La matière et l'esprit/Matière et matérialisme
Démocrite, au Ve siècle avant notre ère, donne l’idée d'atome, dont naîtras le matérialisme et l'atomisme, qu'Épicure reprendras. L'atome est l'élément de toute chose, la limite de toute génération et destruction, l'atome ne peut être divisé. Il n'y a que l'être, cet être est la matière. Attention, il ne faut pas confondre le sens philosophique de l'atome avec le sens physique, où l'atome est divisible en particules. L'atome existe car rien ne peut naître de rien (on utilise l’expression ex nihilo) et rien ne peut aller au néant. Par exemple, une naissance n’est pas une création mais une nouvelle organisation d'atomes, tout comme la mort n’est pas la fin des atomes mais la fin de cette organisation. Mais ces atomes sont invisibles, seule l'organisation est perceptible, on ne voit jamais la matière elle-même.
Mais ces principes n'expliquent pas le monde et ses changements. Si tout était plein d'atomes, rien ne pourrais bouger, pas d'organisations possibles. Il faut donc penser le non-être, le vide. Mais cela ne suffit pas, car être en mouvement et s'organiser sont deux choses différentes, il faut donc en plus penser le hasard. La conception épicurienne de l'univers est la chute des atomes (à l'époque, la force gravitationnelle n'avait pas encore été modélisée) dans le vide, de manière parallèle. Un clinamen, une déviation originelle, ferais l'univers tel que nous le connaissons. Mais comment passer du chaos à un monde organisé ? Le hasard et la nécessité se combinent : tout se combine au hasard et la nécessité fait le tri. Toute combinaison viable perdure, les autres disparaissent.
Mais si on réduit l'être à la matière, on doit faire la distinction entre l'être et les apparences. Il n'y a pas différents êtres (substances), ainsi un humain ou un cheval ne sont que différentes manifestations du même être. Le matérialisme n’est pas du sens commun, la matière n'est jamais perçue directement, elle se pense, ne se constate pas. La matière est abstraite et n'existe que dans nos esprits.
Le matérialisme en tant que théorie ne suffit pas en lui-même car il faut d'autres idées (le vide, le hasard). Dans l'atomisme existe une béance entre le principe et les phénomènes. Pourquoi est-on passé de la matière à un monde organisé ? Aucune raison, la matière n'a pas besoin de pourquoi pour exister.
Aristote montre que le matérialisme ne peut se passer de l’idée de forme, et en ce sens, la matière seule n'existe pas.