Croissance économique, mondialisation et mutations des sociétés/Exercices/Analyses de document
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L'analyse de documents est, avec la réalisation d'un croquis ou d'un schéma, l'exercice prévu pour la seconde partie de l'épreuve écrite d'histoire et de géographie du bac à partir de la session 2012 (l'épreuve anticipée en première S) et de la session 2013 (en terminale ES et L).
Définition de l'épreuve
modifierCette analyse doit permettre au candidat de faire la preuve de sa capacité à comprendre le contenu, l'apport et la portée du ou des document(s) proposé(s). En histoire lorsqu’un document est proposé, il s'agit de :
- dégager le sens général du document en relation avec la question historique à laquelle il se rapporte ;
- de montrer l’intérêt et les limites éventuelles du document pour la compréhension de cette question historique.
Lorsque deux documents sont proposés, on attend du candidat qu’il dégage le sens général de chacun des documents en relation avec la question historique à laquelle il se rapporte puis qu’il les mette en relation en montrant l’intérêt de cette confrontation »[1].
Lors de cet exercice, l'élève doit faire la preuve de sa capacité à comprendre le contenu, l'apport et la portée du ou des document(s) proposé(s). Peuvent ainsi être proposé à l'analyse : un texte, une affiche, une photographie, un croquis ou un schéma.
Même si aucun document officiel le précise, on peut attendre d'une analyse qu'elle compte d’abord une introduction présentant le(s) document(s), ensuite un développement structuré en deux ou trois parties correspondants aux idées principales du/des document(s), enfin une conclusion apportant un regard critique sur les apports du(des) document(s).
Rappel de la méthode à partir d'un exemple : analyse du discours de Truman en 1949.
Croissance et mondialisation
modifierPour ou contre la croissance
modifierConsigne : en analysant les deux documents, vous montrerez que la croissance elle-même fait débat.
Si la population mondiale, le niveau d'industrialisation et de pollution, la production de denrées alimentaires et l'exploitation de ressources naturelles continuent de connaître le rythme de croissance actuel, d'ici un siècle les limites absolues de la croissance seront atteintes, cela entraînera alors très vraisemblablement un recul rapide et irréversible de la population et de ses capacités industrielles.
Il nous paraît cependant possible de corriger ces tendances de façon à atteindre un équilibre écologique et économique durable.
Donella H. Meadows, Dennis L. Meadows, Jørgen Randers, William W. Behrens III et alii, The Limits to Growth: A Rapport for the Club of Rome's Project on the Predicament of Mankind, New York, Universe Books, 1972. Halte à la croissance ? : enquête sur le Club de Rome par Janine Delaunay et Rapport sur les limites de la croissance, Paris, Fayard, 1972[2],[3].
→ Jared M. Diamond, Collapse: How Societies Choose to Fail or Succeed, New York, Viking Press, 2005. Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Paris, Gallimard, 2006.
Il y a vingt ans, certains parlaient des limites de la croissance. Aujourd’hui nous réalisons que la croissance est productrice de changements et l'amie de l'environnement. […] Il y a ceux qui disent que la croissance économique et la protection de l'environnement ne peuvent être compatibles. Et bien, laissez-les venir aux États-Unis, où, en vingt ans depuis Stockholm1, notre économie a grandi de 57 %, et pourtant nous avons réduit nos émissions de plomb dans l'air de 97 %, de monoxyde de carbone de 41 %, de particules de 59 %. Nous avons nettoyé notre eau et préservé nos parcs, nos espaces naturels et notre faune sauvage.
George H. W. Bush, discours lors du sommet de la Terre à Rio de Janeiro2, 1992.
Pour le Club de Rome, l'économie nationale est une usine. À un bout de la chaîne, on a des matières premières, et à l'autre, des produits. Tôt ou tard, il n'y aura plus de matières premières, les mers seront polluées et l'air irrespirable. Ils n'ont tout simplement pas compris qu'une économie moderne ne fonctionne pas comme une usine. Il n'y a pas de limites à la croissance. Nous fabriquerons de moins en moins de produits nuisibles à l'environnement. Nous pourrons profiter beaucoup plus que par le passé de notre savoir et de nos inventions. Il se trouvera toujours des gens compétents pour découvrir de nouvelles idées, développer de nouveaux produits, fonder des entreprises, créer de la croissance et des emplois.
Paul M. Romer, Le savoir crée la croissance3, 1998.
En 1972, le Club de Rome publiait Limit the Growth, interrogeant la soutenabilité des croissances économique et démographique. Limit the Growth estimait qu'actuellement on devrait commencer à voir décliner la production alimentaire, la population, les disponibilités énergétiques et l'espérance de vie. Aucune de ces prédictions n'a même commencé, et rien ne permet de prédire qu’elles vont le faire. Donc le Club de Rome a eu tort.
ExxonMobil4, 2002.
1 Le premier sommet de la Terre organisé par les Nations unies a eu lieu à Stockholm en 1972.
2 Source : « http://www.rtcc.org/2012/05/08/countdown-to-rio20-george-bush-senior-starts-20-years-of-stalemate/ » (Archive • Wikiwix • Que faire ?). Consulté le 2017-07-22
3 Cité dans Jean-Michel Lambin (dir.) et alii, Histoire : questions pour comprendre le XXe siècle, Hachette éducation, 2011, p. 21.
4 Cité dans Donella Meadows, Jorgen Randers et Dennis Meadows, Limits to Growth: The 30-year update, Londres, Earthscan, 2005, p. 204. → http://books.google.fr/books?id=gU7h7UccUJ8C
Proposition de plan :
- les limites de la croissance
- selon le club de Rome
- des prédictions controversées
- un autre regard sur la croissance
- une croissance potentiellement illimitée
- une croissance potentiellement écologique
La soif de pétrole
modifierÉvolution de la production et de la consommation de pétrole de 1982 à 2012 :
Document disponible dans BP Statistical Review of World Energy, juin 2013, p. 12[4].
Évolution du prix du pétrole de 1890 à 2012 :
Document disponible dans BP Statistical Review of World Energy, juin 2013, p. 15[4].
Aide au développement
modifierConsigne donnée avec le document :
à partir du document et de vos connaissances, montrez que Truman présente les États-Unis comme un modèle de développement et une superpuissance pour le monde entier.
[…] Quatrièmement, il nous faut lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et de notre progrès industriel au service de l'amélioration et de la croissance des régions sous-développées. Plus de la moitié des gens de ce monde vivent dans des conditions voisines de la misère. Leur nourriture est insatisfaisante. Ils sont victimes de maladies. Leur vie économique est primitive et stationnaire. Leur pauvreté constitue un handicap et une menace, tant pour eux que pour les régions les plus prospères. Pour la première fois de l'histoire, l'humanité détient les connaissances techniques et pratiques susceptibles de soulager la souffrance de ces gens.
Les États-Unis occupent parmi les nations une place prééminente quant au développement des techniques industrielles et scientifiques. […] Notre but devrait être d'aider les peuples libres du monde à produire, par leurs propres efforts, plus de nourriture, plus de vêtements, plus de matériaux de construction, plus d'énergie mécanique afin d'alléger leurs fardeaux. Nous invitons les autres pays à mettre en commun leurs ressources technologiques dans cette opération. Leurs contributions seront accueillies chaleureusement. Cela doit constituer une entreprise collective à laquelle toutes les nations collaborent à travers les Nations unies et ses institutions spécialisées pour autant que cela soit réalisable. Il doit s'agir d'un effort mondial pour assurer l’existence de la paix, de l'abondance et de la liberté. Avec la collaboration des milieux d'affaires, du capital privé, de l'agriculture et du monde du travail de ce pays, ce programme pourra accroître grandement l'activité industrielle des autres nations et élever substantiellement leur niveau de vie.
Ces développements économiques nouveaux devront être conçus et contrôlés de façon à profiter aux populations des régions dans lesquelles ils seront mis en œuvre. Les garanties accordées à l'investisseur devront être équilibrées par des garanties protégeant les intérêts de ceux dont les ressources et le travail se trouveront engagés dans ces développements. L'ancien impérialisme, l'exploitation au service du profit étranger, n'a rien à voir avec nos intentions. Ce que nous envisageons, c’est un programme de développement fondé sur les concepts d'une négociation équitable et démocratique. Tous les pays, y compris le nôtre, profiteront largement d'un programme constructif qui permettra de mieux utiliser les ressources humaines et naturelles du monde. L'expérience montre que notre commerce avec les autres pays s'accroît au fur et à mesure de leurs progrès industriels et économiques.
Harry S. Truman, State of the Union address (Discours sur l'état de l'Union), point IV, 20 janvier 1949 (point I sur le plan Marshall, point II sur l'ONU et point III sur l'OTAN)[5].
Rappel de la méthode et pistes pour la correction : Truman et le développement 1949
Économie-monde britannique
modifierD'abord on est ébloui des richesses et des merveilles de Londres, mais bientôt on s’aperçoit que cette Babylone se compose de plusieurs villes entièrement distinctes et n’ayant guère rien de commun que le dôme de fumée qui les recouvre. Chacun de ces quartiers forme comme un monde à part qu’il faut étudier séparément. [...] Le principe de la division du travail qui a fait la puissance de l’Angleterre, a été introduit à Londres avec la rigueur la plus impitoyable dans la hiérarchie des classes et dans la distribution de leurs demeures. D'un côté, sur le bord de la noire Tamise, toute grouillante d’embarcations, sont les quartiers du grand commerce avec leurs processions de navires, leur ignobles jetées, encombrées de marchandises, leurs docks où sont empilées des richesses suffisantes pour acheter un royaume d’Asie ou d’Afrique. Dans les faubourgs de l’est et du nord sont les quartiers industriels avec leurs ruelles sombres et tortueuses, leurs montagnes de houille, leurs fabriques toujours frémissantes, leurs cheminées qui plongent dans un éternel brouillard de charbon, leur population hâve1 et déguenillée qui se traîne dans la dégradation la plus abjecte. Au centre de Londres résident les innombrables shopkeepers2 et marchands de toute espèce, qui sont le fond même de la nation et dont les magasins et les échoppes, mis bout à bout, feraient le tour de l’Angleterre. Ils ont pour club, pour centre de réunion, le quartier de la Cité où leur banquiers, pressés à l’étroit, dans les ruelles sombres qui environnent la Bourse et la Banque, voient affluer dans leurs comptoirs l’or de tous les continents. Là se concluent en quelques heures les opérations les plus gigantesques et s’ourdissent3 sans bruit des spéculations commerciales qui entrainent les conséquences les plus importantes et font davantage pour la ruine et la prospérité des empires que toutes les subtilités des diplomates.
Élisée Reclus4, Guide du voyageur à Londres et aux environs, Paris, Hachette, 1860.
1 Hâve : maigre et pâle.
2 Shopkeeper : boutiquier.
3 S'ourdissent : se préparent.
4 Élisée Reclus : géographe français.
Mutations des sociétés
modifierÉvolutions de la population active
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Sur le papier, elle s’appelle « Monsieur Laurence Du-Gué ». Quand la dirigeante d'A2 Partners1 dépose les statuts de son entreprise, l'employé du registre du commerce lui attribue une – fausse – identité masculine, sans doute par automatisme. « Cette erreur administrative est symptomatique de la faible présence des femmes dans l'environnement des entrepreneurs », commente-t-elle, un brin amusée. [...]
Le cas de Laurence Dugué est-il révélateur de la place du « sexe faible » dans le monde du patronat ? Sans doute. Certes, les études statistiques sur l'entrepreneuriat féminin sont rares. Et celles qui existent font état d'une minorité de femmes dirigeantes, dans le monde des affaires. En décembre 2006, une enquête d'Oseo2 sur l'évolution des PME révélait que seulement 30 % d'entre elles étaient dirigées par des femmes, alors que la gent féminine représente 45 % de la population active, selon l'INSEE. Un paradoxe qui ne serait pas sans lien avec une crainte d'entreprendre, selon certains spécialistes. [...]
À en croire les conclusions de l'APCE3, ce n’est pas près de changer : depuis 1994, le nombre d'entreprises créées par des femmes est stable, représentant environ un quart des jeunes pousses. Et celles qui franchissent le pas dirigent souvent de bien plus petites structures que leurs homologues masculins. L'enquête d'Oseo montre que 14 % des entreprises employant de 20 à 50 salariés sont dirigées par des femmes. Pire : seules 8 % des PME de plus de 200 salariés ont pour patron une patronne. Les mentalités sont-elles en train d'évoluer ? « Sans nul doute, estime André Letowski. Auparavant majoritaires dans le commerce, les femmes qui créent sont aujourd’hui plus diplômées et investissent des métiers business to business, comme les services aux entreprises. »
Source : Chef d'entreprise Magazine n° 16, 1er mars 2007.
1 A2 Partners : cabinet de conseil en technologies de l'information.
2 Oseo : établissement public de l'État français, chargé de soutenir l'innovation et la croissance des PME.
3 APCE : Agence pour la création d'entreprises, dont le responsable des enquêtes est A. Letowkski.
L'avis d'Henri Schneider
modifierHenri SCHNEIDER [Un homme de haute taille, au cou court et sanguin, blond grisonnant, à la tête énergique et brutale, la moustache tombante poivre et sel, les yeux bleus, le teint rouge…]. [...] Comment admet-on une usine, même un simple atelier, sans une tête qui pense pour tous les autres, sans patron ? C'est de la folie, c’est de la folie pure.
Jules HURET. Mais s'il faut en effet une direction à l'usine, est-il indispensable que ce directeur en absorbe à lui seul tous les bénéfices ? Voilà comment la question se pose.
H. SCHNEIDER. Ça, c’est autre chose ! Pensez-vous qu’il ne faut pas de l’argent pour faire une boîte comme celle-ci ? Eh bien ! qui est-ce qui l'apportera, cet argent, à l'usine ? À côté du directeur, de la tête, il y a le capitaliste !... qui aboule la forte somme... [...] Le capital qui alimente tous les jours les usines des outillages perfectionnés, le capital sans lequel rien n'est possible, qui nourrit l'ouvrier lui-même ! Ne représente-t-il donc pas une force qui doit avoir sa part de bénéfices, n'est-il pas une collaboration indispensable qu’il faut intéresser ? [...] Si vous supprimez au capital son intérêt, vous n'en trouverez plus quand vous en aurez besoin ! Ceux qui l'auront le conserveront, c’est tout simple [...] Le capital ! Le capital ! mais il existe depuis que le premier homme des vieilles civilisations a construit sa première maison ! [...] C'est l'échange perpétuel, c’est la vie du capital, et c’est là en même temps son utilité. Comment empêcher le capital de se former ? [...] Il y avait un ouvrier […] qui gagnait cent sous par jour ; il s'est dit : « Tiens ! Bibi n'a besoin que de quatre francs pour vivre, Bibi va mettre vingt sous de côté tous les jours ! » Il dit, et au bout de l'année il a 365 francs ; il recommence l'année suivante, dix ans, vingt ans de suite, et voilà un capitaliste ! Presque un petit patron ! Son fils pourra agrandir le capital paternel, et c’est peut-être une grande fortune qui commence. La trouverez-vous mal gagnée ?
J. HURET. Au contraire ! Mais si l'ouvrier qui a des instincts d'économie et qui gagne cent sous par jour a cinq enfants et une femme à nourrir, comment mettra-t-il de l’argent de côté ? Bibi n'aura-t-il pas plutôt faim ?
H. SCHNEIDER [leva les bras et les épaules d'un air qui signifiait "Qu'y faire ?" et il dit en effet :] Ça, c’est une loi fatale... On tache, ici, de corriger, le plus qu'on peut, cette inégalité... mais comment la supprimer ? Oh ! à cet égard le pape a dit tout ce qu’il y avait à dire ; je trouve que sa dernière Encyclique est une merveille de sagesse et de bon sens. Il y explique que le patron a des devoirs étroits à remplir vis-à-vis des salariés, et c’est vrai... Je vous le répète, ici nous faisons tout ce que nous pouvons ; mais sous ce rapport nous sommes un peu comme la douce violette... Nous n'aimons pas beaucoup en parler... Mes ouvriers me montrent bien qu’ils sont contents de moi, puisqu’à chaque occasion qui s'offre à eux, ils témoignent de leur confiance...
J. HURET. Oui, je sais, ils vous ont nommé député, conseiller général et maire [...] Croyez-vous que les crises de surproduction sont fatales et que, pour empêcher le chômage qui en résulte, une entente soit possible entre les patrons ?
H. SCHNEIDER. Pas du tout ; c’est un mal nécessaire, on n'y peut absolument rien ! La production dépend de la mode, ou d'un courant dont on ne peut prévoir ni la durée ni le développement. Un exemple : sous l'Empire, on portait des crinolines. Eh bien : les usines qui s'installèrent pour fabriquer des cercles d'acier se sont vues, le jour où la mode a changé, surchargées de produits et avec un outillage devenu tout à fait inutile. De même, il y a quelques années [en 1879] lorsque M. de Freycinet, étant ministre des Travaux publics, voulait créer partout des chemins de fer, une foule de métallurgistes se sont mis à produire et à surproduire des rails et tout ce qui est du matériel de traction. M. de Freycinet a disparu et tous les travaux faits à l'avance sont restés pour compte aux producteurs ! Aujourd'hui, tout est au militaire, on ne fait que des canons en acier et des plaques de blindage ; demain, ce mouvement peut s'arrêter pour une cause ou une autre, qu'aujourd'hui nous ne pouvons pas prévoir. Donc : pléthore sur le marché, arrêt dans le travail, chômage, chômage forcé, fatal !
J. HURET [saisissant la balle au bond]. Avez-vous pensé à l’éventualité du désarmement au point de vue de votre industrie ?
H. SCHNEIDER. Oh ! Ce serait un grand malheur... Je ne sais ce qu'on ferait [...]. Après tout, il y aurait peut-être équilibre ? Les cinq cent mille hommes que nous nourrissons, vous et moi, à ne rien faire, se trouveraient sans emploi du jour au lendemain ; ils viendraient faire la queue à la porte des usines, offrir leurs bras au rabais ; ça ferait baisser les salaires et nous n'aurions plus à payer les vingt sous par jour qu’ils nous coûtent à chacun ! [...]
J. HURET. Je voudrais bien savoir ce que dit votre psychologie devant ces immenses fabrications d'instruments de mort...
H. SCHNEIDER. Oh je ne suis pas psychologue, moi ! Je suis maître de forges ; je fais des factures... c’est tout ! [Mais, comme j’insistais] Voyons, ce ne sont pas des instruments de mort, au contraire, puisque ça fait vivre cinq cent mille hommes qui les astiquent du matin au soir et qui sont payés pour ça ! Ce sont des instruments de vie !
J. HURET. Pensez-vous que l'agglomération des moyens de production dans des usines comme Le Creusot ne faciliterait pas la révolution sociale annoncée par les marxistes ?
H. SCHNEIDER. Sans patron, sans quelqu’un d'intéressé à faire marcher tout ça, Le Creusot serait absolument fichu au bout de huit jours !
J. HURET. Croyez-vous que la concentration des capitaux et des moyens de production a atteint son maximum ou doit encore se développer ?
H. SCHNEIDER [S'écrie rudement, ses mains faisant un grand geste autour de lui]. Il n'y a pas de maximum ! Ça marche toujours, ça n'a pas de bornes, ça ! Ce qui est particulier en ces temps-ci [...] c’est la tendance universelle à se spécialiser. L'industrie va, de plus en plus, vers la spécialisation. [...]
J. HURET. Et l'expropriation des industriels et capitalistes annoncée par les marxistes, comment l'envisagez-vous ?
H. SCHNEIDER. Si on m'exproprie, j’espère qu'on me paiera mes usines ce qu’elles valent ; alors je m'achèterai un beau château à la campagne et j'irai y vivre tranquillement. [...]
J. HURET. L'intervention de l'État ?
H. SCHNEIDER. Très mauvaise ! Très mauvaise ! Je n'admets pas un préfet dans les grèves ; c’est comme la réglementation du travail des femmes et des enfants ; on met des entraves inutiles, trop étroites, nuisibles surtout aux intéressés qu'on veut défendre, on décourage les patrons de les employer et ça porte presque toujours à côté.
J. HURET. La journée de huit heures ?
H. SCHNEIDER [affectant un grand désintéressement]. Oh ! Je veux bien, Si tout le monde est d'accord, je serai le premier à en profiter, car je travaille souvent moi-même plus de dix heures par jour... Seulement les salaires diminueront ou le prix des produits augmentera, c’est tout comme ! Au fond, voyez-vous, la journée de huit heures, c’est encore un dada, un boulangisme. Dans cinq ou six ans, on n'y pensera plus, on aura inventé autre chose. Pour moi, la vérité, c’est qu'un ouvrier bien portant peut très bien faire ses dix heures par jour et qu'on doit le laisser libre de travailler davantage si cela lui fait plaisir. […]
J. HURET. Ne croyez-vous pas qu’il y ait [...] un péril socialiste ?
H. SCHNEIDER. Les ouvriers ont le plus profond mépris pour toutes ces théories et surtout pour les hommes qui espèrent s'en servir pour les berner. Vous pouvez m'en croire. […]
Source : Jules Huret, Enquête sur la question sociale en Europe, Paris, éditions Perrin, 1897, p. 24 à 35.
Notes et références
modifier- ↑ « Note de service n° 2010-267 du 23 décembre 2010 », publiée au BO n° 5 du 3 février 2011.
- ↑ http://www.donellameadows.org/wp-content/userfiles/Limits-to-Growth-digital-scan-version.pdf
- ↑ http://www.clubofrome.org/
- ↑ 4,0 et 4,1 (en) « Statistical review of World energy 2013 », sur http://www.bp.com/.
- ↑ (en) « Harry S. Truman Fourth State of the Union Address », sur http://en.wikisource.org/ et « Inaugural Address of Harry S. Truman », sur http://avalon.law.yale.edu/.
- ↑ [pdf] « Sujet d'histoire et de géographie du bac général anticipé en série S, pour la session 2013 des centres d'examen de France métropolitaine », sur http://eduscol.education.fr/.
- ↑ [pdf] « Sujet d'histoire et de géographie du bac général anticipé en série S, pour la session 2012 des centres d'examen d'Afrique, d'Europe et du Proche-Orient », sur http://www.lyceepaulvalery-ma.org/ (lycée Paul-Valéry de Meknès).