Histoire de l'enseignement en France/Les pédagogues de la Réforme

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Si la Renaissance stricto sensu reste un phénomène artistique et littéraire c'est dans le mouvement de contestation religieuse contemporain (Confession d'Augsbourg, 1530) qu'il faut rechercher la véritable remise en cause de l'Université et de l'enseignement. Avant d’être des théologiens Huss (1373-1415), Luther (1483-1546), Melanchthon (1497-1560), Calvin (1509-1564) sont des étudiants et des enseignants insatisfaits qui remettent en cause les contenus et les méthodes à travers la question A quoi ça sert ? Jean Comenius réalise au XVII° la synthèse d'ensemble de cette réflexion, poursuivie par l'anglais John Locke et Jean-Jacques Rousseau.

Les pédagogues de la Réforme
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Chapitre no 3
Leçon : Histoire de l'enseignement en France
Chap. préc. :Sous les Capétiens
Chap. suiv. :Contre-réforme et Humanistes
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Coménius modifier

Jean Coménius (1592-1670), enseignant apatride chassé de Bohème en 1621, publie en 1657 La grande didactique. La finalité de l’éducation est de faire évoluer l'homme du statut de spectateur du monde à celui d'acteur. Trois moyens - l'érudition, la vertu, la religion - servis par trois facultés - l'intelligence, la volonté et la mémoire – permettent d’y parvenir. L’enseignement passe aussi par trois étapes : l'éducation des sens par la manipulation, l'éveil de la conscience, la découverte de Dieu. La mémoire est le fondement de la conscience et de l'affectivité, les deux forces qui poussent l'homme à réaliser ses décisions.

Comme Ignace de Loyola (1491-1556) un siècle plus tôt Comenius insiste sur l'organisation de l'enseignement, les nouveautés devant être toujours présentées avec clarté et concision pour favoriser les rapports et associations d'idées qui en assurent la coordination dans l'esprit des élèves. En 1970 Jean Piaget relève les aspects novateurs suivants de son oeuvre :

  • limitation du temps scolaire pour favoriser le travail personnel,
  • limitation de l'usage de la mémoire à l'essentiel pour ne pas surcharger l'esprit de détails superflus,
  • adaptation de l'enseignement à l'âge de l’élève car les capacités évoluent toutes seules.

Les contenus sont pragmatiques : langue maternelle, calcul, géographie locale, économie et politique de l'Etat à l'école élémentaire où les cours sont de quatre heures par jour, les exercices physiques étant pratiqués en récréation. Coménius préconise une école maternelle et élémentaire dans chaque bourg, un collège (ou gymnase) dans chaque ville, une université (académie) dans chaque région. L'école élémentaire obligatoire pour toutes et tous jusqu'à quatorze ans débouche sur l'orientation professionnelle. Chacune des six années du gymnase sont consacrées à une matière et l’examen final ouvre les portes de l'université.

John Locke modifier

D’origine anglaise John Locke (1632-1704 étudie la médecine à Montpellier avant de publier en 1690 Essai sur la compréhension humaine et en 1693 Réflexions sur l'éducation. Dans la perspective empiriste de Bacon (1561-1626) l'esprit n'est pour lui qu'une table rase qui s'emplit par la perception des objets qui est la source unique de nos idées et le premier degré de la connaissance. Les idées simples qui en découlent permettent combinaisons puis abstractions aboutissant au raisonnement et à l'imagination. Au niveau de la morale se situe dans une perspective platonicienne.

Sa pédagogie présente deux aspects caractéristiques. Elle est fonctionnelle comme le souligne l'étude des langues : le français est abordé pour la conversation (peu d'écrits) et le latin pour la lecture (pas de thème). Elle doit préparer l'enfant à sa vie réelle Pour ceux de l'aristocratie, seul le préceptorat permet de tirer le maximum des qualités et des défauts ; pour ceux du peuple les écoles de travail, où les activités physiques forgent la santé et la force musculaire, s'imposent. Reprise en France au XVIII° par Philippon de la Madelaine ce concept contribue au développement de la notion d'éducation physique populaire.

Elle est empiriste par le rôle attribué à l'observation et l'expérience dans toute action pédagogique dont la lecture critique et les mathématiques sont les outils privilégiés. Mais le contenu même de l'enseignement reste secondaire car il s'agit avant tout de mettre en place un esprit sain dans un corps sain. Locke, qui est médecin, insiste sur l’hygiène de vie : diététique, sommeil et endurcissement. Il préconise pour l'élite la pratique modérée des activités physiques et d'un art manuel, futur violon d'Ingres de l'adulte.

Jean-Jacques Rousseau modifier

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) se contente de poser des grands principes sans entrer dans les applications didactiques, considérées comme des niaiseries. Il vise à terme une société vertueuse où l’enseignement utile pourrait redevenir collectif comme ce fut le cas à Sparte. Le préceptorat reste cependant la seule option à son époque pour former des citoyens vertueux à distiller en nombre suffisant dans la société pour la révolutionner ... en 1789, 11 ans seulement après la disparition de Rousseau.

Sa conviction est en effet que tout est bien dans les mains de Dieu … tout dégénère dans les mains de l'homme. Mais c'est aussi la société qui fait de l'homme un être intelligent et véritablement humain. La gageure de l’éducation est de résoudre ce paradoxe en intégrant l'homme à la société sans laisser celle-ci le dénaturer. Pour cela que l’éducateur doit oeuvrer en dehors de la société et des autres enfants. Il doit aussi éviter d’annoncer la vérité à qui ne peut l'entendre : c'est l'induire en erreur. Car si l'enfance répare à l'âge adulte, c'est aussi un état en lui-même, avec ses équilibres et ses stades :

  • Jusqu'à 12 ans, Rousseau préconise une éducation négative où l'enfant, à travers son activité physique spontanée, fait ses expériences sensibles dans un milieu naturel aménagé par le précepteur. La mesure des contraintes naturelles y permet l’élaboration d’une raison sensitive qui le mène à l'abstraction et la raison.
  • De 12 à 15 ans il faut profiter de ce moment où les idées et la raison se mettent en place pour apprendre rapidement le minimum utile. Pendant cette période, la pédagogie reste empirique, les connaissances s'élargissant par abstraction progressive à partir des outils et des techniques. Le contenu de l'enseignement reste un faux problème car il s'agit surtout d'apprendre à apprendre pour déboucher sur l'être moral capable de changer la société corrompue.
  • Pendant l'adolescence, le précepteur-confident aide son pupille à transposer l’obéissance externe aux contraintes naturelles en obéissance interne aux lois d'une société idéale (cf. Platon). Un voyage à travers le monde facilite ce dernier passage.

L'ensemble de cette réflexion fonde la révolution pédagogique de la fin du XVIII° qui accorde, avec Basedöw, Pestalozzi, Arnold et d’autres une large part à l'éducation physique et manuelle. Le fonctionnalisme a joué dans ce domaine un rôle déterminant en donnant la priorité aux démarches sur les contenus alors que l'empirisme, en mettant l'accent sur l'apprenant, a situé la nécessité des connaissances psychologiques. Cette réflexion aboutit au début du XX° siècle aux travaux de la pédagogie active (Claparède, Decroly, Freinet, Montessori) … soutenus plus tard par la psychologie génétiste de Jean Piaget.