Mécanique pour l'enseignement technique industriel/Modélisation - Les liaisons mécaniques
Présentation
modifierLe but de ce chapitre est d'expliquer comment on modélise le contact entre deux pièces. Ceci a une importance capitale :
- pour la compréhension du fonctionnement d'un mécanisme ;
- pour déterminer les mouvements des pièces ;
- pour déterminer la manière dont un effort se transmet d'une pièce à l'autre.
Objectif
modifierÀ la fin de la leçon, l'étudiant doit être capable, pour les onze liaisons définies :
- à partir symbole, de donner le nom et les degrés de liberté ;
- à partir du nom, de donner le symbole et les degrés de liberté ;
- à partir des degrés de liberté, reconnaître la liaison.
Il ne s'agit pas de tout savoir à la fin du chapitre. La mémorisation des différentes liaisons se fera au fur et à mesure des exemples traités tout au long de la leçon, d'autant plus que la notion de liaison mécanique est également traitée en dessin technique et en technologie.
Connaissances (notions, concepts) | Niveau | |||
---|---|---|---|---|
1 | 2 | 3 | 4 | |
Liaisons mécaniques
|
× | |||
Analyser la nature et les caractéristiques des liaisons mécaniques associées à leur modélisation schématique | × |
Hypothèses
modifierLors d'un contact entre deux pièces, deux phénomènes entrent en jeu :
- l'obstacle : les pièces se gênent mutuellement ;
- l'adhérence, le frottement : les matériaux collent plus ou moins entre eux, notamment lorsqu’il y a serrage.
Nous considèrerons ici qu’il n'y a ni adhérence, ni frottement ; il n'y a pas de serrage, tout se passe comme si les pièces étaient enduites d'huile. Seul l'effet d'obstacle nous intéresse.
Par ailleurs, on considère que les contacts sont sans jeu notable : il y a un jeu suffisant pour éviter le phénomène de serrage, mais ne permettant pas de mouvement parasite — ajustement de type H7/g6[1].
Rappelons qu'un mouvement est toujours relatif : on s'intéresse au mouvement d'une pièce par rapport à une autre. Dans le cas d'une liaison entre deux pièces, on s'intéresse au mouvement d'une des deux pièces par rapport à l'autre.
Degré de liberté
modifierPour construire une structure fixe (bâti de machine, passerelle, bâtiment, …), il faut immobiliser les différents éléments les uns par rapport aux autres, c'est-à-dire supprimer toute liberté de mouvement. Pour faire fonctionner une machine, il faut guider le mouvement des pièces, les contraindre, c'est-à-dire réduire la liberté de mouvement.
Considérons un ballon de football/volleyball/handball/basketball, et mettons deux points de peinture dessus, un rouge et un vert. Si l’on place le ballon au centre O d'un repère orthonormé direct (O, x, y, z ), alors le point de peinture rouge est sur l'axe x et le point vert est sur l'axe y ; ceci constitue notre position de référence. Lorsque le footballeur tire, le ballon vole et n’est pas guidé ; c’est ce qui fait la difficulté du jeu. En géométrie, on décrit :
- la position du centre du ballon par trois coordonnées, x, y et z (géométrie dans l'espace) ;
- la position du point de peinture, c'est-à-dire l'orientation du ballon, par trois angles.
De même, un mouvement se décompose en trois translations et trois rotations :
- translations selon l'axe x, y ou z, notées TX, TY et TZ ;
- rotation autour des axes x, y et z, notées RX, RY et RZ.
La ballon a une infinité de possibilités de mouvement : on peut lui donner n’importe quelle trajectoire et le faire tourner comme on veut, mais ce mouvement se décompose en ces six mouvements élémentaires.
On dit que l’objet a six degrés de liberté (DL).
Axe | Translation | Rotation |
---|---|---|
X | TX |
RX |
Y | TY |
RY |
Z | TZ |
RZ |
On représente les degrés de liberté par un tableau (nous proposons deux modèles de tabeau) : chaque case contient un « 1 » si le mouvement est possible, ou un « 0 » s'il est impossible. Le nombre de degrés de liberté est le nombre de « 1 » dans le tableau. Pour le ballon libre, on a donc :
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 1 | 1 |
y | 1 | 1 |
z | 1 | 1 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 |
Soit 6 DL.
Contact avec un plan
modifierLa première possibilité de réduire les possibilités de mouvement est d'appuyer l’objet sur un plan.
La figure ci-contre montre la décomposition d'un déplacement dans le plan (x, y) en TX, TY et RZ. Cette décomposition ne considère que l'état initial et l'état final, on ne s'intéresse pas à la trajectoire qu'a suivi le ballon.
Jouons maintenant au bowling. Dans ce jeu, la boule doit rester en contact avec le sol. On restreint donc sa liberté de mouvement en interdisant les translations en z, mais elle peut toujours se translater en x et en y, et tourner dans tous les sens. Le tableau des DL devient donc
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 1 | 1 |
y | 1 | 1 |
z | 0 | 1 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
1 | 1 | 0 | 1 | 1 | 1 |
Soit 5 DL. Cette liaison est appelée liaison sphère-plan (LSP), ou encore liaison ponctuelle. On précise la « normale au plan », c'est-à-dire la perpendiculaire au plan, puisqu'elle indique la translation supprimée ; dans notre cas, il s'agit d'une « liaison sphère-plan de normale z ».
Si l’on joue au hockey sur glace, on restreint encore les possibilités : non seulement le palet doit rester en contact avec la glace, mais en plus il ne peut plus tourner que dans le plan. Le tableau des DL est donc
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 1 | 0 |
y | 1 | 0 |
z | 0 | 1 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
1 | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 |
Soit 3 DL. Cette liaison est appelée liaison appui plan (LAP). Nous avons ici une « liaison appui plan de normale z ».
Considérons maintenant le joueur de hockey. Celui-ci patine vers les buts adverses, selon l'axe x. Le couteau de son patin à glace a plus de possibilités de mouvement que le palet : il peut s'incliner à gauche et à droite, ce qui permet au joueur de se pencher sur le côté. La translation en x est la glisse normale, et la translation en y correspond à un dérapage. Le tableau des DL est donc
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 1 | 1 |
y | 1 | 0 |
z | 0 | 1 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
1 | 1 | 0 | 1 | 0 | 1 |
Soit 4 DL. Cette liaison est appelée liaison linéaire rectiligne (LLR). Il faut ici indiquer l'axe de la liaison, puisque c’est autour de cet axe que peut pivoter le patin ; nous avons ici une « liaison linéaire rectiligne de normale z et d'axe x ».
Ces liaisons sont représentées par des symboles normalisés[2]. Ces symboles existent en trois version : vue en perspective, vue de face et vue de profil. La vue de face et la vue de profil sont différentes pour la liaison linéaire rectiligne : dans un cas, l'axe de la liaison (ici x) est perpendiculaire à la feuille, dans l'autre cas il est sur la feuille.
- Note
- Les symboles ne dépendent pas de la solution technologique, c'est-à-dire de la manière dont les liaisons sont réalisées. Ils ne représentent que les degrés de liberté entre les solide en contact.
Liaison sphère-plan (ponctuelle) |
Liaison appui plan | Liaison linéaire rectiligne |
---|---|---|
Contact avec un trou cylindrique
modifierOn peut aussi mettre la pièce en contact avec un trou cylindrique (alésage). On suppose que ce cylindre est d'axe x.
Si la pièce peut être une sphère de même rayon que le cylindre (avec un léger jeu pour permettre le mouvement) ; la sphère ne peut coulisser que selon x, mais toutes les rotations sont possibles — on parle de rotulage. On a une liaison linéaire annulaire d'axe x (LLA), le tableau des DL est :
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 1 | 1 |
y | 0 | 1 |
z | 0 | 1 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
1 | 0 | 0 | 1 | 1 | 1 |
soit 4 degrés de liberté.
Si la pièce est elle-même un cylindre de même rayon (avec un léger jeu pour permettre le mouvement), alors les pièces peuvent coulisser en x, et tourner autour de x, lais tous les autres mouvements sont empêchés. On a une liaison pivot glissant d'axe x (LPG), le tableau des DL est :
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 1 | 1 |
y | 0 | 0 |
z | 0 | 0 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
1 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 |
soit 2 degrés de liberté.
On peut bloquer la translation, par exemple en mettant une rondelle. On a alors une liaison pivot d'axe x (LP), c'est-à-dire une charnière, un axe de rotation. Le tableau des DL est :
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 0 | 1 |
y | 0 | 0 |
z | 0 | 0 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 |
soit 1 degré de liberté.
Liaison linéaire annulaire | Liaison pivot glissant | Liaison pivot |
---|---|---|
Contact avec une cavité sphérique
modifierConsidérons une cavité sphérique et une bille de même diamètre (avec un léger jeu pour permettre le mouvement). La bille peut tourner dans tous les sens, mais ne peut pas se translater. On a une liaison rotule (LR) ou liaison sphérique, le tableau des DL est :
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 0 | 1 |
y | 0 | 1 |
z | 0 | 1 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
0 | 0 | 0 | 1 | 1 | 1 |
soit 3 degrés de liberté.
On peut percer la bille et y visser un petit cylindre appelé doigt. On ménage alors une rainure dans la pièce femelle pour que le doigt puisse y coulisser ; cette rainure a une forme circulaire, nous décidons que l'axe x est un diamètre de ce cercle. Ce contact doigt-rainure bloque la rotation d'axe x, on a alors une liaison rotule à doigt (LRD), ou liaison sphérique à doigt, d'axe x. Un levier de vitesse au plancher de voiture est lié avec le sol par une liaison rotule à doigt, de même qu'une manette de jeu (joystick) avec son boîtier. Le tableau des DL est :
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 0 | 0 |
y | 0 | 1 |
z | 0 | 1 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 1 |
soit 2 degrés de liberté.
Liaison rotule (sphérique) |
Liaison rotule à doigt (sphérique à doigt, cardan) |
---|---|
Liaisons avec un orifice sans symétrique axiale
modifierConsidérons un trou et une pièce ayant la même section droite, mais cette section n’est pas un disque ; par exemple, un parallélépipède rectangle (section carrée ou rectangulaire). La pièce peut coulisser, mais ne peut pas tourner ; nous avons une liaison glissière, et le tableau des DL est
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 1 | 0 |
y | 0 | 0 |
z | 0 | 0 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
soit 1 degré de liberté.
Maintenant, considérons le cas particulier d'une vis dans un taraudage. La surface de contact est une hélice (surface hélicoïdale). Si l’on fait tourner la vis, celle-ci avance en même temps ; dans certains cas (si l'hélice est très allongée), on peut pousser sur la vis et alors celle-ci tourne. L'avance et la rotation sont liées, l'un ne va pas sans l'autre. On n'a donc qu'un seul degré de liberté. Cette liaison est appelée liaison hélicoïdale, et le tableau des DL est habituellement représenté comme ci :
Axe | T | R |
---|---|---|
x | kRX | 1 |
y | 0 | 0 |
z | 0 | 0 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
kRX | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 |
le « TX = kRX » indique que TX est lié (proportionnel) à RX. Ce point est très particulier et sort du cadre de ce cours ; il faut juste retenir ici que l’on n'a qu'un seul degré de liberté.
Liaison glissière | Liaison hélicoïdale |
---|---|
Liaison encastrement
modifierLa liaison encastrement, ou liaison fixe, désigne deux pièces n'ayant pas de possibilité de mouvement. Cette situation est obtenue par serrage, vissage, boulonnage, collage, soudage, … On a 0 degré de liberté, le tableau des DL est
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 0 | 0 |
y | 0 | 0 |
z | 0 | 0 |
TX | TY | TZ | RX | RY | RZ |
---|---|---|---|---|---|
0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Liaison encastrement (fixe) |
---|
Degrés de liaison
modifierLes degrés de liaison sont les degrés de libertés qui sont supprimés par une liaison. Par exemple, la liaison sphère-plan supprime un degré de liberté, elle a donc un degré de liaison ; la liaison encastrement supprime tous les degrés de liberté, elle a donc 6 degrés de liaison. On a bien évidemment :
- degrés de liaison = 6 - degrés de liberté.
Repère local
modifierOn s'est placé ci-dessus dans des cas particuliers d'orientation. Une liaison sphère-plan, par exemple, peut être de normale x ou y, auquel cas les tableaux des degrés de liaison deviennent :
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 0 | 1 |
y | 1 | 1 |
z | 1 | 1 |
Axe | T | R |
---|---|---|
x | 1 | 1 |
y | 0 | 1 |
z | 1 | 1 |
Mais le plan d'appui peut avoir n’importe quelle orientation. Dans ce cas-là, on définit un repère local (x1, y1, z1) dont les axes sont orientés de sorte que l'un d'eux soit perpendiculaire au plan. L'image ci-contre montre une liaison sphère-plan dont la normale est l'axe z1 du repère local. Le tableau des DL est donc :
Axe | T | R |
---|---|---|
x1 | 1 | 1 |
y1 | 1 | 1 |
z1 | 0 | 1 |
Faites ces exercices : Reconnaître une liaison par les degrés de liberté. |
Symbole alternatifs
modifierOn trouve parfois d'autres symboles pour les liaisons.
Liaison ponctuelle (obsolète) |
Liaison hélicoïdale | Liaison pivot glissant | Liaison pivot |
---|---|---|---|
Tableau bilan
modifierNote pour les enseignants
modifierDiplômes français
modifierUnités des diplômes français concernées par ce chapitre :
- bac pro EDPI : S4.2.1 : Mouvement relatif de deux solides en liaison glissière ou pivot — Généralités ;
- bac pro TU : S1.2.3 : Analyse fonctionnelle d'un système ou d’un sous/système ;
- bac pro MEI : S1.1.2 : Analyse structurelle et solutions constitutives ;
- bac pro ROC-SM : —
- bac pro TCI : S1.12 Analyse structurelle et solutions constructives
Un peu de théorie
modifierCette section fournit au formateur une justification mathématique des notions abordées, et n’est pas à enseigner aux apprenants dans le cadre de ce cours.
Considérons un objet indéformable. Si l’on fixe un point A de l’objet (par rapport au référentiel), on supprime trois degrés de liberté, puisque l’on impose trois équations :
- xA = cte,
- yA = cte,
- zA = cte.
L'objet peut encore tourner librement autour de ce point. On crée ainsi une liaison rotule avec le référentiel.
Si l’on fixe un deuxième point B de l’objet (distinct de A), on supprime deux degrés de liberté, puisque l’on impose deux équations
- xB = cte,
- yB = cte.
La troisième cordonnée zB est fixée par la condition d'indéformabilité : puisque la longueur AB est constante, on a
- (xB - xA)2 + (yB - yA)2 + (zB - zA)2 = AB = cte
ce qui permet de calculer zB connaissant les cinq autres coordonées. L'objet peut encore tourner librement autour de l'axe (AB). On a maintenant une liaison pivot avec le référentiel.
Pour immobiliser définitivement l'objet, je dois empêcher cette rotation. Il suffit pour cela d'immobiliser un troisième point C ne se trouvant pas sur la droite (AB). Je n'ai besoin de fixer qu'une de ses coordonnées, par exemple xC si (AB) n’est pas parallèle à l'axe des x. Je supprime donc à nouveau un degré de liberté puisque j'impose une équation
- xC = cte.
J'ai alors une liaisons complète, fixe, un encastrement avec le référentiel.
Au final, pour immobiliser un objet indéformable, je dois fixer six équations. Un objet libre a donc six degrés de liberté ; la position d'un solide indéformable peut être décrits par six paramètres indépendants.
Notes
modifier- ↑ « H7/g6 » désigne la tolérance sur les dimensions d'une pièce ; si l’on met un axe (pièce cylindrique) de diamètre ∅30 mm dans un alésage (logement cylindrique) de ∅30 mm, alors si la liaison doit tourner, l'axe doit être un peu plus petit et/ou l'alésage un peu plus grand (montage glissant, avec jeu). La mention « H7/g6 » indique que l'alésage peut faire entre ∅30,000 et ∅30,021 mm, et l'axe entre ∅29,003 et ∅29,080 mm, soit un espace entre les pièces (jeu) compris entre 3 et 41 μm (« μm » : micromètre, ou micron, 1 μm = 1⁄1000 mm). Le jeu dépend de la taille des pièces. Il est de 2 à 18 μm pour des pièces de ∅3 mm ou moins, et de 20 à 123 μm pour des pièces de ∅400 à ∅500 mm
- ↑ norme ISO 3952