Point de vue/Introduction

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Introduction
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Chapitre no 1
Leçon : Point de vue
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Notion de focalisation : définition, structure de la leçon

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Le point de vue détermine la façon dont le narrateur traite les faits pour raconter l'histoire. Pour écrire un texte, l'auteur met à sa disposition différents moyens de placer son narrateur dans les faits rapportés : l'auteur peut décider de tout dire - ce qui indique qu’il est tout puissant sur son récit - ou bien de ne montrer que ce qu’il sait, comme le ferait un témoin ou un acteur de l'intrigue. Il peut encore décrire les faits de façon très détachée, en se concentrant essentiellement sur ce qu’il voit, ce qu’il entend, minimisant ainsi le rôle de sa compréhension et de son interprétation. Ce choix, qui laisse plus ou moins de liberté au lecteur, détermine la nature du point de vue (ou focalisation) choisi. On appelle donc point de vue le point à partir duquel l'action est observée et décrite.

C'est la double question « Qui voit ce qui m’est décrit ? Comment ? » qui permet d’identifier le point de vue utilisé par l'auteur. Toutefois le narrateur peut adopter une ou plusieurs positions, selon le besoin. Dans cette leçon, nous allons découvrir 3 points de vue caractéristiques :

Les chapitres constituant la leçon
Le POINT de VUE EXTERNE Le POINT de VUE INTERNE Le POINT de VUE OMNISCIENT

Nous allons aussi parler des changements de point de vue.

Notion associées à la focalisation

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La position du narrateur

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Il est important de ne pas confondre le point de vue qu'adopte un narrateur et la position de celui-ci. La position concerne uniquement le rapport qui existe entre le narrateur et le cadre, l'univers de l'histoire qu’il relate. Un narrateur peut effectivement appartenir soit au monde dans lequel le récit évolue, on parle de position interne, et il équivaut alors souvent à un personnage de l'histoire, soit lui être complètement extérieur : on parle alors de position externe.

L'exemple type du narrateur de position externe externe peut être Le Père Goriot (1834) de Balzac. De fait, l'initiative réaliste de l'auteur le pousse à choisir un narrateur détaché de l'univers qu’il décrit, pour rester relativement objectif. Dans ce cas particulier, nous sommes dans une situation simple : la narrateur n’est pas un personnage de l'histoire, il est externe, et adopte le plus souvent un point de vue externe (il ne s'implique pas directement, ne laisse pas transparaitre ses impressions). Les marques caractéristiques d'un narrateur externe sont essentiellement l'emploi de la troisième personne ("il", "elle", "ils", "elles"), et l'absence d'interactions (dialogue, évocation du narrateur par d'autres personnages, actions directes du narrateur sur le cadre) entre les personnages du récit et le narrateur. La relation qui existe entre ce narrateur et le texte correspondent ainsi généralement à la conscience qu'a un auteur sur sa propre imagination, de ses idées (qui n'existent que par et pour lui) : auteur et narrateur sont très proches dans ce cas là. On peut toutefois assister à des jeux plus ou moins subtils de mise en abîme, lorsque le récit dans sa globalité fait comprendre que le narrateur est encore le personnage d'un autre monde. Un exemple : tout d’abord, si l’on considère la nouvelle "Continuité des parcs" (Fin d’un jeu (1956)) de Julio Cortazar, on constate qu'une confusion s'installe au cours du récit, jusqu'à la chute : le narrateur voit sa figure se démultiplier, puisqu’il est d’abord le locuteur quelconque d'un récit fait au lecteur; mais qu’il est aussi identifié au sein même du récit au locuteur de la narration enchâssée; et qu'enfin, par un habile jeu de mise en abîme, comme le récit en vient à une transgression dans la réalité, le narrateur apparait aussi comme l'observateur de la scène réelle - figure quasi divine, qui échappe au lecteur. Le narrateur est donc bien externe au récit à tous les niveaux : il entretient avec lui une relation de sujet à objet.

Au contraire, dans le cas d'un narrateur dont la position est interne, celui-ci appartient pleinement à l'univers dans lequel a lieu l'histoire, au même titre que les autres protagonistes. On trouvera alors comme marque significative l'emploi de la première personne ("je", "nous", "on"), et aussi dans certains cas, des interactions entre le narrateur et d'autres personnages (sous forme de dialogue notamment), entre le narrateur et un lieu, entre le narrateur et un évènement... l'essentiel étant que le narrateur intervienne directement. Son discours est alors généralement plus personnel, mais ce n’est pas une obligation. On retrouve par exemple cette position dans les romans autobiographiques.

Comparons deux incipit :

Comparaison de narrateurs de positions différentes
Un narrateur externe Un narrateur interne

« Madame Vauquer, née de Conflans, est une vieille femme qui, depuis quarante ans, tient à Paris une pension bourgeoise établie rue Neuve-Sainte-Geneviève, entre le quartier latin et le faubourg Saint-Marceau. Cette pension, connue sous le nom de la maison-Vauquer, admet également des hommes et des femmes, des jeunes gens et des vieillards, sans que jamais la médisance ait attaqué les mœurs de ce respectable établissement.  »
— Balzac, Le Père Goriot

« Ça a débuté comme ça. Moi, j'avais jamais rien dit. Rien. C’est Arthur Ganate qui m'a fait parler. Arthur, un étudiant, un carabin lui aussi, un camarade. On se rencontre donc place Clichy. C'était après le déjeuner. Il veut me parler. Je l'écoute. "Restons pas dehors ! qu’il me dit. Rentrons ! " Je rentre avec lui. Voilà. »
— Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit (1932)

Bien sûr, la distinction n’est pas toujours aussi aisée à faire. Si le narrateur est assimilé par exemple à une entité divine, abstraite, mais appartenant au monde décrit, on aura du mal à le différencier d'un narrateur externe. Inversement, si c’est le monde décrit qui semble trop irréel, trop abstrait, trop imaginaire, le lecteur aura plus de mal à considérer que le narrateur appartient effectivement à cet univers. Prenons l'exemple du poème Parade de Rimbaud, extrait des Illuminations (1875) :

Début de l'exemple
Fin de l'exemple


Bien que la scène décrite apparaisse vraiment hallucinée, le narrateur affirme : "J’ai seul la clef de cette parade sauvage", qui montre combien pour lui cet univers existe. L'ambiguïté réside ici dans l'intime association qui est faite pour le genre particulier de la poésie entre poète (auteur) et narrateur du poème, ce qui est le cas ici. Il y a par conséquent une tension entre la réalité (physique, concrète) du poète et la place qu’il fait à son imagination. Faut-il alors considérer que le narrateur est interne à sa description ? La dernière phrase indique en effet clairement une relation de compréhension, d'explication entre le narrateur et son récit. On peut cependant voir cette dernière phrase, énigmatique, comme celle que prononcerait cette fois-ci le poète, Rimbaud, en dehors même du récit, et que c’est bien plutôt le poème en tant qu'objet, et non plus simplement le contenu du poème, que le narrateur est capable d'élucider. Rimbaud pourrait s'exercer à un commentaire métatextuel. On peut y voir un excellent moyen d'expliquer ainsi la formule de "poésie objective" par laquelle Rimbaud qualifie son œuvre : au-delà de l'influence parnassienne, il faut y voir la volonté chez Rimbaud de dépasser la poésie romantique, laquelle se contente souvent de considérer la poésie comme un condensé d'impressions - subjectives, c'est-à-dire qui ne dépendent que du sujet, donc du narrateur poète - que le narrateur éprouve par rapport à la réalité. Au contraire, Rimbaud cherche à substituer une autre démarche, dans laquelle l’idée et l'imagination constituent temporairement les seuls objets : l'intériorité du narrateur n'est plus alors simplement subjective, mais constitue une réalité pleine et à part entière. On assiste finalement à un dédoublement du narrateur, à la fois totalement objectif (qui décrit cette nouvelle réalité identifiée à lui-même), mais paradoxalement totalement subjectif, et interne, puisque limité à son univers, dès l'instant où l’on quitte le poème. On retrouve finalement un processus similaire à celui employé chez Cortazar, mais que l’on peut encore rencontrer chez Nerval, dans Aurélia ou le rêve et la vie (1855).

Début de l'exemple
Fin de l'exemple


Tout cela pour expliquer de quelle manière le narrateur peut se situer par rapport à son récit, et que cette position n'indique absolument pas en théorie une disposition particulière qu’il prendrait quant à sa focalisation (même si dans la pratique, certaines associations paressent plus logiques, plus couramment utilisées).

Lien avec la situation d'énonciation

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La focalisation est une des composantes qui permettent de définir la situation d'énonciation, dans la mesure où elle permet d'étudier partiellement l'identité du locuteur et ses intentions, voire sa visée (dans le cas de texte polémique, argumentatif...) envers ses interlocuteurs, en l’occurrence le lecteur ou d'autres personnages (ou bien les deux), lorsqu’il s'exprime. En effet, chaque point de vue possède des effets particuliers et donne une orientation singulière à chaque énoncé, on y reviendra plus tard.