Problèmes de linguistique générale/Volume 2
Le second volume, publié en 1974, compte vingt chapitres répartis en cinq unités thématiques ayant les mêmes titres que celles du premier.
Transformations de la linguistique
modifierLe chapitre premier, Structuralisme et linguistique (1968), est un entretien entre Benveniste et Pierre Daix. Benveniste parle d' Antoine Meillet dont il fait l'éloge, Noam Chomsky est aussi évoqué. Le sens sémiotique est dit immédiat, sans histoire ni environnement. Le vingtième siècle semble à Benveniste un moment d'intense transformation de la discipline linguistique.
Le deuxième chapitre, Ce langage qui fait l'histoire (1968), est aussi un entretien réalisé avec Guy Dumur. Après une définition de la linguistique comme une science du langage qui englobe toutes les sciences traditionnelles comme la grammaire ou la philologie, l'histoire de la linguistique est retracée. Elle est considérée par Benveniste comme ayant débuté plusieurs fois, chez les Occidentaux, c'est en Grèce antique, mais Benveniste évoque aussi Panini. Ce dernier, selon le linguiste, écrit un texte purement formel sans spéculation philosophique, et difficile d'accès, qui inspire les structuralistes dans la mesure où ces derniers refusent tout mentalisme (toute implication psychologique), là où Noam Chomsky, inspiré par René Descartes, s'oppose à cette conception. Selon Benveniste, des changements en profondeur se produisent.
La communication
modifierLe chapitre trois (1957), Sémiologie de la langue, pose la question de la place de la langue dans une science des signes, avec l'aide de la lecture de Charles Sanders Peirce et de Saussure. Benveniste conclut par un dépassement de la notion de signe.
Le chapitre quatre (1965), Le langage et l'expérience humaine, analyse la personne grammaticale et le temps. L'expérience humaine dans le langage est l'acte de parole, notamment dans la deixis.
Le chapitre cinq (1970), l'appareil formel de l'énonciation, introduit une distinction entre l'emploi des formes et l'emploi de la langue. Benveniste suggère de futures études fondées sur les textes écrits.
Structures et analyses
modifierLe chapitre six (1968), structure de la langue et structure de la société, énonce la contradiction suivante : alors que langage et société sont solidaires et ne peuvent exister l'un sans l'autre, la société (ainsi, des langues proches peuvent être parlées dans des sociétés culturellement différentes, une langue reste stable pendant des changements de société : le russe ne connaît pas de bouleversement en 1917) semble indépendante du langage. Edward Sapir déclare ainsi que le niveau de complexité d'une langue ne dépend pas du niveau de complexité d'une culture.
Le chapitre sept, Convergences typologiques (1966), traite d'abord de composés verbaux en français. Ensuite, la facilité de composition en païute (langue uzo-aztèque) est aussi montrée. La composition en français témoigne d'une innovation typologique.
Le huitième chapitre (1969), Mécanismes de transposition, traite de la morphologie des noms d'agent en français, construits avec le suffixe -eur. Ce dernier confère deux sens différents : celui qui exerce une activité professionnelle (par exemple, un danseur, qui participe à des ballets), ou celui qui remplit une occupation occasionnelle (une personne qui danse au moment où je la décris), tous deux étant transposition de il danse. De même, certains noms en -eur ne s'emploient qu'avec des adjectifs : un bon marcheur s'emploie, un marcheur non. De tels mécanismes doivent s'étudier avec leur contexte syntaxique.
Le neuvième chapitre (1966), les transformations des catégories linguistiques, analyse les classes grammaticales d'un point de vue diachronique. Benveniste distingue les transformations innovantes (disparition et apparition de classes formelles, par exemple l'apparition d'une classe d'adverbe en -ly : recent donne recently) des transformations qu'il nomme conservantes (par exemple, le comparatif morphologique devenant une combinaison adverbe + adjectif). Benveniste analyse le parfait en latin (habere + participe passé). Le modèle indoeuropéen peut, selon lui, servir à analyser d'autres langues.
Le chapitre dix (1972), Pour une sémantique de la préposition allemande vor, évoque d'abord le onzième chapitre du volume 1 (au sujet de prae en latin). Benveniste analyse l'emploi que l'on suppose causal de vor, en relisant les travaux de Jacob Grimm sur la langue allemande. Il s'agit de comprendre la relation sémantique de vor d'une part au verbe, d'autre part au nom.
Fonctions syntaxiques
modifierLe chapitre onze, fondements syntaxiques de la composition nominale (1967), pose la question de la fonction syntaxique des composés. Benveniste distingue deux classes de composés : celle dont la relation tient « entièrement et uniquement entre les deux termes », comme père-mère en védique, et celle dont la relation dépasse les deux termes, comme l'anglais blue-eyed, aux yeux bleus.
Le chapitre douze, formes nouvelles de la composition nominale (1966), traite de néologismes, notamment dans le domaine scientifique. Les mots microbe et otarie sont analysés dans leur étymologie ; les dictionnaires se trompant à ce sujet. Ainsi, microbe signifie étymologiquement, en grec ancien, selon les dictionnaires contemporains de Benveniste « qui a la vie courte », et otarie « aux petites oreilles » (dans le premier cas, c'est en fait organisme microscopique, à la vie courte n'ayant pu s'employer en grec, et dans le deuxième il s'agit de l'oreille externe, qui est justement apparente, et non de la petite oreille). L'emploi de de et à est aussi analysé, dans moulin à vent, par exemple. Benveniste montre que, pour comprendre un néologisme, il faut connaître l'intention de son auteur.
Le chapitre treize, structure des relations d'auxiliarité (1965), traite d'un sujet alors peu abordé en linguistique mais connu de la grammaire traditionnel, les verbes auxiliaires. Benveniste pose des règles liées à ce qu'il nomme l'auxiliation.
L'Homme dans la langue
modifierLe quatorzième chapitre, l'antonyme et le pronom en français moderne (1965), compte un tableau des combinaisons possibles de pronoms au mode impératif et aux autres modes. La troisième personne (que Benveniste considère ailleurs comme non-personne), a donc un statut différent des deux autres.
Le quinzième chapitre, la forme et le sens dans le langage (1967), traite de sémiotique. Il s'agit du rapport écrit d'un congrès se terminant par une discussion.
Lexique et culture
modifierLe chapitre seize, diffusion d'un terme de culture : latin orarium (1969), traite de l'emprunt et pose pour thèse que pour établir une étymologie, il faut suivre toute l'histoire du mot sans se limiter au domaine de ce dernier. Ainsi, Benveniste donne l'exemple d'un terme grec ayant le sens de serviette, mais qui en latin prend le sens du linge enveloppant la tête des morts, et donne le nom suaire.
Le chapitre dix-sept, genèse du terme « scientifique » (1969), retrace l'histoire de ce terme, notamment dans le rapport entre science et scientifique. Alors que le suffixe x-ifique signifie qui produit ou confère x (calorifique, honorifique). L'adjectif scientifique s'est formé en latin, dans une traduction depuis le grec ancien de Boèce. La double signification (relatif à la science et qui produit la science) se perd, alors qu'elle était présente chez Boèce.
Le dix-huitième chapitre, la blasphémie et l'euphémie (1969), propose deux néologismes dans son titre. L'action conjointe de ces deux actes se produit dans le juron. Le blasphème est atténuée par l'euphémisme, comme dans le juron nom d'une pipe (remplaçant nom de Dieu).
Le dix-neuvième chapitre, comment s'est formée une différentiation lexicale en français (1966), pose la question de la manière dont deux termes de la même famille mais n'ayant pas de relation sémantique se sont différentiés. Le lien entre amenuiser et menuisier, par exemple, se trouve dans le latin minutus, influencé par un adjectif en grec ancien. Un tel phénomène (la différentiation) est fréquent.
Le vingtième et dernier chapitre, deux modèles linguistiques de la cité (1970), analyse les relations entre le mot citoyen et le mot cité dans différentes langues. Ainsi, le mot latin civitas (cité) provient du mot cives (que l'on traduit par citoyen), alors qu'en grec ancien, et dans d'autres langues indo-européennes, dont le français, c'est le mot citoyen qui dérive du mot cité. Benveniste conclut : « Toute l'histoire lexicale et conceptuelle de la pensée politique est encore à découvrir ».