Colonisation et décolonisation/Guerre d'Algérie
Le conflit opposant les indépendantistes algériens à l'État français de 1954 à 1962 est appelé officiellement côté français les « évènements d'Algérie », puis à partir de 1999[1] la « guerre d'Algérie » ; côté algérien c’est la « révolution algérienne » ou la
« guerre d'indépendance ». Comment l'Algérie est-elle décolonisée ?
Article détaillé : Chronologie de la guerre d'Algérie.
Début du conflit
modifierConquise à partir de 1830 et progressivement annexée, l'Algérie est ainsi considérée comme partie intégrante du territoire français.
Articles connexes : Conquête de l'Algérie par la France et Algérie française.
Avec la Constitution de 1946, toutes les colonies françaises deviennent des départements ou des territoires d'outre-mer ; tous les habitants deviennent des citoyens français, mais divisés en deux collèges. Dans les départements algériens créés dès 1848, il y a en 1947 un million de citoyens du premier collège (les « Pieds-Noirs » à statut civil de droit commun) et huit millions de citoyens du second collège (les musulmans à statut civil coranique), chaque collège ayant autant de représentants à l’Assemblée algérienne. Les collèges sont supprimés en 1956 (loi-cadre Defferre), mais seulement en 1958 pour l'Algérie.
Politiquement et moralement, cette colonisation ne peut avoir d’autre concept que celui de deux sociétés étrangères l'une à l'autre. Son refus systématique ou déguisé de donner accès, dans la cité française, aux Algériens musulmans a découragé tous les partisans de la politique d'assimilation étendue aux autochtones. Cette politique apparaît aujourd'hui, aux yeux de tous, comme une chimère inaccessible, une machine dangereuse mise au service de la colonisation.
Désormais deux Algérie coexistent et se juxtaposent […] :
Colonie française : 700 000 Européens (Français d'origine ou étrangers naturalisés par le décret du 26 juin 1889) et 130 000 Algériens israélites francisés par le décret Crémieux du 23 octobre 1870. Au total 830000 citoyens exerçant la pleine souveraineté en Algérie.
Algérie musulmane : 8 300 000 Arabo-Berbères, définis par le sénatus-consulte de 1855 « indigènes musulmans sujets français » et maintenus jusqu'à nos jours à l'état de vaincus et d'assujettis. Ces indigènes sont pourtant soumis à toutes les obligations des Français, y compris le service militaire obligatoire. […]
Le président Roosevelt, dans sa déclaration faite au nom des Alliés, a donné l’assurance que, dans l'organisation du monde nouveau, les droits de tous les peuples, grands et petits, seraient respectés. Fort de cette déclaration, le peuple algérien demande dès aujourd’hui […] :
a. La condamnation et l'abolition de la colonisation, c’est-à-dire de l’annexion et de l’exploitation d’un peuple par un autre peuple. Cette colonisation n’est qu’une forme de l’esclavage individuel du Moyen Âge.
b. L'application pour tous les pays, petits ou grands, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
c. La dotation de l'Algérie d'une Constitution propre, garantissant la liberté et l'égalité absolue de tous ses habitants, sans distinction de race ni de religion […].
d. La participation immédiate et effective des musulmans algériens au gouvernement de leur pays.
e. La libération de tous les condamnés et internés politiques, à quelque parti qu’ils appartiennent.
La garantie et la réalisation de ces cinq points assurera l’entière et sincère adhésion de l’Algérie musulmane à la lutte pour le triomphe du droit et de la liberté.
Cette société inégalitaire et la montée du nationalisme arabe favorisent la naissance de mouvements algériens militant d’abord pour l'égalité, puis pour l'autonomie ou l'indépendance. La violence monte : par exemple une manifestation nationaliste est violemment réprimée le 8 mai 1945 à Sétif et Guelma dans le Constantinois ; cette répression fait plusieurs milliers de victimes.
En octobre 1954, un mouvement appelé Front de libération nationale (FLN) est créé, regroupant les indépendantistes. Le 1er novembre 1954, sa branche armée lance une vague d'attentats dans toute l'Algérie ; cet événement est appelé la « Toussaint rouge », il marque le début des combats.
Article connexe : Mouvement national algérien.
Répression de la guérilla
modifierMesdames, messieurs, je pense que l'Assemblée nationale, à la fin de ce débat, voudrait connaître le plus exactement possible le déroulement des faits dont nous parlons. C'est ainsi que, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, des attaques à main armée, des attentats à la bombe, des sabotages de lignes et de voies de communication, des incendies enfin ont eu lieu sur l’ensemble du territoire algérien, de Constantine à Alger et d'Alger à Oran. […]
De même que le Maroc et la Tunisie ont connu ce phénomène du terrorisme individuel dans les villes et dans les campagnes, faut-il que l'Algérie ferme la boucle de cette ceinture du monde en révolte depuis quinze ans contre les nations qui prétendaient les tenir en tutelle ?
Eh bien ! non, cela ne sera pas, parce qu’il se trouve que l'Algérie, c’est la France, parce qu’il se trouve que les départements de l'Algérie sont des départements de la République française. Des Flandres jusqu'au Congo, s'il y a quelque différence dans l’application de nos lois, partout la loi s'impose et cette loi est la loi française ; c’est celle que vous votez parce qu’il n'y a qu'un seul Parlement et qu'une seule nation dans les territoires d'outre-mer comme dans les départements d'Algérie comme dans la métropole. […]
L'action des groupes nationalistes algériens entraine un déploiement massif de l'Armée française (y compris le contingent, qui y fait son service à partir de 1956) et par la répression policière : les indépendantistes ont alors recours à la guérilla, aux assassinats, aux attentats à la bombe, à l'extorsion et à la terreur. S'y rajoutent les luttes internes entre nationalistes (FLN contre MNA ou PCA, la bleuite et les purges internes).
En réponse, l'Armée française reçoit les pouvoirs de police pour mener des « opérations de pacification » (assistance sociale, propagande, sections administratives spécialisées) et de contre-guérilla (quadrillages, renseignement, embuscades et camps de regroupement). Lors de la bataille d'Alger en 1957, les militaires démantèlent les réseaux de poseurs de bombes en pratiquant massivement des tortures et des exécutions.
Articles connexes : Massacres du Constantinois en 1955, Torture pendant la guerre d'Algérie et Attentats pendant la guerre d'Algérie.
Indépendance
modifierL'accès à l'indépendance de l'Algérie peut être qualifiée de « douloureuse ». L'agitation des partisans du maintien de l'Algérie française, soutenus par une partie de l'Armée et dans un climat proche de la guerre civile, entraîne le retour de Charles de Gaulle au pouvoir en mai 1958. Celui-ci obtient de l'Assemblée les pleins pouvoirs et rassure les Pieds-Noirs et les militaires (« Vive l'Algérie française ! » le 6 juin à Alger), mais finit par penser que la décolonisation devient inévitable.
Mais de Gaulle finit par évoquer le droit des Algériens à l'autodétermination (discours du 16 septembre 1959), ce qui entraine à Alger d’abord la « semaine des barricades » (insurrection de civils et de réservistes) en janvier 1960, ensuite le « putsch des Généraux » en avril 1961 (nouvelle tentative de coup d'État militaire) et enfin les attentats de l'OAS (Organisation armée secrète).
Les Accords d'Évian signés entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire algérien (GPRA, issu du FLN) le 18 mars 1962, ratifiés par référendum en France métropolitaine puis en Algérie, conduisent à la proclamation de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962. Mais le même jour à Oran, des dizaines de Pieds-Noirs sont assassinés (Massacre du 5 juillet 1962) ; pris de panique ils se réfugient massivement en métropole. Également une campagne d'élimination des harkis (Algériens musulmans rattachés à des unités combattantes de l'Armée française) s'engage. Les harkis sont abandonnés par la France : seules 43 000 personnes parviennent à fuir et sont installées en France dans des camps.
Articles détaillés : Exode des Pieds-Noirs ; Harkis pendant la guerre d'Algérie.
Tensions actuelles
modifierCinquante ans après, l'indépendance de l'Algérie est l’objet d'une guerre des mémoires entre les deux points de vue français ou algérien :
- ce sont les « évènements » puis la « guerre d'Algérie » ou la « guerre d'indépendance » ;
- les morts du FLN sont des « fellaghas terroristes » ou des « martyrs de la résistance » ;
- les harkis sont des « supplétifs de l'armée » ou des « traîtres collaborateurs », etc.
Article 1. La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française.
Elle reconnaît les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires des événements liés au processus d'indépendance de ces anciens départements et territoires et leur rend, ainsi qu’à leurs familles, solennellement hommage. […]
Article 4. […] Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outremer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. […]
NB : cette loi est suivie du décret n° 2006-160 du 15 février 2006[4] portant abrogation du deuxième alinéa de l’article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005.
En visite depuis dimanche dans la région de Constantine, le Président algérien a de nouveau dénoncé les effets négatifs de la colonisation française de l'Algérie, de 1830 à 1962. Dans une interview accordée lundi à la télévision publique algérienne, près du tombeau du roi Massinissa à El Khroub, Abdelaziz Bouteflika a estimé que « la colonisation a réalisé un génocide de notre identité, de notre histoire, de notre langue, de nos traditions ». « Nous ne savons plus si nous sommes des Amazighs, des Arabes, des Européens ou des Français », a-t-il précisé, en citant des expressions de l'arabe algérien truffées de mots français.
NB : le roi Massinissa est le premier roi de Numidie dans l'Antiquité, un des alliés de Rome contre Carthage lors de la deuxième guerre punique. Son mausolée se trouve à Soumâa El-Khroub, près de Constantine, l'ancienne Cirta (capitale du royaume de Numidie). Il est devenu un symbole de l'indépendance berbère (« berbère » s'écrit ⴰⵎⴰⵣⵉⵖ Amazigh, au pluriel ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⴻⵏ Imazighen), algérienne (une ville nouvelle du nom de Massinissa a été construite à côté de sa tombe) et au-delà de toute l'Afrique face aux interventions européennes (« l'Afrique appartient aux Africains »).
Article unique. La France reconnait les souffrances subies par les citoyens français d’Algérie victimes de crimes contre l'humanité commis du 19 mars 1962 au 31 décembre 1963 du fait de leur appartenance ethnique, religieuse ou politique.
NB : la proposition de loi Mariani a été refusée par l'Assemblée nationale française.
À lire :
- 50 ans après la Guerre d’Algérie, retour sur près de huit années d’une guerre qui a laissé des traces profondes de part et d’autre de la Méditerranée, articles en ligne
- Guerre d’Algérie : le choc des mémoires, en ligne
Notes et références
modifier- ↑ « Loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l’expression " aux opérations effectuées en Afrique du Nord ", de l’expression " à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc " », sur http://legifrance.gouv.fr/.
- ↑ « Algérie – Discours parlementaires » (Archive • Wikiwix • Que faire ?) sur http://www.ph-ludwigsburg.de/.
- ↑ « Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 », sur http://www.legifrance.gouv.fr/.
- ↑ « Décret n° 2006-160 du 15 février 2006 », sur http://www.legifrance.gouv.fr/.
- ↑ « Bouteflika dénonce un génocide de l'identité algérienne par la France », sur http://lci.tf1.fr/.
- ↑ « Algérie: Sur le tombeau de Massinissa : Bouteflika dénonce le «génocide de l'identité» algérienne par la France coloniale », sur http://fr.allafrica.com/.
- ↑ « Proposition de loi n° 2477 du 29 avril 2010 », sur http://www.assemblee-nationale.fr/.