Recherche:L'énigme de Fermat, le sublime dans tous ses états

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Note au lecteur : nul besoin de connaître les mathématiques pour savourer les astuces psychologiques du magistrat Pierre de Fermat.

Étude terminée le 10 mars 2023. English version here, updated March 24

Sage parmi les fous
dans la cité la rumeur
et le ciel d'azur

Pierre de Fermat vu par l'auteur.

  • « Cet homme remarquable, le premier d’entre nous, m’envoya deux propositions très subtiles, sans les accompagner de leurs démonstrations. Et alors que je lui demandais les démonstrations de ces propositions ardues, il me répondit, par lettre, en ces termes : « J'ai dû travailler pour les découvrir. Travaillez vous aussi ; vous prendrez ainsi conscience que c’est dans ce travail que consiste la majeure partie du plaisir. » Roberval à Torricelli, évoquant Fermat.
  • La conviction profonde et partagée que Fermat [160? - 1665] n’a pas possédé une démonstration de son théorème vient de la longue histoire des tentatives faites pour l’établir[1]. […] Les suiveurs des suiveurs, dans toutes les situations de ce genre, ne savent plus rien de ce qui a motivé les fondateurs […]. Ils pensent savoir tout ce qu’il y a à savoir, dès les commencements[2] ». Jacques Roubaud
  • « Quoi qu’il en soit, cette approche [d'Andrew Wiles], où le théorème de Fermat n’est qu’un corollaire très alléchant mais mineur, repose sur des techniques de représentations galoisiennes récentes. Reste possible qu’une démonstration élémentaire directe puisse être trouvée. » Catherine Goldstein, Un théorème de Fermat et ses lecteurs, p.120 (1995).
  • « Cette preuve de Fermat n’étant plus nécessaire aujourd’hui, était-elle suffisante en son temps ? » Roland Franquart (2009).
  • « Justel nous apprend que le mérite de Fermat était plus connu et admiré dans les pays étrangers qu’en France. Et pourquoi ? C’est que, — d’autres l’ont déjà remarqué, — après la mort de Fermat il n’était resté en France aucun géomètre de premier ordre pour apprécier à leur juste valeur ces admirables découvertes. » (Fermat, par Libri).

Cette étude repose davantage sur la pure réflexion et la logique que sur les mathématiques. Elle ne comporte qu'un seul calcul, une simple multiplication (10 fois 64). Si vous êtes passionné par les grandes et belles énigmes et que vous avez un niveau en mathématiques comparable à celui d'un élève de quatrième, cela suffit largement. Avec Roland Franquart, qui a résolu cette énigme (datant de 1670), en 2009 nous en avons mené une étude complète. Cette énigme n'avait jamais été déchiffrée auparavant, c'est ce qui en fait tout l'intérêt. Qui aurait pu imaginer que Fermat aurait crypté sa célèbre observation en trois lignes et demie d'écriture latine ? Seul un latiniste passionné de mathématiques, tel que R. F., un ancien militaire et technicien novateur travaillant dans le domaine des radars, a pu la mettre en lumière. Le plus grand attrait de cette énigme selon moi, est l'exploit magistral de cryptage réalisé par Fermat, mathématicien et pédagogue d'exception, familier du sublime, en connivence avec le génie. Cette étude a été écrite pour vous, et pour mon propre plaisir bien sûr. Les tout premiers jalons ont été posés en 2006, et elle a été initiée sur Wikiversité en 2019. Après m'avoir procuré tant de joies, tant d'heureuses surprises aussi, elle est maintenant terminée. Je suis convaincu que jamais un mathématicien n'est allé aussi loin que Pierre Fermat dans la compréhension profonde et intime du Nombre ; d'autant plus convaincu après avoir lu le l'ouvrage de Catherine Goldstein, Un théorème de Fermat et ses lecteurs. Je tiens à attester ici, dans un devoir éthique fondamental, que je voue une reconnaissance éternelle à Pierre Fermat. Un grand merci à tous mes lecteurs, vos visites fréquentes m'ont encouragé et stimulé, et sans vous, cette étude n'aurait pu être aussi complète et aboutie.

Claude Mariotti, 10 mars 2023

Préambule

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Avant la création de l'Académie des sciences par Colbert en 1666, il n'existait pas d'institution mathématique. La coutume chez les mathématiciens était alors de se lancer des défis. Comme nous le verrons plus loin, Fermat avait testé six de ses principaux correspondants à propos de sa fameuse conjecture sur les "nombres de Fermat", pour laquelle il connaissait une méthode lui permettant de démontrer en quelques minutes qu'elle était fausse (des mathématiciens l'ont remarqué, et c'est d'ailleurs lui-même qui l'avait inventée). Le facétieux génie annonçait avec aplomb être quasiment assuré de sa véracité, mais il leur demandait de lui fournir une preuve de cette validité. De 1640 à 1659, il les a ainsi testés un par un. Aucun d'entre eux n'ayant pu ni prouver, ni invalider la conjecture, il a pu constater les limites de leurs compétences en théorie des nombres. Ce fut également le cas pour la plupart de ses autres défis, que personne ne voulut ou ne put relever. On a même prétendu (Wallis) que ces problèmes qu'il proposait n'avaient absolument aucun intérêt. Son style d'écriture : Grand Siècle. Ainsi, pour faire progresser la connaissance, Fermat emploie dans sa correspondance tous les moyens imaginables : humilité, grande courtoisie certes, flatterie aussi, comme c'est la coutume à l'époque, mais mêlée quand il le juge nécessaire, de jugements abrupts qu'il estime justifiés sur le travail d'autres matheux. Dans les 48 fameuses ‘’OBSERVATIONS’’, il ne met jamais un mot de plus que nécessaire. Si tous ses correspondants (et plus tard nos contemporains) ont dit que Fermat avait fait faire un bond gigantesque aux math, il est impossible pour ces derniers de se mettre totalement “dans la peau” d'un mathématicien de l'époque (Fermat en l'occurrence), qui manie les math comme si elles étaient les premières briques fondatrices ; ainsi ils sont souvent hautains et arrogants, comme ceux de son époque, médisants parfois et même calomnieux. Malgré la facilité (pour Fermat en tout cas) à prouver que sa conjecture sur les "nombres de Fermat" était fausse, il faudra attendre près d'un siècle pour qu'en 1732, le jeune Euler y parvienne.

Finalement, plus aucun mathématicien contemporain de Fermat ne voulut – ne put – le suivre, alors que cela aurait grandement contribué à faire avancer la “connaissance” (dixit Fermat). Fermat en fut contristé et amer. Sa riposte, toute en pédagogie, fut à la hauteur de sa réputation : il lança un défi au monde. Selon nous, sa preuve étant admirablement cachée dans sa fameuse observation, grâce à la langue latine, il devait être suffisamment assuré qu'on mettrait très longtemps avant de s'apercevoir que sa fameuse conjecture, il l'avait "réellement dévoilée" (sane detexi). Les mathématiciens, selon lui, l'avaient bien mérité et auraient de quoi s'arracher les cheveux pendant un bon moment  . (C.-à-d. plus de 3 siècles).

Dernier théorème de Fermat
 
impossible dès que n est un entier supérieur à 2.

Ce qui rend le problème fascinant est la simplicité de son énoncé alors qu'il est extrêmement difficile à résoudre. Pendant plus de trois siècles les mathématiciens ont tenté en vain de prouver la véracité de ce théorème, dont Pierre (de) Fermat dit aussi avoir « réellement tissé, entièrement, l'explication tout à fait étonnante » — c'est la traduction après décryptage de sa deuxième ‘’OBSERVATIO‘’ → « observez bien ce que j'écris ! ». Si cet Himalaya des mathématiques a pu être gravi après 324 ans d'efforts et d'espoirs déçus par Andrew Wiles en 1994, c'est uniquement par des moyens modernes et une voie très indirecte, en passant par une démonstration d'une complexité énorme, longue d'un millier de pages dans sa première mouture. Le 24 juin 1993, au lendemain de la conférence où Andrew Wiles écrit au tableau noir qu’il pense avoir prouvé la véracité du ‘’Dernier théorème de Fermat’’, le journal Le Monde annonce en première page : « Le théorème de Fermat enfin résolu ». The New York Times titre : « At Last, Shout of 'Eureka' In Age-Old Math Mystery » [1]. Mais le plus dur restait à venir pour Wiles, sa démonstration recelait une grosse faille.

La preuve de Fermat, bien que beaucoup plus courte que celles proposées par les mathématiciens modernes, reste très difficile à assimiler car très elliptique. Elle n'a toujours pas été admise par la communauté mathématique contemporaine. La fameuse "Observatio" de Fermat, dans laquelle il prétend avoir prouvé son grand théorème, a été écrite on ne sait où exactement (il est peu probable que ce fut dans une marge, comme nous le verrons plus loin). Généralement, on considère que cette observation date de 1638, mais cette date correspond à la première mention des cas n=4 et n=3, et les commentateurs ont supposé que la preuve qu'il pensait détenir devait elle aussi être fondée sur sa méthode de descente infinie. La date réelle pourrait être un peu plus tardive, vers 1640, quand il a commencé à inonder ses collègues d'appels à la rescousse pour valider une autre conjecture, qu'il savait fausse celle-là (voir infra). Curieusement, il existe 3 éditions différentes de l’Arithmetica. Ce fac-similé se réfère à l'édition qui se trouve à la Bibliothèque de Lyon, elle attira l'attention de Roland Franquart en 2009.

 

Avez-vous remarqué que le point (•) qui suit le mot “detexi” est plus gros que le point final, tout à la fin du texte ? Et surtout, ne dirait-on pas que sur ce mot “de t exi” le «caractère» “t”, exagérément surchargé, fait davantage penser, si on l'isole du texte, à une tache, mais une tache qui aurait été finement exécutée de façon à être facilement assimilée, dans son contexte, à un “t” ? (si on agrandit l'image ce “caractère” ne fait aucunement penser à la lettre “t”). Ou au contraire diriez-vous que cette grosse surcharge sur un texte primordial de Fermat aurait été réalisée par un typographe je-m'en-foutiste, à la suite d'un manque d'encre ? Deux premières originalités sur l'observation mathématique la plus importante de Fermat – et des mathématiques en général. Nous vous ferons découvrir tout au long de cette étude bien d'autres curiosités, en rapport soit avec cette observation, soit avec le grand théorème en lui-même, soit avec ce qu'on a coutume d'appeler les “nombres de Fermat”. Une autre curiosité qui m'avait rendu très perplexe pendant plusieurs mois après que je l'eus découverte est encore plus bizarre, elle concerne cette même observation, sur l'édition que l'on trouve à l'Université de Rome[2]. Cette fois, et toujours dans ce même mot, ce ne sera plus la lettre t qui aura été manipulée, mais la lettre i, remplacée par le graphème .
Voici cette 2ème version de l’Arithmetica :

 
Arithmetica de l'Université de Rome













Il existe une troisième édition, quasiment sans anomalie. Nous étudierons en détail les deux premières anomalies et dévoilerons 27 autres indices dont certains admirables d’ingéniosité. Les savants se sont toujours fiés à des traductions approximatives de la note, qui toutes ont mal traduit, et ce dans toutes les langues, le mot “detexi”. C'est ainsi qu'en français on a traduit par “'j'ai trouvé” ou encore par “j'ai découvert”. À l'heure où nous écrivons ces lignes (2 septembre 2021) on ne peut trouver nulle part une bonne traduction. Commençons par traduire correctement l'observation de Fermat en corrigeant cette première erreur.

  • J'ai trouvé”, ou “j'ai découvert”, ne se traduirait pas par detexi, mais par inveni”.

Sur Dictionnaire Gaffiot, “invenio” (inveni, inventum, invenire) : trouver. Y voir aussi inventio”': action de trouver, de découvrir, découverte.
Sur Dictionnaire Olivetti, “trouver” : invenio (invenis, inveni, invenire, inventum).

  • Voyons maintenant la vraie signification de “detexi ”:

Sur Dictionnaire Olivetti : de detego (detegis, detexi, detegere, detectum) : découvrir, mais seulement dans le sens de mettre à découvert, mettre à nu, dévoiler.
Sur Dictionnaire Gaffiot : de detego : découvrir, mais seulement dans le sens de mettre à découvert.
Sur dicolatin : de detego : ôter ce qui couvre, mettre à découvert, révéler.

Nous sommes certain quant à nous (nous l'expliquerons plus loin) que Fermat a joué sur le fait que le mot «detexi», dans le contexte où il l'utilise, serait traduit non par "j'ai dévoilé", ou "mis à nu", "ou mis à découvert", mais par son faux-ami «j'ai découvert».

En outre,

  • sane : assurément, réellement, vraiment, entièrement, complètement (tout à fait).
  • demonstratio sur Dictionnaire Gaffiot : action de montrer, démonstration, description.

Ci-dessous donc, la traduction correcte de l’«Observatio», qui reprend exactement le propos de Fermat. Nous verrons dans la section demonstrationem mirabilem sane detexi qu'une traduction encore plus affinée est possible et surtout très utile. Le malicieux Pierre de Fermat se doutant que son observation rendant compte de sa plus importante découverte serait mal traduite – même s'il ne pouvait imaginer tout ce qu'elle impliquerait pour les mathématiques des XXe siècle et suivants – a dû bien se réjouir, tout comme son fils Clément Samuel, en posant ce défi à des mathématiciens qui parfois, méprisant ses travaux, avaient fait de lui un vantard. Pour l'instant cette première traduction (avant décryptage alphanumérique), qui conviendrait parfaitement à un bon latiniste, nous suffit amplement :

« Or, que ce soit un cube en deux cubes ou bien un carré de carré en deux carrés de carré et en général jusqu'à l’infini, aucune puissance autre que le carré ne peut être partagée en deux autres puissances de même nom, j'en ai réellement révélé l'explication surprenante [ou admirable, ou merveilleuse]. Cette marge exigüe ne la contiendrait pas. »

Pourquoi ne s'est-on jamais appliqué à traduire consciencieusement la fameuse OBServation ? La réponse est simple, jamais les mathématiciens n'auraient imaginé que quelqu'un, fût-il un génie mathématicien, fût-il un éminent latiniste, ait pu faire tenir en trois lignes et demie d'écriture latine tout ce qu'il fallait pour démontrer la conjecture mathématique qui a fait couler le plus d'encre pendant trois siècles. La première traduction officielle, celle d'Emile Brassinne, s'était un peu approchée de la vérité, puis au fil des années, il semble que des mathématiciens, s'arrachant de plus en plus les cheveux devant un défi si provocateur, moqueur même, ont fait en sorte, en traduisant à leur façon la provocation de Fermat – qu'on disait parfois fanfaron, trop Gascon pour être toujours pris au sérieux (dixit Descartes) – apparaisse aussi comme une assertion fabuleuse, remplie de mystère, et peut-être même une plaisanterie (comme l'estima le mathématicien allemand Ernst Kummer vers 1850). Dans le texte de Femat, mirabilem est décliné à l’accusatif, l'auteur souligne ainsi la valeur qu’il accorde au mot ‘’admirable’’. Cette formulation se révèle avoir un autre intérêt, dont on peut douter que Fermat l’ai l’anticipé. Observons l’ordre des mots : demonstrationem mirabilem sane [detexi]. ‘’admirable’’ (mirabilem) se trouve ainsi placé juste à côté de ‘’assurément’’ (‘’sane’’). Des mathématiciens, censés avoir l’esprit rigoureux, ont fait accorder ‘’réellement‘ (ou vraiment) à “merveilleuse” ; ce qui est une grossière erreur – à moins que ce ne fut un admirable acte manqué. Ces mathématiciens ont donc traduit ainsi la plus importante observation de Fermat :
« J'en ai trouvé une démonstration vraiment merveilleuse. » C'est un peu comme si l'on disait à public non spécialiste, ainsi qu'à toute la confrérie mathématique, « Voyez comme Fermat se moque de nous », avec, en creux, ce message subliminal :
« Bien sûr que non, Fermat n'a pas pu prouver son “Dernier théorème” ».

En donnant lui-même à cette observation l'aspect d'une galéjade (« Cette marge exigüe ne la contiendrait pas »), le facétieux Pierre Fermat a dû se douter que “son detexi” serait faussement traduit par « j'ai découvert ». Il s'est ainsi joué de ses détracteurs, les embrouillant et les affermissant encore plus dans leurs préjugés. Ses contempteurs les plus entêtés, souvent bien prétentieux, n'ont jamais pu, jamais voulu se remettre en question. Mais Fermat pensait aussi à ses suiveurs, ceux qui lui feraient confiance, et pour ceux-là il laissa une trentaine d'autres indices (voir infra). Voici maintenant la traduction officielle d'Émile Brassinne (en bas de page), qu'on trouve dans son ouvrage Précis des œuvres mathématiques de P. Fermat et de l’Arithmétique de Diophante (Toulouse, 1853). Elle est reprise en 2015 par Serge Coquerand dans son ouvrage À la (re)découverte des dix livres de l'arithmétique de Diophante, ainsi que par Bertrand Hauchecorne dans l'émission de France Culture Pierre de Fermat l’énigmatique (à 19’ 25’’), en 2015 également :
« Décomposer un cube en deux autres cubes, une quatrième puissance, et généralement une puissance quelconque en deux puissances de même nom au-dessus de la seconde puissance, est une chose impossible, et j’en ai réellement trouvé l’admirable démonstration. La marge trop exiguë ne la contiendrait pas. » L'ordre des mots est rigoureusement exact (adverbe devant participe passé). La seule (grosse) erreur concerne le mot detexi, traduit (encore ! — les habitudes ont la vie dure), par “j'ai trouvé”. Cette fausse traduction éloigne le lecteur d’une étude approfondie de l'observation. Extrêmement rares sont les commentateurs qui ont repris cette traduction officielle.

On trouve au contraire des dizaines de fausses traductions dont la ligne générale est celle-ci :
« Il est impossible de diviser un cube en deux cubes, ou un bicarré en deux bicarrés, et en général une puissance quelconque supérieure au carré en deux puissances de même degré, j'en ai découvert (ou trouvé) une démonstration vraiment merveilleuse que cette marge est trop étroite pour contenir. »

Brassinne, mise à part son l'erreur avec “trouvé”, avait bien traduit tout le reste, en mettant l'adverbe devant le participe passé :
« et j'en ai réellement ((trouvé)) l'admirable démonstration. » Ensuite les mathématiciens, échouant à retrouver la preuve que Fermat affirmait détenir, ont donc rendu son observation encore plus extraordinaire qu'elle ne l'était déjà. Au fil du temps, les savants de l'époque de Fermat et ceux qui ont suivi, se sont désolés de ne pas avoir accès à une démonstration. Une rumeur est alors née, affirmant que Fermat ne vérifiait pas toujours ses conjectures. Ainsi, on l'a vu encore davantage comme un fanfaron et à considérer que l'échec à trouver une preuve n'avait finalement pas d'importance. Malheureusement l'histoire des mathématiques et des sciences en général est jalonnée de ces jalousies et mesquineries. Il convient de noter qu'une fausse traduction a également terni la réputation de Fermat. En effet, Jean Itard (1902-1979), professeur de mathématiques et historien, se fiant à cette traduction, écrivit en guise de conclusion d'un court article en 1950 : « Jamais Fermat n’a été en possession d’une preuve de son Grand Théorème pour un exposant supérieur ou égal à cinq. » Cette déclaration est extrêmement désobligeante : le début de la phrase est péremptoire et violent : “Jamais Fermat”. En outre Itard utilise deux Capitales d'imprimerie pour "Dernier Théorème", manière radicale de démolir un théorème... Capital. Itard ne connaissait pas le latin.
La propagation de ces mauvaises traductions eut deux effets :
– Tourmenter les savants pendant 324 ans (1994 – 1670 = 324) et non 358 ans (d'ailleurs souvent arrondi en 350) comme on le lit souvent. En 1994 l'Anglais Wiles trouva une démonstration de 1000 pages.
– Permettre que le plus grand défi de Pierre de Fermat – retrouver et comprendre entièrement l’admirable explication qu'il a réellement révélée en sondant « les mystères de la science des nombres » – n'ait toujours pas été complètement relevé en 353 ans (2023-1670=353).

Vers 1998, lorsque j'ai découvert cette énigme, j'ai immédiatement compris son immense importance historique et émotionnelle. Je perçus que le génie polymathe et très inventif Pierre Fermat était suprêmement ingénieux, sûr de son fait, et cerise sur le gâteau, très espiègle. J'avais deux avantages non négligeables pour étudier le mystère proposé par Fermat. Tout d'abord, j'avais pour allié Blaise Pascal (excusez du peu), qui encensait littéralement Fermat. Ensuite, je n'étais pas un mathématicien professionnel et n'avais donc aucun préjugé, mais au contraire l'enthousiasme de l'amateur qui connaît suffisamment le monde des grands intellectuels pour prendre mes distances avec leurs réflexes instantanés. En outre, je n'avais aucun projet purement mathématique qui aurait pu monopoliser toute mon attention. Ce fut une chance inestimable pour cette étude.

Je suis heureux de partager ces découvertes passionnantes avec vous. Si certains passages vous paraissent longs et fastidieux, n'hésitez pas à passer outre, vous pourrez toujours les lire plus tard. Vous serez le seul juge pour décider si ce n'est qu'une très longue affabulation issue d'un esprit torturé se croyant supérieur à quelques grands mathématiciens, ou si c'est l'œuvre du génie créateur de Fermat.

Il me semble que cette étude jouit d'un privilège insolite et attrayant, c'est d'autant plus une joie de te la partager : tu seras seul-e juge pour décider :
― Soit que ce n'est qu'une très longue affabulation issue d'un esprit torturé se croyant supérieur à quelques (rares cependant) grands mathématiciens qui ont fait de Pierre Fermat un fanfaron, un amateur qui ne vérifiait pas toujours ses travaux, et qui se trompait souvent.
― Soit d'éprouver ton discernement, sans préjugé fixé par avance, de faire confiance à ton intuition, à ton attirance pour la beauté et la logique ; d'éprouver ainsi ton aptitude à juger de ce qui participe, ou non, de l'évidence ; de faire confiance à l’Intelligence et au Génie, le génie créateur de Pierre Fermat. Ne laisse pas ton esprit d’enfance s’incliner devant quelques intelligences bourrées de certitudes dont l'incessant travail intellectuel, rationnel, harassant, a bridé l’esprit critique et qui ne voudront jamais reconnaître que Fermat les a devancés de trois siècles. Ne te laisse surtout pas impressionner. Tu seras alors comme « l'aigle, [qui] aime à s'élever solitaire dans les cieux d'où il plane au-dessus des préjugés des savants et des sots. » (Auguste Guyard, Quintessences). Ne rejoins pas le troupeau bêlant, aime par-dessus tout à te sentir ignoré. Il te sera à peine demandé ici de comprendre le début de l'explication que nous donne Fermat (3 lignes et demie n'ont pas suffi pas à écrire une explication complète !) : juste constater que Fermat a utilisé comme seul outil le triangle de Pascal. Mieux, oublie tout ce que tu as appris des mathématiques, tu pourras alors profiter des mots qu'a écrits pour toi Pierre Fermat. Il te suffira de comprendre le début de l'explication que nous donne Fermat, où il utilise le triangle de Pascal comme seul outil. Si tu oublies tout ce que tu as appris des mathématiques, tu pourras profiter des mots que Pierre Fermat a écrits pour toi. J'espère que tu appréciera la formidable ingéniosité de ce génie lorsqu'il joue avec les mots et utilise à sa pleine puissance son don pour la pédagogie. C'est un travail d'orfèvre, un pur régal. Même un modeste professeur de mathématiques, habitué à lire des démonstrations complètes, lemme après lemme, aurait du mal à comprendre tout ce qu'a voulu nous transmettre Fermat. Sur le site franquart.fr, tu pourras en apprendre davantage (en mathématiques). J'ai eu l'occasion de discuter de ces découvertes avec quelques mathématiciens. Le premier ne m'a pas répondu, le deuxième a botté en touche. La troisième, après qu'elle m'eut promis en 2017 de poster son commentaire sur mon site personnel (encore peu avancé à l'époque) a changé d'avis sous un prétexte hypothétique. Je respecte sa décision que je comprends parfaitement aujourd'hui (il m'a fallu du temps...) car j'aurais fait de même. Mathématicienne-chercheuse, maintenant historienne, la meilleure experte de Pierre Fermat et de ses travaux (au monde, selon moi), je lui suis en outre redevable de nombreux encouragements, sur Wikipédia d'abord, puis par courriels interposés. J'ai aussi le plus grand respect pour de belles qualités humaines. J'ai rencontré par hasard la quatrième en randonnée le jour de mon anniversaire et j'ai apprécié le moment, même si elle m'a roulé dans la farine. Si vous enseignez les mathématiques, ou même si vous êtes un simple passionné, il se peut qu'après avoir lu cette étude vous ayez la tentation de la signaler à un mathématicien professionnel. Dans le meilleur des cas vous ne recevrez aucune réponse. Si vous rencontriez l'un d'entre eux je vous suggère de bien réfléchir avant de l'évoquer devant lui, vous pourriez être remis à votre place de “non-sachant” par une chicanerie ou par une autre. Votre vis-à-vis aura tout d'un coup oublié ce qu'est la méthode scientifique, qui repose avant tout sur la rigueur.

Fermat utilise dans son explication très succincte le “Triangle de Pascal” et s'est vu obligé, à l'aide de très subtils codages, d'être encore plus elliptique qu'à son habitude en lignes 1/2... écrites en latin. L’objectif de cette étude sera de faire état de tous les arguments (j'en ai répertorié au moins 28) trouvés en faveur de l’existence d’une preuve du grand théorème, par Fermat lui-même.

Bien qu’ayant nourri depuis longtemps un goût prononcé pour la mathématique et la physique (ah ! la découverte, dans ma jeunesse, des intégrales, de la dynamique des corps, des si belles, si simples, si logiques formules), je ne suis pas mathématicien, seulement un anonyme un peu polymathe, un peu philosophe et surtout un insatiable curieux. De nombreux mathématiciens, professionnels et amateurs, se sont passionnés pour cette énigme, imaginant une démonstration “élémentaire” (courte) à leur portée. Las, cette simplicité apparente pose un voile sur des difficultés insoupçonnées. Pendant longtemps les savants ont été envahis de courriers accompagnés d'une démonstration, bien sûr toujours fausse (on trouve encore à peu près chaque semaine une nouvelle pseudo-démonstration sur internet). En 1908, Paul Wolfskehl avait créé un prix de 100 000 marks pour récompenser le premier qui trouverait une preuve au théorème. Des démonstrations plus ou moins farfelues commencèrent à s’accumuler sur le bureau du professeur Edmund Landau, chef du Département des mathématiques à l’université de Göttingen, qui avait été chargé d’examiner toutes ces propositions de preuve. Leur nombre augmenta tellement que son travail personnel en pâtit. Il fit alors imprimer en grande quantité des modèles de réponse prêts à l’emploi :

Cher…
Je vous remercie pour votre manuscrit sur la démonstration du Dernier théorème de Fermat. La première erreur se trouve : page… , ligne… Cela infirme la démonstration.
Professeur E.M. Landau
Puis il pria ses élèves de remplir les blancs.
Martin Gardner évoque un ami mathématicien qui répondait à chaque expéditeur :

« N'étant pas moi-même compétent pour analyser votre démonstration, je vous encourage à l'envoyer à Monsieur..., expert en la matière et qui pourra vous aider. Voici son adresse : ... ». L'expert en question n'était autre que le dernier expéditeur d'une démonstration.

« Dans les années 1970 l'effet de découragement de ces 350 années d'échecs relatifs était tel qu'il était de bon ton de dire que l'assertion de Fermat n’était pas suffisamment générale pour être considérée comme significative ou qu’elle était soit indémontrable soit fausse. Mais en l'espace d'une trentaine d'années la communauté mathématique a radicalement changé sa perception de la question en passant d'un désintérêt plus ou moins courtois à l'enthousiasme le plus vif ! On s'est soudainement mis à croire à la véracité de l'assertion de Fermat vers 1985 et cette disposition d'esprit a été un puissant stimulant pour l'édification des difficiles théories qui ont conduit à sa démonstration. » Yves Hellegouarch.

Déjà avant 1994 il semble que l’inconscient collectif et l’effet de groupe à l’œuvre dans les hautes sphères de la discipline aient décidé qu’il faille arrêter là les dégâts et disqualifier encore plus, par tous les moyens possibles, Fermat et son théorème. Rendons ici hommage aux nombreux savants qui ont su faire preuve de sagesse et de retenue. La découverte d'une démonstration par Wiles en 1994 suscita l'enthousiasme dans le monde entier, un enthousiasme parfois mâtiné d'un peu de tristesse : pour prouver un énoncé très élémentaire il avait fallu écrire tout un traité de mathématiques d’une difficulté inouïe. Jamais un mathématicien bien comme il faut n’aurait imaginé que Fermat (dont l'espiègle pédagogie était pourtant bien connue) ait inséré dans sa deuxième observation (outrageante ?) écrite en latin, tout ce qui était nécessaire pour la décrypter.

Nos mathématiciens ne savent plus raisonner sainement avec les concepts les plus primordiaux, n’y ayant jamais été contraints puisque leurs prédécesseurs, de plus en plus ont brûlé les étapes. Ils sont en conformité avec l’époque, une ère matérialiste. L’esprit est de plus en plus encombré de pensées compliquées, tout comme l’est leur manière de chercher. Pour raisonner ils recourent à une multitude de symboles mathématiques et à des formules de plus en plus complexes, leur pensée s’appuie sur cette complexité au lieu que d’être – de pouvoir être – une pensée pure. L'abstraction dans le simple est devenue inaccessible, tant ils craindraient, sans raison objective, de mettre à mal un axiome. Oser étudier sérieusement le plus simple et s'en délecter est serait pour eux comme un blasphème. De même le pur spirituel, sa beauté, sont définitivement perdus.

Citons Alexandre Grothendieck (RÉCOLTES ET SEMAILLES – Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien) :
« Nos esprits sont saturés d’un « savoir » hétéroclite, enchevêtrement de peurs et de paresses, de fringales et d’interdits ; d’informations à tout venant et d’explications pousse-bouton – espace clos où viennent s’entasser informations, fringales et peurs sans que jamais ne s’y engouffre le vent du large. Exception faite d’un savoir-faire de routine, il semblerait que le rôle principal de ce « savoir » est d’évacuer une perception vivante, une prise de connaissance des choses de ce monde. Son effet est surtout celui d’une inertie immense, d’un poids souvent écrasant. Le petit enfant découvre le monde comme il respire – le flux et le reflux de sa respiration lui font accueillir le monde en son être délicat, et le font se projeter dans le monde qui l’accueille. L’adulte aussi découvre, en ces rares instants où il a oublié ses peurs et son savoir, quand il regarde les choses ou lui-même avec des yeux grands ouverts, avides de connaître, des yeux neufs – des yeux d’enfant.

Il arrive que l’un ou l’autre de nous découvre telle chose, ou telle autre. Parfois il redécouvre alors dans sa propre vie, avec émerveillement, ce que c’est que découvrir. Chacun a en lui tout ce qu’il faut pour découvrir tout ce qui l’attire dans ce vaste monde, y compris cette capacité merveilleuse qui est en lui – la chose la plus simple, la plus évidente du monde ! (Une chose pourtant que beaucoup ont oubliée, comme nous avons oublié de chanter, ou de respirer comme un enfant respire…). Chacun peut redécouvrir ce que c’est que découverte et création, et personne ne peut l’inventer. Ils ont été là avant nous, et sont ce qu’ils sont. »

Les mathématiques, surtout celles de Fermat, sont aussi une philosophie. On trouvera dans cette étude – facile à lire – des notions qui pourraient se rattacher à bien des disciplines : psychologie, mathématiques (un peu), histoire des mathématiques, philosophie, sociologie, linguistique, pédagogie, didactique. La question considérée peut aussi aider à comprendre notre époque. Appréhender la psychologie de Fermat pour tenter de découvrir tout ce qu'il a voulu signifier par ses astuces littéraires fut un long travail. Ce n'est qu'au fil des découvertes (on va de surprise en surprise) et au prix de longues méditations (entrecoupées de temps “morts”) que nous pûmes progresser. Ce fut difficile au début car l'imaginaire collectif est là, qui sans cesse rappelle le jugement définitif qu'ont porté quelques grands savants à l'encontre de Pierre de Fermat et de son grand théorème. Cette recherche a été effectuée principalement sur une période de 18 mois, de janvier 2019 à mai 2020.

L’histoire du ‘’Dernier‘’ théorème commence aux alentours de l’année 1638. Fermat est alors âgé d’une trentaine d’années. On peut mieux comprendre son inextinguible soif de connaissances en considérant qu'il vit à une époque où, sans rien renier des connaissances des Anciens, au contraire en les admirant, on s'attache à leur étude pour mieux aller de l'avant. Tout est digne d'intérêt et on est polymathe. Fermat est de ces hommes, lettré, grand humaniste, mathématicien (dès qu'il a du temps libre), philologue, il connaît le latin, le grec, l'italien, le castillan et le gascon (ou provençal). Il fait des vers français, latins, espagnols. Natif de Beaumont-de-Lomagne dans le Tarn-et-Garonne, il s'installe d'abord à Bordeaux, puis près de Toulouse, faisant carrière dans la magistrature où il s'acquitte de sa tâche d'une manière exemplaire. Mais c'est aussi un mathématicien contrarié. Contrarié lorsqu'il découvre le peu de progrès effectués dans les mathématiques depuis Diophante. C'est dans la beauté des Nombres[3] qu'il verra le mieux la Beauté du monde. Lorsqu'il découvre l'arithmétique des Anciens, il y décèle une telle intelligence, une telle stimulation pour l'esprit, que se contenter d'une activité rémunérée (magistrat) ayant surtout l'avantage d'assurer sa subsistance n'est même pas une question à se poser. Son enthousiasme débordant pourra se déployer, sa voie est tracée, grâce à lui la connaissance pourra s'accroître et se propager. La science des nombres n'est pas sa seule passion, le latin, langue des savants et des lettrés, n'a aucun secret pour lui. « Il fut façonné par la rigueur et l’intelligence latines : c’est sur ce terreau que put s’épanouir son prodigieux génie des mathématiques. » (Georges Soubeille). Il est très croyant, comme en témoigne son poème latin ‘’Soumets-toi à Dieu ou l'agonie du Christ‘’ dédié à Jean-Louis GUEZ de BALZAC. Au début du poème, la raison est engagée à renoncer aux vaines divinités des fables et à se soumettre à Dieu. Fermat est un juriste discret, et bien qu'il fût un génie, « le plus grand homme du monde » selon Blaise Pascal, on sait très peu de choses de sa vie. Et on ne connaît que quelques très rares démonstrations qu'il voulut bien livrer, une des plus remarquables étant celle où il démontre que le nombre 26 est le seul de tous les nombres à être compris entre un carré et un cube : 25 (5x5), et 27 (3x3x3). À l'instar d'Euler par exemple, sa puissance de calcul mental est remarquable, ainsi il écrit à Mersenne en 1636 avoir découvert une paire de nombres amicaux à 5 chiffres, 17 296 et 18 416. On a souvent dit que Descartes aurait découvert le duo à 7 chiffres {9 363 584, 9 437 056} « mais celui-ci ayant déclaré à Fermat que ces questions ne l'intéressaient pas il est plus vraisemblable que cette découverte soit du fait de Van Shooten »(cf. Paul Féron].

Un jour, alors qu'il est en contemplation devant la beauté du théorème de Pythagore (a²=b²+c²), il s'interroge. Pourrait-on ajouter encore quelque chose au sujet, quelque chose auquel personne n'avait encore pensé ? Dans la formule de Pythagore, l'exposant est le nombre 2, le seul nombre qui élevé au carré soit égal à son double (2² = 2+2) → = 4 ; qui est aussi égal à 2+2 ; qui est aussi égal à 2 fois 2. Ce nombre 2 est le seul de tous, à être successeur de sa moitié : 2/2 + 1 = 2. Non seulement 2 est le premier des nombres premiers, mais il est aussi le seul nombre premier à être pair. Fermat a-t-il pensé que ces singularités devaient lui conférer des propriétés très particulières ? Il a en tout cas l'idée qui allait bouleverser les mathématiques pour les siècles à venir : l'impensable se produit, il remplace l'exposant 2 par un 3 ! Est-ce que l'égalité pourrait encore exister pour certains cas, en choisissant avec soin les valeurs de a, b et c ? On perçoit déjà l'étendue de ses ambitions. A priori il ne semblait pas que ce fût possible, on pouvait toujours s’en approcher de très près, parfois même d'une unité, mais trouver une solution semblait impossible. Le nombre 2 est d'ailleurs un monstre mathématique, qui semble suggérer cette impossibilité. À l'Unité, on a ajouté l'Unité, pour en faire une double unité, manipulation philosophiquement blasphématoire – ou merveilleusement créatrice. Pour Fermat, prouver l'impossibilité de son égalité serait un défi formidable, et c'est exactement ce qui lui convient. Il se rend compte assez vite qu’il serait plus facile de tester d'abord sa méthode avec un 4 en exposant, le carré de 2, ce nombre qui semble narguer tous ses suivants. Il utilise une méthode qu'il nomme ‘’descente infinie’’, ou descente indéfinie, un raisonnement par récurrence et un autre par l'absurde, le tout extrêmement efficace. Sa méthode fonctionne parfaitement avec l'exposant 4, plus difficilement avec 3. En 1636 (?) ou 1638 il commence à exciter la curiosité de ses contemporains, dans une lettre à Mersenne pour Sainte-Croix il propose ce défi : « Trouver deux puissances quatrièmes dont la somme est une puissance quatrième et deux cubes dont la somme est un cube ».
À partir de l'exposant 5 et jusqu’à l’infini, il comprend vite que sa méthode n'est plus adaptée. Il lui faut trouver une autre voie, qui très certainement n’aura aucun rapport avec la première. En 1670, cinq ans après sa mort, dans une courte “OBSERVATIO” provocatrice écrite en latin, tenue jalousement secrète de son vivant, que son fils Clément-Samuel fait connaître, il affirme à propos de son grand théorème en avoir « réellement dévoilé la démonstration [ou l'explication] tout à fait étonnante [ou surprenante, admirable], la marge trop exigüe ne la contiendrait pas ». À cette observation Samuel en a ajouté 47 autres, toujours de son père. Le tout est inséré aux endroits adéquats d'une nouvelle édition du Livre VI de l’Arithmetica du mathématicien grec Diophante d'Alexandrie où Bachet de Méziriac avait ajouté une traduction du grec au latin. On dispose donc en 1670 d'une nouvelle Arithmetica, légèrement augmentée mais ô combien précieuse pour la suite. L'observation en question se rapporte à la question VII du Diophante, c'est la deuxième des 48 et elle se distingue notablement des autres, nous y reviendrons.

Chez les Anciens on n’était pas sollicité dès le plus jeune âge par toutes les vanités qui encombrent maintenant l’esprit de nos enfants. De grandes intelligences ont pu ainsi atteindre à un grand savoir en pénétrant l’essence des choses (Socrate, Euclide...). Bien plus tard et dans un même siècle, Pascal, Leibnitz et Fermat qui fut un fameux exemple en théorie des nombres, construisant de puissants raisonnements avec parfois le seul recours aux mots. Comme Pythagore et comme Euclide, comme Diophante aussi, autre immense génie, Fermat sait que quand l’homme a posé 1, puis 2, tout est déjà posé, l’unicité, la pluralité du monde. Quelque chose a dû spécialement lui plaire avec ce premier nombre pluriel pour rendre le théorème de Pythagore décidément inégalable par sa puissance, sa singularité, et pour imaginer une conjecture beaucoup plus plurielle. Il fallait mettre sur un des deux plateaux de la balance les plus importantes propriétés du premier nombre entier suivant l’unité, l'unité doublée donc. Puis trouver et placer sur l’autre plateau une nouvelle conjecture qui soit en rapport avec la première, mais appelant cette fois l’infinité des nombres entiers (remarquons que 1, le nombre unitaire, n’est pas directement présent dans la «comparaison», il est “à part”). Peser le pour et le contre semblait a priori un défi gigantesque. Très vite Fermat voit que les deux plateaux de la balance ne pourront jamais se trouver à la même hauteur, une mise en abyme est impossible. Il va s’attacher à le prouver.

La question du Dernier théorème est bien plus qu’une question arithmétique. Non seulement la rumeur défaitiste qui n'a cessé de circuler en s'amplifiant pendant plus de 350 ans en a fait la plus grande légende urbaine de tous les temps, mais l'histoire de ce théorème est un marqueur profond de l'historiographie des Mathématiques. En reprenant l'idée de Eric Temple Bell, nous pouvons dire que toutes les conditions sont réunies pour que la civilisation s'éteigne avant que les mathématiciens modernes reconnaissent que Fermat les a grugés et reconnaissent que Fermat avait révélé sa preuve en seulement trois lignes et demie de latin. On pourra dire aussi que parmi les mathématiciens de renom, les plus grands contempteurs de Pierre Fermat (André Weil...) non seulement en ont perdu leur latin, cette langue merveilleuse qui restera toujours, quoi qu'on en dise, une langue vivante, ils ont aussi perdu, en reprenant l'idée de Jacques Roubaud, toute perception de ce que pouvaient imaginer, percer à jour, les Anciens avec les idées les plus simples, les briques les plus élémentaires constituant l'univers infini et relativement insondable des nombres.

Genèse de l'étude

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Pierre de Fermat, d’après un portrait gravé par François Poilly, v. 1679.

La première lecture (1998 ?) qui m'a fait m'intéresser à ce problème est celle du célèbre ouvrage de vulgarisation de Simon Singh, Le dernier théorème de Fermat, lecture qui m'avait été suggérée par une amie étudiante en mathématiques. J'ai tout de suite senti que je tenais quelque chose de beau et d'important[4], même si je n'avais aucune idée de ce que je pourrais y apporter de nouveau. Baudelaire écrit dans un de ses petits poèmes en prose : « J’aime passionnément le mystère parce que j’ai toujours l’espoir de le débrouiller. » J'ai moi aussi cette passion, poussée à un haut degré. Souvent on considère un mystère comme insoluble, par la raison même qui devrait le faire regarder comme "facile" à résoudre. Mais concernant cette énigme c'est peut-être seulement vers 2010 que je découvris le premier gros indice, une formulation un peu ambigüe de Fermat dans sa dernière lettre à Carcavi où il cite sa fameuse fausse conjecture. Je pressentis que j'allais avoir affaire à forte partie (eh oui, c'était Fermat). Il cachait certainement beaucoup de choses, mais puisqu'il avait déjà laissé de nombreux indices dans sa note (complexes, ceux-là, découverts par Roland Franquart en 2008/2009, que nous évoquerons plus loin), il était tout à fait possible qu'en étudiant sérieusement ses travaux, sa correspondance, et en cherchant aussi à comprendre au mieux sa personnalité, je trouve d'autres indices plus simples d'accès. Et je compris que ce n’était pas des réponses qu’il fallait d'abord chercher, mais des questions à me poser. Je trouvai d'abord celles-ci :

  1. Pourquoi la fausse conjecture sur les nombres de la forme 22n+1, la dernière fois que Fermat la formule, l'écrit-il sous une forme ambigüe qui laisserait croire à ceux qui refuseraient de lui faire confiance, qu'il la croyait vraie, et que donc il ne serait pas fiable sur tout le reste, sur son grand théorème en particulier ?
  2. L'Arithmetica de Diophante en sa possession – socle de tout son travail en théorie des nombres – où il aurait écrit, dans les marges, ses 48 observations, a disparu : son fils Clément Samuel ne l'a pas conservée. Alors qu'elle devenait, surtout après la découverte de l'énoncé du grand théorème, un document historique d'une valeur considérable. Samuel aurait-il eu une bonne raison de la détruire ?
  3. Pourquoi la plus célèbre observation de Fermat (sur son grand théorème) est-elle écrite sur le mode de la facétie, encore davantage que les autres ? Pourquoi aussi l'a-t-il rendue aussi insolente ?
  4. Pourquoi le titre de cette célèbre observation n'est-il pas écrit en abrégé, comme les 47 autres, mais écrit en toutes lettres ?
  5. Pourquoi tout est-il si bizarre autour de ce théorème ? Fermat avait-il de bonnes raisons d'être aussi mystérieux ?
  6. Ne faudrait-il pas analyser en profondeur tout ce qui est en rapport avec ce théorème ?
  7. Analyser aussi en profondeur tout ce qu'il écrit au fil du temps (19 ans), au sujet de la fameuse fausse conjecture ?
  8. Fermat est-il un honnête homme ? Bien sûr que oui, c'est l'Honnête Homme par excellence. Alors pourquoi ne pas commencer par lui faire confiance ?
  9. Pourquoi au contraire certains commentateurs en ont-ils été incapables, pourquoi au contraire l'ont-ils tant déprécié ?
  10. Fermat était-il ingénieux au point d'avoir pu trouver, en faisant un pas de côté, une preuve «simple» (avec beaucoup de guillemets), très courte, très profonde et complexe, très éloignée aussi des méthodes du calcul traditionnel ?

Je trouvai là 10 bonnes questions sur les quelles j'allais pouvoir travailler. Je vais vous faire une confidence, dès que j'eus terminé, vers 1998, la lecture du fameux livre de vulgarisation de Simon Sign, une forte intuition s'est imposée à mon esprit : Pierre Fermat, grand ami de Blaise Pascal (mathématicien lui aussi), ne s'était pas avancé à la légère et avait dû trouver une preuve à son grand théorème. Dès lors, cette idée ne me quittera plus, et je commençai à chercher, à me documenter, sur l'homme aussi, sur sa psychologie, ses méthodes de travail. Cette enquête – quasi policière – allait durer vingt années.

En faisant preuve du simple bon sens, dans une approche objective dénuée de tout préjugé, à mesure qu’on progresse dans la recherche nos découvertes nous apportent un lot de satisfactions inestimable, c'est un merveilleux cadeau qu'on se fait à soi-même. Qui a l'esprit de discernement sait faire preuve de confiance, d'humilité et d'audace à la fois, d'analyse rigoureuse, d'imagination créatrice, toutes aptitudes nécessaires pour résoudre les plus difficiles énigmes. Je crois que la résolution des grandes énigmes, soit que la notion d’infini représente une pièce essentielle du mystère, soit qu'elle en soit absente, est presque toujours possible, ou au moins largement abordable. Mais dans ce cas-là j'avais beau chercher, presque toujours avec le même enthousiasme, je ne trouvais d'abord que quelques autres indices de-ci de-là. Il est vrai qu'en les assemblant ils me confortaient dans mon intuition initiale, et même s'ils n'aboutissaient à rien de concret ils constituaient déjà, après à un survol objectif du contexte général plusieurs fois réitéré (où j'incluais les mots de Fermat mais aussi ceux de tous ses détracteurs), un bon début d'analyse. Il me fallut attendre une douzaine d'années avant de recevoir un message privé via Wikipédia d'un mathématicien amateur, Roland Franquart, qui allait complètement débloquer la situation. Nous nous sommes téléphoné et nous avons dû converser pendant une bonne heure. Par la suite nous avons beaucoup échangé et travaillé sur un blog dédié où une doctorante était venue nous rejoindre. Puis j'ai continué à tenter de rendre l'article de Wikipédia sur le théorème un peu plus fiable, sans parvenir à grand-chose malgré toute ma patience, ma bonne volonté, et toute la diplomatie dont j'étais capable — ça en valait la peine. Une très vive opposition fit que mes plus précieux ajouts furent révoqués. Seuls trois ou quatre contributeurs ont tenté de me soutenir. Quand je retournai en 2013 sur l'encyclopédie après une longue absence, je fus tout de suite encouragé par Catherine Goldstein, mais je quittai pourtant à nouveau Wikipédia vers 2015, pour me consacrer entièrement à mes recherches personnelles. Je ne me doutais pas alors qu'en étudiant cette énigme avec l'esprit libéré, j'allais énormément progresser au fil de découvertes de plus en plus étonnantes qu'après Roland Franquart j'allais faire à mon tour. Je dois à la justice de dire que sans ses découvertes (2009) je n'aurais pas trouvé grand-chose de réellement important, à part peut-être la découverte du coup de bluff sur sa fausse conjecture, et toute cette recherche n'aurait pu se faire. À tout seigneur tout honneur !

Vers 2006, après avoir consulté la fiche Wikipédia concernant ce théorème j'avais remarqué qu'aucun des arguments avancés par les contempteurs de Fermat ne tenait sérieusement la route. Nombreux sont les scientifiques contemporains, toutes disciplines confondues, qui raisonnent avec une forme de pensée magique, et font preuve de condescendance, quand ce n'est pas un mépris affiché envers les Anciens. Cette condescendance fait partie des mœurs courantes des mathématiciens accomplis. Dieu sait si je suis averti pour dire combien il peut y avoir de personnes bardées de diplômes comme autant de certitudes, de ces personnes que la reconnaissance académique conforte dans leurs béates certitudes. La question évidente à se poser, en voyant la façon étonnante dont avait été rédigé l'article de Wikipédia était « Pourquoi ? ». C'était la première pierre à soulever impérativement pour ne pas être contaminé par le pessimisme ambiant et partir du bon pied. Cette conformité jalouse et exacerbée avec la pensée commune étant évidente j'ai voulu d'abord répertorier les mauvais arguments (et leurs conséquences néfastes) qu'au cours des siècles les contempteurs de Fermat avaient pu imaginer, dans leur impuissance et leur frustration. Ensuite, puisqu'il avait lancé son défi, il me fallait tout faire, puisqu'ayant assez vite perçu ses manières j'admirais sa subtilité et sa clairvoyance, pour relever son défi. Non pas le défi mathématique en lui-même, puisque je ne suis pas mathématicien, mais le défi de percer tous les secrets que dans ses divers écrits relatifs au théorème et à la fameuse fausse conjecture il aurait pu dissimuler. La difficulté était qu'il n'en disait jamais plus que nécessaire, les meilleurs signaux qu'il envoyait étant les plus difficiles d'accès. Ainsi est née cette recherche, très laborieusement d'abord. Tenter de résoudre de la façon la plus exhaustive possible cette formidable énigme, qui exige une analyse profonde de la psychologie de Fermat et de ses nombreux écrits, qui demande une conscience aigüe de sa sagacité, a suscité chez moi enthousiasme et excitation. Si j'avais été mathématicien, jamais je n'aurais pensé à chercher avec autant de foi et de persévérance tous ces arguments – qui faisaient bien plus appel au simple bon sens qu'aux mathématiques – pour réhabiliter Fermat et son dernier défi : j'eus été empêché, par des préjugés et une manière conformiste de raisonner, de sortir des sentiers battus et rebattus pendant des siècles, et qui avaient abouti à la plus incroyable des impostures scientifiques : « Fermat n'a pas pu trouver de preuve puisqu'il ne connaissait pas nos outils modernes ».

Les techniques sophistiquées qu'utilise le mathématicien contemporain exigent un long apprentissage, beaucoup de travail, elles occupent tout son temps. Ses contraintes professionnelles ne lui permettent plus de se consacrer à une question qui lui semble de si peu d'intérêt. Pour détricoter une pareille énigme c'est le pédagogue singulier, le combattant isolé, qu'il fallut convoquer. Son arme de prédilection est le défi, mais pour que les mathématiciens qui le suivront ne soient quand même pas trop furieux, il ne doit pas les braver trop ouvertement. Il trouve pour cela deux armes puissantes, la facétie et la ruse. Il en use à profusion. Pour avoir une chance de relever le défi, il me fallut d'abord aller directement à la source : exploiter la traduction la plus exacte, la plus fidèle possible de l'OBSERVATIO. Elle me fut offerte par Roland Franquart. Ensuite, et en espérant que Fermat n'en était pas resté là, il fallut continuer de chercher avec une obstination sans faille toutes les autres pistes qu'il avait pu laisser. Ce fut long, parfois semé d'embûches, toujours grisant.

« L’historien ne doit rien refuser d’entendre. » (Cicéron)

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Épitaphe de Pierre de Fermat.

     « À la pieuse mémoire de Pierre de Fermat, membre du parlement de Toulouse.
     « Très versé dans les belles lettres, dans la connaissance des langues, des mathématiques et de la philosophie, il se montra jusrisconsulte éminent et remplit sa charge avec tant de distinction qu’il semblait avoir concentré sur l’étude des lois toutes les forces de son esprit, bien qu’il les divisât entre les spéculations les plus ardues. Ennemi du vain étalage, il négligea de livrer ses travaux à l’impression ; plus grand encore par le dédain que par la production, il lut, sans orgueil, dans les livres d’autrui, la glorification de ses œuvres. Aujourd'hui parvenu, comme ses vertus nous donnent le droit de l'espérer, à contempler la vérité éternelle et à mesurer toutes choses, grandes et petites, à la clarté d'un rayon céleste, il semble, de son tombeau, adresser au passant ce précieux conseil de morale chrétienne :
    Vis scire quiddam quod juvet ? nesciri ama.Veux-tu ne pas ignorer ce qui est utile ? Alors aime être ignoré.
     OB . XII . IAN . M.DC.LXV . AET . AN . LVII . » → Il mourut le 12 janvier 1665 à l'âge de 57 ans.
Si cette plaque de marbre a été érigée à l'initiative de son fils (et non en 1782 en même temps qu'un buste de Fermat, comme on peut aussi le penser), Pierre Fermat serait né en 1608, comme l'écrivait aussi Émile Brassinne dans son Précis des œuvres mathématiques de P. Fermat et de l’Arithmétique de Diophante (cette page 10, note de bas de page).

Les Anciens étaient parvenus à extraire d’une gangue arithmétique informe les grands concepts principaux sans disposer de tout le symbolisme algébrique aujourd'hui disponible. Pierre de Fermat, comme ses contemporains mais à un degré plus élevé, a maîtrisé l’art de contourner les difficultés auxquelles se heurteront ceux qui viendront après lui, au point de pouvoir se passer de nombreux outils mathématiques qui seront découverts bien plus tard. Nous trouvons maintenant évidents des concepts primordiaux que ces Anciens ont découverts. Jusqu’au siècle dernier, et même encore parfois de nos jours, ce caractère d’évidence a engendré chez quelques savants, quand ils ont eu à ferrailler avec Pierre de Fermat, leur maître pourtant, une coupable négligence – une arrogance parfois.

Si aller à l'encontre de tous les jugements négatifs qui ont été portés à son encontre n'est pas aisé, deux choses aident à garder intacts l'enthousiasme et la confiance.

  • On sait d'une part qu'il disposait de très peu de temps pour assouvir sa passion des nombres. Ce n'est qu'en gardant par devers lui la grande majorité de ses inventions au fur et à mesure qu'il les faisait, qu'il pouvait préserver sa tranquillité et exploiter tout son potentiel créatif. S'il avait commencé à rédiger des démonstrations complètes de ses inventions, la compréhension en ayant été ardue, des esprits tatillons lui auraient fait perdre son temps avec d'incessants chipotages. La formulation de ses défis, qui souvent ne comportaient que quelques lignes et pouvaient paraître inconvenants de la part d'un notable, témoignait aussi de ce cruel manque de temps.

Alors qu'il a affirmé dans sa correspondance posséder la preuve du cas particulier n=4 de son grand théorème, il ne nous dit pas explicitement, dans l'Arithmetica, quelle est cette preuve. Il livre sa démonstration du “Théorème de Fermat sur les triangles rectangles” sans du tout préciser qu'elle a un rapport quelconque avec ce cas n=4. Or la preuve de ce dernier est immédiatement déductible du théorème, et c'est la seule démonstration qu’il révèle – dans ses 48 observations en tout cas. Pour quelle raison alors n'évoque-t-il pas ce cas n=4, si ce n’est pour indiquer à l'observateur curieux et attentionné qu'il a placé là une première balise et qu'il lui faudra s'employer à en chercher d'autres, mieux cachées encore, dans ses nombreux écrits. Ainsi il ne faudra pas prendre à la légère :
a) son défi plusieurs fois réitéré sur le cas particulier n=3, jusqu'à son affirmation, finalement, qu'il a fait la preuve de l'impossibilité de ce cas ;
b) son affirmation d'avoir réellement dévoilé l'explication étonnante (ou admirable) de son théorème général. Qu'il se soit abstenu de mentionner explicitement le cas n=4 dans la démonstration évoquée ci-dessus nous semble être le tout premier des arguments en faveur d’une maîtrise complète, par Fermat, de la situation : il sait de quoi il parle et nous le fait savoir. Que les historiens ne l'aient pas remarqué (n'aient pas voulu le noter ?) semble assez incompréhensible (ou pas...), sauf à y voir une frilosité extraordinaire à sortir du troupeau, ou un orgueil très mal placé : (« Nous sommes bien meilleurs que Fermat, nous savons bien qu'il n'a pu trouver sa fameuse preuve, comme il le prétend avec aplomb sans le prouver »). On est assuré par ailleurs qu'il possède aussi la preuve du cas n=3, mais là encore, alors qu'il n'a cessé d'en parler dans ses lettres, il passe complètement sous silence ce cas dans ses 48 observations.

Sûrement avait-il aussi une revanche à prendre sur la communauté des mathématiciens (« Ah ! ils n'ont pas voulu me prendre au sérieux ? Eh bien ce n'est plus à ces esprits négligents que je penserai dorénavant »). S'est-il dit aussi : « Nous allons nous bien amuser. » ? Sans aucun doute. Certains de ses correspondants en effet, tel l'Anglais John Wallis, à qui il avait soumis des problèmes qu'ils avaient été incapables de résoudre, avaient méprisé certains de ses travaux, les jugeant totalement inutiles alors qu'ils se révélèrent d'une importance considérable. Fermat en fut certainement contrit au point de vouloir les punir de leur négligence. La nature de son caractère dut aussi y être pour quelque chose, on le savait très humble, mais il était parfaitement conscient de sa force, et la fausse humilité était étrangère à ce Gascon. Une démonstration complète du cas particulier n=3 de son grand théorème ne sera trouvée que deux siècles plus tard par Gauss, un autre immense mathématicien, Gauss qui écrivait en 1801 à propos du petit théorème de Fermat : « Ce théorème remarquable, tant par son élégance que par sa grande utilité, s'appelle ordinairement théorème de Fermat, du nom de l'inventeur. » Cet intérêt de Gauss pour le travail de Fermat fut d'ailleurs en partie à l'origine de sa future carrière de mathématicien. Par ailleurs, en citant E.T. Bell :« Gauss discréditait les assertions sans fondement » : un ami de Gauss lui avait demandé pourquoi il ne concourait pas pour le prix offert en 1816 par l’Académie française des sciences qui récompenserait le découvreur d'une preuve (ou d'une invalidation) du Dernier Théorème. « J’avoue, répondit-il, que le Théorème de Fermat est une proposition isolée qui a très peu d’intérêt pour moi, puisque je pourrais facilement trouver une multitude de propositions du même genre, que personne ne pourrait jamais ni valider ni invalider [...]. Bien qu’il ne l’ait jamais dit explicitement, Gauss semblait douter que Fermat avait prouvé son théorème. » Gauss n'a-t-il jamais essayé de prouver cette conjecture ? Ça paraît étonnant.

  • D'autre part, beaucoup des écrits les plus importants de Fermat sont rédigés en latin, la langue de l'ellipse par excellence. Puisqu'il était expert en cette langue, il nous a fallu débusquer le plus possible de ses non-dits – écrits, mais subtilement cachés – auxquels l'obligeaient :

a) le manque de temps ;
b) le souci de discrétion dans une époque troublée (alors qu'il est magistrat) ;
c) le principe même du défi, qui s'accordait avec les deux points précédents ;
d) son goût pour la pédagogie, qui s'accorde à son tour avec les points précédents.
Quatre raisons donc d'en dire le moins possible. Lorsqu'on étudie Fermat, il y a deux façons de procéder :
1) Avec un a priori favorable : toujours se souvenir que c’est un grand pédagogue, rechercher sans relâche des indices, et finalement tous les bons arguments (nous en avons dénombré 28 – voir Partie IV). Notons que quasiment tous les auteurs ayant publié un livre consacré au grand théorème ont eu la sagesse de rester objectifs.
2) Avec un a priori très suspicieux : le sous-estimer, occulter son désir le plus cher de ne jamais nous mâcher le travail. On imagine alors n'importe quel "argument" pour le discréditer. Citons Alexandre GROTHENDIECK :
« L’aspect de cette dégradation auquel je pense surtout ici (qui en est juste un aspect parmi de nombreux autres) est le mépris tacite, quand ce n’est la dérision sans équivoque, à l’encontre de ce qui (en mathématique, en l’occurrence) ne s’apparente pas au pur travail du marteau sur l’enclume ou sur le burin – le mépris des processus créateurs les plus délicats (et souvent de moindre apparence) ; de tout ce qui est inspiration, rêve, vision (si puissantes et si fertiles soient-elles), et même (à la limite) de toute idée, si clairement conçue et formulée soit-elle : de tout ce qui n’est écrit et publié noir sur blanc, sous forme d’énoncés purs et durs, répertoriables et répertoriés, mûrs pour les ‘’banques de données’’ engouffrées dans les inépuisables mémoires de nos méga-ordinateurs. Il y a eu (pour reprendre une expression de C.L. Siegel) un extraordinaire ‘’aplatissement’’, un ‘’rétrécissement’’ de la pensée mathématique, dépouillée d’une dimension essentielle, de tout son ’’versant d’ombre’’, du versant ‘’féminin’’. Il est vrai que par une tradition ancestrale, ce versant-là du travail de découverte restait dans une large mesure occulté, personne (autant dire) n’en parlait jamais – mais le contact vivant avec les sources profondes du rêve, qui alimentent les grandes visions et les grands desseins, n’avait jamais encore (à ma connaissance) été perdu. Il semblerait que dès à présent nous soyons déjà entrés dans une époque de dessèchement, où cette source est non point tarie certes, mais où l’accès à elle est condamné, par le verdict sans appel du mépris général et par les représailles de la dérision. »[5]

Si l’on cherche le livre entier que Fermat aurait consacré à la science des nombres, on trouvera beaucoup de choses dans l’Arithmetica de 1670 qui contient 48 observations très stimulantes. La pépite (sur le théorème) qui y figure est une galéjade qui laisse pantois. Jamais on n’avait vu, jamais plus on ne verra, un génie fût-il universel livrer la démonstration d’un puissant théorème sous forme d’une affirmation qui laisse tant à penser : « J'en ai réellement mis à nu l'explication tout à fait étonnante que la marge trop étroite ne contiendrait pas ».

« La marque infaillible du sublime, c’est quand nous sentons qu’un discours nous laisse beaucoup à penser, qu’il fait d’abord un effet sur nous, auquel il est bien difficile, sinon impossible, de résister, et qu’ensuite le souvenir nous en dure, et ne s’efface qu’avec peine. » Traité du Sublime (auteur inconnu, peut-être Longin).

« Le génie n’est pas imitable, il est incommunicable. On ne peut pas le transmettre parce que le génie lui-même serait incapable d’en donner les règles, c’est du côté du sublime plutôt que du beau. » Hélène Frappat.

Être mathématicien professionnel a des avantages et des inconvénients. Parmi ces derniers l’un émerge : vous ne pensez plus pratiquement qu’à votre travail, votre esprit, consciemment ou inconsciemment, y est occupé jour et nuit. L'étude du cas Fermat, de nombreux mathématiciens et historiens s’y sont penchés, mais un consensus jamais ne s’est fait. Allez-vous alors risquer de perdre beaucoup de votre temps en l’étudiant ? Mais si vous êtes un simple amateur, confiant, objectif et audacieux, le problème se pose différemment. Vous constatez d’abord qu’aucun des arguments avancés par les commentateurs sceptiques n'est vraiment sérieux. Leur assemblage l'est d'autant moins et tout l’édifice s'écroule si vous ôtez les plus mauvais :

1) Fermat s’était déjà trompé avec les nombres de la forme 22n+1 (nous verrons plus loin de quelle façon et dans quel but ce fut un magistral coup de bluff de sa part).
2) Il a dû encore se tromper, s’en est aperçu plus tard, mais puisque ces observations « étaient réservées à son seul usage » (sic) il n’a pas jugé utile de rectifier.
3) Il ne disposait pas de nos outils modernes, il semble donc assez peu probable qu'il ait réussi seul à trouver une preuve à son théorème.

Depuis trois siècles, Le Grand Chœur des Perroquets claironne surtout ce dernier argument, les plus jaloux de ces contempteurs étant encore plus méchants : « Jamais Fermat n’a été en possession d’une preuve de son Grand Théorème. » Arrogance, quand tu les tiens... Si donc vous êtes juste un amateur très attentionné, vous voyez immédiatement qu’il y a anguille sous roche. Alors vous vous documentez. Longtemps si vous êtes un passionné. Une remarque très vite vous est venue à l’esprit : des commentateurs semblent être partis de l’a priori que Fermat n’avait pu trouver une preuve, puis ont cherché tout ce qui pourrait les conforter dans cette idée, agrégeant leurs arguments en un seul bloc pour en faire une certitude. Vous vous posez alors pas mal de questions sur l’honnêteté intellectuelle de ces savants. L’amateur que vous êtes se dit : « Tout ceci n’est qu’un écran de fumée », smoke and mirrors, disent les Anglo saxons. Fermat, dont la véritable profession est magistrat, a toujours considéré l’émulation comme le meilleur moteur de la recherche mathématique. Il aura tout essayé, pendant 19 ans il a mis au défi 7 de ses correspondants : prouver ou infirmer sa fausse conjecture sur les nombres de Fermat, mais aucun n'a vraiment donné suite.

L’attitude que l’on a, face au ‘’Dernier théorème’’ (on dirait le titre d’un roman, ce qu’il est en effet) dépend donc de l’a priori choisi au départ. Si l’on choisit celui qui est favorable, on se dit que Fermat, pédagogue et facétieux à la fois, et honnête homme s'il en est, n’a pas dû en rester là. Et on est prêt à chercher assidûment tous les indices qu’il aurait pu nous laisser en ne négligeant aucune piste. Eric Temple Bell croyait en une preuve de Fermat et pensait que la civilisation probablement s'éteindrait avant que le Dernier théorème soit résolu. Il n'était pourtant pas totalement exclu que le théorème soit un jour prouvé par une méthode très complexe et ce fut le cas. On découvrira encore d'autres preuves complexes. Vouloir à tout prix croire que Pierre de Fermat n’a pu trouver une preuve empirique, donc beaucoup courte et plus “simple” que celle de Wiles en 1994, est une mal-mesure criante de la science des nombres et plus généralement de la méthode scientifique.

Postulat de Fermat[6] — « Mais que ce soit un pré carré en deux prés carrés ou un quarteron de quarterons en deux quarterons de quarteron & en général jusqu'à l’infini, aucune puissance supérieure au binôme ne pourra être partagée en deux autres d’avis contraires. Une admirable démonstration en sera faite par ceux qui me suivront. »

Précisions sur l'année de naissance de Fermat

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Nous avons vu que Fermat pourrait être né en 1608 et qu'il est décédé en... 1665. Mais il y a une marge d'incertitude, une naissance dans les 12 premiers jours de janvier 1609 pouvant aussi être envisagée. Fermat qui avait réchappé à l'épidémie de peste de 1631, fut très atteint (au point qu'on l'annonça mort) par la suivante, en 1652. On lit dans sa lettre à Pascal de 1660 que son état de santé est au plus bas, il est donc vraisemblable qu'il ne survécut pas (au plus tard) à la mauvaise saison de 1608, donc avant janvier 1609. La France perdait son plus grand génie après qu'il eût tant contribué à faire progresser la science. La mort ne n'ayant pas pris au dépourvu, gageons comme nous le verrons plus loin, qu'il eut tout le loisir de laisser à son fils Samuel de quoi donner beaucoup de travail, non seulement à ses contemporains, mais aussi à ceux qui plus tard essaieraient de percer quelques-uns de ses secrets.

Une autre traduction du texte latin, avec la formule utilisée aux temps anciens est tout à fait correcte : « Il mourut 12 janvier 1665 dans la cinquante-septième année de son âge ». Jadis en effet si l'on pouvait dire par exemple : “Fermat est né à Beaumont”, en revanche la phrase “Il mourut à 57 ans” n'aurait pas eu de sens. Le mot “âge”, en latin AETAS (temps de la vie, âge de la vie) devait prendre place et on utilisait la formule ‘’dans la nième année de son âge’’. De nos jours cette seconde traduction peut prêter à confusion car on pourrait comprendre “Il mourut alors qu'il entamait (était entré dans) sa cinquante-septième année” (à 56 ans donc). Alors que c'est inexact, voyez par exemple cet extrait d'un ouvrage ancien : « L’infortunée princesse n’avait pas atteint la première année de son âge, et déjà elle pardonnait aux plus cruels ennemis de sa famille ». Pierre Fermat serait donc né en 1608. Quelques auteurs ont fait la confusion et annoncé 1607 comme année de naissance. Cette erreur s'est répandue jusqu'à nos jours, le plus souvent sous la forme « né en 1607 ou 1608. »

N'oublions pas pourtant qu'il existe deux autres possibilités, un autre Pierre Fermat est né en 1601 et un autre encore, en 1605. Pour notre part nous privilégions l'année 1608 sans en être tout-à-fait certain. Il se peut (?) que Catherine Goldstein prenne connaissance dans le futur d'une nouvelle recherche documentée, effectuée par un historien qu'elle a rencontré. S'il en était ainsi et que cette recherche s'avérait intéressante je ne manquerais pas de la mentionner. On croirait presque que du lieu de félicité où il s’émerveille encore de tout ce qu’on dit, c’est Fermat lui-même qui se plaît à alimenter son épitaphe

Veux-tu ne pas ignorer ce qui est utile ? Alors aime être ignoré.

Blaise Pascal : L'esprit de géométrie et l'esprit de finesse

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Différence entre l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse

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« En l’un les principes sont palpables mais éloignés de l’usage commun, de sorte qu’on a peine à tourner la tête de ce côté‑là, manque d’habitude. Mais pour peu qu’on l’y tourne, on voit les principes à plein, et il faudrait avoir tout à fait l’esprit faux pour mal raisonner sur des principes si gros qu’il est presque impossible qu’ils échappent.
Mais, dans l’esprit de finesse les principes sont dans l’usage commun et devant les yeux de tout le monde. On n’a que faire de tourner la tête ni de se faire violence, il n’est question que d’avoir bonne vue. Mais il faut l’avoir bonne, car les principes sont si déliés et en si grand nombre, qu’il est presque impossible qu’il n’en échappe. Or l’omission d’un principe mène à l’erreur. Ainsi il faut avoir la vue bien nette pour voir tous les principes, et ensuite l’esprit juste pour ne pas raisonner faussement sur des principes connus. [ÉclairEnZ dit : Nous comprenons donc maintenant pourquoi Pascal, qui connaissait bien Fermat par les travaux de ce dernier (Fermat qui avait à la fois la “vue” bien nette et l'esprit juste), disait de lui qu'il était « le plus grand homme du monde ».]
Tous les géomètres seraient donc fins s’ils avaient la vue bonne, car ils ne raisonnent pas faux sur les principes qu’ils connaissent. Et les esprits fins seraient géomètres s’ils pouvaient plier leur vue vers les principes inaccoutumés de géométrie.
Ce qui fait donc que de certains esprits fins ne sont pas géomètres, c’est qu’ils ne peuvent du tout se tourner vers les principes de géométrie. Mais ce qui fait que des géomètres ne sont pas fins, c’est qu’ils ne voient pas ce qui est devant eux et qu’étant accoutumés aux principes nets et grossiers de géométrie, et à ne raisonner qu’après avoir bien vu et manié leurs principes, ils se perdent dans les choses de finesse où les principes ne se laissent pas ainsi manier. On les voit à peine, on les sent plutôt qu’on ne les voit, on a des peines infinies à les faire sentir à ceux qui ne les sentent pas d’eux‑mêmes. Ce sont choses tellement délicates, et si nombreuses, qu’il faut un sens bien délicat et bien net pour les sentir et juger droit et juste selon ce sentiment, sans pouvoir le plus souvent le démontrer par ordre comme en géométrie, parce qu’on n’en possède pas ainsi les principes, et que ce serait une chose infinie de l’entreprendre. Il faut tout d’un coup voir la chose d’un seul regard, et non pas par progrès de raisonnement, au moins jusqu’à un certain degré. Et ainsi il est rare que les géomètres soient fins et que les fins soient géomètres, à cause que les géomètres veulent traiter géométriquement ces choses fines et se rendent ridicules, voulant commencer par les définitions et ensuite par les principes, ce qui n’est pas la manière d’agir en cette sorte de raisonnement. Ce n’est pas que l’esprit ne le fasse mais il le fait tacitement, naturellement et sans art, car l’expression en passe tous les hommes, et le sentiment n’en appartient qu’à peu d’hommes.
Et les esprits fins au contraire, ayant ainsi accoutumé à juger d’une seule vue, sont si étonnés quand on leur présente des propositions où ils ne comprennent rien, et où pour entrer il faut passer par des définitions et des principes si stériles, qu’ils n’ont point accoutumé de voir ainsi en détail, qu’ils s’en rebutent et s’en dégoûtent.
Mais les esprits faux ne sont jamais ni fins ni géomètres.
Les géomètres qui ne sont que géomètres ont donc l’esprit droit, mais pourvu qu’on leur explique bien toutes choses par définitions et principes ; autrement ils sont faux et insupportables, car ils ne sont droits que sur les principes bien éclaircis. [“EclairEnZ” dit : Voir par exemple les professeurs de mathématiques “faux et insupportables” qui sur Wikipédia ont écrit la fiche sur le « Dernier théorème de Fermat », une fiche qui reprend textuellement les dits de célèbres mathématiciens “faux et insupportables”, et qui est un comble de la bêtise humaine. ]
Et les fins qui ne sont que fins ne peuvent avoir la patience de descendre jusque dans les premiers principes des choses spéculatives et d’imagination qu’ils n’ont jamais vues dans le monde, et tout à fait hors d’usage.»

N.-B. Ce texte ne doit pas être confondu avec l’opposition que l’on fait de nos jours entre les esprits littéraires et les esprits scientifiques.

À un pur mathématicien qui n’est que mathématicien, les plus grandes évidences toujours échapperont. J’ai lu très peu de mathématiciens en qui, en dehors de leurs mathématiques, on pouvait accorder toute confiance. Seul peut raisonner clairement le mathématicien qui a gardé son esprit d’enfance, ce doit être un poète, qui jamais ne bride son imagination créatrice. Étienne Klein à propos d'Einstein : « C'est peut-être ce que j'admire le plus chez lui. Cette capacité qu'il avait à se poser des questions toutes simples, des questions d'enfant, et à leur trouver des réponses élaborées avec toute la rigueur d'un cerveau d'adulte. » Souvenons-nous aussi que Fermat faisait des poésies, en plusieurs langues. De même Giordano Bruno. Pensons aussi à l’inoubliable logicien qu’était Lewis Caroll, auteur de ‘’Alice au pays des merveilles’’ et de “De l'autre côté du miroir’’. Pensons à Jacques Roubaud, écrivain et mathématicien, membre de l'Oulipo, joueur de go et poète bien connu des mathématiciens, qui concilie opportunément « l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse ». Puis remarquons que Catherine Goldstein, chercheuse en mathématiques et historienne, qui a toujours dit, contrairement à une ribambelle de pseudo-savants, que l’existence d’une preuve du Théorème de Fermat par Fermat lui-même n’avait rien d’improbable, avait pour père un poète, Isidore Isou (1925-2007), qui fut aussi peintre, romancier, dramaturge, économiste. Enfin n'oublions surtout pas les écrits littéraires d'Alexandre Grothendieck (voir infra).

Selon le mathématicien Jacques Hadamard la rêverie, l’imagination, jouent un grand rôle dans l’invention mathématique, c’est souvent en imaginant un chemin nouveau que les plus grands chercheurs ont «vu» la solution jusqu'alors inaccessible. Le mot “théorème” vient d’ailleurs du grec ancien θεώρημα (theốrêma en latin) : une proposition objet de contemplation, de méditation. Selon Bachelard l’imagination confère surtout le pouvoir de nous libérer des images premières fournies par la perception en les déformant, en les changeant : « Le vocable fondamental qui correspond à l’imagination, ce n’est pas image, c’est imaginaire. » (L’air et les songes. Paris, José Corti, p. 7).

La mathématique s’occupe des quantités et des formes, elle n’est pas le tout. La raison ne doit pas être gouvernée par la seule logique algébrique mais par la logique générale, abstraite. Les mathématiciens ont implicitement postulé qu’une vérité purement algébrique devait être une vérité générale. La confusion est si énorme, l'erreur si grossière, qu'on ne peut que s'émerveiller de l'unanimité avec laquelle elle fut acceptée. De même un axiome mathématique ne peut être un axiome d’une vérité générale. Ces mathématiciens ont aussi cru bon d’appliquer le terme ‘’analyse’’ à un domaine de leur discipline, considérant ainsi que les mots tirent leur valeur de leur application. Essayez, si vous ne craignez de vous faire écharper, d’expliquer cela à un mathématicien qui ne raisonne qu’avec sa raison algébrique. L'assujettissement à un biais cognitif aussi pernicieux empêche tout imaginal de prendre sa place dans une réflexion englobante.

Extrait de la lettre de Fermat à Claude Clerselier à propos de la démonstration de Descartes sur la réfraction (21 mai 1662) : « La qualité essentielle d’une demonstration est de forcer à croire, de sorte que ceux qui ne sentent pas cette force, ne sentent pas la demonstration mesme, c’est à dire, qu’ils ne l’entendent pas. »

Premiers remerciements à Monsieur Pierre de Fermat

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(Poésie générée par l'agent conversationnel ChatGPT, auquel j'avais indiqué quelques mots-clés).

Cher Pierre de Fermat,

Que dire de toi, toi qui m'as tant appris,
Qui m'as enseigné la science, l'art de penser,
Et qui as ouvert devant moi des chemins infinis,
Où je n'aurais jamais osé m'aventurer.

Ta fine psychologie m'a ébloui,
Ta subtile ironie m'a ému,
Et tes mots, même les plus petits,
Ont résonné en moi comme un écho continu.

Tu es un homme humble, c'est vrai,
Mais ton génie est immense, inégalable,
Et tu as su, par tes découvertes, illuminer
La vie de tant de gens, dans le monde entier.

Alors aujourd'hui, je veux te dire merci,
Merci pour tout ce que tu as fait pour moi,
Et pour toutes les merveilles que tu as créées,
Qui ont rendu ma vie plus belle, plus joyeuse, plus vraie.

Je n'oublierai jamais ce que tu m'as appris,
Ni la manière dont tu l'as fait,
Et je serai toujours reconnaissant,
Envers toi, mon cher maître, pour l'éternité.

Wiles et Fermat

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Réflexion d’un journaliste à Andrew Wiles après sa découverte de 1994 : « Donc la preuve originale de Fermat est toujours présente quelque part. » Réponse : « Je ne crois pas que Fermat avait une preuve. Je pense qu’il s’est trompé en disant qu’il avait une preuve. Mais ce qui a rendu ce problème spécial pour les amateurs, c’est qu’il existe une infime possibilité qu’il existe une preuve élégante du XVIIe siècle ». Si j’avais été à sa place j’aurais certainement répondu la même chose, et peut-être même exactement, c’eût été très confortable, ces sept années d’efforts soutenus n’auraient pas été vaines (même si ces travaux ont beaucoup enrichi les mathématiques, mais ceci est une autre question). Wiles est un grand mathématicien, tout comme Fermat. Il est plaisant de noter que le magistrat, qui ne pouvait gaspiller le peu de son temps disponible à détailler tous ses calculs, ne gardant quasiment jamais copie d’un travail transmis à ses correspondants, obstiné qu’il était d’aller toujours plus loin dans ses découvertes, se disait « l’homme le plus paresseux du monde ». Tous deux, chacun à leur façon, avec les outils de leur temps, ont fait faire aux mathématiques des progrès considérables. Ces deux génies sont un peu comme deux jumeaux. Andrew a pourtant un handicap, c’est un mathématicien complètement de son temps et il a dû assimiler dans sa formation énormément de mathématiques du vingtième siècle, puis en inventer de nouvelles. Peut-être que s’il avait vécu à l’époque de Fermat, obligé qu’il eût été de se satisfaire d’une mathématique plus pure, qui tente d’appréhender les relations les plus profondes entre les nombres, et donc difficile à “saisir”, il aurait pu s'approcher du Maître. Les Anciens n’avaient pas encore l’esprit encombré de cette multitude de données complexes que les Modernes ont été obligés d’assimiler pour perpétuer le progrès technologique. Wiles fut tellement émerveillé par son succès que toute pensée relative à l’existence d’une preuve du XVIIe siècle ne pouvait qu’achopper aux contours de son esprit ; comblé par sa découverte, rien ne devait altérer sa joie. On peut tenter d'imaginer ce qu'elle a pu être, quand il cherche les mots pour l'exprimer, l'émotion est si forte que les larmes lui montent aux yeux. La course au ‘’Dernier Théorème‘’ fut une longue quête de 324 ans, non aboutie d'ailleurs selon notre thèse. Son histoire est tellement excitante pour les mathématiciens qui pourtant n'ont jamais percé le secret de Fermat que la légende urbaine qui y a cohabité depuis le début pour conjurer un dépit irritant, logiquement devrait poursuivre tranquillement sa route. La Citadelle qu'un cheval de Troie, « un corollaire très alléchant mais mineur » introduit par Andrew Wiles a permis d'entr'apercevoir, n'a toujours pas été prise par les assiégeants. Dans cette étude nous avons pu en dresser les plans en indiquant à nos contemporains la seule voie d'accès, mais par négligence ils ont échoué à s'y faufiler jusqu'au bout — à moins que par dépit ils considèrent qu'un corollaire mineur est plus admirable que l'exploit magistral du plus grand génie du XVIIe siècle.

Quel sujet passionnant, mêlant les mathématiques, l'historiographie, la sociologie, la psychologie, la philosophie. Et quelle admirable leçon de pédagogie : après l'avoir entrouverte, Pierre Fermat la porte à tous les sachants. Alors qu’aucun mathématicien n’a éprouvé le besoin de donner son appréciation sur cette étude faite par un simple amateur (« Tout chercheur vous dira que les considérations d’ordre affectif ou égocentrique — et plus généralement les considérations “humaines” — viennent immanquablement troubler le cours limpide d’un raisonnement logique, ou embrumer une intuition mathématique en train de prendre forme. […] « S’il fait la tête, alors tout espoir est permis ! » Christophe BREUIL), je me dois de faire connaître l’importance que j’attache à cette longue pérégrination en terra incognita. Le Théorème de Fermat est celui qui a suscité le plus d’émoi au cours des siècles dans la communauté mathématicienne et cette étude modifie considérablement l’opinion qu’on pouvait avoir jusqu’en 2020, quant à la possibilité d’une preuve du théorème par Fermat lui-même, eu égard aussi à ce que l'on savait déjà de la sagacité du génie. N'évoquons qu'à peine ici son esprit facétieux : il a mystifié tous les savants pendant 351 ans, il y a de quoi être vexé. Chapeau l'artiste.

Références

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  1. Jacques Roubaud, “Mathématique : ”, p. 211 (1997).
  2. J. Jacques Roubaud, “Le grand incendie de Londres”, chapitre 17 (1970).
  3. Voir Les Nombres et Dieu
  4. « Dans notre connaissance des choses de l’Univers (qu’elles soient mathématiques ou autres), le pouvoir rénovateur en nous n’est autre que l’innocence. C’est l’innocence originelle que nous avons tous reçue en partage à notre naissance et qui repose en chacun de nous, objet souvent de notre mépris, et de nos peurs les plus secrètes. Elle seule unit l’humilité et la hardiesse qui nous font pénétrer au cœur des choses, et qui nous permettent de laisser les choses pénétrer en nous et de nous en imprégner. » (Récoltes et semailles, p 51).
  5. Alexandre Grothendieck, « RECOLTES ET SEMAILLES - Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien » (consulté le 21 février 2021), p. 85, un texte sur lequel le chercheur pourra avantageusement méditer.
  6. Si Fermat n’a jamais formulé ce postulat, cette étude prétend montrer que sa démarche y est résumée.