman, de scinder notre être-écriture, et de le porter indépendamment vers l’idée ou vers l’action. L’entreprise qui est la nôtre vise donc à une sorte de genèse restitutive d’un philosophe (Héraclite), ou plutôt du discours d’un philosophe héraclitéen, afin d’explorer les différents problèmes posés par la pensée de l’éternel pleureur, par le prisme de la mise-en-littérature de sa philosophie.
 
 
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