Théorie des groupes/Examen/Licence math algèbre Université de Provence avril 1997
Il sera tenu compte de la rigueur des raisonnements et de la présentation.
Soit G un groupe multiplicatif dont la loi est dénotée par juxtaposition et dont l'élément neutre est e. Dans tout le problème, p désignera un nombre premier impair.
1 ) Soit n ∈ ℕ* et A un groupe d'ordre 2n.
- a) Montrer que tout sous-groupe dans A qui est d'ordre n est distingué de A.
- b) Soit U = {x ∈ A|x2 = e} et V = {x ∈ A|x2 ≠ e}. Montrer que V contient un nombre pair d'éléments. En déduire que A contient au moins un élément d'ordre 2.
Dans toute la suite de la partie I, G désigne un groupe d'ordre 2p.
2 ) a) Quels sont les ordres possibles des éléments de G ?
- b) On suppose que tout élémet x de G vérifie x2 = e. Montrer que G est commutatif.
- c) Soit x,y ∈ G-{e} avec x ≠ y. Montrer que le sous-groupe 〈x,y〉 engendré par x et y serait d'ordre 4.
- d) En déduire qu'un groupe d'ordre 2p contient toujours un élément d'ordre p.
On sait donc maintenant qu'un groupe d'ordre 2p contient toujours un élément a d'ordre 2, et un élément u d'ordre p. Soit H le sous-groupe 〈u〉 de G engendré par l'élément u.
3 ) a) Quel est l'indice [G:H] de H dans G? Déduire que H est distingué dans G.
Soit Φa, l'automorphisme intérieur associé à a. Quels sont les deux ordres possibles de Φa dans Aut G ?
- b) Montrer qu’il existe un entier i avec 1 ≤ i ≤ p - 1 tel que aua-1 = Φa(u) = ui.
- c) Montrer, en calculant de deux façons différentes Φa(Φa(u)), que i2 - 1 ≡ 0 (mod p). En déduire que i ∈ {1,1-p}.
- d) Montrer que G est abélien si et seulement si i = 1. Quand i = 1, montrer que G contient un élément d'ordre 2p, et que G ≅ ℤ2✕ℤp.
4 ) On suppose maintenant que G n’est pas abélien ( et donc i = p - 1).
- a) Montrer que au = u-1a, puis que pour tout k ∈ ℕ*, auk = u-ka.
- b) Montrer que tout élément g de G s'écrit de manière unique g = uiai, avec 0 ≤ i ≤ p-1, 0 ≤ j ≤ 1. En déduire que la table de multiplication de G est imposée et donc tous les groupes non abéliens d'ordre 2p sont isomorphes.
5 ) soit E le sous-ensemble de G, E = {xyx-1y-1 | x, k ∈ G}. Soit H un sous-groupe distingué de G. Si x ∈ G, on notera sa classe modulo H.
- Montrer que le groupe quotient G/H est commutatif si et seulement si E ⊂ H.
6 ) Soit Γ l’ensemble des matrices 2 ✕ 2 de la forme où ε ∈ {1,-1} et a ∈ ℤ.
- a) Montrer que Γ est un sous-groupe de GL(2,ℝ).
- b) On pose :
- Montrer que H est un sous-groupe distingué de Γ.
- c) On pose α = , β = . Calculer αβα-1β-1 et en déduire que Λ = Γ/H n’est pas commutatif.
- d) Soit :
- Montrer que tout élément de Γ est congru à un unique élément de X modulo H. En déduire l’ordre de Λ.
Combien y a-t-il à isomorphisme près de groupes d'ordre 2p ?
Donnez un exemple dans chaque classe d'isomorphisme.
Soit H un sous-groupe d'ordre n de A
1 ) a) Soit a ∉ H.
Dans la congruence modulo H, que ce soit à gauche ou à droite, il ne peut y avoir que deux classes contenant chacune n éléments. Celle de l'élément neutre H et une autre; aH pour la congruence à gauche et Ha pour la congruence à droite.
On a donc : aH = Ha.
Et par conséquent, H est distingué dans A.
- b) Soit x ∈ V.
De xx-1 = e, on déduit x-1 ≠ x (sinon x2 = e). On déduit aussi x2(x-1)2 = e, ce qui montre aussi que (x-1)2 ≠ e (sinon x2 = e). On peut donc grouper les éléments de V par deux en prenant dans chaque groupe un élément et son inverse. Ce qui montrer que V contient un nombre pair d'éléments.
Ensuite : Card U + Card V = Card A. Comme Card V et Card A sont des nombres pairs, on en déduit que Card U est un nombre pair. Comme U contient e , son cardinal est donc au moins 2. Ce qui montre qu’il contient, en dehors de e, au moins un autre élément x vérifiant x2 = e, c'est-à-dire d'ordre 2.
2 )
a) Les ordres des éléments de G divisent l’ordre de G qui est 2p. Les ordres des éléments de G sont donc 1, 2, p, 2p.
b) Supposons que tout élément x de G vérifie x2 = e. Montrons que G est abélien. Soit x et y, deux éléments quelconques de G.
On a : x2 = e, y2 = e et (xy)2 = e.
Ce qui montre que : x-1 = x et y-1 = y.
De (xy)2 = e, on déduit : xyxy = e, puis xy = y-1x-1.
Et comme y-1 = y et x-1 = x, on obtient : xy = yx. Donc G est abélien.
c) Soit x, y ∈ G-{e}.〈x, y〉 contient les éléments e, x, y, xy. Car xy ≠ x sinon y = e et xy ≠ y sinon x = e et xy ≠ e sinon x = y.
Nous voyons que toute combinaison d'éléments de {e,x,y,xy} redonne un élément de {e,x,y,xy} et donc : <x,y> = {e,x,y,xy} et donc <x,y> est d'ordre 4.
d) Ceci n’est pas possible dans un groupe G d'ordre 2p avec p premier impair. Car d’après le théorème de Lagrange, l’ordre d'un sous-groupe divise l’ordre du groupe et 2p n’est pas divisible par 4. On arrive bien à une contradiction qui montre que l'hypothèse envisagé est fausse, à savoir : tout élément x de G vérifie x2 = e. il existe donc un élément x de G vérifiant x2 ≠ e. L'ordre de x est donc soit p, soit 2p. Si l’ordre de x est 2p, c’est x2 qui répond à la question. Un groupe d'ordre 2p contient donc toujours un élément d'ordre p.
3 )
a) si u est d'ordre p, le sous-groupe H engendré par u est donc le sous-groupe cyclique d'ordre p et donc |H| = p.
On a donc :
On en déduit d’après le 1)a) que H est distingué dans G. ᗄ x ∈ G, on a Φa ◯ Φa(x) = Φa(axa-1) = a2x(a-1)2 = x, (car a2 = e). Et : Φa ◯ Φa = IG.
Par conséquent : Φa est au maximum d'ordre 2.
Toutefois si x commute avec a, on a : Φa(x) = axa-1 = xaa-1 = x et Φa = IG si G est abélien.
Par conséquent Φa est d'ordre 1 ou 2.
b) H = 〈u〉 est distingué dans G, donc aua-1 ∈ H et donc il existe i tel que aua-1 = ui = Φa(u) avec 1 ≤ i ≤ p-1.
c) On a :
D'autre par Φa étant d'ordre 2 ou 1, on a :
On a donc :
u étant d'ordre p, on en déduit que i2-1 est un multiple de p et donc : i2 - 1 ≡ 0 (mod p).
Qui peut aussi s'écrire : (i - 1)(i + 1) ≡ 0 (mod p) et donc (i - 1)(i + 1) est multiple de p. Comme p est premier, cela signifie que p divise (i - 1) ou p divise (i + 1).
Si p divise (i - 1), comme de plus 1 ≤ i ≤ (p - 1), cela n'est possible que si i = 1.
Si p divise (i + 1), comme de plus 1 ≤ i ≤ (p - 1), cela n'est possible que si i + 1 = p, soit i = p - 1. :
Et donc : i ∈ {1,p-1}.
d) Montrons que G est abélien si et seulement si i = 1.
- Si G est abélien, alors aua-1 = uaa-1 = u. Comme aua-1 = ui, on a i = 1.
- Si i = 1, on a aua-1 = u, ce qui entraîne au = ua.
Tout élément de H s'écrit uk avec 1 ≤ k ≤ p-1. Et on a :
Donc a commute avec tout élément de H.
D'autre part, en considérant la congruence modulo H, G est la réunion des deux classes Ha et H. Donc tout élément x ∉ H s'écrit ha avec h ∈ H. Il existe donc k tel que x = uka. Ce qui montre que tout élément de G s'écrit sous la forme ukaj avec 0 ≤ j ≤ 1. Comme u commute avec a, tous les éléments de G commutent entre eux et G est donc abélien.
Supposons i = 1. G contient un élément d'ordre 2p. En effet, ua vérifie (ua)2p = (up)2(a2)p = e2ep = e
Ensuite 〈a〉 ≅ ℤ2 et 〈u〉 ≅ ℤp.
On a vu que tout élément de 〈a〉 commute avec tout élément de 〈u〉 et d’autre part : 〈a〉 ᑎ 〈u〉 = {e}. On a donc G ≅〈a〉✕〈u〉 et donc G ≅ ℤ2 ✕ ℤp.
4 )
a) On a :
Soit k ∈ ℕ*, si k est un multiple de p, on a : uk = e et on a bien auk = u-ka. Si k n’est pas un multiple de p, alors k est premier avec p et donc uk est aussi d'ordre p. La relation au = u-1a est donc toujours vraie si on remplace u par uk. On a bien auk = u-ka.
b) Considérons encore la congruence à droite modulo H. Il y a deux classes H et Ha. Tout élément de G appartient soit à H soit à Ha. Dons s'écrit soit sous la forme ui, s'il appartient à H (avec 0 ≤ i ≤ p-1), soit sous la forme uia, s'il appartient à Ha (avec 0 ≤ i ≤ p-1). On voit bien que tout élément g de G s'écrit de manière unique sous la forme uiaj avec 0 ≤ i ≤ p-1 et 0 ≤ j ≤ 1.
Montrons que la table de multiplication de G est imposée. Soit deux éléments g1 et g2 de G. D'après ce qui précède, il existe i1, j1, i2, j2 avec 0 ≤ i1 ≤ p-1, 0 ≤ j1 ≤ 1, 0 ≤ i2 ≤ p-1, 0 ≤ j2 ≤ 1 tel que g1 = ui1aj1 et g2 = ui2aj2 et on a :
Si j1 = 1 et j2 = 1, on a :
Si i1 - i2 < 0, on a:
avec 0 ≤ p + i1 - i2 ≤ p - 1.
On voit que dans tous les cas g1g2 se met bien sous la forme uiaj avec 0 ≤ i ≤ p - 1, 0 ≤ j ≤ 1.
On peut donc construire, de façon unique, la table de multiplication de G et par conséquent, tous les groupes non abéliens d'ordre 2p sont isomorphes.
5 ) On a :
6 )
a) ᗄ a ∈ ℤ et ᗄ ε ∈ {-1, 1} l'inverse de la matrice est la matrice qui appartient bien à Γ. De plus :
Donc Γ est bien un sous-espace de GL(2,ℝ).
b) On vient de voir que ᗄ a ᗄ ε a pour inverse
et ᗄ ∈ H, on a :
Donc H est un sous-groupe distingué de Γ.
c) On a :
Car il n'existe aucun nombre premier impair et aucun x ∈ ℤ tel que px = 2 et d’après question (5), on en déduit que Λ = Γ/H n’est pas commutatif.
d) Cherchons à quelle condition un élément de Γ est congru à un élément de X modulo H.
On a :
sera un élément de H si ε=(-1)j et si i - a est un multiple de p.
Par conséquent, si a ≡ i (mod p), est congru à modulo H.
Chaque classe de Λ = Γ/H peut donc être représenté par un élément avec 0 ≤ i ≤ p - 1 et 0 ≤ j ≤ 1.
L'ordre de Λ est donc 2p.
On a vu question 3 ) d) que si un groupe d'ordre 2p était abélien, il était isomorphe à ℤ2 ✕ ℤp.
On a vu aussi question 4 ) que tous les groupes non abéliens d'ordre 2p sont isomorphes.
On peut donc en conclure qu’il existe donc seulement 2 groupes d'ordre 2p. Un représenté par ℤ2 ✕ ℤp et l'autre représenté par l’ensemble Λ vu en question 6 )
Par exemple en prenant p = 3, il existe deux groupes d'ordre 2 ✕ 3 = 6 :
- le groupe cyclique d'ordre 6 ;
- le groupe S3 des permutations de 3 objets.