Nous allons voir une première méthode générale de résolution des équations du quatrième degré. C'est la première méthode à avoir été élaborée. Elle est due à Ludovico Ferrari.
En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, « Équation du quatrième degré : Méthode de Ferrari Équation du quatrième degré/Méthode de Ferrari », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.
Cette opération ne nous a pas beaucoup posé de problème. Nous savons faire cela depuis longtemps.
Mais supposons que l’on nous ait posé le problème inverse. C'est-à-dire :
Factoriser le polynôme :
.
sous forme de produit de deux polynômes du second degré à coefficients entiers. Là, le problème est moins évident. Comment allons-nous procéder ? Nous allons pour cela utiliser la méthode de Ferrari :
Nous commencerons par appliquer la technique standard d'élimination du terme de degré 3, en posant :
.
On obtient :
.
Nous remarquons ensuite que pour tout paramètre λ, nous avons :
.
En reportant cette valeur de z4 dans l'égalité précédente, nous obtenons :
Nous allons maintenant essayer de déterminer λ de façon que l’expression entre crochets s'écrive sous forme de carré pour pouvoir utiliser la célèbre identité remarquable a2 – b2 = (a – b)(a + b).
L'expression :
peut être considérée comme un polynôme du second degré en z (pour autant que λ soit différent de –6). Elle pourra se mettre sous forme de carré si son discriminant est nul (revoir éventuellement le cours sur les équations du second degré).
Calculons son discriminant :
Nous devons donc choisir une valeur de λ qui annule le discriminant, ce qui revient à résoudre l'équation du troisième degré d'inconnue λ :
.
Une racine évidente est –3/2. Nous poserons donc :
.
Nous pouvons alors continuer notre calcul entamé plus haut :
et nous constatons que nous avons bien réobtenu la factorisation dont nous étions partis au début de ce paragraphe.
Le point essentiel du calcul fait précédemment se trouve au niveau de la résolution de l'équation :
.
En effet, cette équation, qui est du troisième degré, avait une racine évidente. On peut légitimement penser que si cette équation n'avait pas eu une racine évidente, le calcul se serait considérablement compliqué. En fait, le polynôme que nous devions factoriser :
a été obtenu à partir du développement du produit :
et c’est pour cela que l'équation du troisième degré a une racine évidente. Chaque fois qu'un polynôme du quatrième degré peut se factoriser comme produit de deux polynômes du second degré à coefficients rationnels, l'équation du troisième degré intervenant dans le calcul aura au moins une racine évidente.
Nous invitons donc le lecteur, pour s'entraîner à cet exercice, à commencer par développer un produit de deux polynôme du second degré à coefficients entiers pris au hasard et à essayer ensuite de refactoriser le polynôme du quatrième degré obtenu.
Nous vous invitons aussi, avant d’aborder le paragraphe suivant, à faire l'exercice 5-1.
Généralisation à la résolution des équations du quatrième degré
Dans ce paragraphe, nous allons décrire la méthode de Ferrari permettant de résoudre toutes les équations de la forme
(nous savons que toute équation de degré 4 s'y ramène).
Nous supposerons de plus que (car lorsque , l'équation est bicarrée donc facile à résoudre).
Le principe de cette méthode consiste à essayer de factoriser le premier membre de l'équation sous forme de produit de deux polynômes du second degré, comme nous l'avons fait dans l'exercice d'échauffement, pour pouvoir se ramener à la résolution de deux équations du second degré. La seule différence réside dans le fait que le polynôme du troisième degré intervenant dans les calculs n'aura pas forcément une racine évidente.
Comme dans le paragraphe précédent, nous remarquons que :
.
Le premier membre de l'équation précédente s'écrit alors :
Nous allons maintenant essayer de déterminer λ de façon que l’expression entre crochets s'écrive sous forme de carré pour pouvoir utiliser l'identité a2 – b2 = (a – b)(a + b).
L'expression :
peut être considérée comme un polynôme du second degré en z (pour autant que 2λ – p soit non nul). Elle pourra se mettre sous forme de carré si son discriminant est nul (revoir éventuellement le cours sur les équations du second degré).
Calculons son discriminant :
Nous devons donc choisir une valeur de λ qui annule le discriminant, ce qui revient à résoudre l'équation du troisième degré d'inconnue λ :
.
Soient λ0, λ1, λ2 les trois racines de cette dernière équation (elles vérifient bien , d'après l'hypothèse ). Laquelle de ces trois racines allons-nous choisir ? D'un point de vue théorique, cela n'a aucune importance. D'un point de vue pratique, nous choisirons, bien sûr, celle qui nous parait la plus simple. Par exemple, s'il y a une racine réelle et deux racines complexes conjuguées, nous choisirons, sauf cas particulier, la racine réelle.
Supposons, pour fixer les idées, que la racine que nous choisissons est λ0 et reprenons le calcul commencé précédemment en remplaçant λ par λ0 et en tenant compte du fait que cette valeur annule le discriminant de (2λ0 – p)z2 – qz + λ02 – r.
On obtient :
où désigne l'une des deux racines carrées (éventuellement complexes) de .
L'équation est donc équivalente à :
.
Nous nous sommes ainsi ramenés à la résolution de deux équations du second degré.
Pour la première équation, le discriminant est :
et les solutions sont :
.
Pour la deuxième équation, le discriminant est :
et les solutions sont :
.
(À nouveau, désigne l'une des deux racines carrées de , et de même pour .)
Pour résoudre par la méthode de Ferrari une équation de la forme
,
la mettre au préalable, comme exposé ci-dessus, sous la forme
ne simplifie en rien les calculs. Il est donc préférable de procéder directement comme suit[1],[2],[3] (si , on retrouvera, aux notations près, les formules précédentes).
On suppose que l'équation ne se ramène pas à une équation bicarrée, c'est-à-dire (cf. chapitre précédent) que .
L'équation se réécrit :
,
ou encore :
.
Le second membre est un carré si et seulement si
c'est-à-dire :
.
Soit une solution de cette résolvante cubique et soit une racine carrée de (qui est nécessairement non nul, d'après l'hypothèse ). L'équation s'écrit alors :
donc est équivalente à
.
Pour la première équation, le discriminant est
et les solutions sont
.
La seconde équation se résout de même en remplaçant partout par :
Par construction, et puisqu'on a des expressions analogues des en fonction des deux autres racines de la résolvante, celles-ci sont nécessairement égales à et .
Cette remarque[4] est un avant-goût de la méthode de Lagrange, que nous étudierons bientôt.