ZMO : Zone Monétaire Optimale/Critères traditionnels
Pour la première fois, l’idée d'une zone monétaire a été exposée par Robert Mundell, dans son article "A Theory of Optimum Currency Areas" (1961)[1] qui lui a valu le prix Nobel d’économie en 1999.
Les critères traditionnels d’une ZMO sont :
- la mobilité des facteurs de production et la flexibilité des prix et des salaires (Mundell, 1961)
- l'ouverture économique (McKinnon, 1963)
- le degré de diversification (Kenen, 1969).
Il conviendra ensuite de définir l'homogénéité des préférences (Cooper, Kindleberger) comme condition nécessaire à la formation d'une union monétaire, les critères étant alors considérés comme les conditions suffisantes.
[1] MUNDELL R., (1961), “A Theory of Optimum Currency Areas”, American Economic Review, Vol. 51, n°4, p. 657-665
Mobilité des facteurs production, flexibilité des prix et des salaire
modifierLa zone ne se résume donc pas aux pays : elle peut-être plus large, voire plus restreinte.
Le sujet de cet article illustre la taille et la frontière des zones monétaires.
En effet, Mundell cherche à expliquer les conditions dans lesquelles un pays peut être déterminé à choisir les changes fixes. Dès le début, l’objectif est d’identifier l’intérieur d’une zone, c’est-à-dire les changes fixes et l’extérieur de cette zone, c’est-à-dire les changes flottants.
Mundell identifie un cas dans lequel les taux de changes sont flexibles. Pour cela, il étudie la situation de deux pays, les États-Unis et le Canada, et de deux régions géographiques : l'Est et l'Ouest. L'Est est reconnu pour l'automobile et l'Ouest pour le bois . Le contexte est similaire aussi pour les États-Unis que pour le Canada. La main d'œuvre n’est pas assez mobile entre ces deux zones géographiques.
Il prétend que si un choc macroéconomique apparait c’est à dire si la demande se déplace de l’Ouest vers l’Est, par exemple, cela entraine un dilemme pour les deux Banques Centrales. Cela signifie que l’Ouest assimile une augmentation du chômage et l’Est une augmentation de l’inflation, ayant en vue la rigidité des prix et les salaires nominaux. C’est ce que nous montre la courbe de Phillips : il y a une relation décroissante et stable entre le taux de l’inflation et le taux du chômage. Ainsi, plus de chômage quand il y a moins d'inflation, ou réciproquement.
De ce fait, si les Banques Centrales veulent mettre en œuvre une politique restrictive pour diminuer l’inflation à l’Est, il y a donc le risque d’augmenter le chômage à l’Ouest.
Robert Mundell suggère alors la création de deux nouvelles Banques Centrales qui s’occupent de l’Ouest et de l’Est. Une va déprécier sa monnaie et elle va baisser le taux d’intérêt, tandis que l’autre fait l’inverse. Les Banques Centrales Nationales s’occupent des chocs asymétriques dans les zones du Nord et du Sud.
On a donc quatre Banques Centrales et quatre monnaies. La distribution géographique aide à rendre optimal le régime monétaire. On peut tirer la conclusion que les zones monétaires optimales ne sont pas séparées par les frontières nationales et que le choix concernant le régime de change se fait cas par cas.
Le degré d'ouverture de l'économie
modifierLa seconde caractéristique traditionnelle d’une zone monétaire optimale est le degré d’ouverture de l’économie.
Ce critère décrit le niveau des échanges commerciaux d’un pays avec ses partenaires. On note que plus un Etat est ouvert vis-à-vis des pays de la même union monétaire pour les échanges commerciaux, plus cet Etat va vouloir faire partie de cette zone monétaire, parce que son ouverture commerciale est importante.
Les résultats importants en ce qui concerne la participation d’un pays à une zone d’ancrage dur (taux de changes bilatéraux fixes) désigne une fonction croissante des échanges réciproques
McKinnon souligne l’importance de ce critère dans son article « OptimumCurrency Areas »[2] dans les années 1963. Il définit ce degré d’ouverture par le ratio biens échangeables sur biens non échangeables, et il dit que les pays les plus ouverts préfèrent un taux de change fixe c’est-à-dire un abandon de la politique de change. L’idée est la suivante : la taille du pays est inversement proportionnelle au degré d’ouverture et que plus le taux de change varie, plus le ratio qu’on a défini sera affecté pour les petits pays ouverts. Si leur monnaie se déprécie par rapport aux autres monnaies, alors les importations deviennent plus couteuses.
La hausse des exportations n’est par ailleurs pas garantie, l’augmentation des prix faisant s’accroître les coûts de l’économie et donc va créer une baisse du pouvoir d’achat. Donc sera plus préférable d’être en change fixe.
Pour tirer une conclusion, McKinnon nous dit que les pays qui ont une économie fermée, préfèrent d’être en change flexible et les pays qui ont un fort degré d’ouverture préfèrent les changes fixes.
[2] MCKINNON R., (1963), “Optimum Currency Area”, American Economic Review, Vol. 53, n°4, p. 717-725
La diversification de la production
modifierLe troisième critère traditionnel a été introduit par Kenen qui dit que « the diversification of regional economies was therefore a key consideration in gauging their suitability for monetary union »[3]. Les pays dont la production et les exportations sont plus diversifiées et qui ont un système de production similaire sont plus capables de former une union monétaire (Kenen, 1969).
Le taux de change a un rôle très important dans la stabilité macroéconomique.
En effet, un pays qui supporte un choc de demande négatif alors la demande pour sa monnaie va diminuer, donc le taux de change va se déprécier. Prenons un exemple pour illustrer la situation : les investisseurs étrangers vont pouvoir obtenir plus de devises pour une unité de monnaie nationale, qu’avant. Le taux de change fixe retient ce mécanisme dans son fonctionnement, comme ça les chocs de demande négatifs ne peuvent pas se traduire que par une déflation et une augmentation du taux de chômage.
Kenen constate alors que la mobilité du facteur de production-travail comme stabilisateur est peu facile à garantir, et qu’un critère alternatif doit être nécessaire. Il annonce alors que la diversification de la production au sein d’une région permet d’amortir ce besoin qui rappelons le, selon Mundell était fondamental dans la perspective de perte de la politique de change.
Donc plus un pays a une économie moins diversifiée, plus ce pays sera vulnérable aux chocs négatifs. Ainsi, le pays avec une économie diversifiée préféra d’opter pour une zone monétaire, comme ça il ne sera pas obliger d’utiliser son taux de change pour se défendre contre les chocs négatifs. Sous ces hypothèses que les chocs soient inversement proportionnels avec la mobilité du travail, la répétition et la puissance des perturbations diminuent.
[3]EICHENGREEN BARRY et WYPLOSZ CHARLES (2012). Kenen on the euro. Repéré à: http://www.voxeu.org/article/kenen-euro
L'homogénéité (convergence) des préférences
modifierCe caractère a été développe par Cooper (1977)[4] et par Kindleberger (1986)[5], en soutenant l’idée que l’union monétaire est composée par des pays qui ont les mêmes objectifs, mêmes préférences. « Cooper (1977) considère que la monnaie est un bien collectif dont le pouvoir d’achat influence les anticipations des agents économiques ».[6]
Pour Kindleberger (1986), si les pays sont fortement liés du point de vue commercial (forte intensité des échanges bilatéraux) et que les préférences sont globalement proches sur la question des grandeurs économiques et la notion de bien public, alors ces pays peuvent former une zone monétaire optimale.
La convergence des préférences porte principalement sur le compromis inflation-chômage, la dette et le déficit public.
Pour qu’une zone monétaire soit dite optimale, il faut fixer des accords entre les pays concernant les buts à stabiliser en fonction de leurs préférences.
[4]R. COOPER, (1977) « Worldwide versus regional integration the optimum size of the integrated area », Economic integration, Worlwide, regional, sectoral, Londres, F. Machlu
[5]CHARLES KINDLEBERGER (1986), « International public goods without international government », The American Economic Review
[6]BIENAYME Alain (2006), Les grandes questions d’économie contemporaine, page 317-318 Paris : Odile Jacob