Introduction à l'élasticité/Notions d'algèbre tensorielle

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Notions d'algèbre tensorielle
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Chapitre no 2
Leçon : Introduction à l'élasticité
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Introduction

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Comme mentionné en introduction, ce cours fera un usage intensif des tenseurs, qui sont des objets mathématiques courants en mécanique des milieux continus, mais sont parfois inconnus des mathématiciens et physiciens qui abordent ces domaines. Ce premier chapitre propose d’en préciser l’intérêt et les propriétés les plus utiles.

Il ne se prétend pas un véritable cours dédié aux tenseurs — il faudrait plus qu'une page — mais plutôt une rapide référence et une introduction destinée aux néophytes.

Motivation

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Formes linéaires et produit scalaire

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Pour introduire les tenseurs, et saisir leur intérêt, nous allons dans un premier temps rappeler quelques propriétés utiles des vecteurs et quelques notions mathématiques.

Remarquons déjà la chose suivante : si φ et x sont exprimés dans une même base, quelle qu'elle soit, leur produit scalaire est inchangé.

Une autre remarque est que la donnée d'une base de l'espace et des trois coordonnées (notons-les φ1, φ2 et φ3) suffit à caractériser φ, donc suffit à caractériser la forme f.

Applications linéaires et produit scalaire

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D'après la section précédente, le choix d'une base permet de représenter une forme linéaire par un vecteur. On voit ici qu’il est possible, en faisant le choix d'une base, de représenter une application linéaire (un tenseur) par une matrice.

Ainsi, la connaissance, dans une base, des 9 composantes de la représentation matricielle d'un tenseur permet de caractériser ce tenseur.

Début d’un principe
Fin du principe


De même que l’utilisation du produit scalaire avec un vecteur permet de s'extraire des problèmes de choix de base, les propriétés du tenseur sont indépendantes du repère choisi. C’est la principale raison derrière leur utilisation.

Ordre d'un tenseur

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La notion d'ordre du tenseur fait référence à son action :

  • un tenseur d'ordre un transforme un vecteur en scalaire (c'est une forme linéaire)
  • un tenseur d'ordre deux transforme un vecteur en vecteur (c'est une application linéaire)
  • un tenseur d'ordre quatre transforme un tenseur d'ordre deux en tenseur d'ordre deux (c'est encore une application linéaire)

Nous ne verrons pas de tenseurs d'ordre supérieur dans cette leçon[2]. Pour représenter un tenseur d'ordre quatre, dans le cas général, il faut disposer de ses 81 composantes dans une base.

Par souci de simplicité, nous ne noterons pas les tenseurs différemment selon leur ordre[3].

Symétrie des tenseurs

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Tout tenseur peut être décomposé comme somme d'un tenseur symétrique et d'un tenseur anti-symétrique :

 

avec

 

Propriétés d'un tenseur anti-symétrique

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Un tenseur anti-symétrique W se caractérise par la propriété suivante :

 

Une conséquence directe est que la représentation dans toute base orthonormée d'un tel tenseur est anti-symétrique, donc que l’on peut décrire un tenseur anti-symétrique par uniquement trois scalaires (au lieu de 9 dans le cas général) — c'est-à-dire par un vecteur. La propriété suivante — qui est la seule que nous utiliserons réellement — nous indique comment le choisir :

Propriétés d'un tenseur symétrique

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Par définition, un tenseur est symétrique lorsqu’il égale sa transposée (son tenseur adjoint) :

 

Les tenseurs symétriques ont des propriétés particulièrement utiles, ce qui fait que l’on essaiera de « rendre » nos tenseurs symétriques tant que possible. Parmi les points qui nous seront les plus utiles :

Popriétés liées au produit scalaire
  • en notant (·,·) le produit scalaire, on a (Ax, y) = (x, Ay) pour tous vecteurs et y et tout tenseur A symétrique.
Propriétés liées à la représentation
  • la représentation d'un tenseur symétrique, dans toute base orthonormée, est une matrice symétrique ;
  • dans l'espace usuel, il suffit de 6 scalaires pour décrire un tenseur symétrique (au lieu de 9 dans le cas général).
Propriétés liées à la diagonalisation
  • tout tenseur symétrique est diagonalisable, au moyen d'un tenseur orthogonal (une rotation) ;
  • les vecteurs propres d'un tenseur symétrique forment une base orthogonale (que l’on peut orthonormer) de l'espace ;
  • les valeurs propres d'un tenseur symétrique sont réelles.
Propriétés liées aux opérations
  • la somme, la différence et la multiplication par un scalaire laisse un tenseur symétrique ;
  • le produit de deux tenseurs symétriques n'est lui-même symétrique que si ces tenseurs commutent ;
  • l'inverse d'un tenseur symétrique est symétrique.

Produit tensoriel de deux vecteurs

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Dans toute la suite, le triplet   représente une base orthonormée de l'espace.

Nous allons introduire le produit tensoriel entre vecteurs par les propriétés qui seront les plus utiles :


On observe, en particulier, la propriété suivante :

 


Remarque : le tenseur   vérifie l'égalité suivante pour tout vecteur a :

 

l'action de ce tenseur est ainsi de projeter a selon e. Cette lecture presque immédiate de l'action d'un tenseur est aussi l'une des raisons de leur emploi.

Produit tensoriel symétrisé

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Souvent en élasticité, on utilise des tenseurs symétriques. Pour abréger les expressions, on introduit une notation raccourcie :

 

On remarque, avec les notations de la décomposition détaillée précédemment, que :

 

Parfois, on introduit de même le produit symétrique asymétrisé :

 

qui possède pour principale propriété d'intérêt pour nous qu’il est lié au produit vectoriel :

 

Trace d'un tenseur

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La trace d'un tenseur est un invariant de celui-ci : elle garde une même valeur indépendamment du repère considéré. On lui donne une définition pratique :


Décompositions

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Décomposition polaire d'un tenseur

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Si A est un tenseur dont le déterminant[4] est positif, alors il admet la décomposition suivante :

 

avec :

  • R un tenseur orthogonal (une rotation) ;
  • U et V des tenseurs symétriques définis positifs ;

Décomposition spectrale

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Les valeurs propres et vecteurs propres d'un tenseur A sont des quantités intrinsèques à celui-ci et vérifient :

 

Les valeurs propres de A sont les racines de son polynôme caractéristique, défini[5] par :

 

En développant cette expression en dimension 3, on fait apparaître dans le polynôme caractéristique trois invariants, notés   :

 

avec :

  •  
  •  
  •  

On montre que ces invariants permettent de définir les invariants suivants, plus utilisés en pratique et plus génériques :

 

Pour les tenseurs symétriques,   définit une norme, et intervient dans le critère de Von Mises pour la rupture d'un matériau.

Analyse tensorielle

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Voir l'annexe portant sur l'analyse tensorielle pour un traitement en détail.

Comme pour les champs vectoriels, on peut définir pour les champs tensoriels des opérateurs de dérivation spatiale : gradient, divergence, rotationnel et laplacien. Nous les introduirons au fur et à mesure qu’ils apparaissent, plutôt que d’en faire un inventaire préalable.

Notons toutefois qu’ils conservent les propriétés des outils d'analyse vectorielle (linéarité, identités, relations), même si cela nécessite des démonstrations plus ardues.

Du point de vue des notations, il a été choisi de ne pas utiliser le nabla «   » très courant en analyse vectorielle, mais trompeur lorsqu'on l'applique indifféremment aux scalaires, vecteurs et tenseurs. Nous écrirons donc D ou grad, div, Δ… avec les conventions décrites en introduction (gras, …).

Enfin, notons que dans beaucoup de cas ces opérateurs s'appliquent à partir d'un point, indiqué en indice :  .

Remarques et références

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  1. C'est-à-dire une application linéaire à valeurs réelles qui prend en argument un triplet de coordonnées réelles.
  2. Nous n'aborderons pas, non plus, de tenseurs d'ordre trois, qui sont encore plus rares.
  3. Une convention courante est de souligner une fois un tenseur d'ordre un, deux fois un tenseur d'ordre deux, etc.
  4. Le déterminant d'une application linéaire est indépendant de la base utilisée pour le calculer.
  5. Il existe deux définitions, qui ne changent rien aux valeurs propres, du polynôme caractéristique : seul l’ordre des termes dans le déterminant diffère.