Équation différentielle linéaire/Équations différentielles linéaires d'ordre deux
Introduction
modifierNous dédions un chapitre à l'étude spécifique des équations d'ordre 2, qui apparaissent souvent en physique et jouissent ainsi d'un formalisme très général. En particulier, ses solutions existent toujours dans le cas d'équations linéaires à coefficients constants.
Pour tracer le lien avec l'étude du traitement du signal, nous présentons également une étude fréquentielle de ces équations, qui amène aux phénomènes de filtres et de résonance. Si des notions seront introduites, ce chapitre n'abordera pas la théorie générale des filtres linéaires.
Formalisme général
modifierSoit une équation différentielle linéaire d'ordre 2 à coefficients constants. On qualifie chacun de ces cas de « régime » : . On suppose bien sûr que a n’est pas nul. En ramenant le coefficient devant la dérivée de plus grand ordre à l'unité : . On introduit la notation suivante :
Une équation différentielle linéaire d'ordre 2 à coefficients constants peut toujours être écrite de la manière suivante :
- La quantité est homogène à une pulsation, elle est appelée pulsation propre de f ;
- La quantité est adimensionnée, elle est appelée facteur de qualité.
Comme c’est le cas dans de nombreux problèmes physiques, on supposera ici que les équations ne font intervenir que des quantités réelles.
Résolution de l'équation
modifierComme démontré dans les chapitres précédents, la résolution de l'équation peut se faire en étudiant le polynôme caractéristique associé à l'équation homogène :
Le déterminant de ce polynôme est :
Se présentent alors trois cas :
- Soit , auquel cas P admet deux racines réelles ;
- Soit , alors P admet une racine double ;
- Soit , auquel cas P admet deux racines complexes conjuguées.
Dans ce dernier cas, on peut réécrire le discriminant :
.
Cas où ΔP > 0
modifierDans le cas où P possède deux racines réelles,
De même, l'autre racine est :
.
La solution homogène est ainsi de la forme : .
La solution générale est somme de la solution homogène ci-dessus et d'une constante (solution particulière).
Cas où ΔP = 0
modifierDans ce cas, s'annule, la racine est racine double :
La solution homogène est donc de la forme :
La solution générale est somme de la solution homogène ci-dessus et d'une constante (solution particulière).
Cas où ΔP < 0
modifierOn utilise ici la seconde forme du discriminant. Elle permet en effet d'écrire plus facilement les racines de P : que l’on réécrit : avec pseudo-pulsation du système.
La solution (réelle) homogène est donc de la forme : ou encore : (en posant et )
La solution générale est somme de la solution homogène ci-dessus et d'une constante (solution particulière).
Lien avec le facteur de qualité
modifierLes trois cas étudiés ci-dessus sont liés à la valeur du facteur de qualité :
- Si Q = 1/2, le discriminant s'annule : c’est le régime critique ;
- Si Q > 1/2, le discriminant est négatif : c’est le régime pseudo-périodique ;
- Si Q < 1/2, le discriminant est positif : c’est le régime amorti.
Principe de superposition
modifierCe principe est un théorème important des équations linéaires. Nous le rappelons ici :
Soit l'équation différentielle : . Alors une solution est donnée par : où ces deux fonctions sont respectivement solutions de : .
Ce principe se généralise à des sommes infinies.
Analyse fréquentielle
modifierMise en forme
modifierOn suppose que le système répond à une excitation sinusoïdale. Physiquement, une telle étude se justifie par le théorème de Fourier, d’après lequel tout signal (suffisamment régulier) peut être décomposé en somme (possiblement infinie) de sinusoïdes. En vertu du principe de superposition, on peut étudier indépendamment chaque sinusoïde.
Pour plus de simplicité, on utilise la notation complexe. L'équation différentielle :
s'écrit alors :
,
ce qui donne :
.
Le module de cette fonction est :
.
Résonance
modifierTout d’abord, on voit que le dénominateur de F peut atteindre un minimum. cela signifie seulement qu’il y a une forte augmentation de f, car des effets non linéaires apparaissent qui viennent toujours atténuer les phénomènes physiques, et qui ne sont pas pris en compte ici.
Cela se produit lorsque la pulsation égale la pulsation propre. Alors :
.
Comportement asymptotique
modifierLorsque , on a :
En passant au logarithme, le gain en décibels est :
Lorsque , on a :
Dans ce cas, le système décrit par l'équation différentielle est un passe-bas : Les hautes fréquences ( ) sont d'autant plus atténuées qu'elles sont hautes alors que les basses fréquences ( ) sont atténuées indépendamment de la fréquence. Notons que le cas général dépend de D : ici, c’est une constante.
Différents filtres
modifierLes différents comportements possibles sont :
- Passe-bande (le cas étudié ici) ;
- Coupe-bande, ou réjecteur (le cas opposé) ;
- Passe-bas (les seules basses fréquences passent) ;
- Passe-haut (les seules hautes fréquences passent) ;
Équations à coefficients non constants
modifierCas homogène
modifierUne relation de la forme : où a, b et c sont des fonctions au moins continues, a ne s'annulant pas, est appelée équation différentielle linéaire homogène d'ordre 2 à coefficients non constants.
Disons-le d'entrée de jeu : il n'existe pas de solution générale à un tel problème. Cela a été évoqué dans le chapitre 4 sur la théorie générale. Certaines fonctions (comme les fonctions de Bessel) qui ne peuvent pas être explicitées, sont justement définies comme solutions d'une équation différentielle d'ordre 2.
Néanmoins, restent valables les théorèmes généraux :
- l’ensemble des solutions forme un espace vectoriel de dimension 2 ;
- une condition initiale étant donnée, il existe une unique solution maximale sur un ouvert de .
Il n'est donc pas toujours possible d'exhiber une solution complète à un tel problème. Parfois, un changement de variable, comme évoqué dans un chapitre précédent, est utile et permet de se ramener à un cas plus simple — sinon... que peut-on faire ?
Le théorème du wronksien, décrit dans la section suivante, est un outil précieux : connaissant une solution à cette équation différentielle, il permet d’en trouver une seconde, linéairement indépendante. On obtient ainsi une base de l’ensemble des solutions, ce qui revient à résoudre complètement le problème. Rappelons toutefois qu’il n'existe pas de méthode pour trouver la première solution.
Wronskien
modifierSoient u et v deux fonctions dérivables. La matrice wronskienne associée au couple (u, v) est la matrice :
On appelle wronskien du couple (u, v) le déterminant de . Il est noté Wu,v. Autrement dit :
Supposons que u et v sont deux solutions d'une équation telle que celle définie à la section précédente. Elles vérifient ainsi :
Dérivons leur wronskien :
Soit en conclusion :
Il s'agit d'une équation différentielle linéaire homogène à coefficients non constants d'ordre 1, que l’on sait complètement résoudre : en posant une primitive de la fonction b/a, la solution s'écrit :
.
On peut alors utiliser le wronskien dans deux buts :
- trouver une seconde solution linéairement indépendante connaissant une première solution de l'équation ;
- vérifier que deux solutions de l'équation sont linéairement indépendantes et forment une base de l'espace des solutions.
Rappelons le théorème utile :
Le wronskien de deux fonctions est soit :
- toujours nul, auquel cas elles sont liées ;
- toujours non nul, auquel cas elles sont linéairement indépendantes.
Tout cela mérite bien un exemple simple :
On cherche à résoudre l'équation suivante :
On travaille sur l'ouvert , de sorte que ne s'annule pas.
- Une solution immédiate est la fonction . Nous allons nous en servir pour déterminer une autre solution avec le wronskien.
- On note z la seconde solution de l'équation, alors le wronskien s'écrit : xz' - z.
- Le wronskien vérifie l'équation : .
On sait résoudre cela avec les outils du premier chapitre, et on obtient finalement que toutes les solutions de l'équation sur cet intervalle sont de la forme : .
Cas général
modifierLa résolution du cas général se résume, en fait, au gros problème de trouver une solution particulière. En effet, connaissant l’ensemble des solutions homogènes et une seule solution particulière, on trouve l’ensemble des solutions générales.
On peut tenter plusieurs approches pour trouver une telle solution :
- Utiliser le principe de superposition : on trouve plusieurs solutions non homogènes éventuellement plus simples, et on les somme ;
- Rechercher des solutions sous une forme particulière : polynômes, puissances, exponentielles, fonctions trigonométriques, séries entières... cela est parfois efficace ;
- Utiliser la méthode de « variation de la constante » évoquée dans le premier chapitre.