Éducation physique française au XXe siècle/L’occupation et la IV° République
Dès la fin de l'année 1940 les appelés effectuent un service civil dans les Chantiers de la Jeunesses. Le but est de former des hommes en instaurant des liens entre les diverses couches de la nation à partir d'une éducation intégrale, physique intellectuelle et morale dont le sport et le plein air sont les outils principaux. Si la synthèse utilitaire d'Hébert est promue méthode nationale le 1/7/1941, l'E.P. reste éclectique, car le sport, réorganisé et contrôlé par la loi du 20/12/1940 - dite Charte des sports - et la rééducation physique répondent chacun à une double nécessité historique : former des chefs - des meneurs d'hommes - et faire face aux problèmes de santé d'une enfance malmenée.
Pour répondre à ce double objectif on sépare en 1942 les élèves en quatre groupes physiologiques. Le premier est apte au sport - on crée pour lui un degré supérieur au brevet sportif populaire (B.S.P.) - le second à l'E.P., le troisième relève de la gymnastique de maintien et le dernier de la corrective dispensée dans des centres de rééducation physique où enseignent des professeurs d'E.P.S. Parmi les pratiques sportives qui succèdent à la méthode naturelle, celles qui font la gloire du turnen nazi se retrouvent au tout premier plan : athlétisme, natation, sports de combat. L’École normale d'éducation physique et sportive (E.N.E.P.S). assure la formation des professeurs d'E.P., l'Institut national d’éducation générale (I.N.E.G) et les Centre régionaux d’éducation générale (C.R.E.G.) celle des maîtres d'éducation générale et des moniteurs d'EPS.
La promotion de la méthode naturelle de Georges Hébert au rang de méthode nationale associée au rôle joué par les mouvements gymniques dans le maintien de l'identité allemande rend toute notion de méthode suspecte de fascisme et de germanisme à la Libération. Les instructions de 1945 établissent donc un éclectisme libéral qui s'ouvre vers le sport, vecteur des valeurs éducatives de la société anglo-américaine, victorieuse du nazisme. Mais la fin de la guerre ne remet donc pas en question un ordre bien adapté à une réalité sociale et historique : alors que les mentalités récemment libérées restent rebelles à tout endoctrinement l'E.P. continue à s'adresser à des corps malmenés. L’éclectisme s'impose encore et règne toujours dans les I.O. du 1/10/1945. qui classe toujours les élèves en quatre groupes pour une pratique qui va du sport pour les plus forts à la gymnastique corrective pour les plus faibles.
Certains entendent donner plus de rigueur à un éclectisme large dont le flou n'est pas sans danger et la ligue française d'E.P publie en 1948 Vers une E.P. méthodique dont beaucoup de propositions feront l'objet d'un complément des Instructions officielles en 1959. Ce texte reprend à son compte la division classique depuis Pestalozzi entre gymnastique formative et gymnastique d'application qui compose l'une des deux parties de la leçon, la méthode naturelle ou l'éducation sportive fournissant son contenu à la seconde. Il marque ainsi la volonté de sérieux d'une E.P. qui doit s'éloigner de tout aspect récréatif pour conforter sa position à l'école et entrer parmi les matières obligatoires au baccalauréat. S'ils veulent rester maîtres chez eux, les enseignants d'E.P. ont tout intérêt à y faire le ménage eux-mêmes en cultivant leur spécificité : la pédagogie corporelle.
Alors que cette réflexion officielle est plutôt menée par Pierre Seurin, Maurice Baquet élabore d'une doctrine d'éducation sportive qu'il a déjà esquissée en 1942 dans un Traité d'éducation physique, où il reprend les idées émises en 1930 par Labbé et Bellin du Coteau. Il légitime le passage des techniques sportives au sein de l'école à travers un retraitement qui les épure et en contrôle les effets. L'apprentissage sportif rejoint dans le sérieux l'apprentissage utilitaire de la méthode naturelle. Ce travail trouve son aboutissement avec la publication en 1956 du premier tome de Récréation et éducation physique sportive puis du second en 1959. L'École normale supérieure n'apprécie pas ce qu'elle estime à juste titre une usurpation de fonctions et Justin Tessié, l'un de ses professeurs, élabore alors un autre système dont l'essentiel a déjà été exposé dans l’article précédent.