Paul Arène, La cage dorée/La mort du linot
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modifierGrise elle l'était, un peu, très peu ! Gris-perle plutôt que grise, oui, gris-perle. Et, tout éblouie, tout assourdie, encore de ce bal, son cerveau si petit, auréolé de cheveux fins et flous, plein d'un tourbillonnement d'étoffes qui semblaient chanter et d'un brin de musiques multicolores, – car il n'est rien de tel que quelques fumées de champagne flottant sur l'énervement d'un fin de souper pour confondre chansons, parfums, couleurs et prédisposer la pensée aux transpositions d'art les plus subtilement décadentes, – Nanette revenue seule par caprice d'une fête pourtant donnée en son honneur, Nanette idyllique et mélancolique, avec des souvenirs d'ancien modèle, se faisait à elle-même l'effet d'un de ces flottants paysages nacre et argent du vieux Corot où parmi l'humble gazon, dans la brume claire et la rosée, des fleurettes pointent.
La fleur bleue du rêve chez Nanette ne demandait donc qu'à fleurir.
Une cage fut l'occasion.
Oui, dans la chambre à coucher de Nanette, sans compter l'épaisse fourrure aussitôt jetée, le peplum transparent, qui de son tissu souple et mat gantait juste sa fine personne, jeté également sur les coussins du lit, il y avait un peu de tout, et il y avait aussi une cage.
Une cage à serins, en or, ou du moins paraissant être en or et sans doute, d'ailleurs, tout simplement dorée.
De plus cette cage à serins ne logeait pas un serin, mais un linot acheté par Nanette tout petit, pelote de duvet gardant encore la forme de l’œuf, à des gamins gâteurs de nids qui s'en amusaient vers Meudon.
Nanette aimait ce linot qui lui rappelait son enfance et voici pourquoi : parce que, avant d'avoir traversé les ordinaires avatars au bout desquels on conquiert officiellement à Paris le diplôme de jolie fille, Nanette, successivement modèle à Montmartre, puis écuyère quelque part et puis quelque part figurante, songeait parfois non sans plaisir au temps où petite paysanne, avec de la paille dans ses sabots fendus, elle allait filant sa quenouille le long du Grand Ru si frais et si clair sous une voûte d'aunes peuplée en avril et en mai de myriades d'oiseaux chanteurs.
Aussi ce fut un réel chagrin précédé d'un instant de tragique surprise lorsque, s'approchant de la cage, elle trouva l'infortuné linot étendu, bec ouvert et pattes raides, auprès de la mangeoire vide.
– « Hélas ! dit-elle mon linot est mort. Si j'avais pu prévoir avant-hier que je resterais sortie aussi longtemps, je l'aurais recommandé à la concierge... Mais voilà ! ce Gaston est tellement drôle que, depuis deux jours, je ne pensais plus à mon linot ! »
En présence d'un tel événement, les idées de Nanette se trouvèrent de fond en comble retournées comme les bas noirs à coins fleuris qu'elle achevait à peine de tirer ; et, naturellement sensible, ayant pris au creux de sa main le mignon cadavre déjà froid, elle le baisa et pleura.
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Réponses
modifierVoici des propositions de réponses :
- champagne : il s'agit d'une ivresse provoquée par l’alcool.
- la vue et l’ouïe : elle voit moins bien, elle entend moins bien
- la mélodie du toucher pour le tissu, le chatoiement des notes.
- l'enthousiasme et les regrets. Les sonorités donnent une portée sensorielle à ces deux adjectifs qui riment.
- les transpositions d'art, l'ancien modèle, paysage de Corot.
- Locution adverbiale qui décrit bien l'héroïne naïve et sentimentale. Le lecteur s'attend à un rêve romantique.
- Le peplum, la fourrure et les coussins évoquent une vie de luxe, de confort et de richesse.
- Le titre de la cage dorée est annoncé avec certaines réticences, après avoir parlé d'or. La cage à serin abrite en fait un linot, qui a une histoire mêlant sa fragilité à la cruauté des pilleurs de nids. Elle a acheté cet oiseau il y a longtemps parce qu'il lui rappelle son enfance à la campagne.
- L'héroïne a d'abord posé comme modèle pour des peintres et des sculpteurs, elle a ensuite été écuyère, puis figurante dans des films. Aucun nom n'est cité, donc la célébrité n'a pas été au rendez-vous.
- La mélancolie et la nostalgie.
- Malgré les sabots fendus remplis de paille pour absorber l'humidité, c'est le souvenir printanier des rives du ruisseau bordé d'aulnes peuplés d'oiseaux qu'elle évoque.
- Cette litote prend une forme négative pour renforcer l'affirmation.
- Pour renforcer le choc de la mort de son compagnon et comprendre son chagrin.
- Il est mort de faim comme le sous-entend la remarque sur la mangeoire vide.
- Le passage au style direct renforce l’expression de la brutalité de cette découverte morbide inattendue.
- Son humeur est comparée à ses bas retournés.