Le travail et la technique/Introduction

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Nous allons nous rendre compte que les concepts de travail et de technique nous mènent tous les deux à penser le rapport d'échange qui peut exister entre l'humain et la nature. Connaître et contempler la nature est une chose, et c’est à la science de parvenir à ce résultat, mais pour vivre l'homme doit aussi et avant tout savoir agir dans le monde physique. Parce qu’il n'a pas l'instinct des animaux, la place qu’il occupe dans l'univers de la nature est moins le résultat d'une adaptation spontanée que d'une confrontation dont les formes sont justement le travail et la technique. Mais pour voir cela plus clairement, définissons ces termes.

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Chapitre no 1
Leçon : Le travail et la technique
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Technique

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Provient du grec techné qui veut dire fabriquer, construire, produire. L'étymologie nous permet de comprendre pourquoi on a longtemps identifié les termes d'arts et de technique. L'art comme la technique désigne l'activité de production. Sous la catégorie ou le genre art nous retrouvons donc aussi bien les beaux-arts que l'artisanat, la médecine ou l'activité de l'homme politique. Dans tous les cas, nous voyons que :

  • L'art, la technique, se caractérise par son efficacité, sa capacité à produire quelque chose (tableau, bonne santé...)
  • Sans être une science qui a pour objet l'universel, il suppose malgré tout un savoir relié à une réalité singulière, c’est ainsi que l’on peut parler de savoir-faire.

Mais il ne faut pas réduire la technique au objets matériels et concrets que sont les outils. Outre la production d'outils, la technique désigne aussi des savoir-faire liés au corps (technique de nage, de sommeil...) et des savoir-faire liés à l'esprit (méthodes des sciences, exercices spirituels...)

Concernant la production des outils, on ne peut ignorer son histoire, nous nous limiterons cependant à une chronologie simplifiée en 3 périodes :

  • Jusqu'au XVIIIe siècle, l'humain était dans l'ère de la techné au sens large
  • Il est ensuite entré dans l'ère des machines et de l’industrie
  • Et depuis 1945, nous sommes dans l'ère du nucléaire et de l'informatique

Si nous regardions de plus près, nous verrions l'apparition de la distinction entre trois concepts : l'outil, l'instrument et la machine, mais la langue française n'aide pas l'esprit à bien les différencier à cause de l'extension de l'usage qu'elle en fait. Au sens large, le terme d'instrument possède la signification la plus générale puisqu’il nous renvoie à l’idée de moyen. Ainsi, pouvons-nous dire que toute technique est l'instrument du pouvoir que l'homme exerce sur la nature. Au sens large toujours, le terme d'outil désigne tout objet fabriqué par l'homme pour agir sur la matière. Une machine est donc en ce sens tout autant un outil qu'un marteau. Mais en précisant :

  • L'outil est un objet amplifiant les capacités du corps humain du point de vue mécanique, accroissant sa force.
  • L'instrument est un objet amplifiant les capacités du corps humain au niveau des perceptions (instruments de mesure, de musique...)

À ce niveau, la technique peut-être considérée comme le prolongement du corps humain (voire de la nature elle-même), en se dotant d'outils, il se donne des organes supplémentaires, prolonge sans fin la capacité des siens propres.

  • La machine, quant à elle, est une structure organisée pour transformer l'énergie en force mécanique, voire en informations pour les dernières machines.

Il est important de préciser que les progrès techniques, l'apparition de nouveaux objets techniques, entraîne une modification de ces catégories, à l'instar de l'évolution du monde vivant faisant apparaître parfois des formes de vies inclassables. Le progrès donnant des formes à la fois outils, instruments et machines. Comment classer les satellites et les ordinateurs ?

Comment définir alors le concept de technique ? Qu'est-ce qu’il y a de commun à toutes les idées que nous venons d'évoquer ? Il semble que nous pouvons affirmer que la technique est toujours la mise en œuvre d'un procédé afin de produire des objets où des savoir-faire que la nature ne peut fournir elle-même, et ceci dans le but d’agir efficacement dans le monde. Notons l'apparition du terme technologie, qui tend à remplacer celui de technique. On entend tout d’abord le regroupement de plusieurs techniques très différentes en vue de produire un même objet, par exemple le lancement d'une fusée requiert de nombreux savoir-faire différents. Technologie sous-entend que la technique se différencie de l'art et de l'artisanat, car elle dépend de la science, et la technique est aujourd’hui l’application du savoir scientifique, et il dépendent désormais l'un de l'autre pour se développer l'un l'autre.

Travail

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La même difficulté se pose à nous, car le mot travail renvoie à des sens différents qui se rattachent tous de manière plus ou moins directe à une définition première. Il est commun aujourd’hui d’utiliser ce terme pour désigner soit un emploi, soit une activité rémunérée en général, comme en témoigne la formule "perdre son travail". Or, nous pouvons très bien travailler sans avoir d’emploi, et la rentabilité n’est pas la finalité première du travail. (un esclave travaille mais n’est pas payé). Aussi pouvons-nous dire que cette perspective économique n'évoque la réalité du travail que de manière lointaine et indirecte. Une deuxième acceptation du mot travail nous est apportée par la science physique, où il est mesuré en joules. Enfin, le terme est utilisé pour évoquer les idées de souffrance et de tourment. Par exemple, lorsque nous disons qu'une idée nous travaille, nous pouvons vouloir dire qu'elle nous inquiète, nous obsède; lorsque nous parlons de l'entrée en travail d'une femme qui accouche, nous voulons renvoyer aux douleurs de l'enfantement. Ces idées de tourment et douleur se retrouvent dans l'étymologie du mot, le terme latin tripliare signifiant tourmenter ou torturer.

Ainsi, le travail semble être l'effort par lequel l'homme parvient à transformer le réel (la matière ou les idées), à nier ce qui apparaît par une activité dont les règles ne sont pas spontanées ni données. Alors que le point de vue économique insiste davantage sur l’idée de productivité du travail, les points de vue physique et psychologique ne retiennent que celle de l'effort important et pénible réclamé par le travail.

Lien entre technique et travail

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On peut définir le lien entre la technique et le travail comme étant le suivant:

Par la technique, l'homme n'est donc pas en lien direct avec la nature, car le monde de la technique s'interpose entre lui et la nature. Lien entre l'homme et la nature, la technique constitue un "mixte de naturel et d'humain". D'une part, la technique relève de la nature, car elle est mise en œuvre des lois naturelles (par exemple une ampoule électrique à incandescence utilise les lois de l'électricité, car c'est le passage du courant électrique dans le fil qui échauffe celui-ci et crée de la lumière). D'autre part, la technique est le produit de l'activité humaine, et a donc par définition une dimension humaine.

Pourquoi travaille-t-on ?

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À l'évidence, par nécessité, pour vivre. Pourtant, nous ne travaillons pas seulement pour vivre, mais aussi pour bien vivre. Il est clair que l'humain continue de travailler même si ses besoins vitaux sont satisfaits. Au-delà du simple besoin, le désir semble être aussi à l'origine du travail. Remarquons le paradoxe de la situation : nous travaillons pour ne plus avoir à travailler, pour vivre libérés des contraintes imposées par la nature, pour profiter librement et jouir de tous les biens matériels. Mais, plus nous voulons accéder à cette liberté et plus nous sommes contraints de travailler. Par le travail nous gagnons une liberté qui se présente toujours à venir : je travaille toute la semaine pour profiter de mon week-end, toute l'année pour mes congés, toute ma vie pour ma retraite. Nous pouvons alors nous interroger sur la nature de cette activité : n'est-elle qu'une simple fatalité renvoyant à la misère de la condition humaine ? Pourquoi l'homme travaille-t-il toujours plus que nécessaire, prolongeant cette fatalité ? Le travail est-il au contraire la transition pour rendre une vie heureuse ? N'est-il pas une fin en soi ?