Histoire de l'enseignement en France/Contre-réforme et Humanistes

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L'humanisme est une réaction interne à l'Université et à l’Église pour réformer leurs abus sans mettre en cause l'autorité ni la cohésion des deux institutions. Jean-Louis Vivès, fils critique de l'université, synthétise l'ensemble des idées nouvelles émises par Rabelais, Montaigne, Budé ou Erasme. La période des guerres de religion retarde considérablement leur application et la véritable réforme de l'université ne commence qu'avec Henry IV pour aboutir sous Louis XV. Entre-temps, Ordres enseignants et particulièrement les Jésuites imposent leur contre-réforme à l'école française.

Contre-réforme et Humanistes
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Chapitre no 4
Leçon : Histoire de l'enseignement en France
Chap. préc. :Les pédagogues de la Réforme
Chap. suiv. :De l’école de la République au XX° siècle
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Les Ordres religieux

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La prolifération de collèges réformés qui suit en province la création du collège de France par Guillaume Budé sous François 1er en 1529 inquiète la hiérarchie catholique qui y fait face à travers une reconquête dont les Ordres enseignants assurent la logistique. Philippe Néri obtient la fondation des Oratoriens en 1564, Jean Eudes celle des Eudistes en 1643. Avant eux Ignace de Loyola (1491-1556) a obtenu du pape en 1541 la création d'un ordre prêcheur et missionnaire qui essaime à travers l'Inde, la Chine, l'Amérique du Sud.

En Europe celui-ci se transforme en ordre enseignant pour faire face au péril réformé. Le souci d'efficacité entraîne en 1550 la fondation d'une école normale unique, le Collège romain, que Montaigne cite en exemple. À partir de 1599 les études sont régies dans tous les établissements du monde par un même règlement, le ratio et une même collection d'ouvrages didactiques. La philosophie est celle de l'efficacité et la mise en œuvre pédagogique est soumise à un véritable culte de l'organisation, c'est-à-dire l'ordre et la méthode aussi bien dans la progression des études que dans l'organisation des cours.

Le contenu de l'enseignement vise à développer l'aptitude à conférer prônée par Montaigne. Après les premières classes consacrées au développement de la mémoire et de la grammaire, les études littéraires reposent sur le commentaire de textes qui est prétexte à des développements encyclopédiques d'histoire, de géographie, de philosophie. Les mathématiques ne sont introduites que fort tard dans les études et seuls ceux qui restent dans l’ordre en bénéficient vraiment. Les activités physiques sont largement pratiquées en récréation - jeux, escrime, théâtre, danse, équitation - et les Jeux olympiques entrent dans le rituel de nombreux établissements bien avant la naissance de Coubertin.

L'internat est de règle, régulé par l'utilisation importante des jeux, des sports et le tutorat des aînés. Chaque classe est divisée en deux équipes homogènes où chacun marque un vis-à-vis de son niveau dans une compétition permanente entre les deux équipes : l'émulation joue à tous niveaux. La recherche prend un aspect important et grâce à un réseau international très dense, les Jésuites dominent leur époque dans tous les secteurs nouveaux : histoire, astronomie, navigation, physique, mathématiques. Lorsque Colbert (1619-1683) développe celles-ci à l'Université il doit faire appel à eux pour occuper les nouvelles chaires.

Leur politique qui repose sur la volonté de briser les progrès de la Réforme dans les collèges atteint son but. Mais leur lourde machine pédagogique sera aussi leur faiblesse : malgré le message de Loyola et les avertissements de leurs meilleurs élèves, dont Descartes (1596-1650), ils ne pourront y inclure à temps la philosophie et les techniques. Et en substituant l'autorité du Collège romain à celle de l'université de Paris elle menace le gallicanisme et l’indépendance nationale. Autour des Jansénistes de Port-Royal un réseau hostile se développe qui finit par obtenir leur expulsion du royaume en 1762.

Jean Vivès

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Après avoir enseigné à Louvain et Oxford, Jean Vivès (1492-1540) publie un premier ouvrage Critique contre les faux dialecticiens où il s'élève contre l'abus des disputes et polémiques avant de poser les bases d’une rénovation pédagogique dans un Traité d'enseignement (1531). Sa philosophie de l'enseignement qui rompt avec la métaphysique laisse entrevoir la psychologie expérimentale en préconisant l'observation des jeux libres des enfants pour détecter leurs aptitudes : l'âme, parce qu'elle ne s'offre pas à nos sens, devra être observée dans ses opérations. L’école ouverte sur la vie débouche sur une véritable orientation professionnelle.

Sa pédagogie reste inductive, du simple au complexe et du particulier au général ; mais il loue le rôle formateur du travail personnel et pour faciliter celui-ci il rédige lui-même des manuels didactiques sur l'apprentissage du latin, posant les bases de l'évaluation formative à travers des constats de progrès. Les contenus se veulent utiles avec introduction du grec, des langues vulgaires et celle, plus modérée, des mathématiques et de leurs applications afin de réconcilier Aristote et Platon. Mais le latin reste le langage commun du monde scientifique : Vivès est un humaniste réaliste. Son vœu d’une éducation populaire prise en charge par les deniers publics qui reçoit un début de mise en œuvre avec Choiseul.

La réforme de l’Université

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L'emprise des Ordres enseignants inféodés à Rome incite la monarchie à relever l'Université, garante du gallicanisme. Henry IV publie en 1600 un nouveau règlement consacrant la fonction propédeutique de la faculté des Arts, répartie dans divers collèges parisiens sous l'autorité du Recteur. C'est le début de l'enseignement secondaire mais il faut attendre encore plus d'un siècle et le recteur Charles Rollin (1661-1741) pour voir paraître les premières instructions officielles qui sont aussi le premier ouvrage pédagogique rédigé en langue française : le Traité des études.

La philosophie, à la fois catholique et gallicane, prend à contre-pied l'organisation des Jésuites en attribuant le rôle éducatif principal à la famille. Elle remet en cause l'internat et affirme l'originalité de chaque élève, avec reconnaissance du droit d'expression. Afin d'aider les maîtres dans cette mission complexe, Rollin fonde la caractérologie. Le rôle du maître rappelle souvent les propositions de Platon : son exemple, associé à la culture des belles lettres, doit détourner l'enfant des vices du monde. Son attitude doit être positive et il ne doit réprimer que les fautes de comportement à l'exclusion des fautes techniques.

La pédagogie, de tradition humaniste, repose sur la justification fonctionnelle des matières enseignées qui induit les démarches didactiques. Chaque discipline est traitée de façon spécifique à partir de la question : A quoi ça sert? que . Mais le contenu de l'enseignement reste littéraire et anthropocentré : langues, histoire, philosophie. Les techniques ne sont abordées qu'avec les études philosophiques et il faut attendre Napoléon 1er pour qu'elles prennent leur véritable place. Le français, première langue enseignée, devient une véritable langue internationale. Mais les pratiques physiques, importantes dans la pédagogie des Ordres, disparaissent avec l'internat. La réforme est accompagnée de moyens et Choiseul, ministre de Louis XV, commence à rétribuer les maîtres des collèges sur fonds publics.

La pédagogie française de ses origines à la Révolution est dominée par deux constantes :

  • la coexistence de la pression de Rome qui s'exprime à travers écoles monacales puis ordres enseignants et du besoin d'autonomie d'un service public national qui s'exprime à travers les écoles cathédrales puis l'université
  • la part importante de la culture grecque, héritage romain et élément constitutif du christianisme, associée à l'usage du latin, langue scientifique internationale.

La culture engendrée est surtout littéraire et elle délaisse les disciplines techniques et scientifiques malgré une volonté de pédagogie fonctionnelle et une véritable recherche scientifique. Peut-être parce que, comme le dénonce John Dewey, elle reste une école pour l'au-delà plutôt qu'une école pour la vie?