Logique (mathématiques)/Définitions

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Cette section discute le rôle des définitions et des notions premières à l’intérieur des théories.

Définitions
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Chapitre no 7
Leçon : Logique (mathématiques)
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Chap. suiv. :Égalité
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Faut-il tout définir ? modifier

Souvent, pour donner la signification d’un concept, on donne une définition. Comme comprendre une théorie c’est comprendre sa signification, on en conclut parfois à tort que l’essentiel de la compréhension consiste à connaître des définitions. Sur ce sujet, un logicien a cité ironiquement un livre qui prétendait tout définir. Il y a un bien sûr problème de régression à l’infini. On définit toujours un mot avec d’autres mots et s’il faut définir toujours aussi ces autres mots, on ne pourrait jamais s’arrêter.

Pour prouver que le verbe être ne pouvait pas être défini, Pascal (De l’esprit géométrique ou de l’art de persuader) faisait remarquer qu’une telle définition contiendrait forcément le verbe être : être c’est … Il a proposé alors la théorie suivante de la définition : il y a des notions premières et indéfinissables, fondamentales, dont la signification est nécessairement connue de tout être pourvu qu’il soit rationnel. Toutes les autres notions peuvent être définies à partir des notions premières.

Pascal a souligné une ressemblance entre les preuves axiomatiques et les définitions. On déduit tous les théorèmes à partir d’axiomes considérés comme des vérités simples et évidentes. On s’interdit la circularité, c’est-à-dire qu’on procède par étapes, en commençant par les axiomes et en continuant sur la base de tout ce qui précède. On n’a pas le droit de se servir d’une thèse avant de l’avoir démontrée à partir des axiomes. De même, toutes les notions peuvent être définies à partir de notions premières, simples et évidentes. Là aussi, la circularité est interdite. On n’a pas le droit de se servir d’une notion dans sa propre définition ou dans les définitions des termes qui la définissent.

La théorie de Pascal a une part de vérité. Il y a parfois des axiomes qui sont aussi des vérités simples et évidentes. Il y a parfois des notions premières simples et évidentes à partir desquelles on peut définir beaucoup de choses. Mais pas toujours. Parfois, la vérité et la signification des axiomes et des notions premières ne sont pas du tout évidentes.

Il ne faut pas prendre l’interdiction de circularité d’une façon trop absolue. Une théorie se développe à partir de principes qu’elle ne démontre pas. Mais une théorie peut être développée pour prouver la vérité des principes d’une autre théorie. Une théorie contient toujours des notions premières qu’elle ne définit pas et à partir desquelles on peut définir toutes les autres. Mais d’autres théories peuvent être développées pour préciser ou définir ces « indéfinissables ».

Lorsqu’un terme est défini à partir d’autres, sa signification est déterminée à partir de celles des termes définissants. Mais la signification des notions premières, comment est-elle connue ?

Les axiomes fixent la signification des notions fondamentales modifier

On dit parfois que les axiomes fixent la signification des notions premières et c’est tout à fait juste. En un sens, ils constituent la définition des notions premières. Mais il ne s’agit pas d’une définition logique au sens ordinaire, parce qu’on ne postule pas l’égalité par définition entre une expression définie et une expression définissante, mais on peut les considérer comme une définition déguisée.

L’essence des êtres modifier

N’importe quel système d’axiomes peut être utilisé comme point de départ pour une théorie, pourvu qu’il soit cohérent. Inventer une théorie peut être très facile : choisir quelques formules, s’assurer qu’elles forment un système cohérent, et c’est terminé. Mais les théories ainsi obtenues ne sont pas toutes également intéressantes. On veut des théories qui ont du sens. Ce qui fait qu’une théorie a du sens est une question très difficile. C’est la question de l’essence des êtres.

Connaître l’essence d’un être, c’est connaître une classe d’êtres à laquelle il appartient, et des principes, des lois fondamentales, vraies pour tous les êtres de cette classe. On demande parfois en plus que ces lois suffisent pour caractériser la classe, qu’un être qui obéit à ces lois y est automatiquement contenu.

L’axiome d’extensionalité, par exemple, fait partie de l’essence des ensembles. Deux ensembles sont égaux si et seulement s'ils contiennent les mêmes éléments. Si un être n’obéissait pas à cette loi, il ne pourrait pas être un ensemble.

La question de l’essence est aussi mystérieuse que celle de la connaissance. Comment se fait-il que nous avons des connaissances ? Pourquoi le monde est-il compréhensible ? Quelques principes, quelques règles de déduction ou de calcul, et l’on a tout ce qu’il faut pour dévoiler les mystères de la réalité, est-ce un miracle ? Pourquoi les êtres humains disposent-ils d’un tel privilège ? Pourquoi avons-nous une connaissance partielle des essences ?

Les mots n’auraient pas beaucoup de sens si nous ne connaissions pas des vérités. Sens ou signification, essence, connaissance, vérité, il s’agit toujours de la même question métaphysique, c’est quoi la vérité ?

Les moyens de la logique formelle sont insuffisants pour apporter une large réponse à la question de la vérité. Pourquoi les mots ont-ils un sens ? C'est une question d’anthropologie. La logique formelle apporte seulement quelques éléments de réponse.

Qu’est-ce qu’une théorie fondamentale ? modifier

A priori, n’importe quelle notion peut être prise comme une notion première ou fondamentale et on peut énoncer des axiomes à son sujet pour préciser sa signification. Il se trouve que, de même qu’il y a des principes plus fondamentaux que d’autres, il y a aussi des notions plus fondamentales que d’autres. On peut comprendre cela en raisonnant sur la notion de puissance d’une théorie.

On dira qu’une théorie T+ est plus puissante qu’une autre T si tous les théorèmes de T peuvent être traduits par des théorèmes équivalents dans T+. Cela se produit lorsque les notions premières de T peuvent être définies à partir de celles de T+, et que les principes de T peuvent être prouvés à partir de ceux de T+. Les principes et les notions les plus fondamentaux sont donc ceux des théories les plus puissantes.

Parfois, on ne peut pas dire qu’une notion ou un principe est plus fondamental qu’un autre parce que les uns peuvent être dérivés à partir des autres et réciproquement. Mais cela n’empêche pas de reconnaître que certains principes et certaines notions sont particulièrement fondamentaux.

Quand on a défini une notion à partir d’autres, on peut se servir de toutes les connaissances sur les notions définissantes pour connaître la notion définie. Les définitions sont une façon de se servir d’une théorie pour en développer une autre, une sorte d’importation intellectuelle.

On peut aussi considérer que les théories les plus fondamentales ont un immense potentiel de significations et que les définitions sont destinées à révéler ce potentiel. De ce point de vue, faire un concept par une définition ne consiste pas à créer une nouvelle signification mais à choisir dans l’espace des significations potentielles, ou espace de tout ce qui est définissable, concevable, à partir des notions premières.

La fabrication des concepts modifier

D’un point de vue formel, il y a deux façons de faire des concepts :

  • Soit on se repose sur une théorie existante et on définit un nouveau concept à partir de ceux qui sont déjà connus. La fabrication du concept est alors la fabrication de sa définition.
  • Soit on développe une nouvelle théorie en donnant des axiomes, qui fixent la signification des concepts premiers. La fabrication du concept est alors la fabrication des axiomes.

Cette façon formelle d’envisager la fabrication des concepts est bien sûr à trop courte vue. Le point important en général n’est pas de donner des définitions ou des axiomes très précis, mais de comprendre, par les intuitions, les déductions, les pensées, les expériences, les lectures, toute la richesse de significations, l’unité et les distinctions nécessaires, de nos concepts. Sur ce point, la logique strictement formelle ne dit rien, ou presque rien. La signification — au sens fort — d’un concept n’est jamais complètement donnée dans sa définition formelle. Les formules sont plutôt des outils destinés à développer quelque chose qui est plus que de simples combinaisons de mots.