Utilisateur:Claude PIARD/Brouillon/La méthode naturelle française
Georges Hébert (1875-1957) entre à l'Ecole Navale en 1893 et de 1895 à 1903 parcourt les côtes d'Afrique et d'Amérique du sud comme officier de bord des derniers grands voiliers militaires.
L'éducation physique militaire
modifierDe retour en France, il contribue à l'effort d'éducation morale et patriotique en élaborant une méthode d'éducation physique et virile à partir de ses observations sur la vie des peuples primitifs et des marins. Mais l’influence lointaine de Basedow et de Gutsmuths est très probable. La méthode repose en effet sur les notions de grand air, de pleine nature, de nudité décente et la pratique d'exercices naturels déterminés à partir de l'analyse de la motricité des primitifs et classés en trois catégories :
- les locomotions principales : marche, course et saut - la course prime toute autre activité.
- les locomotions secondaires : grimper, quadrupédie, équilibriste, natation - la quadrupédie offre une synthèse de gestes qui lui permet de remplacer les trois autres.
- les activités industrieuses et de défense : lever, porter, pousser, manipuler, lancer, lutter.
Hébert joint à ce panel
- la maîtrise des outils, des armes et des moyens de déplacement contemporains
- ainsi que les activités de divertissement : acrobatie, jonglage, danse, chant.
On doit développer ainsi la capacité de se déplacer vite et loin en surmontant des obstacles variés et en résistant aux intempéries. Dès 1905, il applique sa conception à l’école des fusiliers marins de Lorient où il forme de véritables athlètes de commandos. Le travail s'effectue sous forme de parcours en pleine nature, en état de nudité décente plus ou moins prononcée selon l’état météorologique.
Lors de ceux-ci l'instructeur s'applique à réaliser tout ou partie des divers exercices naturels en utilisant la configuration du terrain. Il doit éviter le travail mécanique des autres méthodes militaires où travail collectif signifie travail à l'ensemble réglé sur le plus faible, pratique induite par la stratégie des charges d'infanterie. Hébert, à partir d'une connaissance précise du terrain utilisé, crée des formes de travail très souples où forts et faibles trouvent à s'exprimer en fonction de leurs moyens. La valeur foncière dépendant surtout de la qualité des organes - cœur, poumons - et de leur amélioration par les exercices, on doit rechercher dans l'ordre :
- la puissance cardio-pulmonaire,
- la puissance ostéo-articulaire, en particulier celle du tronc et des attaches,
- la puissance neuro-musculaire,
- la puissance digestive, liée à la diététique.
En 1909, le ministère de la Marine généralise à tous ses services cette nouvelle méthode et charge Hébert de cette mission. Les conditions d'application variables et souvent exiguës - casernements urbains, ponts de navires - les populations concernées très diverses - écoles de pupilles de la marine (7 à 14 ans), écoles de mousses (14 à 17 ans), matelots adultes - amènent Hébert à inventer des solutions nouvelles lorsque la leçon en parcours devient impossible. En outre, la nécessité de former en peu de temps un nombre important de cadres pour répondre à sa mission l'entraîne à formuler un règlement aux principes didactiques rigides.
Un règlement de la méthode
modifierLa gestion des contenus est guidée par le principe de continuité qui est le premier impératif de la leçon afin d'en préserver en toutes circonstances l'aspect foncier. A cette fin les familles apparaissent dans un ordre précis : dérouillement, quadrupédie, grimper, saut, équilibre, lancer, lever, défense, course, marche, l'alternance étant assurée par la succession de familles d'intensité variable. Puis la leçon s'orientes vers une courbe d'intensité croissante jusqu'aux 2/3 pour décroître rapidement ensuite. On aboutit alors à la succession suivante : marche, grimper, saut, lancer, course, attaque/défense, porter, exercices respiratoires. Le dosage et l’alternance sont assurés au sein de chaque famille par la succession d'exercices d'intensité variable : il importe en effet de réaliser deux exercices par famille au sein de la leçon qui dure 45 minutes. Soit trois minutes par exercice, d’où une gestion rigoureuse du temps et de l'espace.
Cette gestion du temps et de l'espace relève du mécanisme du plateau. Les cours des établissements militaires et des casernes ne permettant pas la réalisation de parcours continus, Hébert y substitue l’usage des vagues d'assaut sur un espace d'évolution réduit : le plateau. Celui-ci permet d'effectuer en espace restreint le contenu d'une séance de déplacements en pleine nature en maintenant les élèves en mouvement continu, même pendant les temps morts nécessaires aux démonstrations et explications. Pour obtenir ce déroulement, Hébert fixe des règles didactiques strictes :
- pour 30 enfants répartis en 4 vagues, le plateau est un rectangle de 10 mètres sur 30. On l'agrandit pour des adolescents mais plus le maître est habile, plus il se satisfait d'un espace réduit sans nuire à la continuité et à l'aspect quantitatif de la leçon.
- Les vagues sont composées d'élèves de même force, ce qui assure le dosage du travail de chaque vague, le parcours des élèves forts se prolongeant sur toute la longueur du plateau alors que celui des faibles peut être écourté.
- L'alternance (repos relatif en déplacement) est respectée par le travail actif de la traversée du plateau (vague) et le retour en marche lente à la base de départ le long des bases latérales (contre-vague).
- Chaque vague évolue derrière un chef de vague et, pour éviter toute perturbation de replacement sur la base de départ, les contre-vagues s'effectuent une fois sur une base latérale et la fois suivante sur l'autre.
- L’instructeur se tient aux 2/3 du plateau, se déplaçant d'une base latérale à l'autre quand la dernière vague cesse son parcours actif afin de ne pas tourner le dos à la contre-vague suivante.
- Il rythme les départs pour que les vagues ne se tassent jamais et donne brièvement explications et démonstration lors de sa traversée latérale du plateau, alors que les élèves reviennent par les bases latérales et que tous peuvent voir et entendre.
L'ensemble de ces consignes crée les conditions de réalisation des exercices prévus pour une séance de 45 minutes et préserve la continuité du déplacement : y déroger relève de la faute de commandement. La méthode connaît son apogée dans l'armée à l'aube de la Grande Guerre. Hébert publie un Guide abrégé du moniteur et se distingue en 1913 au Congrès International d'Education Physique de Paris en présentant un groupe de 100 pupilles, 150 mousses, 100 fusiliers évoluant simultanément.
Vers une éducation physique pour tou(te)s
modifierA la suite de ce succès le comte de Polignac met sa propriété de Reims à la disposition d'Hébert pour y implanter, un Collège d'athlètes dans le cadre de la préparation des Jeux Olympiques de 1916. Hébert prend de larges contacts avec Demeny qu'il charge de la recherche et avec l'ensemble des scientifiques concernés par les problèmes de l'activité physique. Le collège ouvert en 1914 est détruit dès le début de la guerre alors qu’Hébert grièvement blessé à la bataille de Dixmude. Dès sa convalescence le général Gouraud le charge de l’entretien physique de la 4° Armée, tâche qu’il assume jusqu'à l'armistice.
Les critiques qu'il rencontre dans l'armée et les contacts pris lors de la création du collège de Reims l'orientent ensuite dans une autre direction. Parce que les femmes et les enfants représentent dorénavant l'avenir de la nation, il s'efforce d'appliquer à cette population civile son éducation physique militaire et regroupe à cette fin à Deauville ses moniteurs survivants pour y fonder une palestre à l'usage des femmes et des enfants. Celle-ci sert d'exemple à d’autres centres et si la méthode naturelle perd du terrain dans l'entraînement physique des unités militaires entre les deux guerres, elle se répand dans les centres d'apprentissage des houillères et de la sidérurgie, des chemins de fer et de l'électricité, dans les corps de sapeurs-pompiers, le scoutisme, les associations gymniques et sportives.
Diminué physiquement par les séquelles de ses blessures, Hébert entreprend une réflexion théorique qui aboutit en 1936 à l'édition du tome 1 de L'éducation physique virile et morale par la méthode naturelle. En 1942, la Méthode Naturelle est promue Méthode Nationale par le gouvernement de Vichy et si Hébert ne cautionne pas personnellement cette décision, il publie néanmoins entre 1942 et 1943 les tomes 2 et 3 de son oeuvre. La publication se poursuit en 1946, 1947 et 1950. Atteint de paralysie avec perte de la parole il parvient à terminer le tome 7 en 1955 puis le 8 en 1957, l'année de son décès. L'ensemble constitue la plus forte somme relative à l'éducation physique et demeure jusqu'aux années 1960 une référence technique pour beaucoup d'A.P.S.
Si Hébert traite largement dans ces ouvrages, de la robustesse qui demeure la finalité principale de la Méthode Naturelle, il est loin de négliger la technique d'exécution des exercices puisque chaque volume, sauf le premier, traite de celle d'une ou deux familles. Mais cette technique, certes nécessaire, ne peut pas remplacer le travail synthétique naturel de déplacement qui améliore le fond, résistance et puissance organique, dont dépend la santé. Aussi avec l'enfant, il faut rechercher le développement foncier avant le développement musculaire et l'affinement technique. Il faut ensuite l'entretenir chez l'adulte par des habitudes de vie et chacun doit reproduire journellement au moins une séance réduite limitée à la course et à la quadrupédie. Pour les autres séances, Hébert propose des installations-type (stade, parcours...) ainsi que le matériel adapté (portiques...) qui en facilite le déroulement et le contrôle rationnel. Le travail fait l'objet d'évaluation : le contrôle des résultats regroupe des tests fonctionnels (épreuves athlétiques cotées), structuraux (mensurations) et biologiques (capacité vitale) regroupés en indice de robustesse qui caractérise l'individu.
La notion d'exercice naturel ne peut lui être attribuée sans réserves car, dès la fin du XVIII°, Basedöw préconisait déjà la pratique de cinq exercices primitifs - course, saut, grimper, porter, lancer - dans son philanthropinum de Dessau. Mais il reste l'apôtre du plein air et de la démécanisation de l'éducation physique dans une tradition française trop cantonnée avant lui dans le gymnase avec Amoros, Triat, Desbonnet : Hébert a remplacé la salle par le plateau et l'ensemble par la vague. Il est aussi celui qui situe le mieux à son époque la primauté des valeurs morales - à travers l’altruisme : être fort pour être utile - dénonçant le danger représenté dans ce domaine par certains excès du sport (Le sport contre l'éducation physique 1925).