« Quelques témoignages sur la vie des start-up » : différence entre les versions

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{{Leçon
Nota : la version initiale de cette leçon (avant sédimentation des contributions de la communauté) a été rédigée à partir d’une synthèse de témoignages discutés au séminaire « ressources technologiques et innovation » de l’École de Paris du management et de l’école des mines de Paris [http://www.ecole.org]. La plupart des références renvoient donc aux comptes-rendus détaillés de ces séances ou à leurs résumés. Les références entre [] n'ont pas encore été wikifiées (mais si, mais si, on va s'en occuper), mais on peut déjà les utiliser comme mot clé sur le site de l'École [http://www.ecole.org].
|idfaculté=gestion
 
|département=Management de l'innovation
== De l’inventeur dans son garage à la mobilisation de réseaux professionnels ==
|1=[[/De l’inventeur dans son garage à la mobilisation de réseaux professionnels/]]
 
|2=[[/Quelques conditions du succès/]]
''Il était une fois deux collégiens qui bricolaient dans leur garage, à la recherche de l’idée qui allait révolutionner le monde. Attirée par la rumeur de leur génie et séduite par leur enthousiasme, la fée venture capital, leur marraine, investit dans leur société de quoi leur permettre de conquérir le monde en quelques mois.''
|3=[[/Que peuvent faire les pouvoirs publics ?/]]
 
|4=[[/Des grands groupes encore trop peu mobilisés/]]
Cette histoire, nous ne l’avons pas rencontrée. La plupart des créateurs d’entreprise qui ont connu un succès rapide n’étaient pas des débutants. Ils étaient capables de mobiliser une expérience professionnelle significative, la leur souvent, celle de leurs premiers associés et sponsors parfois. Même dans la mythique Silicon Valley, les frères Varian, Hewlett et Packard s’épanouissaient dans l’ombre du génial Frederik Emmons Terman, les enfants terribles Steve Jobs et Steve Wozniak attirèrent les venture-capitalists dans le capital d’Apple grâce à la caution d’un troisième associé beaucoup plus expérimenté, Mike Markulla. Peut-être plus proches du conte de fée, Larry Page et Sergeï Brin n’obtinrent des montants significatifs que lorsque le chef d’entreprise expérimenté Eric Schmidt les eut rejoints chez Google.
|exo1=
 
|fiche1=
=== Ne compter que sur ses propres forces… ===
|annexe1=
Il arrive parfois cependant que des jeunes à l’expérience limitée créent une entreprise avec succès lorsqu’ils peuvent se passer de financements externes, parce que leur activité génère immédiatement des revenus et qu’un fournisseur complice leur accordera quelques facilités. C’est le cas de Jean-Michel Planche qui devient le premier fournisseur français d’accès à Internet (son entreprise, Oléane, sera rachetée par France Telecom et intégrée à Wanadoo) [Oleane].Vincent Chapel et ses associés d’Avanti font d’abord du conseil en conception innovante, appliquant les méthodes que le fondateur a étudiées chez Tefal et décrites dans sa thèse de doctorat de gestion. C’est presque par hasard qu’un produit conçu comme un « démonstrateur » de leur démarche, le porte-clou (petit outil sommaire permettant de planter un clou sans se taper sur les doigts) deviendra un succès commercial et la tête de série d’une gamme « d’outils malins » [Avanti]. De même, Cesar Gobbi et Stéphane Desneux montent une activité de service lucrative autour des logiciels libres, gratuits [Opencare].
|niveau=
 
|titre=
=== … ou exploiter le crédit personnel et les réseaux des fondateurs ===
|cours=
Dans les autres cas que nous avons pu examiner, l’équipe fondatrice jouit dès le départ du crédit lié à l’expérience de ses membres. Les fondateurs de Business Objects ont travaillé plusieurs années chez Oracle et profité de relations familiales avec un spécialiste du NASDAQ, ceux de SOITEC valorisent des technologies mises au point au CEA et bénéficient du soutien de ses laboratoires (le procédé qui fera le succès de l’entreprise n’est d’ailleurs pas celui qui a motivé sa création mais une autre technologie du LETI dont ils acquerront la licence). L’équipe réunit souvent des experts techniques pointus et des gestionnaires, comme chez Arisem ou chez Esterel Technologies [BusinessObjects, Soitec, Arisem, Esterel]. Parfois le fondateur exerçait déjà des fonctions de direction générale ou technique comme André Ulmann chez HMR ou André Michel chez Servier [HRA, Aureus]. De même, si Alain Cojean a pu attirer des investisseurs pour financer un nouveau concept de chaîne de restauration rapide haut de gamme, c’est parce que son expérience de directeur du développement de McDonald lui donnait une crédibilité personnelle essentielle dans ce domaine.
}}
 
La start-up dans un garage est donc, sinon un mythe, du moins une exception assez rare. Au cours d’une vingtaine de séances du séminaire consacrées à la discussion de l’expérience de fondateurs ou de gestionnaires de start-up (liste et résumés en annexe), nous avons tenté d’identifier quelques traits récurrents qui semblent différencier les succès d’expériences moins heureuses. Nous ne savons pas dans quelle mesure notre échantillon est représentatif et nos constats sont donc autant de conjectures qui ont résisté à une discussion de groupe très ouverte, mais doivent être validées par ailleurs. D’une part, rien ne prouve que des traits qui semblent caractéristiques du succès ne soient pas partagés par beaucoup d’entreprises ayant échoué, d’autre part, les relations de causalité sont parfois ambiguës et telle particularité qui paraît à l’origine du succès ne se développe peut-être que comme conséquence de ce succès.
 
Après avoir présenté ces caractéristiques saillantes, nous aborderons l’action des pouvoirs publics et des grands groupes.
 
== Quelques conditions du succès==
=== Rassembler les compétences complémentaires nécessaires ===
 
Les créateurs de start-up à fort contenu technologique sont souvent des scientifiques ou des technologues qui sous-estiment l’importance des autres fonctions, notamment de marketing et de vente, mais aussi d’industrialisation, de service avant ou après vente. C’est spécialement vrai en France où les ingénieurs et les vendeurs ne sont pas formés sur les mêmes campus [Inria].
 
Lorsqu’il n’est pas possible de rassembler toutes les compétences désirables dans l’équipe initiale, on peut parfois mobiliser une partie des talents nécessaires chez des partenaires externes. Il peut s’agir d’alliés invités à siéger au conseil d’administration de l’entreprise ou de spécialistes présentés par un investisseur [Sofinnova, Vallée]. Parfois l’entreprise s’appuie sur les laboratoires publics ou privés dont sont issus des membres de l’équipe ou la technologie exploitée. C’est souvent le cas pour les spin-off de l’INRIA ou du CEA qui profitent d’un accès plus facile aux ressources de leur institut d’origine [Inria, Soitec, Soisic]. De même Meristem Therapeutics a largement bénéficié des services agronomiques de la coopérative Limagrain dont elle est issue [Meristem]. Il peut s’agir aussi du réseau professionnel des fondateurs ou des premiers cadres de haut niveau recrutés. Ainsi HRA Pharma s’est créé à une époque où Hoechst-Marion-Roussel incitait beaucoup de ses collaborateurs au départ et le PDG de l’entreprise a pu mobiliser largement leurs compétences [HRA]. Ces alliés externes pourront ainsi participer à l’aventure à moindre risque, puisqu’ils l’aident « en perruque », sans que leur situation personnelle ne dépende totalement du succès de l'entreprise. Le risque est plus réel pour les investisseurs, mais en dehors du cercle personnel de l’entrepreneur (family, friends and fools), ceux-ci répartissent leurs investissements et ne dépendent pas du succès d’une seule opération.
 
Enfin, une PME s’appuiera parfois sur un fournisseur pour lequel elle constitue un client « instructif » aux besoins particulièrement avancés. C’est le cas de Projective Design qui entretient des partenariats stratégiques avec ses fournisseurs de circuits intégrés et de lampes. Il arrive aussi qu’un client mette les moyens nécessaires pour s’assurer de la disponibilité d’une technologie complémentaire [Soitec].
 
Ce besoin de mobiliser des compétences nombreuses demande une capacité à faire travailler ensemble des individus de cultures très différentes au sein de l’entreprise ou du réseau de ses partenaires.
 
=== Un financement adapté aux objectifs et aux perspectives de l’entreprise ===
 
Beaucoup de créateurs d’entreprise sous-estiment largement leurs besoins financiers. Même si ce n’est pas le cas, il leur est souvent difficile de trouver des investisseurs ou des prêts. L’ANVAR ou les incubateurs ne peuvent engager que des montants limités, les banquiers classiques veulent des garanties de solvabilité donc des gages matériels qu’une entreprise qui construit des compétences et d’autres actifs incorporels ne peut fournir. Quant aux venture capitalistes, ils ne s’intéressent qu’aux entreprises ayant à la fois des besoins très substantiels, des perspectives de retour importantes en cas de succès et un scénario de sortie crédible (par cotation ou plus souvent rachat) dans un avenir assez proche, sans quoi ils ne peuvent espérer rentabiliser leurs ''due diligences''.
 
L’entrepreneur français souffre du manque d’investisseurs providentiels (business angels) capables de mettre quelques dizaines ou centaines de milliers d’euros en attendant que l’entreprise ait validé au moins les aspects techniques de son projet et ait besoin de sommes beaucoup plus importantes pour son développement commercial [Vallée, France Angels].
 
Dans certains cas, des fonds de ''corporate venture'' pourront se substituer avantageusement aux fonds « financiers », quand le groupe qui investit connait bien le marché et peut donc mieux juger le potentiel de l’entreprise (moindres coûts de transaction) et lorsqu’il a des intérêts stratégiques dans le développement de la technologie (la start-up peut devenir un fournisseur lui apportant une avance intéressante). Le groupe peut apporter à la start-up de précieux actifs complémentaires (capacité de fabrication, accès au marché). Le risque est qu’à terme, l’intérêt stratégique du groupe investisseur et celui de l’entreprise créée divergent (si par exemple l’entreprise a intérêt à vendre la technologie aux concurrents) [Barbier].
 
Un recours précoce aux investisseurs de ''venture capital'' implique une dilution économique et stratégique importante des fondateurs. C’est souvent nécessaire dans des cas où il est bien plus avantageux d’avoir quelques pourcents d’une belle entreprise que la totalité de rien, notamment quand le modèle économique implique la mise en œuvre rapide de développements technologiques, industriels ou commerciaux coûteux [Esterel, Business Objects]. Parfois, il peut être avantageux de démarrer sur un modèle mixte, lorsque les compétences à construire permettent une offre de service dont les revenus pourront être réinvestis dans le développement de produits. C’est ce qu’ont fait, dans des secteurs très différents, Projective Design (design d’équipements pour le compte de tiers avant de proposer leurs propres projecteurs), SOISIC (design de composants de technologie SOI, avant de vendre ses bibliothèques et outils de design) ou Aureus Pharma (mise en place de bases de données documentaires dans des laboratoires pharmaceutiques, avant de développer ses propres médicaments grâce à des outils documentaires très performants).
 
Un avantage de ce scénario prudent est qu’en cas de difficulté ou de retournement de conjoncture, l’entreprise peut se replier sur cette activité de service et connaître une croissance plus modeste mais robuste, fondée sur les compétences qu’elle a développées. Aureus a su s’y résoudre, SOISIC y a été contraint par les investisseurs, provoquant le départ du directeur, Arisem n’a pas eu la sagesse d’accepter ce scénario proposé par son PDG, Projective Design a pu passer à l’étape ultérieure et commercialiser ses propres produits.
 
=== Faire évoluer rapidement les objectifs de l’entreprise en fonction des événements, mais savoir rester focalisé ===
 
Les exemples précédents montrent l’importance de réévaluer régulièrement le modèle économique de l’entreprise en fonction des informations acquises sur la technologie, sur son marché, sur la compétition et sur l’environnement en général.
 
Les praticiens insistent sur la nécessité d’avoir des plans de rechange (contingency plans), mais aussi sur l’impossibilité d’un dialogue ouvert sur ceux-ci avec la plupart des investisseurs. En effet, si les investisseurs potentiels veulent des entrepreneurs flexibles et adaptables, ils ont besoin d’un rêve crédible qu’ils puissent faire partager. Un faisceau de scénarios trop complexe exposera l’incertitude du projet et les fera fuir [Aureus]. Rares sont les investisseurs capables d’analyser leurs participations comme un portefeuille d’options dont l’incertitude sur le sous-jacent augmente la valeur [Jacquet].
 
Même si tout se déroule conformément au business plan initial, le style de management et les qualités requises évoluent rapidement d’une phase à l’autre, selon qu’il s’agit de prouver la faisabilité technique, de livrer les premières commandes, de gérer l’expansion commerciale, voire d’administrer une entreprise qui s’est rapidement développée. Il faut que le dirigeant s’entoure de nouvelles compétences, s’adapte à un nouveau rôle ou s’efface [CDC-PME].
 
D’une manière générale, la croissance rapide et l’adaptation à un contexte peu prévisible impose de réexpliquer périodiquement à chaque collaborateur son rôle dans l’entreprise [Esterel] et d’imaginer fréquemment de nouvelles trajectoires de développement [Aureus].
 
Un danger serait cependant de vouloir maintenir beaucoup d’options ouvertes sans en avoir les moyens. Par crainte de se faire piéger dans un scénario qui n’est pas le meilleur, certaines entreprises ne savent pas se focaliser suffisamment. Or, comme l’a montré Geoffrey Moore, il ne s’agit pas de proposer une solution à moitié satisfaisante à tout le monde, mais d’apporter une solution parfaitement adaptée aux besoins de quelques premiers clients judicieusement choisis, puis d’évoluer à partir de ces premières références convaincantes [Esterel, Ilog, Arisem]. Il faut aussi respecter les échéances de sortie de nouvelles versions d’un logiciel ou d’un produit, soit pour tenir tête à la concurrence, soit pour rester crédible par rapport aux annonces faites. C’est donc souvent la date de mise sur le marché qui conditionne les fonctionnalités d’un produit (ou d’une de ses versions), plutôt que l’inverse [Business Objects, Twingo].
 
On voit la difficulté pour l’entrepreneur de satisfaire ces contraintes souvent contradictoires. Il doit annoncer un business plan convaincant tout en étudiant des stratégies alternatives, s’adapter aux événements tout en étant persévérant, voire obstiné, pour faire aboutir ses plans, être flexible mais rester focalisé, assigner des tâches précises mais gérer l’évolution et la redéfinition fréquente de celles-ci, y compris de son propre rôle de dirigeant, être un meneur d’hommes charismatique mais savoir se retirer à temps. Ajoutons, lorsque l’entrepreneur est un scientifique, qu’il vient d’une culture qui privilégie la compréhension des phénomènes et doit désormais donner la priorité à la réalisation et à la livraison des produits ou prestations promis (l’important est que ça marche, pas de comprendre pourquoi) [Kaplan, Soitec].
 
On comprend que l’entrepreneur ait besoin de conseils, voire de coaching. Dans certains cas, cette aide est apportée par un investisseur chevronné et impliqué, voire interventionniste (hands-on) [Korda, Barbier, Vallée], parfois par un dispositif d’incubation ou d’essaimage, lorsque ces fonctions sont exercées avec un professionnalisme suffisant [Inria, Soitec/CEA] ce qui est loin d’être toujours le cas.
 
On comprend aussi qu’un investisseur avisé soit souvent amené à demander au fondateur de se retirer de la direction opérationnelle de l’entreprise, et que la création directe d’une entreprise par un chercheur ne soit qu’une modalité de valorisation de sa créativité, ni la plus fréquente, ni souvent la plus prometteuse. Il sera parfois plus efficace que le scientifique soit conseil de l’entrepreneur qui exploitera ses idées, une modalité encouragée par la loi mais moins médiatisée [Laffitte].
 
== Que peuvent faire les pouvoirs publics ? ==
 
Analysant les expériences diverses de ses membres, un groupe de réflexion de l'opération de prospective [http://www.anrt.asso.fr FutuRIS] présidé par Gérard Worms et associant des entrepreneurs, des investisseurs, des chercheurs et des syndicalistes a émis en juin 2005 quelques recommandations pour favoriser le développement des jeunes entreprises innovantes [Worms] :
 
=== Faciliter l’émergence d’une culture favorable à l’entreprise ===
 
Trop de Français ignorent totalement les réalités de l’entreprise. On peut y remédier par une offre plus abondantes de stages en cours d’études. Il serait notamment souhaitable que tout enseignant ait pu faire un stage en entreprise au cours de sa formation. L’idée n’est certes pas nouvelle, mais comme elle porte ses fruits à long terme, on s’est peu empressé jusqu’ici de la mettre en œuvre.
 
=== Faciliter l’accès au marché ===
 
Plus que d’aides nombreuses, complexes et peu lisibles, les entreprises ont besoin de clients. Le principal obstacle est le comportement des acheteurs effrayés par le risque technique et économique lié à un fournisseur innovant peu établi. Sofaris, la branche assurance du groupe OSEO, pourrait assurer ce risque en proposant à l’acheteur déçu les moyens de se tourner vers un concurrent plus traditionnel et une compensation pour le retard et les inconvénients subis. La capacité d’expertise de l’ANVAR permet en effet une évaluation du risque à couvrir et donc la détermination de la prime d’assurance, dont la PME en mal de premiers débouchés sera souvent prête à payer le coût. Si OSEO utilise son double savoir-faire d’expertise technique |et d’ingénierie financière pour démonter la faisabilité de ce type de couverture du risque, on peut espérer que des assureurs privés s’engageront à leur tour sur ce marché dont la technicité les effraie.
 
Certains vont jusqu’à proposer un small business act (obligation pour l’Administration américaine et ses fournisseurs de sous-traiter une partie de leurs achats à des PME), au moins pour les bénéficiaires des largesses de l’État (entreprises sélectionnées pour mettre en œuvre les programmes mobilisateurs de l’Agence de l’Innovation Industrielle ou recevoir des financements au titre des pôles de compétitivité).
Rendre plus attractif l’investissement d’amorçage
Les jeunes entreprises ne trouvent souvent leurs premiers financements qu’auprès de trop rares « copains, cousins, cinglés » (family, friends and fools). Il est raisonnable de faire bénéficier ceux-ci d’incitations attrayantes (possibilité de déduire de leurs revenus les pertes éventuellement constatées, décote dans l’assiette de l’ISF pour ces placements à haut risque dont la valeur est sujette à caution, exonération de plus-values si l’investissement est conservé quelques années ou réduction d’impôts à l’entrée). Certaines de ces possibilités existent déjà, mais leur impact est limité par un plafond dérisoire.
 
=== Rendre plus attractif le marché des titres des jeunes entreprises innovantes cotées ===
Il est beaucoup plus intéressant pour un analyste financier ou un gestionnaire de fonds de s’intéresser à des entreprises de grande taille dont le marché est mûr (flottant abondant, prévisibilité des résultats et de leurs déterminants). Une incitation est donc nécessaire pour qu’une partie des liquidités soit investie sur les plus jeunes entreprises de la cote. C’est le cas au Royaume-Uni et plusieurs mesures sont proposées en France, notamment par France Biotech.
 
=== Agir sur l’environnement réglementaire ===
Plusieurs mesures pourraient rendre l’environnement plus favorable à la création d’entreprises à fort potentiel de croissance :
 
'''Une gestion simplifiée pour les petites entreprises'''
 
Le Royaume-Uni accorde un régime fiscal favorable et le bénéfice d’obligations administratives et comptables simplifiées jusqu’à des seuils de chiffre d’affaires beaucoup plus élevé qu’en France, où les petites entreprises subissent des obligations aussi lourdes que les grands groupes [Worms].
 
'''Une clarification du droit des faillites'''
 
Un investisseur anglo-saxon qui n’a pas commis de malversation ne risque que son investissement, tandis qu’en France, on peut plus facilement le suspecter de gestion de fait ou de soutien abusif, notamment lorsqu’il a laissé l’entreprise tenter un pari risqué dont le résultat a été décevant. Cette insécurité juridique dissuade certains investisseurs ou les tient éloignés du conseil d’administration où leur présence serait bénéfique [Korda, Sofinnova].
 
'''Une clarification du droit de la propriété intellectuelle et une mutualisation des coûts de défense'''
 
Les PME souffrent particulièrement d’un droit des brevets complexe, insuffisamment uniforme au sein de l’Union européenne (malgré la convention sur le brevet européen qui simplifie un dépôt dans plusieurs pays, les juridictions nationales ont des fonctionnements différents) et payent des coûts de traduction très lourds liés au fait que la France na jamais ratifié les accords de Londres qu’elle a pourtant signés en 2001. Elles manquent de moyens pour se défendre contre des poursuites frivoles ou pour poursuivre leurs contrefacteurs. Un des rôles de l’ANVAR ou de l’INPI pourrait être, après analyse juridique de la situation d’une entreprise harcelée par un attaquant de mauvaise foi ou victime d’une contrefaçon, de prendre en charge au moins partiellement ou sous forme d’avance remboursable les coûts de procédure de défense ou de poursuite.
 
''' Un assouplissement du droit de travail pour les spécialistes de haut niveau'''
Certaines entreprises sont dissuadées d’explorer certains développements, car en cas d’insuccès, elles auront dû embaucher des spécialistes de technologies particulières dont le licenciement sera coûteux et comportera des risques de contentieux. Le droit du travail pourrait être assoupli pour des contrats d’experts très qualifiés qui ne constituent pas une population vulnérable [attractivité].
 
=== Des actions à l’efficacité plus controversées ou à confirmer ===
La puissance publique intervient également en faveur des entreprises innovantes à travers un certain nombre de dispositifs dont l’efficacité pourrait parfois être améliorée. Ces dispositifs sont victimes des attentes contradictoires de leurs promoteurs, d’une absence d’arbitrage stratégique entre celles-ci, et souvent d’une gouvernance inefficace et d’un manque de professionnalisme de leurs dirigeants.
 
'''Les incubateurs'''
 
Créés par la loi de 1999 pour faciliter la création d’entreprises à partir de la recherche publique, les incubateurs apportent aux projets des moyens mutualisés de support, de formation, d’accès à des experts et de coaching pour aboutir à un business plan viable et validé. Ils sont parfois partagés entre le désir d’aider tous les projets technologiquement viables et celui d’afficher d’excellents résultats en soutenant les projets les plus prometteurs susceptibles d’attirer des investisseurs en capital-risque.
 
L’incubateur abrite souvent d’une part des projets aux débouchés mal établis qu’un comité de sélection plus exigeant aurait dû rejeter ou n’accueillir que le temps de valider ou non des points problématiques, d’autre part des projets mûrs et solides, qui profitent d’un effet d’aubaine (un crédit de 30 k€, un label valorisant et surtout un loyer modéré sans caution initiale), mais n’utilisent pas les autres moyens et prestations de l’incubateur. Si l’on juge l’incubateur uniquement sur son taux de réussite, on risque de privilégier ces derniers, qui pourraient se passer de l’incubateur. C’est le paradoxe connu des gestionnaires de HLM jugés sur le recouvrement des loyers, qui sélectionnent au sein de la population éligible la frange la plus solvable, c’est-à-dire celle qui a le moins besoin du dispositif d’aide.
 
On remarque que les incubateurs qui ont les meilleurs résultats sont souvent dirigés par une équipe ayant une solide expérience industrielle, tandis que d’autres sont dirigés par des universitaires ayant une vision plus théorique du marché.
 
Comme c’est souvent le cas en France, les incubateurs souffrent surtout de la difficulté de l’État à piloter ce genre de politique laissant beaucoup de marge d’initiative aux acteurs, c’est-à-dire à donner leur chance à beaucoup d’acteurs durant une période limitée mais suffisante, puis à « trier le bon grain de l’ivraie » en renforçant les moyens de ceux qui ont des performances satisfaisantes et en cessant de financer ceux qui ont échoué.
 
'''Les fonds d’amorçage'''
Les fonds d’amorçage sont destinés à financer la période où l’entreprise ne peut pas encore intéresser les intervenants du capital-risque. Ils sont donc soit condamnés à perdre de l’argent, puisqu’ils interviennent à une étape où des acteurs privés ne peuvent rentabiliser les due diligences à entreprendre sur des montants relativement modestes, soit doivent disposer d’importantes réserves pour participer aux tours de financement suivants lorsque le projet réussit [CDC-PME].
 
'''Les pôles de compétitivité'''
 
Le dispositif est trop récent et fera l’objet de prochaines séances du séminaire. Là aussi, le système est polarisé par des objectifs contradictoires : renforcer les pôles d’excellence existants pour qu’ils améliorent encore leur impact ou exploiter des synergies latentes par une action beaucoup plus volontariste, voire offrir une aide à des régions économiquement fragilisées pour retrouver des axes de développement. La mise en place du dispositif est assez confuse pour le moment, car les acteurs ont des attentes très variées et la gouvernance des pôles est loin d’être stabilisée. Le risque d’une action volontariste qui ne laisse pas assez le temps au temps est de créer des écosystèmes lacunaires, par exemple le Génopole a longtemps souffert de sa difficulté à attirer des laboratoires de grande entreprise [Avrillier Le Du].
 
'''OSEO-Innovation (ex ANVAR)'''
 
OSEO est en général évoqué comme un partenaire efficace et compétent jouant un rôle essentiel, surtout au démarrage de l’entreprise. Il bénéficie de l’indépendance d’une Agence, d’une gouvernance claire, d’un maillage territorial dense et d’une grande autonomie laissée aux niveaux de décision régionaux.
 
== Des grands groupes encore trop peu mobilisés ==
 
Les grandes entreprises peuvent jouer un rôle essentiel dans le développement d’un écosystème florissant et propice à l’innovation dont elles recueilleront beaucoup d’avantages. Leurs apports potentiels sont multiples.
 
Nous avons déjà évoqué le corporate venture. Celui-ci se développe lentement car les taux de retour financiers restent souvent modestes et de nombreux autres avantages qu’en retire l’entreprise (exploration de pistes alternatives, options sur de nouvelles technologies) sont difficiles à mesurer [Barbier].
 
L’essaimage permet à un groupe de valoriser des applications de technologies qu’il a développées en dehors des marchés sur lesquels il souhaite investir, en suscitant la création d’une nouvelle entreprise, ou en transférant la technologie à un partenaire. Ainsi, Michel Schott (InfoRéalité) identifie dans des groupes comme Thales des technologies exploitables sur des marchés éloignés des métiers du groupe [Schott]. D’autres entreprises exploitent des niches délaissées par les grands acteurs, comme HRA Pharma qui met en œuvre des applications déjà documentées de molécules déjà commercialisées pour d’autres indications thérapeutiques et peut obtenir rapidement et sans risque des autorisations de mise sur le marché. De même, Business Ojects est née d’une idée pour laquelle Oracle, l’employeur de ses fondateurs, ne manifestait pas d’intérêt.
 
Une grande entreprise peut avoir un intérêt direct à favoriser le développement d’un écosystème innovant avec lequel elle travaillera en réseau, notamment lorsqu’elle met en œuvre une stratégie de plate-forme et profite des technologies compatibles qui enrichissent son environnement. C’est par exemple le cas des constructeurs de systèmes d’exploitation ou de processeur [Intel, SiliconValley].
 
Ils peuvent aussi y trouver des bénéfices indirects, en termes d’image dans une société qui valorisera de plus en plus les entreprises socialement responsables, d’adhésion des employés sensibles aux impacts indirects de leur travail, voire des investisseurs si les agences de notation s’intéressent à ces retombées de leur activité. L’État peut amplifier ces bénéfices s’il fait des actions de l’entreprise en faveur de son environnement un critère d’éligibilité à l’obtention de marchés publics ou à la participation aux programmes mobilisateurs pour l’innovation.
 
[[Catégorie:Management de l'innovation]]