« Fondements des mathématiques/Des preuves de cohérence » : différence entre les versions

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Ce chapitre expose des preuves de cohérence des principes mathématiques. Il est plus audacieux que les précédents, pour lesquels presque tous les résultats présentés sont connus et prouvés depuis des décennies.
 
== Comment prouver la fiabilité des principes ? ==
Les preuves de la vérité et de la fiabilité des principes sont confrontées à un problème de circularité : à partir de quels principes peut-on prouver la fiabilité des principes ? L’examen de ce problème requiert quelques préliminaires.
 
=== Qu’est-ce qu’une preuve ? ===
L’un des principes mathématiques les plus importants est que les vérités doivent être prouvées. Une part importante du travail mathématique consiste précisément à imaginer et à écrire des preuves.
 
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Quand elles sont définies de cette façon, les preuves sont définies avec précision, mais elles sont seulement des moyens pour trouver de nouvelles vérités à partir de vérités déjà connues. Dans une théorie mathématique, tous les théorèmes sont ainsi prouvés à partir des axiomes. Si nous voulons que les théorèmes soient vrais, il nous faut des axiomes vrais. Mais comment savoir que les axiomes sont vrais ?
 
=== Comment prouver la vérité des axiomes ? ===
Leibniz a posé en principe que tout axiome, tout principe, doit être prouvé. Mais il n’a pas dit très précisément comment le faire. A partir de quels principes peut-on prouver la vérité des principes ?
 
Pour prouver que quelque chose est vrai, il faut avoir une idée de la vérité. La théorie des modèles donne une telle idée et un moyen de prouver qu’un axiome est vrai. Un système d’axiomes est vrai quand il y a un modèle pour lui. Il suffit de trouver un modèle et la vérité de tous les axiomes est automatiquement établie. C’est vrai pour toutes les formules, pas seulement les axiomes. Pour prouver la vérité d’une formule, il faut prouver qu’elle est vraie dans un modèle. Mais habituellement une formule est prouvée à partir d’axiomes et le modèle, s’il existe, est seulement implicite. Cela suffit pour prouver la vérité de cette formule dans le modèle pourvu que l’on sache déjà que les axiomes y sont vrais et que les déductions logiques soient valides.
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Toute preuve de la fiabilité des principes de preuve a quelque chose de circulaire. Mais ce cercle n’est pas vicieux, ou pas trop, au sens où il ne remet pas en question la vérité de nos principes. S’il l’était alors on ne pourrait rien connaître avec certitude en mathématiques. Même les théories les plus élémentaires seraient douteuses. Par exemple, il est facile de définir une théorie qui contient toutes les égalités de la forme n + p = q où n, p et q sont des entiers positifs. Que cette théorie ne contient pas 2+2 = 5 peut être prouvé à partir de sa définition. Mais dans cette preuve, on raisonne sur l’ensemble de toutes les égalités qui définit la théorie. Ce serait cependant un absurde excès de rigueur logique d’avoir le moindre doute sur sa validité. Les seuls problèmes que posent cette preuve et d’autres semblables sont d’une part la portée des principes utilisés et d’autre part la façon de les formuler avec précision. Tant qu’on se limite à des techniques élémentaires, on peut être sûr de leur fiabilité, mais qu’en est-il quand on veut étendre leur puissance ?
 
Avant de définir la moindre théorie axiomatique des ensembles, nous savons qu’il y a des systèmes d’axiomes cohérents pour les ensembles parce que nous savons que les ensembles existent d’une façon idéale. Il y a parfois des doutes sur la justesse d’une théorie particulière. Russell a prouvé que la théorie fregeienne des ensembles est contradictoire. On peut aussi avoir des doutes sur le choix de règles formelles particulières. Des logiciens se sont déjà trompés dans l’énoncé des règles pour les variables, par exemple, en omettant de mentionner des contraintes sur les occurrences libres et liées dans les règles de déduction. Mais il n’y a pas de raison d’être plus sceptique sur l’existence idéale de nombreux ensembles élémentaires que sur l’existence des nombres entiers.
 
Avant de définir des méthodes formelles, nous savons que certaines de nos raisonnements naturels sont fiables, parce que leurs principes sont nécessaires pour tout être rationnel, au sens où toute personne qui prend le temps d’y penser tombe d’accord sur leur nécessité. Si nous n’étions pas convaincus par la vérité de ces principes élémentaires (règles de déduction, vérités sur les mots, les formules et leurs ensembles,...) alors nous ne pourrions pas être rationnels. Nous sommes convaincus que certaines preuves ont quelque chose à voir avec la vérité. Avant d’énoncer formellement nos principes, nous savons ou nous croyons qu’ils ont une part de vérité. Pourrions-nous avoir tort ?
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Tant qu’on se limite aux cas les plus élémentaires, on peut se fier à nos connaissances intuitives sur les principes de preuve. Mais si on veut aller plus loin, alors il faut s’interroger de façon critique sur la fiabilité de nos méthodes et prouver avec des moyens élémentaires que des méthodes non-élémentaires sont fiables. Ce point est développé dans ce chapitre. Il résume à lui seul tout l’esprit de cette approche des fondements des mathématiques. C’est l’histoire du lion, la vérité, qui se fait aider par une souris, les évidences élémentaires.
 
=== A quoi servent les méthodes formelles ? ===
Quand on se limite à des questions élémentaires, on peut être sûr que les preuves informelles sont valides. On n’a pas besoin des méthodes formelles pour s’assurer de l’absolue vérité de ce qu’on dit, les évidences naturelles suffisent. Mais ce n’est qu’un commencement. Les méthodes formelles permettent d’aller beaucoup plus loin, pour plusieurs raisons.
 
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La méthode formaliste de Frege lui a permis d’éviter tous les sophismes, mais il est tombé sur un paradoxe. Russell lui a prouvé que ses axiomes, pourtant naturels, conduisent à une contradiction. Cette preuve a été présentée dans le chapitre 3.
 
Sans les méthodes formelles, on ne peut pas espérer répondre au problème de la fiabilité ou de la cohérence des principes mathématiques. Il faut être précis, comme Frege, sur ce qu’on prend comme axiomes et sur ce qu’on admet comme règle de déduction, pour pouvoir alors prouver que les principes sont cohérents. On ne peut pas le faire pour les principes naturels parce qu’ils sont incohérents. Bien naïf est celui qui n’a pas compris qu’on peut toujours tout prouver, à la fois une chose et son contraire, il suffit de quelques phrases bien tournées. Mais il n’est souvent pas difficile de se protéger contre cette absurdité de la raison naturelle. Pour les raisonnements courants, il suffit en général de préciser un peu les significations. Si on rencontre un paradoxe, on sait alors qu’on a besoin d’une théorie plus prudente quant au choix de ses principes. On est conduit à développer une théorie formelle avec des axiomes et des règles clairement explicitées.
 
=== Le programme de Hilbert ===
Le paradoxe de Russell, comme de nombreux autres paradoxes ensemblistes, se pose à propos de grands ensembles, tels que l’ensemble de tous les ensembles, l’ensemble de tous les ensembles qui ne sont pas dans eux-mêmes, l’ensemble de tous les ordinaux, et quelques autres. Cette situation avait jeté un soupçon sur les découvertes de Cantor. Certains mathématiciens restaient sceptiques quant à la signification et à la portée de ses théorèmes. Mais d’autres plus audacieux ont compris que Cantor avait livré les clés d’un paradis parce qu’il a donné les moyens de raisonner avec justesse sur tous les ensembles concevables et que cela permettait de développer des théories beaucoup plus puissantes que tout ce qui avait été conçu jusque là.
 
Les paradoxes de la théorie des ensembles ne remettaient pas en question la vérité des principes élémentaires, tels que ceux des théories des nombres entiers. Tant qu’on se limite aux nombres entiers, l’évidence des principes n’est pas contestable. Les théories sont des ensembles de formules et peuvent être définies avec des principes semblables à ceux qui sont utilisés en arithmétique. Dans les deux cas, on peut raisonner comme si l’on parlait de suites finies de signes graphiques. Hilbert faisait remarquer que les nombres peuvent être identifiés à des suites de barres par exemple : 1=/, 2=//, 3=///, 4=////, ... Les formules peuvent de même être identifiées à des suites de lettres, ou symboles. Les ensembles de nombres ou de formules sont des systèmes formels. Tant qu’on se limite aux systèmes formels et à quelques autres ensembles que l’on peut construire à partir d’eux, les mathématiques sont finitaires.
 
On peut formaliser la théorie de Cantor, c’est à dire définir avec précision un ensemble de formules prouvables à partir d’axiomes. On obtient ainsi un ensemble finitaire de formules destinées à dire des vérités sur tous les ensembles, et pas seulement ceux qui peuvent être identifiés à des ensembles finitaires déjà construits. Pour développer la théorie générale des ensembles sans tomber dans des contradictions, on est conduit à étudier un ensemble finitaire. On peut alors espérer prouver avec des méthodes finitaires que la théorie est cohérente. Cela place les mathématiques finitaires au coeur de toutes les mathématiques, parce que si on a prouvé qu’une théorie est cohérente on a établi du même coup l’existence mathématique des êtres qu’elle définit. La fiabilité des méthodes générales peut ainsi être prouvée avec des méthodes finitaires.
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Les sections suivantes prouveront que le programme de Hilbert est réalisable, pourvu qu’on abandonne l’espoir de complétude, qu’on demande seulement des preuves de cohérence, qu’on fasse attention dans le développement de l’ontologie des ensembles et des fonctions, et qu’on fasse confiance à la capacité de la raison à connaître les ensembles infinis, au moins quand ils sont définis avec des moyens élémentaires. Ce programme est considéré ici comme une forme moderne du programme de Leibniz, selon lequel il faut prouver la vérité des principes.
 
== Les preuves de cohérence par la théorie des modèles ==
On peut prouver la cohérence d’une théorie T en construisant un modèle de T, c’est à dire un ensemble de formules atomiques telles que tous les axiomes de T sont vrais pour elles. L’ensemble des vérités atomiques de l’arithmétique élémentaire permet par exemple de prouver la cohérence des théories arithmétiques.
 
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La méthode qui vient d’être exposée rencontre l’objection suivante. On prouve la cohérence d’une théorie T avec une théorie T+ plus compliquée que T. Il se pourrait que T soit incohérente, que T+ le soit également et qu’elle permette quand même de prouver que T est cohérente. Ces preuves de cohérence ne prouveraient donc rien du tout.
 
Cette objection n’est ici pas valable. Avant de définir Finitaire1, on sait dèjà que l’arithmétique formelle est cohérente et on sait le prouver. Le rôle de Finitaire1 est seulement de traduire une preuve naturelle dans un langage formalisé. Si ses axiomes avaient été mal choisis, Finitaire1 pourrait être incohérente, mais cela n’enlèverait rien à la valeur de la preuve de la cohérence de l’arithmétique formelle, cela montrerait seulement les difficultés de la formalisation des preuves naturelles.
 
Comme on sait que Finitaire1 et d’autres théories finitaires élargies sont cohérentes, on peut s’en servir pour prouver la cohérence d’autres théories. Nous prouverons que les méthodes finitaires sont en un sens toujours suffisantes, au sens où si une théorie est cohérente alors elle a un modèle finitaire. C’est une conséquence, ou plus exactement une reformulation, du théorème de complétude de Gödel. Mais on ne peut pas déduire de ce théorème l’existence d’une théorie finitaire complète, au sens où elle suffirait pour toutes les preuves de cohérence.
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La seule véritable difficulté de ces preuves formelles consiste à choisir une ontologie adaptée à leur but.
 
== Une preuve naturelle de la cohérence de l’arithmétique formelle ==
Cette page expose des axiomes pour l’arithmétique formelle et une preuve naturelle, connue des logiciens, de la cohérence de ces axiomes.
 
[[Fondements des mathématiques/Des preuves de cohérence/Preuve naturelle de la cohérence de l'arithmétique formelle|Une preuve naturelle de la cohérence de l’arithmétique formelle]]
 
=== Les axiomes de l’arithmétique formelle ===
 
=== La vérité des axiomes ===
 
== La construction finitaire de l’ensemble des vérités à partir d’un modèle ==
[[Fondements des mathématiques/Des preuves de cohérence/Construction finitaire de l'ensemble des vérités|La construction finitaire de l’ensemble des vérités à partir d’un modèle]]
== Une preuve formelle de la cohérence de l’arithmétique formelle ==
[[Fondements des mathématiques/Des preuves de cohérence/Preuve formelle de la cohérence de l'arithmétique formelle|Une preuve formelle de la cohérence de l’arithmétique formelle]]
== La cohérence des théories des ensembles finitaires ==
[[Fondements des mathématiques/Des preuves de cohérence/Cohérence des théories finitaires|La cohérence des théories des ensembles finitaires]]
== Le second théorème d’incomplétude de Gödel et le programme de Hilbert ==
[[Fondements des mathématiques/Des preuves de cohérence/Second théorème d'incomplétude de Gödel|Le second théorème d’incomplétude de Gödel et le programme de Hilbert]]
== Les Paradoxes des théories finitaires ==
[[Fondements des mathématiques/Des preuves de cohérence/Paradoxes des théories finitaires|Les Paradoxes des théories finitaires]]
== La cohérence des théories infinitaires ==
[[Fondements des mathématiques/Des preuves de cohérence/Cohérence des théories infinitaires|La cohérence des théories infinitaires]]