Décolonisation et émergence du tiers-monde/Introduction
Dans ce premier chapitre, il s'agira de présenter les différents aspects auxquels se rattachent la décolonisation et l'émergence du tiers-monde afin de mieux comprendre la suite des évènements.
Comment expliquer la rapide dislocation d'empires constitués depuis le XVe siècle ? Quels sont les modalités de l'accès à l'indépendance : négociations ou conflits, processus rapide ou par étapes ? Quelles en sont les conséquences sur les métropoles, les pays libérés et les rapports de forces internationaux ? Autant de questions que cette période de l'histoire pose et auxquelles ce cours proposera de répondre.
Définition
modifierLe mot « décolonisation » est d'origine récente : il désigne le processus de conquête par les peuples colonisés ou dominés de leur indépendance nationale, de la reconnaissance internationale de leur souveraineté et identité. La décolonisation signifie à la fois la fin de la colonisation — période historique à part entière située entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début des années 1970 — mais elle signifie aussi l'accession d'un pays soumis au statut de colonie à celui d'État souverain, c’est donc aussi un processus politique, économique et social qui va amener à l'émergence du Tiers-monde, terme apparu, comme une formule, dans la chute d'une chronique de l'économiste et démographe français Alfred Sauvy en 1952, en référence au tiers état (de l'abbé Sieyès) français sous l'Ancien Régime.
« Car enfin ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut lui aussi, être quelque chose »
— Trois mondes, une planète, dans L'Observateur, 14 août 1952.
Périodisation
modifierLa colonisation a toujours été critiquée tant dans les métropoles que dans les pays sous tutelle. Cependant, la contestation apparue dès la fin du XIXe siècle s'amplifie après la Première Guerre mondiale et s'organise surtout en Asie méridionale et du sud-ouest, ce qui pousse les Britanniques plus que les Français à faire évoluer pendant l'Entre-deux-guerres le statut de certains territoires. La contestation du système colonial s'accélère après la Seconde Guerre mondiale d’abord en Asie puis en Afrique.
Accroche
modifierLe Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas contrôlent l'essentiel des pays colonisés avec à leurs côtés l'Espagne, le Portugal et l'Italie fasciste en 1938 (cf. carte 1). Quelques années plus tôt, en 1931, se déroulait l'Exposition coloniale[1], organisée à Paris présentant en quelque sorte l'apothéose de la colonisation tant française qu'européenne. Rassemblant près de 34 millions de visiteurs, elle se veut le miroir d'une colonisation brillante et réussie, à la vocation émancipatrice et gage de progrès. Cette exposition doit permettre de montrer la légitimité de la colonisation et de recueillir ainsi le consensus social des populations de métropole et des colonies. Après la Seconde Guerre mondiale, les anciennes puissances européennes tels le Royaume-Uni ou la France disposent encore d'un vaste empire colonial (cf. carte 2) mais les décennies qui suivent la fin du conflit sont marquées par la disparition progressive de ces empires coloniaux. Vingt ans plus tard, la décolonisation s'achève et tous les empires coloniaux s'effondrent.
Cartes
modifierCarte des différents empires coloniaux, en 1938 | Carte des différents empires coloniaux, en 1945 |
Remarques
modifierLe problème historique de la décolonisation tient au fait que c’est une des périodes les plus controversées et les plus difficiles à étudier. Cette période est en effet encore fortement chargée sur le plan émotionnel et mémoriel pour des raisons complexes.
Taboue dans les années 1960, il semble qu'elle le soit longtemps demeurée à la fois par ce qu'elle implique en termes de « prestige » perdu pour les métropoles européennes qui ont été humiliées (par leurs défaites et la perte de leur statut de grande puissance) et discréditées par leur obstination à conserver parfois dans des conditions tragiques un empire agonisant autant que par les méthodes utilisées lors des confrontations avec les indigènes.
Mais également en raison de l’existence dans ces métropoles de rapatriés, ces populations européennes qui ont dû quitter « leur pays » et qui entretiennent une mémoire blessée très vivace encore de nos jours. La décolonisation, et notamment les guerres qu'elle a occasionnées, constitue dans bien des pays une sorte de mauvaise conscience nationale qui interdit bien souvent la juste appréciation au profit d'interprétations erronées et partisanes.
D'autre part, la forte présence d'immigrés originaires des anciennes colonies est aussi source de polémiques dans les débats sur l'immigration et l'identité nationale.
Il faut aussi souligner le fait qu'en termes d'archives, la recherche est particulièrement complexe. Ces archives ont été soit dispersées et perdues à la suite des conflits, soient elles ont été conservées dans le plus grand secret dans les métropoles ; ainsi, ce n'est que récemment que les archives de la guerre d'Algérie ont été partiellement ouvertes aux chercheurs. En conséquence, des pans entiers de l'histoire de la décolonisation restent à prospecter. Par ailleurs, cette recherche est menée à la fois par les historiens des anciennes métropoles et par ceux des anciennes colonies, les amenant à des points de vue parfois fort différents.
Notes et références
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