Anthropologie des réseaux sociaux/Socialisation dans les communications instantanée et salon de discussion


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Socialisation dans les communications instantanée et salon de discussion
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Leçon : Anthropologie des réseaux sociaux
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Introduction

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Cette expression est utilisée de nos jours de manière régulière pour signifier des services offerts par des applications, des sites internet, ou des logiciels afin de permettre la discussion instantanée entre plusieurs personnes ne pouvant, ou ne voulant pas se rencontrer physiquement. Plusieurs possibilités sont offertes selon les plateformes, elles varient du chat en texte, en audio ou en vidéo.

Pour en faire usage, il suffit à l'utilisateur d'avoir un compte sur la plateforme et un pseudonyme qui servira à l'identifier sans divulguer son identité offline. Puis, il a souvent le choix entre les salons en fonction des descriptions que les administrateurs des salons mettent à disposition concernant les buts, les règles et les droits des visiteurs au sein de cet espace.

La dénomination « salon » est révélatrice d'un lien clair entre le cyberespace et l'espace terrestre. Dans ce sens, la métaphore de l'écoumène numérique est pertinente. Si l'on considère les logiciels, les applications, ou les sites de communication instantanée comme des maisons, les groupements de discussions peuvent être considérés comme des salons séparés dans lesquels se jouent des dynamiques sociales particulières.

Il est donc convenable de considérer que ces groupements, rendus possibles par les moyens de communications actuels et les logiciels à ce dessein, comme des « communautés pseudonymes ». Des phénomènes inédits et des dynamiques nouvelles s'y développent à la vue de plusieurs facteurs : L'anonymat, les différences culturelles, les différents motifs de communication, la hiérarchisation des membres (Administrateur ou utilisateur) etc.

Autour de la communication

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Communiquer et faire société restent deux actions indissociables. Mais il reste à définir ce qu'est la communication. On peut dire que le mot englobe toutes les pratiques et les mesures entreprises par un ou des individus afin de transmettre un message à un ou d'autres individus. Cette pratique est donc une interaction. Pour plusieurs praticiens de la communication, l'approche serait de se baser sur la théorie de l'information.

En gros, communiquer de manière interpersonnelle, c'est partager une idée par l'usage d'un langage, pour l'exprimer ensuite au travers d'un média (la voix, un clavier, les mains), afin de rendre consciente la personne avec laquelle on interagit d'une seconde information qu'elle perçoit à travers ma communication. Cette seconde information sera ensuite décodée à travers ses propres conceptions, puis il incombe aux deux personnes de détecter l'écart entre l'information initiale et l'information perçue afin de le réduire au maximum. C'est de cette manière qu'il a été décidé par exemple d'un langage mathématique, qui serait compris partout dans le monde.

De nos jours, on distingue ainsi trois types de communication que sont : la communication interpersonnelle, la communication de groupe et la communication de masse. Chacune d'elles pouvant utiliser des médiums variés. Un exemple parlant de la communication de masse est la télévision, pendant que la communication de groupe peut avoir comme exemple un professeur face à un auditoire, ou encore, dans des formes plus participatives, les nombreux espaces de forum existant sur le web, à l'exemple de la page dite « La salle café » dans Wikiversité.

Dans ce chapitre du cours d'anthropologie numérique, on s'intéresse à la communication interpersonnelle et surtout à la communication de groupe présente dans des médias numériques conçus à cet effet, et que l'on appelle communément « chat en ligne ».

Le chat en ligne

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Le chat en ligne, aussi appelé tchat ou clavardage dans certaines régions, désigne toute forme de communication sur internet permettant l'échange instantané de messages texte entre expéditeur et destinataire. Ces messages sont généralement brefs pour favoriser des réponses rapides, créant ainsi une atmosphère similaire à une conversation en direct. Cette caractéristique distingue le chat des autres moyens de communication en ligne, tels que les forums et les emails. Les discussions en ligne peuvent être entre deux personnes ou en groupe, et peuvent également inclure des conversations vocales et vidéo, voire faire partie intégrante de services de visioconférence en ligne.

 
Fenêtre de MSN Messenger

Depuis le premier système de communication instantané Talkomatic créé en 1973, l'évolution des possibilités fut au début lente. Il a fallu attendre 1989 pour réaliser la première communication transatlantique[1]. Entre-temps, plusieurs essais ouverts aux publics sont apparus comme "The Source"[2] en 1979 ou CB Simulator en 1980. La liste s'étend pendant les années 1990 avec l'avènement de Windows Live Messenger (Nommé à son commencement MSN Messenger) de Microsoft en 1999, en réponse à la concurrence de Yahoo! Messenger en 1998 et de AOL Instant Messenger la même année.

Face aux deux concurrents, la stratégie de Microsoft a consisté à inclure le logiciel client MSN Messenger dans son système d'exploitation Windows XP. Cela voulait dire que la plateforme de messagerie instantanée était déjà installée sur l'ordinateur à l'achat. Ceci permettra à Windows de gagner les majeures parties du marché. L'avantage de pouvoir être le plus utilisé est d'atteindre le plus d'utilisateurs pour promouvoir des publicités ou proposer des services payants.

Les trois logiciels offraient à l'époque la possibilité de communiquer instantanément avec des personnes en lignes dont le statut est celui de contact. Il était aussi possible de laisser un message à la personne alors qu'elle est hors ligne, pour qu'elle puisse le lire lors de sa reconnexion. Les appels audios et vidéos étaient aussi possibles, MSN Messenger a offert la possibilité d'appeler la personne souhaitée même quand elle était hors ligne. MSN Messenger sera remplacé par Skype après que celui-ci soit racheté par Microsoft en 2012.

Avant cela, on avait déjà en 2009 la création de l'application Whatsapp par deux anciens ingénieurs de Yahoo!. L'idée était de remplacer le SMS. Il est opportun de mentionner que ceci s'inscrit dans une vague de développement d'applications de communication instantanée qui s'approprient les services mobiles : Appels téléphoniques, messagerie etc. Des exemples comme GroupMe, LINE, KakaoTalk, WeChat, ChatON, Kik, Viber, Facebook Messenger et Zalo.

Ces applications permettent notamment des appels téléphoniques et des échanges de messages instantanés, et au fur et à mesure des appels vidéos via internet. Chacune avait un business model spécifique, reposant parfois sur les payements annuels ou des publicités. Dans cet environnement compétitif, Whatsapp a réussi à couvrir une grande part de marché, soit près de 400 millions d'utilisateurs à travers le monde de 2009 à 2013 grâce à son slogan : No Ads! No Games! No Gimmicks! (Pas de publicités ! Pas de jeux ! Pas de gadgets !). En 2014, Facebook fait l'acquisition de la société pour un prix de plus de 16 milliards de dollars. Dans la même période, Viber est rachetée par Rakuten.

Vient ensuite une dernière catégorie de logiciels et d'applications qu'on pourrait mettre sous le nom de plateformes « VoIP », pour permettre l'audioconférence. Les plateformes mentionnées plus haut ont commencé avec le principe 1 on 1, c'est-à-dire des appels ou des visioconférences entre deux personnes. Depuis, presque toutes proposent des appels de groupes, où plusieurs personnes pouvaient parler entre elles.

D'autres, comme Paltalk, Discord ou TeamSpeak ont été conçues spécialement pour faciliter ce genre de communication de groupe. Elles permettent de créer des espaces appelés canal ou salon de discussion (Chat Room). L'idée est venue après que les fondateurs de TeamSpeak ont constaté qu'il n'y avait aucune plateforme qui permettait à des joueurs en ligne de communiquer entre eux pendant le jeu.

Société Numérique

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On peut constater que l'évolution des médias de communication amène l'évolution d'opportunités ainsi que des services proposés. Si au début il était question de deux canaux offrant la possibilité à un maximum de cinq personnes par canal de discuter au sein d'un réseau interne très limité, il est maintenant virtuellement possible de parler avec n'importe quel individu sur la planète moyennant qu'il ait une connexion Internet. Dans ce contexte, non seulement les modalités de communication changent et se créent, mais aussi des sujets, des intérêts communs, des langages, et des appropriations des plateformes naissent dans ces milieux, ce qui les rend un sujet anthropologique.

Par exemple, la messagerie instantanée a son propre style de communication. Comme les discussions se déroulent en temps réel et que l'écriture est rapide, les utilisateurs utilisent souvent des raccourcis pour exprimer leurs sentiments ou leur état d'esprit, comme les émoticônes. Ces raccourcis sont parfois automatiquement remplacés par des images représentant des expressions ou des émotions. L'argot utilisé dans les discussions instantanées est caractérisé par des termes ou des expressions courantes souvent abrégés en une série de lettres, parfois avec des chiffres, par exemple « bnjr » pour « bonjour », « b8 » pour « bonne nuit », « 2m1 » pour « demain », etc.

Un différent aspect de la socialisation dans les réseaux sociaux serait la réappropriation selon les circonstances. Il a été observé que des plateformes comme Paltalk, Facebook, Telegram, Signal, et d'autres ont été appropriés pour des fins révolutionnaires. Le Printemps Arabe[3] est un exemple de révolution qui prit lentement naissance dans les réseaux sociaux. Des groupes Facebook d'élites de la diaspora, des organisations nées et développées au sein de salons de discussions dans Paltalk, même des planifications faites sur les messageries instantanées pour coordonner les manifestations ainsi que les actions contestataires. Au niveau mondial, ce phénomène a été détecté au Vietnam sur Paltalk[4] au Soudan[5] et plus récemment en Erythrée[6].

Chatnography

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En anthropologie sociale et culturelle, la méthode de prédilection est l'observation participante. Celle-ci, à côté de plusieurs autres outils méthodologiques comme l'étude du positionnement du chercheur, l'analyse des enjeux éthiques et épistémologiques des recherches conduites, aide les anthropologues à produire ce qu'ils appellent une ethnographie. Une sorte de monographie concernant les gens qu'ils ont observés, avec lesquels ils ont vécu et dont ils ont appris les traditions, éventuellement la langue, ce qui serait une description de leur manière de voir le monde.

Cependant, les communautés qui se sont formées sur l'écoumène numérique posent quelques problèmes à cette approche. Pour étudier ces organisations sociales, il n'est pas possible de vivre physiquement auprès des interlocuteurs. Les premiers terrains d'anthropologie numérique ont été les jeux vidéos. On peut se référer notamment aux travaux de Tom Boellstorff sur Second Life ou encore ceux de Bonnie Nardi sur World of Warcraft. En 2006, ces pionniers de l'anthropologie du numérique ont émis trois possibles méthodologies principales afin de conduire une recherche sur une communauté numérique[7] :

  1. Purement virtuelle : Prendre les univers numériques comme des tels et observer les interactions sociales au sein de cet univers.
  2. Mixte : Observer l'univers numérique en relation avec le monde terrestre. En d'autres termes, observer les joueurs en pleine socialisation virtuelle à travers leurs avatars ou personnages, puis les suivre dans le monde terrestre afin de relever les modes d'être liés au monde virtuel.
  3. Purement terrestre : Observer comment le gaming impacte les relations sociales des joueurs dans leur monde terrestre. En effet, le gaming a aussi un impact sur les personnes non joueuses.

Certes, ces méthodes ont évolué avec l'évolution des modes de communication et d'appropriation des outils disponibles sur le Web à travers le temps, ainsi que la globalisation de ces outils. En effet, on peut constater aujourd'hui la formation et l'extinction de plusieurs communautés sur des plateformes comme Reddit ou 4chan ou se tiennent des discussions parfois tenues entre des utilisateurs, qui peuvent ou pas être reliées à d'autres activités sur l'écoumène numérique, que ce soit des jeux vidéos[8] ou d'autres réseaux sociaux. Ce sont des communautés à part entière, semblables à ce qu'a été observé dans les méta-verses des jeux vidéos, avec des traditions, des mémoires collectives[9], des conflits internes ou externes et des règles qui régissent les interactions spécifiques à chaque communauté.

Afin d'étudier ces communautés, la méthode « purement virtuelle » suggérée par Boellstorff reste d'actualité. En effet, plusieurs anthropologues ont eu recourt à l'interaction avec leurs interlocuteurs dans leur milieu de l'écoumène numérique. Évidemment, il est maintenant inévitable de considérer les forums, les sites de chat instantanés, les réseaux sociaux et les jeux vidéos comme des milieux. Dans le cas des médias numériques à dessein de chat en ligne, l'interaction doit se faire à travers les outils du terrain, surtout que plusieurs utilisateurs de ces logiciels sont là car ils ne veulent ou ne peuvent pas interagir dans le monde terrestre[10]. L'ethnographie de ces milieux qui n'autorisent la collecte de données qu'à travers le chat en ligne s'appelle la "Chatnography".

Notes et références

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  1. https://github.com/matthewgream/www-securitydigest-org
  2. https://nairaproject.com/projects/3835.html
  3. Wolfsfeld, G., Segev, E., & Sheafer, T. (2013). Social Media and the Arab Spring: Politics Comes First. The International Journal of Press/Politics, 18(2), 115-137. https://doi.org/10.1177/1940161212471716
  4. Hoang, D., Nguyen, C., & Huynh, A. (2009). VIETNAMʼS BLOGGER MOVEMENT: A VIRTUAL CIVIL SOCIETY IN THE MIDST OF GOVERNMENT REPRESSION.
  5. https://nmbu.brage.unit.no/nmbu-xmlui/handle/11250/292926
  6. Tewelde, Y. (2020). Chatroom nation: An Eritrean case study of a diaspora PalTalk public. Ohio University.
  7. Boellstorff, T. (2006). A Ludicrous Discipline? Ethnography and Game Studies. Games and Culture, 1(1), 29-35. https://doi.org/10.1177/1555412005281620
  8. SERVAIS (O.), "Autour des funérailles dans World of Warcraft. Ethnographie entre religion et mondes virtuels", In Delville J.P. (dir.), Mutations des religions et identités religieuses, Mame-Desclée, 2012, pp. 231-252.
  9. Simon, D.J., Zucker, E.M. (2020). Introduction: Mass Violence and Memory in the Digital Age—Memorialization Unmoored. In: Zucker, E., Simon, D. (eds) Mass Violence and Memory in the Digital Age. Palgrave Macmillan Memory Studies. Palgrave Macmillan, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-030-39395-3_1
  10. Pun, N., Siu, K., & Gottfried, H. (2022). Global Capitalism and Labour in the Age of Monopoly: Hong Kong and Mainland China. Critical Sociology, 48(7-8), 1115-1122. https://doi.org/10.1177/08969205221118948