Recherche:Quel abri pour l'être humain ?
Le 11 janvier 2011, je suis parti pour Salvador de Bahia, au Brésil, pour mon mémoire de fin de master en anthropologie. J’ai eu pour idée de départ de m'investir dans une observation participante, au sein d'un réseau mondial de rencontre et d'entraide pour l'hébergement appelé CouchSurfing. Ce réseau permet à ses membres, souvent des touristes, mais pas uniquement, d'entrer en contact via Internet avec les autres membres de la communauté vivant dans les endroits qu’ils visitent. Les demandes de rencontre et d'hébergement au sein de la communauté se font via le site http://www.couchsurfing.org. Sur la page d’accueil, on peut lire le slogan : « Participez à la création d'un monde meilleur, canapé après canapé[1] ! ». Comme le réseau s'organise aussi en groupes géographique, j’ai eu pour idée de partager la vie communautaire du groupe de Salvador da Bahia, composé de plus de deux mille membres[2].
Mais, une fois rendu sur place, je me suis retrouvé devant une situation qui m'a rapidement fait changer d'avis. Durant cette période estivale, et à l'approche de la période de carnaval, la communauté CouchSurfing de Salvador était saturée de demandes de logement, et je devais encore trouver la bonne manière de m'adresser à cette communauté, tout en m'habituant à ce nouvel environnement que constituait la ville de Salvador. Tout ceci me faisait perdre énormément de temps et d’argent dans les cybercafés. J'avais fait le mauvais choix de partir sans ordinateur dans l’idée d’être plus proche de la population en fréquentant les cybercafés et en partageant une situation que je croyais être celle du CouchSurfer. C'était une fausse idée. Les premiers CouchSurfers que j’ai rencontrés, un jeune couple de Slovènes, voyageaient avec un ordinateur portable et justifiaient les inconvénients du transport par la facilité et la gratuité de l'accès Internet grâce à de nombreux réseaux wi-fi ouverts. Quand j’ai pris la décision d'acheter un ordinateur portable pour me faciliter la vie, il m'a été impossible d’en trouver un d'occasion ou d’en acheter un neuf, car au Brésil, les prix des produits électroniques importés se sont avérés deux fois plus élevés que ceux de Belgique.
Trois nuits après mon arrivée, sur plus d'une vingtaine de demandes personnalisées, aucune d'entre elles ne fut concluante et, chaque soir, je devais trouver une solution de dernière minute pour mon hébergement. Le 14 janvier, jour de mon anniversaire, une proposition d'hébergement qui déboucha sur un conflit en ligne, fut annulée vers 22 heures et m’obligea à trouver un logement de dernière minute chez un autre CouchSurfer rencontré dans un bar[3]. Le lendemain, à bout d'énergie et de motivation, je me suis donc résigné à prendre une chambre d'hôtel à cinquante réaux la nuit pour enfin me reposer de la fatigue du voyage et des difficultés d'acclimatation. Dans la ville de Salvador, les prix d’hôtel, complets pour la plupart à cette époque, pouvaient grimper jusqu'à cent cinquante réaux la nuit (concernant le change, il fallait compter environ un euro pour deux réaux). Deux nuits plus tard, je trouvais une place dans une auberge de jeunesse, à quarante réaux la nuit avec un accès Internet gratuit.
Mais ma situation s'est compliquée à nouveau lorsque je me suis retrouvé sans ressource financière après le blocage de mes deux cartes bancaires. La première fut bloquée suite à une erreur répétée dans l'encodage du mot de passe, et la deuxième en raison de la nouvelle législation relative aux services de paiement et l’espace de paiement européen unifié[4] qui a limité l’utilisation de ma carte de débit dans la zone euro sans que j'en sois averti. Je me retrouvais de la sorte avec une quantité d’argent limitée pour terminer ce séjour de trois mois, et il me fallait donc trouver rapidement un lieu qui me permettrait de faire mon travail de terrain tout en vivant de façon économe. Sept jours et six nuits se sont ainsi écoulés avant que mes recherches aboutissent. Durant ce temps, je faisais connaissance avec d'autres personnes en manque d'abri, comme par exemple un jeune Belge en voyage depuis plus d'un an Amérique latine et temporairement installé Salvador ou encore un Bahianais quinquagénaire dormant dans la rue et blessé au bras suite à une agression. J’ai découvert dans les rues de Salvador de nombreux sans abris qui dorment le jour dans des lieux fréquentés, et veillent la nuit pour des raisons évidentes de sécurité. Toutes ces réalités quotidiennes liées à mes propres soucis de logement, m'ont posé réflexion sur la condition de l'être humain qui, depuis la nuit des temps, a besoin d'un abri physique pour garantir sa sécurité durant son sommeil, que ce soit une caverne ou un hôtel.
Suite à l'abandon du projet CouchSurfing, j’ai ensuite vécu d'autres expériences qui m'ont confronté à des besoins d'autres natures, mais toujours proche du besoin conceptuel d'un abri. Quelques mois plus tard, dans ce travail de réflexion et d'écriture, j'en viens à développer cette idée que l'être humain a besoin de trois types d'abris pour vivre dans des conditions de sérénité :
- Un abri physique, pour se protéger des agressions due à l'environnement.
- Un abri social et affectif, dans lequel s’épanouir avec d’autres personnes.
- Un abri spirituel pour se protéger des questions d'injustice et philosophiques sans réponse.
Tout ceci rappel la théorie élaborée à partir des observations réalisées dans les années 1940 par le psychologue Abraham Maslow sur la hiérarchie des besoins. Elle fut présentée dans une récente traduction française dans l'ouvrage intitulé : Devenir le meilleur de soi-même. Besoins fondamentaux, motivation et personnalité (Maslow 2008). Cette théorie est souvent schématisée de façon statique et abusive par une pyramide des besoins dans laquelle apparaissent, de la base au sommet, les besoins - physiologiques - de sécurité - d'appartenance et d'amour - d'estime - d'accomplissement de soi. Considérer les besoins de l'être humain en termes d'abri, pourrait donc apparaître comme une composante de la théorie de Maslow dans laquelle existerait une dynamique d'interdépendance et d'interrelation d'un abri à un autre.
Méthodologie
modifierUn abri pour mes données de terrain
modifierDans mon trajet d'avion pour Salvador, je me suis retrouvé, par le plus grand des hasards, assis à côté d'un membre de la communauté CouchSurfing. C'était un jeune Suisse venu au Salvador pour un échange universitaire et qui, mieux organisé que moi, avait trouvé via le réseau une personne pour l'héberger durant les deux premiers jours de son arrivée. Nous nous étions donné rendez-vous le lendemain de notre arrivée pour assister au « Lavagem do Bonfim », un cortège religieux qui commémore le transfert de l'église de la Penha à l’église « Nosso Senhor de Bonfim » d'une image du Christ apportée de Lisbonne en 1745 par Teodósio Rodrigues de Farias, officier de la marine portugaise. Ce fut un bon moment passé ensemble, hormis les coups de soleil et, chose plus embarrassante, le vol de mon carnet de terrain... Cela s'était passé dans la cohue qui a lieu habituellement en fin de cortège, là où tout le monde essaye de toucher la façade de l'église. Deux jeunes voleurs à la tire avaient tenté de me prendre mon caméscope, sans succès, mais ils ont réussi à prendre mon petit carnet de terrain que j’avais avec imprudente garder sur moi dans une poche de mon pantalon située au niveau de la cuisse. Trois jours de collecte d'informations perdues. J'avais aussi dans ce carnet l'adresse et le numéro de téléphone de mon logement, ce qui me causa toutes les difficultés du monde pour retrouver mon chemin.
J’ai finalement retrouvé mon logement et je me suis ensuite estimé heureux que cela m'arrive en début de séjour et que seul mon carnet ait été volé. Et tirant leçon de cette mésaventure, j'étais bien déterminé, à trouver le soir même, des solutions pour ne plus jamais perdre de données de terrain. J'avais pour objectif de parer à toutes situations possibles dans une ville où l'insécurité règne au point d’en faire l'unique sujet d'un tract de propagande (voir photo ci-dessous). J'utilisais déjà une ceinture munie d'une pochette en coton collée sur mon ventre dans laquelle je transportais mon passeport, mon argent et mes cartes de banque, mais elle était bien trop petite pour y mettre un carnet. Et puis de toute façon, il est courant, en cas d'agression à Salvador, que l’on doive se déshabiller. Il me fallait donc trouver un autre moyen de stockage plus facile et plus sûr. Après réflexion, j’ai fini par opter pour le dictaphone. Par rapport au carnet de terrain, je lui trouvais de nombreux avantages. Il était moins encombrant et plus facile à dissimuler qu'un ou plusieurs carnets de terrain. De plus, par rapport au carnet, je pouvais l’utiliser en un minimum de temps et de manipulations. Les informations y étaient directement stockées sous forme de fichiers numériques triés et nommés par date et heure, et tout pouvait ensuite facilement être transmis en lieu sûr via une connexion Internet.
Malheureusement, j’ai passé énormément de temps pour extraire les fichiers de mon dictaphone sans jamais y parvenir. Pendant près de dix jours, je me suis obstiné en testant le dictaphone sur différents ordinateurs, avec différents câbles et selon différentes configurations, mais sans aucun résultat. Finalement, quand je suis arrivé à saturation de la mémoire de cet appareil que l’on risquait de me voler, j’ai pris la décision de réécouter l'entièreté des messages pour les retranscrire par écrit et les mettre en lieu sûr. Ma première idée fut de le faire sur ordinateur, de nouveau pour pouvoir sauvegarder les informations via une connexion Internet. Mais comme j’avais fait le choix de partir sans ordinateur pour des raisons déjà connues, la solution fut donc de retranscrire mes enregistrements dans des cahiers et de les photographier ensuite page par page avec un appareil photo digital afin de stocker les images sur Internet. J’ai donc acheté à bon prix un appareil de fabrication brésilienne qui me semblait idéal par sa petite taille, sa couleur discrète, ses fonctions photo et vidéo, ses choix de compression d'image et puis surtout son alimentation par piles de type AA. Tout comme mon dictaphone, l'alimentation par piles me garantissait une utilisation prolongée sur des terrains où l’on ne dispose pas d'accès à un réseau de distribution d'électricité.
La retranscription détaillée des enregistrements du dictaphone me demanda plus de trois jours complets durant lesquels j’ai rempli plus de 110 pages de cahier format A3 et vidé complètement un stylo à bille dont je m'étais même assuré de la permanence des traits en cas de contact à l'eau. Mais, cette fois-ci, ce fut la taille de tous les fichiers photo réunis qui m’empêcha de les télécharger dans un temps raisonnable, vu le faible débit des connexions offertes dans les cybercafés. Ce système n'aurait donc pu fonctionner que lors d'une sauvegarde journalière, mais il était trop tard. La solution ultime après plus de 15 jours de recherche fut finalement de transférer régulièrement, grâce à l'ordinateur d'un cybercafé, les images de la carte mémoire de mon appareil photo vers une autre carte mémoire de type micro SD que je gardais en lieu sûr et que j’imaginais même pouvoir dissimuler sous un sparadrap en cas de situation à risque. Aujourd'hui, cette solution reste la plus adéquate pour prévenir la perte ou le vol de mes données sur un terrain où l'accès à Internet est problématique, voire impossible et où le vol et l'agression sont à craindre.
Concernant le dictaphone, je me suis rendu compte que la retranscription des enregistrements couvrant toute une période de terrain serait extrêmement longue et fastidieuse, même si la fonction de mise en pause et redémarrage automatique des enregistrements permet de réduire le temps d'écoute d'une façon appréciable. De plus, je me suis rendu compte que l'écriture apportait un plus par rapport aux observations faites « à chaud » sur mon dictaphone. Ce plus, c’était le temps de réflexion et d'analyse que suscitait la lenteur de l'écriture manuscrite. À tête reposée, la pratique régulière de l'écriture me permettait de prendre du recul par rapport à mes informations de terrain et, grâce à ce recul, il m'était permis de récolter des idées, des questions, des doutes et toutes sortes de pensées utiles à l'organisation de mon travail. Je réservais donc l’utilisation du dictaphone pour la sauvegarde des informations et des idées qui surgissent en pleine action ou à des moments peu propices à l'écriture. Un jour cependant, je me suis retrouvé dans l'incapacité de comprendre mes propres paroles concernant un lieu important où je devais me rendre. De cette mésaventure, j’ai ainsi appris qu’il était aussi très utile d’avoir toujours sur soi un petit calepin pour orthographier de manière précise et correcte les noms propres, numéros de téléphone, adresses et nouveaux termes inconnus, pour les recopier tous les soirs dans le carnet de terrain.
Ce que cette expérience m'a enseigné, c’est qu'en plus d'un abri physique pour lui-même, l'être humain, en tout cas celui que j'étais, a aussi besoin de mettre à l'abri ses biens personnels. Sans ce dernier abri, la peur de se voir dépossédé s'installe et grandit au fur et à mesure de l'accumulation de biens qui, dans mon cas, étaient des matériaux indispensables à la rédaction de mon travail final. Sans mes carnets de terrain, photos, vidéos, revues, tracts, brochures, textes de théâtre et interviews divers, il m'aurait été impossible de rédiger et d'illustrer un travail de façon complète et détaillée. Ainsi, curieusement, la recherche d'un abri pour mes données de terrain me faisait revivre l'expérience du savetier de Jean de La Fontaine (Le Savetier et le Financier) et réaliser à quel point la peur de perdre ses données de terrain pouvait, pour l'anthropologue de terrain, nuire à la joie de vivre. Le bien-être de l'être humain dépend donc aussi de la protection des biens qui lui sont chers. Plus les biens sont nombreux, plus l'abri doit être grand. Plus les biens sont de valeur, plus l'abri doit être sécurisé. Sans quoi l'angoisse s'installe.
Pour terminer ce chapitre, il me reste à signaler que j’ai pris pour méthode de retranscrire tous mes entretiens enregistrés au dictaphone, directement du portugais vers le français en incorporant dans le texte un système d'indexation me permettant de retrouver facilement dans le fichier son originale la partie originale transcrite si un retour à la source primaire d'information était nécessaire. Le logiciel libre de retranscription Transcriber[5] me fut très utile pour accomplir cette tâche. Par souci d'exactitude et pour les personnes qui ont la chance de pouvoir lire le portugais, toutes les citations utilisées dans ce travail seront écrites dans un premier temps et entre guillemet en portugais, pour être ensuite traduite entre parenthèses et par mes soins en français. Pour des raisons éthiques, l'identité des personnes rencontrées sur mon terrain et citées dans ce travail sera dissimulée sauf s'il y a eu un accord explicite sur la divulgation de l'identité. Pour garder une certaine dynamique de récit, des prénoms de substitution ont été utilisés pour remplacer les prénoms réels non divulgués. Cela dit, Omara, mon informatrice principale avec qui j’ai gardé contact via l'espace en ligne Facebook, a accepté que j'utilise son vrai prénom.
Un terrain non préparé
modifierSi j’ai rencontré tant de difficultés en ce début de voyage, c’est en grande partie parce que des impératifs de dernière minute m'ont empêché de préparer correctement mon départ. Beaucoup de gens se sont étonnés en effet de me voir partir, ou de me voir arriver sans aucun contact sur place, ni même une adresse où loger. De plus pour seul bagage, j’avais un sac à dos d'à peine dix kilogrammes. Les CouchSurfers que j’ai rencontré étaient souvent bien plus chargés que moi, et préparaient leurs voyages bien à l'avance en s'assurant d’être reçus par d'autres CouchSurfers là où ils se rendent, tout en prévoyant les désistements.
Cette négligence dans la préparation de mon départ m'a finalement placé dans des situations très instructives, tant au niveau personnel qu'au niveau des recherches anthropologiques que j’avais à mener. Un voyage trop bien préparé ne m'aurait par exemple pas permis de tester les limites du système d'entraide que constitue la communauté CouchSurfing de Salvador par exemple. Et puis je n'ai pas du pour autant prendre des risques en passant mes nuits dans les rues de Salvador bien que circuler avec mon sac à dos entre les différents hébergements était déjà un risque en soi. Des logements j'en ai finalement trouvé deux de façon in extremis et juste avant de prendre la décision de passer la nuit à l'hôtel. Le premier logement fut rencontré lors d'un meeting organisé par la communauté des CouchSurfeurs de Salvador où un expatrié japonais m'a proposé de dormir dans le divan de son salon durant deux nuits. Le deuxième logement, fut rencontré suite au désistement de la seule proposition d’accueil reçue au travers du site et a nouveau grâce à un second meeting organisé par CouchSurfing. Durant ce meeting, j’ai en effet rencontré un ressortissant belge en voyage depuis plus d'un an et demi sur le continent latino-américain qui me proposait pour une petite contribution financière de partager la vétusté de son logement.
Cette expérience fut très instructive, car elle me permit de me rendre compte à quel point le logement était une question problématique dans la ville de Salvador même pour un ressortissant européen. Yan était en effet très content d’avoir trouvé, pour deux cent vingt réaux par mois, une chambre d’hôtel plus haute que large, d'environ cinq mètres-carré, sans fenêtre extérieure, équipée d'un lit simple aux lattes manquantes sans moustiquaire, d'une chaise et d'une table de camping, d'un semblant d'armoire à trois tiroirs, et d'un plafonnier bancal faisant à la fois office d'éclairage et de ventilateur. Les toilettes et la douche d'eau froide sans pommeau, avec l'eau qui s'écoulait par terre, se trouvaient dans un petit cagibi d'un mètre-carré placé sur le toit du bâtiment avec juste à côté une petite cuisine qui se résume à une table, quelques chaises, deux éviers et un frigo, abritée des pluies par un auvent. Ce nouveau logement contrastait vraiment avec le logement partagé avec le couchsurfeur Japonais venu à Salvador pour étudier le portugais et qui habitait dans un appartement luxueux avec balcon et vue sur la mer avec pour lui seul de deux chambres doubles dont une équipée d'un grand écran plat 16/9eme fixé sur le mur en face de son lit. Dans un voyage organisé, je ne me serais jamais rendu compte en le vivant par moi-même des inégalités de condition de vie offerte dans la ville de Salvador.
Au bout du compte, je découvrais aussi quelles pouvaient être les préoccupations premières et journalières d'un anthropologue à la recherche d'un terrain d'étude :
- Trouver un endroit pour passer mes prochaines nuits.
- Trouver une solution pour sauvegarder mes données de terrain.
- Gérer la distance qui le sépare des personnes qu’il aime.
- Et enfin, trouver un endroit pour déposer ses affaires dans un lieu sûr. Dans une ville tel que Salvador, il est fortement déconseillé de se balader avec autre chose qu'un tee-shirt, un bermuda et des sandales havanaises (celles que j’avais achetées dès mon arrivée m'ont torturé les pieds durant quinze jours).
Finalement, toutes ces mésaventures ont fini par me sensibiliser sur les conditions de vie de tous ces gens qui dorment sur les trottoirs des quartiers riches, ramassant des détritus ou tirant des charrettes à bras comme des bêtes de somme au beau milieu de la circulation. Sans en avoir souffert moi-même, je ne me serais sans doute jamais rendu compte que trouver un abri dans une ville telle que Salvador était une chose bien plus importante et compliquée que de trouver de la nourriture. Je n'aurais certainement pas eu le même point de vue sur tous ces sans-abri qui s'associent parfois pour réunir la somme d'un repas ou, le cas échéant, visitent les poubelles des quartiers riches lorsque la faim et le manque de sécurité les obligent de toute façon à veiller toute la nuit.
J'en finis par conclure qu'un terrain d'étude anthropologique n'a rien à voir avec un séjour de vacances, et que l'une des satisfactions que l’on en retire est peut-être de pouvoir témoigner avec autant de détails et de références possible tous d'une réalité qui jamais ne figurera dans les revues touristiques. J'étais parti pour faire un travail de terrain en anthropologie et cela m'a permis de découvrir de nouvelles souffrances liée à la discipline. C'était bel et bien là le but de l'exercice, un réel apprentissage gratifier par une meilleure compréhension de l’être humain et des communautés humaines.
Un abri physique
modifierJ’ai un jour partagé un repas avec une personne qui venait de passer la nuit à la rue. Assis sur un appui de fenêtre d'un building, nous avons mangé tout en discutant de sa vie de quinquagénaire sans emploi. Jean sentait l'alcool et le tabac bien qu’il ne semblait pas être dans un état d'ébriété. Il m'avoua en éteignant sa cigarette qu’il avait bu et que cela n'était pas difficile pour les gens de la rue. Selon lui, les gens donnent plus facilement de l'alcool ou du tabac que de la nourriture. Jean était blessé au visage et à l'avant-bras. Il avait enveloppé sa plaie dans un morceau de tissu crasseux sans doute pour éviter que les mouches ne s'y posent. Cette blessure, il me dit qu'elle avait été provoquée par un coup de couteau donné par des personnes qui tentaient de voler une voiture qu’il surveillait pour gagner l'équivalent d'un euro.
Au cours de la conversation, j'apprends que Jean a de la famille à Rio, mais qu’il ne possède pas les quatre cents réaux qui lui permettraient de faire le voyage. Il me dit aussi qu’il a bien un endroit où dormir à Salvador, mais qu’il n'a pas les trois réaux pour prendre le bus qui lui permettrait de s'y rendre. Bien qu’il vienne de passé cette nuit à la rue, Jean m'informe qu’il a travaillé quinze ans pour la propriétaire du bâtiment qui se situe de l'autre côté de la rue où nous sommes en train de manger. Actuellement, à cinquante-cinq ans, il se considère trop vieux pour trouver du travail dans son métier de mécanicien automobile. Si par chance il en trouvait, ce serait pour être sous-payé et mal traité. Regarde ce chien qui boite, me dit-il, c’est quelqu’un qui l'a blessé sans aucune raison…
Ce genre de témoignage, j’aurais pu en récolter mille si j'en avais eu le courage. Les rues de Salvador regorgent de sans-abris de tous genres allant de la personne déficiente mentale aux familles complètes avec bébé en couche-culotte, en passant par des enfants esseulés ou femmes enceintes. Tous ces gens dorment le jour et veillent la nuit pour des problèmes d'insécurité particulièrement dramatique à Salvador. Des gens qui vivent dans la rue, cela existe aussi dans la plupart des grandes villes européennes, et bien que chaque sans-abri ait sa propre histoire, les problèmes liés au manque d'abri sont souvent du même ordre : trouver de l’argent l'après-midi, veiller la nuit dans une recherche de nourriture, de drogue parfois, puis dormir le matin dans des endroits cachés ou très fréquentés pour éviter les risques d'agression.
À côté de tous ces gens, j'étais un bien heureux et dans mon expérience, j’ai fini par trouver un logement chez l'habitant grâce à deux Français vivant sur l'île d'Itaparica située en face la ville de Salvador à une demi-heure du continent pour les ferrys les plus rapides. C'est par l'intermédiaire d'un ami qui leur avait prêté son bateau pour y loger quelque temps que j’avais pu prendre contact avec eux par courriel. Je leur avais demandé s'ils ne pouvaient pas m'aider à leur tour pour trouver un logement ou peut-être un lieu de recherche pour mon mémoire. La réponse fut positive et, après une communication téléphonique, je rencontrai l'une de ces deux personnes à Salvador pour l'accompagner sur l'île où je passai la première nuit dans leur domicile en compagnie de quelques membres de la famille qui étaient en visite. Le lendemain, je quittais leur maison pour m'installer dans celle d'Olivia, une de leurs amies brésiliennes que j’avais rencontrée à Salvador, mais qui devait rester sur place encore quelques jours. Il était convenu que je partage avec elle un loyer relativement démocratique, ce que je pouvais me permettre grâce à la vente de mon caméscope à l'un des deux amis français.
Cette dame avec qui je partageais le logement devait avoir plus de quarante ans et était réputée pour fréquenter régulièrement l'une des nombreuses églises protestantes évangélistes implantées sur l'île. J'étais donc rassuré d’avoir trouvé une habitation et une perspective de recherche de terrain. L'habitation était confortable et n'avait pour seuls défauts qu'un local de douche muni d'une installation électrique quelque peu criminelle et chose plus embarrassante, des toilettes qui semblaient bouchées depuis un certain temps. Mais tout cela m'était égal, car je me sentais en sécurité dans cet endroit dont il était possible de se barricader pour la nuit avec des portes et fenêtres équipées de grilles en fer forgé. J’ai passé deux nuits seul avant que ma cohabitante ne revienne de Salvador. Malheureusement, le contact s'est avéré difficile. Nous n'avons eu qu'une seule conversation pour ainsi dire le matin du lendemain de son retour. Elle lisait la Bible dans un fauteuil placé dans le préau de la maison, je lui ai adressé la parole en abordant le sujet de la religion à travers quelques questions, et j’ai appris en peu de mots qu'elle avait été catholique avant d’être protestante évangéliste et que la Bible qu'elle était en train de lire n'était pas différente de celle qu'elle lisait avant de s'être convertie sauf que pour elle maintenant, Marie, la mère de Jésus « Ela estava morta e estão todos » (Elle était morte et puis c’est tout). Elle conclut notre conversation en me disant qu’il fallait que je quitte la maison d'ici à huit jours, car elle comptait recevoir de la famille. Nos conversations suivantes se sont résumées à des mesures de sécurité quant à la fermeture des deux cadenas de la grille métallique qui bloque l'entrée de la maison.
Depuis mon arrivée sur l'île, je croisais régulièrement Michel, l'un des deux Français que j’accompagnais parfois dans ses activités, mais j’évitais autant que possible de passer trop de temps en sa présence, d’une part à cause d'un manque d'affinité et d’autre part, pour ne pas associer mon image à la sienne et risquer de tomber dans ce que Jean-Pierre Olivier de Sardan appelle « L'encliquage » (de Sardan 2008, p. 93) ou, autrement dit, le risque de se voir enfermé dans une « faction » sociale liée aux expatriés locaux. Ceci risquerait d’une part de biaiser ma vision des choses et d’autre part m’empêcherait de prendre contact avec des personnes qui déprécieraient Michel et son entourage. Jour après jour, je me suis senti de plus en plus seul, me couchant, me levant, déjeunant dans une maison vide et passant mes journées à tenter de résoudre des problèmes de sauvegarde d'informations. Mon moral était en baisse et les problèmes d'éloignement par rapport à ma compagne n'en étaient que plus difficiles à vivre.
Cette situation suscita une nouvelle réflexion par rapport au besoin de l'être humain. L'abri physique que j’avais trouvé ne suffisait pas à mon bonheur ni à donner un sens à ma venue au Brésil. Il me fallait trouver un autre abri. J'avais trouvé dans cette maison une sécurité physiquement, il me manquait maintenant un endroit où je puisse m'épanouir dans une vie sociale qui me donnerait matière à réflexion pour mon travail d'anthropologie.
Un abri social et affectif
modifierUn jour, en faussant compagnie à Michel, j’ai rencontré un groupe de capoeiristes qui faisaient une démonstration publique de leur art dans l'espoir de récolter quelques réaux parmi un groupe de touristes brésiliens en visite sur l'île. Comme j’avais déjà pratiqué ce sport de combat en Europe, j’ai trouvé là une belle opportunité pour m'introduire dans un groupe et faire de nouvelles connaissances. Après une brève présentation, j’ai appris que ce groupe de capoeira n'était en fait qu'un groupe d'amis qui avaient pris l'habitude de se réunir à l’heure des visites touristiques pour récolter un peu d'argent. L'un d'entre eux me renseigna toutefois sur l’existence d'une école de capoeira dont les entraînements se déroulaient dans un lieu appelé « Oficina de Artes »[6] tous les samedis et jeudis.
En me rendant à un entraînement, je découvris non seulement un local pour pratiquer de la capoeira et du théâtre comme indiqué sur la devanture, mais aussi un lieu d'habitation pour un groupe de jeunes personnes et une femme plus âgée qui s'occupait de la gestion du lieu et des activités. Dès ma première visite, je fus chaleureusement accueilli par le fils de cette dame qui me présenta rapidement à sa mère Omara à qui je fis part de mon désir de participer aux entraînements ainsi que de ma recherche d'un ordinateur d'occasion. Elle me souhaita la bienvenue dans le groupe de capoeira et me dit qu'elle allait se renseigner concernant l'ordinateur. Elle répondit ensuite à mes nombreuses questions concernant les projets hébergés dans le bâtiment qui appartenait à son frère. À la fin de notre conversation, je fus invité à partager un repas avec la petite communauté d'habitants. Nous avons débarrassé la grande table tous ensemble et fait la vaisselle juste après. Pour moi qui passais la plus grande partie de mes journées seul à tenter de résoudre mes problèmes technique de sauvegarde de données, cette soirée fut un réel bonheur.
Le lendemain, j'étais invité par Omara à une sorte de soirée de gala en l’honneur du célèbre auteur brésilien João Ubaldo Ribeiro dont l'œuvre principale Viva o Povo Brasileiro se déroule dans la ville d'Itaparica. Il y avait pour l’occasion une adaptation théâtrale de quelques textes de l'auteur par la petite troupe de théâtre d'Omara. Sous forme de petits sketchs, les textes abordaient des situations de la vie courante, comme une discussion entre une femme et son mari concernant l'éducation de leur enfant. Le spectacle de théâtre fut suivi de plusieurs spectacles de danse et de musique dont l'un était fait par un groupe de personnes déguisées en Indiens qui interprétaient, sans grande conviction, un texte et un chant censé représenter, la culture indienne des premiers habitants de l'île. Itaparica est en effet un nom amérindien qui signifie « entouré de cailloux » bien qu'en réalité il ne s'agit pas de pierre, mais de coraux. À la fin du gala, j’ai suivi la petite troupe composée de personnes dont l'âge pouvait varier de dix à trente ans voir plus. Sur une terrasse pas loin du lieu de représentation, nous avons mangé des « pastel de forno », sortes de petits chaussons salée en pâte feuilletée fourrés de légumes ou de viande. L’ambiance était très décontractée et je trouvais cela épatant que des gens d'un âge si différent puissent aussi bien s'entendre. De retour à l'Oficina de Artes, je me suis décidé à parler à Omara de mes problèmes d’argent et d'isolement pour en arriver à lui faire la proposition de lui donner la totalité de l’argent qu’il me restait pour pouvoir venir vivre le restant de mon séjour avec les personnes de l'Oficina de Artes. Comme il y avait un problème de place, c’est seulement après un jour de réflexion qu'Omara me fit une proposition. Elle nous rassembla, son fils, Passarinho un capoeiriste brésilien logeant sur place et moi pour proposer au capoeiriste que je partage sa chambre en échange de quelques coups de main que je lui donnerais pour construire sa maison en chantier. Le marché fut conclu et c’est avec un grand soulagement que je retournai passer ma dernière nuit dans la maison d'Olivia.
Quand je suis arrivé le lendemain, j’ai dû insister auprès d'Omara pour qu'elle accepte l’argent que je lui avais promis. J'appris par la suite que le jour-même tout avait été dépensé dans l'achat de nourriture pour la petite communauté. Sans trop comprendre, je n'ai jamais eu de grandes conversations Passarinho (de son nom capoeiriste) avec qui je partageais la chambre. Il n'était pas très loquace et répondait juste à mes questions sans jamais m'en rendre de retour. Malgré cela, la cohabitation fut très agréable et il est toujours resté très sympathique et très attentif envers moi. Dès mon arrivée, j'ai insisté pour que nous partions jusqu'à sa maison, mais nous ne sommes partis que l'après-midi. On y est arrivés à vélo, lui sur un vélo acheté en Europe suite à un stage donné dans l'école du frère d'Omara, moi sur son ancien vélo tout juste en état de marche. Sa maison était située dans les campagnes de l'île. L'eau courante venait juste d’être installée dans le cartier deux semaines auparavant. Le bâtiment en construction se situait juste à côté de la maison de la tante de Passarinho à qui nous avons rendu visite. L'avancement des travaux se limitait à la construction des murs, car malheureusement la situation financière de Passarinho ne lui permettait pas d'acheter les matériaux nécessaires pour continuer la construction. Le petit bâtiment était composé en tout de quatre pièces en rez-de-chaussée. Passarinho avait grandi jusqu'à 20 ans dans ce milieu rural. Âgé maintenant d'une bonne trentaine d'année, il avait roulé sa bosse dans les métiers de la construction et puis comme professeur de capoeira, pour se retrouver actuellement sans emploi et quelque part obligé de loger chez Omara en échange de ses services de professeur de capoeira. Il était impossible de trouver du travail sur l'île, disait-il, et donner des cours de capoeira en Europe à l’heure actuelle était devenu impossible tant il existait déjà de nombreuses écoles et professeurs. Son seul espoir était de retrouver du travail dans le bâtiment via son frère installé sur le continent à proximité de l'île. Mais encore une fois, c’est le logement qui posait un problème, car on lui cherchait toujours une place pour le loger. Finalement, je me serai rendu qu'une seule fois jusqu'à la maison de Passarinho durant tout mon séjour, il n'y est lui-même retourné qu'une fois sans vouloir que je l'accompagne à cause d'une crevaison à la roue arrière de son ancien vélo.
Suite à la visite de la maison de Passarinho, j’ai retrouvé Omara en train d'écrire sur son ordinateur les textes du prochain spectacle de théâtre dans l’idée de les imprimer et de les distribuer aux comédiens. Comme je lui avais dit que j'étais intéressé pour l'aider dans ses ateliers de théâtre, elle m'a demandé d'animer l'atelier pendant qu'elle finissait son travail. Je le fis avec grand plaisir en mettant à profit ma propre expérience théâtrale dont je lui avais fait part les jours auparavant. L’atelier fut donné sur une grande terrasse protégée d'un grand auvent. À la fin de l'atelier, nous sommes redescendus pour rejoindre l’entraînement de capoeira que le fils d'Omara avait déjà commencé. Au moment de la « roda » ( Moment de lutte proprement dite où les canoéistes forment un cercle musical dans lequel les participants s’affrontent un à un dans un système de tournante improvisée ), Omara fit une intervention très sévère en raison du manque d’énergie manifesté par l’ensemble des participants. Son discours était moralisateur et il y en eut bien d'autres durant les activités de l'Oficina de Artes et ce tant au niveau de la capoeira qu'au niveau du théâtre.
Le soir-même après l’entraînement, Omara sortit un gâteau d’anniversaire qu'elle avait préparé pour les 31 ans d'une des canoéistes et participantes de l'atelier de théâtre. La fille reçut aussi en cadeau d'Omara un très joli collier africain aux couleurs bleues dont je reconnaissais la fabrication touareg. Quand la fille remercia Omara, elle l'appela maman. Il est courant me dit un jour Omara, que des jeunes dont elle s'occupe l'appellent maman, la première fois que cela lui est arrivé, me dit-elle,, cela lui permit de réaliser que « ha pesoas que presisem de um abrito afectivo » (Il y a des personnes qui ont besoin d'un abri affectif). Le soir de cette journée bien remplie après avoir reçu les clefs de la porte d'entrée du bâtiment, je me suis endormi pour la première fois depuis mon arrivée au Brésil dans un état d'esprit tout-à-fait serein.
Le lendemain, Omara est partie à Salvador pour faire des examens médicaux concernant ses calculs rénal. Durant son absence, Passarinho a cuisiné pour la petite communauté composée du fils de Omara, trois jeunes capoeiristes envoyées de suisse par le frère d'Omara, une jeune brésilienne venant de la campagne et logeant ici pour pouvoir terminer ses études secondaires, Passarinho et moi-même sans oublier Sapeca et Vida, la chatte et la chienne de la maison. J’ai remarqué que durant l'absence d'Omara les tâches et activités étaient beaucoup plus négligées. Ce jour-là, par exemple, les restes de repas préparés la veille qui n'ayant pas été mis au frigidaire ont dû être jetés. Quand j'en fis la remarque à Omara à son retour de Salvador, elle dit « quando o gato sai, o rato sobe na mesa » (Quand le chat est parti, les souris dansent).
Nous avons eu de nombreuses conversations avec Omara. Deux de nos conversations furent enregistrées durant lesquels elle me dévoilait sa vie sans gêne et sans tabou. Omara était une personne qui avait assez vécu pour n'avait plus rien à prouver. « Tudo é complicado » (tout est compliqué) me disait-elle d’emblée la première fois que l’on a abordé son histoire de vie. Sans entrer dans des détails trop intimes, je dirai juste qu'à 52 ans, Omara a toujours eu des difficultés relationnelles dans son enfance dans une famille dont le père était originaire de l'île. Après multiples péripéties, Omara est arrivée sur l'île en 1996 et a ouvert l'Oficina de Artes en 1998. Elle vit actuellement depuis plusieurs années séparée de son ex-mari, père de ses trois enfants, avec qui elle s'était mariée par amour à l'âge de 20 ans. Ce mariage lui permit aussi d'accéder enfin à une liberté d'adulte qui lui a toujours été confisquée par sa mère. Il y a eu de grosses crises avec son mari, mais leur amitié est restée très forte. Il continue à l'inviter régulièrement à des activités festives auxquelles j’ai pu assister à deux reprises. D'une vie de couple et d'un emploi stable, elle s'est retrouvée petit à petit sans rien. En parlant de ses activités au sein de l'Oficina de artes, elle me dit que « O qu'estava para mim um ocupação secundária que se tornou uma maneira de sobreviver » (Ce qui était pour moi une occupation secondaire est devenu une manière de survivre). Avant de se retrouver dans sa situation actuelle, elle est passée par plusieurs emplois de courts termes et de nombreuses périodes de crises dans son couple. Aujourd'hui, l'Oficina de Artes me semblait être pour elle, à la fois une famille, une occupations et un gagne-pain. Le bâtiment appartient à son frère aîné, actuellement grand maître du groupe de capoeira Union et installé depuis de nombreuses années en Suisse, pays à partir duquel il a fondé plusieurs écoles de Capoeira en Europe. J’ai cru comprendre qu'elle ne lui payait pas de loyer, mais qu'en échange, elle accueillait les étudiants de l'école de son frère. Je n'ai pas cherché à rentrer dans les détails indiscrèts au niveau de sa vie, mais je peux dire que le prix des cours de Capoeira et de théâtre sont dérisoires et que le prix de l'hébergement varie entre la gratuité pour certains et cinquante réaux par jours nourriture incluse pour les personnes européennes ayant de bonnes ressources. Lorsque Omara décida de partager le cachet de la représentation théâtrale avec tous ses élèves alors que quelques jours plus tôt l'Oficina de Artes était resté une nuit sans électricité pour une facture d'électricité impayée, j’ai compris que le moteur du projet n'était pas l'argent.
Le moteur, il était social et il se basait sur l'aide apporté aux jeunes d'Itaparica pour tenter de leur donner une alternative à ce qu'Omara appelle « a rua » (la rue). Il me fallut un certain temps pour comprendre pleinement ce qu'Omara entendait par le mot rue. Pour Omara la rue ne signifie par seulement l'espace public tel qu'on l'entend habituellement, mais aussi de façon implicite tous les espaces sociaux et familiaux en crise. Omara me disait que pour elle, au Brésil, la violence était partout et atteignait parfois des degrés considérables. La rue dont elle me parlait, c’était un lieu de violence beaucoup moins explicite que celle qui apparaît dans le tract du PMDB (voir Photo no2). Il s'agissait ici d'une violence domestique beaucoup plus discrète, mais tout aussi dangereuse qu'une agression en rue. Cette violence, j'allais la découvrir en apportant mon aide dans la mise en scène d'un petit spectacle destiné au jour d'ouverture du Centro de Referência Especializado de Assistência Social (CREAS) de Itaparica[7]. Le spectacle qui commençait et se terminait par un chant joyeux de tous les personnages accompagné d'un « pandero » (Petit tambour à cadre et à cymbalettes) était composé de quatre saynètes présentant les différents types de problèmes sociaux pouvant être accueillis et gérés par le centre social. Les saynètes se voulaient très réalistes et Omara me confia que la plupart des situations avaient réellement été vécues par certains membres de la troupe. D'autre part, les responsables du CREAS sont venus voir une répétition et ont trouvé eux-mêmes que tout était crédible, avec pour seul grief à la mise en scène l'oubli du handicap physique dans les différents cas de figure. Le problème fut rapidement résolu en rendant un des personnages aveugle. Voici dans un bref résumé des saynètes qui ont été jouées dans le but d'illustrer de façon réaliste, les problèmes sociaux pouvant être rencontrés et traité par le centre d'aide social (Le texte complet du spectacle est disponible en annexe 1) :
- Scène 1: Une jeune enfant est battue par son père alcoolique qui lui interdit de se rendre à l'école pour l'obliger à aller chercher son alcool. L'enfant fugue de chez son père pour se réfugier dans la rue où elle se fait violer et tombe enceinte.
- Scène 2: Une jeune fille quitte sa famille pour vivre avec son amoureux qui se révèle être un violent trafiquant de drogue. Elle est dans l'attente d'un deuxième enfant et décide de le quitter au risque de sa vie.
- Scène 3: Deux parents se sentent impuissants face à leur fille prise dans les tourments de la drogue. La fille témoigne de ses souffrances.
- Scène 4: Un vieillard sénile et aveugle est menacé par sa fille unique d’être enfermé sans ses traitements s'il ne répète pas exactement à l'assistante sociale ce qu'elle lui a dit.
A Itaparica, comme dans d'autres endroits, avoir une maison pour s'abriter physiquement ne signifie donc pas vivre en sécurité. Sur cette île réputée paisible par rapport à Salvador, l’idée d'un abri social ou affectif comme le dit Omara, prend donc tout son sens. Ainsi comme le conceptualisait Omara dans son expression, le danger de la rue, peut aussi surgir de la famille. Ce que je compris dès lors, c’est que l'Oficina de Artes n'était pas seulement un abri physique pour loger des personnes et accueillir des activités collectives, mais aussi un abri social et affectif où les gens se retrouvent dans un cadre sain et sécurisé grâce à une morale édifiée sur base de règles transparentes et strictes. Pour exemple, il est interdit, et ce, pour une question de respect, de marcher avec des chaussures dans le rond rouge (voir photo no 14) qui délimiter la « roda » (voir photo no 15). Il est aussi formellement interdit de rentrer dans la chambre d'Omara sans son autorisation ou d'inviter des personnes extérieures à la communauté à rentrer dans les autres chambres. Il est aussi interdit de participer aux activités de l'Oficina de Artes si l'on consomme de la drogue ou si l'on a de mauvais résultats scolaires. Etc.
Pour moi aussi l'Oficina de Artes était aussi devenu un abri social et affectif. Ce fut un lieu où je pouvais me sentir bien, même si après avoir résolu mes sauvegardes d'information, il me restait toujours la difficulté de vivre loin de la personne que j'aimais. Je trouvais dans ce lieu un sens à ma venue au Brésil en tant qu'anthropologue puisque l'endroit était propice à la réalisation de mon travail de terrain qui devait impérativement être l'observation d'une communauté sur base d'une observation participante. Et c’est ainsi qu'au fil de mes observations, j'en suis arrivé un jour à me poser cette question : Comment Omara pouvait-elle rester aussi souriante, accueillante, généreuse, autrement dit si épanouie, alors qu'elle vivait seule entouré de jeunes dont elle me dit un jour en faisant de l'humour « Eu tenho qu'administrar o hormônio da juventude » (Je dois gérer les hormones des jeunes) ? Où trouvait-elle la force d'accomplir cette mission qu'aucun contrat ne l’obligeait à faire ? J'avais déjà trouvé une réponse partielle à cette question quand Omara m'informait qu'elle n'aimait pas l'inactivité dans laquelle surgissaient parfois des moments de déprime. Mais il me restait encore à découvrir une autre chose dans laquelle Omara puisait sa force. Il s'agissait d'un autre type d'abri, qui cette fois n'était ni physique, ni social, ni même affectif. Ce troisième abri était conceptuel et pour tout dire spirituel.
Un abri spirituel
modifierLe concept d'abri spirituel
modifierQuand on parle de spiritualité, on pense souvent à la religion. Pourtant, si l’on se réfère à la définition du mot spiritualité à savoir : « Qualité de ce qui est esprit ou âme, concerne sa vie, ses manifestations ou qui est du domaine des valeurs morales »[8], on voit que le mot concept lié n’est pas celui de « religion » mais bien d'« esprit ». Quant à l’esprit, il peut se définir à son tour comme « principe de vie immatériel » mais aussi comme « disposition psychique dominante d'une personne ou d'un groupe, déterminant le choix d'une attitude et l'orientation de l'action », « ensemble des dispositions psychiques dominantes qui déterminent et caractérisent les sentiments et les actions d'une personne ou d'un groupe social » ou encore « pensée dominante, idée centrale, principe qui anime une œuvre et lui donne son sens profond ; inspiration dominante et caractéristique d'un auteur, essence de sa pensée »[9].
Au départ de l’idée de spiritualité, je conçois donc l'abri spirituel non pas en tant qu'abri pour l'âme − l'âme à mon sens est un concept trop peu immanent pour être porteur dans le cadre d'observation anthropologique − mais bien en tant qu'abri pour certaines pensées, idées, sentiments, ou émotions néfastes aux personnes. L'abri spirituel, se conçoit donc comme une manipulation de l'esprit qui permettrait à une personne de s'abriter de ses pensées, idées, sentiments ou émotions insupportables.
Durant mon voyage, j’ai croisé des hommes, des femmes, et des enfants confrontés à des souffrances physiques et morales importantes. La plupart étaient confrontés à la fatalité d’être né dans un milieu défavorisé, d’autre se sont vu victime de processus sociaux impossible à contrôler. Devant ces différentes injustices sociales ou naturel, aucune justification rationnelle n'existe vraiment. Sans réponse aux questions existentielles, sans solution face aux injustices subies, ces personnes sont d'autant plus réceptives à l’idée d'un abri qui leur permettra de se protéger de leurs idées noires ou de leur désespoir. Cet abri, certains le trouvent dans la drogue. Le réconfort sera de courte durée, mais il permettra d'oublier ou de se distraire de la réalité le temps des effets de la substance. Il existe ensuite un autre type d'abri pouvant être de longue durée cette fois. Cet abri, c’est la croyance en différents principes transcendantaux véhiculés par les nombreux cultes représenté au Brésil qui permettront d'ajouter à la réalité de nouveaux concepts qui permettront de rendre la vie plus supportable.
Se réfugier dans la drogue ou l'activité
modifierUne drogue très répandue au Brésil telle que le crack ou même l'alcool aident ainsi à se distraire de la réalité. J’ai eu de nombreux témoignages durant mon séjour concernant des gens ayant été agressés par des consommateurs de ce crack. Apparemment, le crack aurait un effet désinhibant comme en témoigne Yan qui a reçu un jet de pierre à la tête suite à une discussion dans laquelle il proposait à une femme de partager sa nourriture plutôt que l’argent dont il avait besoin. Selon un article de Wikipédia[10], les effets du crack sont connus pour être similaires à la cocaïne, mais plus violents, rapides, et brefs. Ces effets sont caractérisés par une forte stimulation mentale et une impression de rêve qui s'achève à la descente et ne peut continuer qu'avec une nouvelle prise. Cette sensation semble se comparer à celle que l’on ressent juste après une épreuve stressant que l’on vient de réussir avec grand succès, comme une pièce de théâtre un examen devant un jury ou un exposé publique par exemple. On se sent très stimulé à la foi physiquement et mentalement, incapable de se reposer même en situation de manque de sommeil, on a le moral et on est à mille lieues de se poser des questions existentielles vu la puissance personnelle ressentie. C'est dans ce sens qu'une drogue tel que le crack, la cocaïne et probablement l’héroïne peut être un refuge spirituel face aux questions insolubles. La drogue n'apporte pas l'espoir par des réponses de types transcendantales comme la religion, mais elle est un moyen efficace de contourner les questions en les escamotant.
Certaines hormones sont aussi à l'origine d'un certain état de bien-être tel que la dopamine ou l’adrénaline qui peuvent être créées par une activité physique intense ou des situations sensationnelles. Un sport comme la capoeira par exemple − qui n'a rien à voir avec la religion selon Omara bien que certains capoeiristes de renom étaient aussi de grands pratiquants dans le culte du candomblé − peut ainsi être un excellent refuge pour l'esprit. On se sent bien après un entraînement durant lequel on a été absorbé par le contrôle des mouvements de son corps tout en produisant la dopamine qui apportera suite au sport, un effet relaxant.
De façon comparable, la suractivité est un refuge utilisé par grand nombre de personnes dépassées par le monde qui les entoure. L'activité permet en effet d'oublier ou de contourner les idées noires, pensées inconfortables. Mais tous ces refuges sont précaires et il est probable que dans son évolution psychique l’être humain en est arrivé à se représenter un monde transcendant pour abriter à long terme les questions d'injustice auxquelles inintelligence humaine et l'expérience empirique ne peut apporter aucune réponse. Du monde des idées de Platon aux Elohims de Raël, je ne vois qu'une recherche de réponses toujours absentes jusqu'à nos jours malgré les avancées techniques des sciences et des méthodes d'observation. Sans réponse aux questions existentielles, l'imagination a toutes les libertés dans la fabrication d'abris spirituels. Une imagination qui se transmet pour devenir collective, s'organiser et même s'institutionnaliser. La variété d'abris spirituels sera d'autant plus grand que le métissage est incessant. Tous les cultes, toutes les religions, sont autant d'abris spirituels proposer aux hommes par d'autres hommes. Quand on a besoin de donner sens à ça, il suffit dès lors d'adapter son imagination à celles des autres.
La construction de l'abri religieux
modifierAvant d’utiliser le terme religion, je tiens à souligner le fait que l'être humain ne naît pas religieux, mais il le devient. La religion est un fait culturel à part entière dans le sens où la religion est quelque chose qui se transmet de génération en génération. Même si au sein de certaines croyances religieuses des personnes peuvent croire en des systèmes de réincarnation de type Dalaï-lama, les histoires d'enfants sauvages nous démontrent que l'être humain vient au monde sans réel préformation cognitive (Strivay 2006). La foi ne semble donc pas être quelque chose d’inné, mais quelque chose que l’on acquière et qui reste un choix même quand celui-ci est fait par l'entourage plutôt que la personne. Quand le choix est personnel, il faut aussi garder à l'esprit que si la liberté de penser existe, l'être humain n'a pas la liberté de penser tout ce qui existe. La pensée des êtres humains se forme en fonction de leurs contacts sociaux et par acquisition de concepts, symboles et autres figurations mentales qui leur permettent d’appréhender le monde. L'homme ne pense donc pas en toute liberté. Ses pensées sont limitées par ce que l’on pourrait appeler une « ouverture d'esprit » acquise suite à une série d'apprentissages et d'expériences source d'informations stockées en mémoires dans un système inter-relationnel évolutif. Les croyances, la foi, la religion ne sont donc pas des choses, mais bien transmises ou choisies.
Pour premier exemple, je vais prendre une expérience de vie que je connais bien, la mienne.. Je suis né dans un milieu catholique. J’ai été baptisé avant même de savoir parler. Durant mon enfance, j’ai été scolarisé dans un collège catholique. Sans en avoir eu réellement le choix, j’ai fait ma « petite communion » qui m'a permis d’être mis en valeur et recevoir des cadeaux après avoir été conditionné par un enseignement fourni lors du catéchisme). Mes propres choix religieux ne sont finalement apparus qu’à l'âge de l'adolescence en refusant de faire ma confirmation. Avant cette adolescence, je n'ai fait que suivre des croyances religieuses préfigurées par les personnes de mon entourage parfois à contre-cœur puisque je me souviens que je préférais jouer avec des camarades en cachette plutôt que d'assister à la messe du dimanche.
Autre exemple, celui d'Omara. Omara est née au Brésil dans au début des années soixante dans une famille où le grand-père pratiquait le spiritisme et la mère assistait à des cultes aussi différents que le candomblé, le catholicisme ou le messianisme. Omara, fut baptisée peu de temps après sa naissance, mais elle a pu faire un choix dès son enfance dans ce que j’appellerais une grande panoplie d'abris spirituels. Elle en témoigne elle-même en disant lors d'un de nos entretiens où elle me parlait de sa foi et de son engagement dans l'« Igreja Messiânica Mundial » (église messianique mondiale): « acredisei na religion católica mas tambem na religao espirito [...] mas nuca esteve afinidade pelo candomblé » (J’ai grandi dans la religion catholique, mais aussi dans la religion du spiritisme… mais je n'ai jamais eu d'affinité pour le candomblé). Omara a donc eu la possibilité de choisir parmi autant de concepts et symboles que peuvent contenir quatre types de croyances religieuses ceux qui lui correspondaient le mieux grâce un ce qu'elle appellera elle-même « um sincretismo religioso muito forte na Bahia » (un syncrétisme religieux très fort à Bahia [11]).
L'abri spirituel est donc quelque chose qui peut être en perpétuelle construction ou reconstruction, et la rencontre de cultures différentes comme l'a vécue un personnage comme Pierre Vergé peut aboutir à toute une série de transformations de l'abri spirituel. Selon les cas de figures l'échange interculturel en termes d'abri spirituel peut mener à de nombreux phénomènes tels que la reconversion, mais aussi l’acculturation, l’inculturation, l’enculturation, ou changements de type métissage ou syncrétiques qui ont inspiré de nombreux auteurs dans des productions intellectuelles basées sur des représentations métaphoriques. Pour en reprendre certaines abordées au cours de Religion et Interculturalité dispensé par le professeur Olivier Servais à l'Université catholique de Louvain, je cite dans un ordre non chronologique, Victor Segalen: « Le divers », Jean-Loup Amselle: « Branchement » et « mé-tissage », André Mary: Le « Bris-collage », Danièle Hervieu-Léger: Sur-modernité, Serge Gruzinski: « mélange » « la Pensée métisse », Gilles Deleuze et Félix Guattari: « Rizhome », Georges Balandier: « Désordre », René Depestre : « Ajout » et puis pour ceux qui ont traité du Brésil, François Laplantine: Oscillation-Tension, Claude Lévi-Strauss: « Bricolage » et « Kaléidoscope » et en fin Roger Bastide: « Syncrétisme en mosaïque » et « bricolage intellectuel » Toutes ces métaphores peuvent illustrer autant de manière de se « construire » un abri spirituel. Et l’on pourrait ainsi approfondir le sujet à partir de chacune d'entre elle comme je l'ai fait dans un travail précédent intitulé Introduction à la bricologie où je récupérais la métaphore du bricolage pour réfléchir sur les fondements de l'humanité[12]. Mais mon choix dans ce présent travail bien que l’on aborde un sujet d'anthropologie fondamentale sera de rester à un niveau ethnographique en me limitant à mes propres expériences de terrain faites durant un peu moins d'un mois où je n'ai pu découvrir qu'une partie de ce que peut être les Religions au Brésil.
Candomblé et catholicisme
modifierDe ces phénomènes religieux abordés dans la partie précédente, j'en ai rencontré de multiples variations durant mon voyage au Brésil, et cela, dès le taxi qui m'a emmené de l'aéroport au centre-ville. Sur le tableau de bord de la voiture, je pouvais observer l’icône de je ne sais quel saint et j’ai pensé que cette figurine avait pour but de protéger le chauffeur et ses passagers comme cela se faisait encore dans ma famille il n'y a pas si longtemps. J'imaginais donc que le conducteur était de confession catholique, et j’ai d'ailleurs regretté de ne pas lui avoir demandé, car il me semblait très au courant d'une manifestation religieuse afro-brésilienne Lavagem de Bonfim dont on a déjà parlé au début de ce travail dans le chapitre consacré à la méthodologie. C'est donc en partie grâce à ce chauffeur que je m'y suis rendu. Durant cette manifestation populaire, j'ai pu observer différents signes de syncrétisme comme sur la photo ci-contre ou apparaît sur une table, une statuette en plastique que l’on pourrait croire être la Vierge Marie, mais qui fut identifiée par Omara comme étant « Yemanjá a rainha do mar » (Yemanja la reine de la mer) quant à l'homme qui venait de retirer la casquette du jeune en chemisette verte pour l’éclabousser d'eau parfumée, il serait « pai de santo e está fazendo uma purificação, com galhos, limpando as más energias do corpo e do espírito do homem qu'está segurando a lata de cerveja... » (Un prêtre intermédiaire entre les hommes et les Orisha qui est en train de faire une purification, avec un rameau, lavant les mauvaises énergies du corps et de l'esprit d'un homme qui est en train de tenir une canette de bière...).
Les photos no 1, 21 et 22 sont assez explicites sur les mélanges possibles dans les constructions spirituelles dans le Brésil que j’ai connu. On peut remarquer par exemple sur la photo no21 et 22 que l'état d'ivresse peut être associé à la pratique d'un culte tout comme sur la photo no1 une musique populaire tonitruante peut l'être à l'image du Christ. C'est même une des caractéristiques les plus marquantes des manifestations du candomblé pour quelqu’un qui aurait eu comme moi reçu une éducation catholique dans laquelle on prône le respect du sacré à travers une attitude de recueillement exprimée par une posture d'humilité et parfois de silence. Dans toutes les manifestations de candomblé auxquelles j’ai pu participer, il y avait de la musique très rythmée, une présence d'alcool (voir photos no 21, 22, 23, 24, 25) et souvent de tabac. Dans la photo no 22 prise lors d'une cérémonie privée se déroulant à l'arrière d'un bâtiment : on y voit une bouteille d'alcool, un cigare et un homme travesti. Les photos no 23 à 26, ont été prises par contre durant une cérémonie publique organisée chaque année en l'honneur de Yemanja. On y voit parmi les offrandes de l'alcool, mais aussi des objets aussi divers que modernes. Tous ces objets sont destinés à être jeté en mer en offrande à Yemanja, lors d'un tour en bateau dont on voit le départ sur la photo no 26, dans l'espoir de perpétuer une alliance entre les hommes et la déesse de la mer. L'embarcation des offrandes se fait après un long cortège musical qui traverse la ville pour se finir sur la plage avec des derniers chants de prière comme on peut le voir sur la photo no 25. Ainsi, si dans le contexte du culte catholique la présence d'alcool (en dehors de la communion) ou de tabac serait inadmissible, cette présence s'explique tout simplement dans le cadre du candomblé par le fait que ce sont les Dieux eux-mêmes qui sont friands de ce genre de choses. De plus, lorsqu’ils s'introduisent dans le corps de certains participants durant une cérémonie, ils le font sans se soucier du sexe de la personne incorporée, ce qui explique les scènes de travestissement. Tout cela se fait sous une sorte de transe stimulée par des chants sacrés accompagnés de trois tambours souvent vétustes, mais utilisés à tour de rôle par divers participants dont la virtuosité polyrythmique laisse pantois tout connaisseur.
Pour en revenir à la célébration en l'honneur de Yemanja, j’ai pu me rendre compte en posant quelques questions que cette manifestation à caractère religieux et sacré pour une personne telle qu'Omara et d'autres personnes, pouvait aussi être perçue comme une manifestation « folclorica » par son ex-mari et d'autres. Ce qui est donc considéré pour les uns comme une manifestation religieuse est assimilé par les autres à une manifestation païenne et populaire. Cela semble se faire d'une façon toute naturelle puisque la chemisette imprimée à l’occasion de la manifestation est aussi bien portée par les uns que par les autres et aurait pu même être portée par moi si j’avais répondu à l'invitation. Et puis il faut signaler aussi que d'autres personnes n'ont apporté aucune attention ni marque de respect à la cérémonie puisqu’ils n'ont pas pris la peine de stopper leurs activités ou même de diminuer le volume des musiques qu’ils écoutaient alors qu’elles couvraient totalement le son des chants et des instruments acoustiques provenant du cortège. Tout cela se fait sans heurt ni jugement apparent.
Autre fait marquant parmi les expériences que j’ai pu vivre durant ce voyage fut certaines similitudes entre la fête de Yemanja organisé dans le cadre du candomblé et celle de Saint-Antonio dos Navegantes faite quelques jours au part avant et dont les photos no 19 et 20 illustrent la chapelle du saint avant et pendant les festivités. Dans les deux manifestations religieuses, il s'agit d'un cortège musicale traversant la ville pour ensuite se rendre dans une embarcation pour y faire un tour en mer. Je ne sais pas si ce fait est significatif ou est le résultat d'une quelconque influence entre les deux cultes, mais le fait est que pour une personne non avertie, la confusion des cultes serait possible étant donné que la statue de Yemaja pourrait être facilement confondue avec celle de la vierge Marie par le simple fait que les statues de la déesse et les poupées qui l'accompagnent (voir photo no 23) ont la peau très blanche et les cheveux lisses alors que le culte candomblé tire ses racines en Afrique noire.
Protestantisme évangéliste
modifierLe lendemain de ma brève discussion avec Olivia, je reçus dans l'après-midi la visite d'un homme qui devait avoir dans la trentaine. Il était le propriétaire de nombreux bâtiments sur l'île. Comme il possédait les clefs de la maison dans laquelle je logeais, j'en ai déduit qu’il était aussi propriétaire de ce bâtiment. Très sympathique et très causant, il me disait ne pas être originaire de l'île, mais de São Paulo et me proposa de converser en anglais. Mais je lui fis part de ma préférence pour le portugais pour lui parler ensuite de la raison de mon voyage, de mes projets de recherche, et des difficultés rencontrées.
C'est alors qu’il me conseilla de lire la Bible. Cela, me disait-il, allait m'aider à lutter contre « seu medo » (ma peur) et afin de m'en convaincre, il me raconta une série d’anecdotes de personnes qui avaient vu leurs problèmes de santé disparaître grâce à la lecture de la Bible. Mais lorsqu’il me raconta sa propre expérience où il avait vu, de ses yeux vu, les pierres de ses reins partir avec son urine, j’ai dû l’interrompre pour lui dire que je n'étais pas crédule et que si je respectais toutes sortes de cultes religieux sans en pratiquer moi-même. Je n'en perdais pas pour autant mon bon sens et mon esprit critique. Il reprit sa conversation et quand il s’apprêta à me parler de « a unica coisa das todas douenças » (l'unique cause de toutes les maladies), je lui demandais de ne pas se fatiguer pour autant, car il m'était impossible de concevoir qu'une seule et unique chose pouvait être à l'origine de la maladie. J'enchaînais par la suite sur la vision que je portais sur les cultes religieux en général, les bienfaits, mais aussi les dangers qu’ils comportent. Pour ma part, lui expliquais-je, la religion et la spiritualité ne valent ni plus ni moins que la médecine, mais devraient se limiter à répondre à des questions qu'aucune observation empirique ne peut expliquer. Je lui ai ensuite expliqué mon point de vue sur le fait qu’il est vrai que prises séparément, les choses peuvent paraître simples, mais que toutes les interactions entre ces choses du monde réel et symbolique étaient souvent impossibles à comprendre par l'esprit humain en raison de ses capacités limitées. Je lui fis part aussi de ma vision de dieu en tant qu'entité immanente et inhérente à l'homme et lui dis qu’il m'était impossible de simplifier les choses comme il le faisait, car je risquerais de remettre un mémoire de fin d'étude d'une seule page dans lequel il serait écrit : « Lisez la Bible et vous comprendrez ». Nous avons ri sur ces dernières paroles et après cet échange de points de vue qui dura plus d'une heure, il m'a finalement quitté avec un grand sourire en me disant « Jesus love you ! ».
Église messianique mondiale
modifierDans cette partie du travail j'aborderai la foi d'Omara en tant que cas de figure dans la construction d'un abri spirituel. Il a déjà été question précédemment du parcours de vie spirituel d'Omara qui s'est retrouvée jeune enfant confrontée à de nombreux choix en termes de systèmes symboliques pour structurer sa pensée et se construire son propre abri spirituel. Je vais maintenant, dans cette partie de ce travail, consacrer du temps pour décrire plus en détail ce que l’on pourrait appeler la foi d'Omara et les étapes de construction de son abri spirituel.
Omara, m'a confié dans nos discussions qu’il n'y aurait pour elle qu'un seul Dieu pour tous et les religions ne sont que différentes manières de croire en lui. Cette foi monothéiste doit sans doute tirer ses origines d'une influence reçu par sa mère, qui rappelons-le, a toujours gardé sa foi catholique malgré ses participations multiples à d'autres cultes dont un polythéiste (candomblé). Omara fut baptisée à l'Église catholique et a pratiqué ce culte durant une grande partie de sa vie, mais elle me confia ceci durant un entretien enregistré un jour où nous faisions ensemble la vaisselle de toute la petite communauté de l'Oficina de Artes: « sempre mi emocionei muito quando entrava na egresia » (toujours j'étais très émue quand je rentrais dans une église), « Cada vez sou na uma misa eu choulava muito e ficava muito feliz e tranquila depois e quando entrava na egresia e nao consegei a chular durante o culto eu ficava no sentido muito frustrada » (chaque fois que je suis à une messe je pleurais beaucoup et étais très heureuse et tranquille après et quant à l'église je n'arrivais pas à pleurer durant le culte je restais avec un sentiment de frustration), « so que sentei que falta uma coisa de mi. Eu nao consigo entender Deus com um fé de puniçao . A egresia catolica e as otras religao a majoria falam que Deus puni que Deus castiga. » (Sauf que j’ai senti qu’il me manquait quelque chose. Je n'arrive pas à concevoir Dieu comme une foi de punition. L'Église catholique et la majorité des autres églises disent que Dieu punit, que Dieu châtie). Voici donc des raisons apparentes expliquant pourquoi, Omara a finalement pris ses distances par rapport au culte catholique auquel sa mère l'avait initiée, mais aussi par rapport à d'autres cultes qui reconnaissent en Dieu des capacités de châtiment comme c’est souvent le cas dans les religions du livre. N'ayant pas non plus d'affinité personnelle pour le candomblé, ni pour le spiritisme qu'elle respecte toutefois et dans lesquels elle reconnaît une dimension sacrée, c’est finalement au sein des membres de l’Igreja Messiânica Mundial (Église Messianique Mondiale) qu'elle finira par trouver sa place en devenant « batisada da luz » (baptisée de la lumière) ou « outirguei » (terme exact) au courant de l'année 2000. Tout ceci ne s'est pas fait en un jour et c’est encore une fois par l'influence d'une tierce personne qu'elle trouva une nouvelle direction dans sa foi, car c’est cette fois grâce son fils aîné, seule autre personne reconnue croyante parmi ses trois enfants et son mari, qu'elle découvrit, ou redécouvrir, d’abord par curiosité, puis par ferveur, cette église.
Pour en savoir plus sur la façon dont Omara vivait sa foi messianique, je lui ai demandé si je pouvais l'accompagner un jour pour assister avec elle à une des célébrations qui se font régulièrement dans la petite église Messianique Mondial d'Itaparica ( Voir photo no 30) et auxquelles elle m'avoua ne participer que très rarement. Voici retranscrit d'une façon intégrale ce que j’avais écrit dans mon carnet de terrain à ce sujet :
- « Nous avions rendez-vous à 17 h 45 pour aller à l'église. Omara est apparue dans une robe à fleurs élégantes après avoir pris une douche et s'être maquillée pour le moins de rouge à lèvre. Sur le chemin de l'église qui se situe loin selon elle en réponse à ma question, mais qui en réalité doit se situer à 10 min de marche de sa maison, Omara a salué pratiquement toutes les personnes rencontrées sur notre route sans s'arrêter pour autant. Nous n'étions pas en avance et elle ne voulait pas manquer le début de la « messe » (vérifier appellation). Nous sommes arrivés là sans que je m'en aperçoive. C'était seulement quand elle s'est dirigée vers une maison devant laquelle se trouvait deux enfants que j’ai remarqué en levant la tête qu’il y avait inscrit sur un panneau écriture blanche sur fond vert « voir photo [no 30] ». Avant de rentrer, Omara a retiré ses sandales selon sa propre coutume dont elle m'avait déjà fait part sur le chemin, une chemin sur lequel j’ai profité du moment d'intimité créé par la marche côte à côte pour me renseigner sur le fait qu'elle n'a aucune obligation contractuelle de don d’argent envers l'église. Les gens donnent ce qu’ils veulent et il est coutume de participer au frais du baptême au même titre qu’à l'Église catholique me fait remarquer Omara. J'apprends aussi que ce qui lui plaît principalement dans cette église, c’est la simplicité du message et la vérité qui s'en dégage.
- Je n'ai pas retiré mes sandales avant de rentrer dans l'église et à peine rentré, je demandais à Omara si cela posait un problème que je prenne un photo de la façade tant qu’il faisait jour. Elle me répondit que non. Une fois rentré, nous nous sommes assis en silence après avoir été accueillis par une dame d'une cinquantaine d'années. Omara a pris quelques informations sur les prochaines activités de l'église et s'il y avait bien une cérémonie aujourd'hui. Pendant ce temps, je fis un plan des lieux dans mon carnet de peur d'oublier quelques détails. La pièce n'était pas bien grande. Séparée par deux arcades, l'une donnant sur un couloir menant vers l'arrière de l'habitation où je ne me suis pas rendu, mais où se trouvait selon Omara, tout le nécessaire pour accueillir des gens une journée entière. Il y a de quoi faire à manger, de quoi prendre une douche et même (à vérifier) de quoi dormir. L'autre arcade donne sur une petite pièce d'une longueur et d'une largeur juste assez pour y positionner une petite banquette sur laquelle se trouve une plante, sur la gauche, quelques enveloppes (voir ce que c'est) et un livre sur la droite, un tapis au-dessous de la banquette et devant le tout huit chaises en plastique blanc arrangées en deux fois deux rangées de deux. Ces chaises sont restées vides durant toute la cérémonie, car Omara et moi n'avons pas dépassé l'arcade pour rester au même niveau qu'un pupitre sur lequel reposaient les lectures à faire pendant la cérémonie. J'avais oublié, dès notre arrivée Omara et moi avons marqué notre nom dans un livre signalant les passages avec dans mon cas, une croix indiquant que c’était ma première venue. Un peu avant le pupitre, accroché en hauteur sur le mur, se situait une télévision et un lecteur de DVD qui servait à diffuser une musique relaxante jouée au synthétiseur basée sur une série d'accords partant de l'octave puis la quinte ensuite la tierce et termine enfin sur la fondamentale.
- Avant la cérémonie, une vielle dame aux cheveux blanc, la plus ancienne de l'église selon Omara, a nettoyé symboliquement le tapis qui n'était pas sale. C'est cette même vielle dame qui ouvra la cérémonie par quelques paroles de louanges envers Dieu, sa lumière, et le maître Meishu-Sama dont la photo se trouve affichée au mur à côté d'un autre cadre dans lequel figure deux signes japonais (significations des signes ?). À cette introduction succédèrent trois salutations comme peuvent typiquement le faire les Japonais suivit de trois claquements de mains de la part de tous les participants à la cérémonie sauf moi. Il y eut ensuite ce que j'appellerais deux prières en psalmodies que chaque participant connaissait pas cœur. Sur le ton monotone, je n'ai pu comprendre les paroles et j’ai donc supposé que c’était du Japonais (vérifier). Suite à ces deux prières la dame dans la cinquantaine qui avait gentiment demandé aux enfants de faire le minimum de bruit juste avant la cérémonie se mit à lire un texte parlant du bienfait de la religion sans que je me souvienne des détails. Son texte terminé, elle demanda à Omara d’en lire un autre qui lui, fut un témoignage d'un membre de l'église de São Paulo racontant les déboires qu’il a connus durant une période où il était peu actif dans sa foi, suivi de l'aide d'autres membres de l'église et du bonheur qui s'ensuivit associé à son regain de ferveur envers l'église. Ce fut si je me souviens bien la dernière partie de la cérémonie avant la clôture par le salut et les trois claquements de mains identiques à ceux de l'ouverture. Dès la cérémonie clôturée, la dame dans la cinquantaine mous a remercié de notre venue et j'en ai profité pour lui demander si je pouvais emporter un des exemplaires des quelques brochures et magazines située sur un présentoir, ce qu'elle accepta avec le sourire. Nous sommes sortis tout de suite après. En passant le seuil d'entrée, je pensais dire à Omara que nous n'étions que quatre pour la cérémonie et que je trouvais ça peu, mais elle m'a coupé dans mon élan en me parlant de son manque d'investissement dans l'église et de son envie d'« administrer » plus souvent, c'est-à-dire prendre soin du lieu, accueillir les gens et administrer un acte de purification appelé « johrei » aux gens qui le demandent. »
Par rapport aux questions écrite en majuscules et reprise ici entre parenthèses dans cette retranscription, voici les réponses dans l’ordre d'apparition. La célébration s'intitule en portugais « culto » (culte). Il y a effectivement un lit dans une pièce à l'arrière de l’Église Messianique. Les enveloppes contiennent des vœux, remerciements, prières, et autres types d'écrits adressés à Dieu par les membres de l'église qui le souhaitent. Ces enveloppes sont destinées à être brûlées par les responsables de l'église dans un acte symbolique de communication avec Dieu. Les deux signes ou plutôt les deux Kanji japonais ou encore Logogramme pour reprendre le terme technique en français sont des mots signifiants « Dieu pur ». Les psalmodies étaient bien en japonais sauf la dernière d'entre elles qui était en portugais.
Ainsi, c’est grâce à son fils aîné et après une année de fréquentation qu'en 2000 Omara fit son baptême au sein de l’pt:Igreja Messiânica Mundial d'Itaparica et reçu sa médaille appelée ohikary dans laquelle se trouve gravé « la parole johrei » disant que la personne fut baptisée de la Lumière. Cette église messianique n’est pas vraiment ce que l’on pourrait appeler une religion du livre, mais les écrits « do mestre » (du maître) Meishu-Sama de son vrai nom en:Mokiti Okada) tiennent une part importante autant au niveau du culte, qu'au niveau de la foi d'Omara. Omara possède plusieurs livres de Mokiti Okada traduits en portugais et a souvent fait référence à l'histoire et aux écrits du Maître dans ses propos. Voici tirés de nos entretiens quelques exemples de ce qu'elle me dit du maître : « ele esta a escrever as coisa que sao a accontecer no mondo so que quando ele escreveo, ele escreveo no Japon antes da primeira guera mundial onde nao tinha navigação, nao tinha informaçãos » (Il écrivait les choses qui sont en train de s'accomplir dans le monde sauf que quand il a écrit, il a écrit au Japon avant la Première Guerre mondiale où il n'y avait pas de navigation, pas d'information) « ele escreve sobre todos os temas actuales » (Il a écrit sur tous les thèmes actuels), « Onde a religao era prohibida ele foi empreso por causa da religao » (Où la religion était interdite, il fut emprisonné à cause de la religion) « Tudo qu'ele escreveu esta a acontecer hoje e e por isso que realemente é algo que posso acreditar ». (Tout ce qu’il a écrit est en train de s'accomplir aujourd’hui et c’est pour cela que réellement, c’est quelqu’un en qui je peux croire).
Un autre aspect important de la religion messianique mondiale est le « johrei ». il s'agit d'une sorte de méditation faite face à face avec une personne qui le demande. J’ai demandé à Omara qu'elle m'administre un johrei ce qu'elle a accepté avec plaisir en me disant que les jorhei son profitable à ceux qui les reçoivent mais aussi à ceux qui les administrent. Pour m’administrer le johrei, Omara a mis son Ohikari (Photo no 29) puis s'est assise en face de moi en me prévenant que cela pouvait me provoquer des effets secondaire physique en fonction de l'acceptation (étourdissements par exemple). Elle a placé la main gauche sur le genou gauche paume vers le haut et la main droite face à elle à hauteur de poitrine paume orientée vers moi. Nous sommes ainsi restés immobiles durant un temps qui m'a semblé être de dix à quinze minutes. Ensuite elle m'a demandé de lui tourner le dos pour recommencer la même opération. Suite au johrei, je l'ai remercié en lui avouant n'avoir ressenti aucune sensation physique particulière bien que je m'étais grandement concentré dans un esprit d'ouverture et je lui ai demandé s'il fallait avoir des compétences particulières pour administrer un johrei. Elle me répondit qu’il fallait seulement être baptisé de l'église Messianique (et donc posséder un Ohikari) et connaître un minimum de connaissance concernant l'église messianique. Je lui ai demandé enfin si elle récitait une quelconque prière ou intention dans sa tête durant le johrei mais elle me dit qu'elle ne pensait à rien de spécial si ce n'est que de se concentrer sur ce qu'elle fait. Selon les explications d'Omara, le johrei est donc une transmission de la lumière ou énergie de Dieu qui passerait par l'intermédiaire d'un membre de l'église vers une personne demandeuse. Elle précise que « O johrei noa e para curar mas tambem faz isso » (La johrei n’est pas pour guérir, mais fait aussi cela). Pour m'en persuader, Omara me raconte une histoire personnelle qu’il lui est arrivée. En voulant séparer deux de ses chiens qui étaient en train de « brincar » (jouer, se battre), Omara s'est fait mordre et s'est retrouvée avec une main très douloureuse, gonflée et pleine de sang. Le lendemain, elle se rendit à l'église messianique pour se faire administrer un johrei. Pour elle, ce fut un miracle qu'elle n'eut aucune trace de ses blessures et elle me montrait sa main pour en témoigner.
Le mot « milagre » (miracle) est souvent apparu dans mes conversation et lecture concernant le culte de l'église messianique mondial et pour Omara, « cada pesoa que vem aqui [Oficina de Artes] e um milagre , você e um milagre aqui » (chaque personne qui vient à l'Oficina de Artes est un miracle, tu es un miracle ici). Cette vision très positive et encourageante du monde par le miracle semble être un sujet de discussion récurrent dans l'église messianique mondial. En tout cas, il m’est apparu à la fois à cérémonies (culto) à laquelle j’ai accompagné Omara, dans les discussions que j’ai eues avec son fils aîné et dans les deux revues papier que j’ai reçu. Dans une de ces revues intitulée Izunome et accessibles en ligne sur la page de l'église messianique mondiale du Brésil[13] j’ai pu retrouver par exemple le témoignage, photo et journaux à l'appui, d'un marchant de voiture qui reçu « uma nova oportunidade de vida » (une nouvelle opportunité de vie) grâce à son Ohikari qui dévia une balle tirée en plein cœur par un agresseur[14]. À côté de ces croyances, il y a aussi tout un discours très élaboré autour de ce que j’appellerai le « vivre sainement et respectueusement ». Tout un discours qui s'articule au niveau de la production d'une nourriture de qualité en respect de l'environnement et des animaux d'élevages comme peuvent en témoigner de nombreux articles de la revue Izunome mais aussi au niveau d'une certaine méfiance envers la médecine avec comme me disait Omara « O remedio, ele nao cura e provoca outras doenças » (le remède, il ne cure pas et provoque d'autres maladies).
Enfin, si l'église messianique mondial a pris un tel essor au Brésil par rapport aux autres pays du monde, cela s'explique peut-être par le fait qu'elle permet un mélange de cultes auquel le peuple brésilien semble habitué. Car en effet, la pratique de ce culte n'oblige n'engage à aucun renoncement d'une ou de toutes autres religions et comme en témoigne la photo no31 prise dans la chambre d'Omara, le mélange avec des objets symboliques venus culte différent ne pose aucun problème.Mais je ne crois pas ce soit uniquement cet aspect du culte qui séduit Omara car en parlant de son église, elle me dit un jour : « eu nao precisava de modar nada de minha maneira de fei para segir esta religao » (je n'ai pas eu besoin de changer quoi que ce soit de ma manière d’avoir la foi pour suivre cette religion). Vis-à-vis de cette réflexion, je pense plutôt qu'Omara a tout simplement trouvé dans le culte de l'église messianique mondiale un message qui correspond parfaitement à sa personnalité. Car de fait, une personne comme Omara qui consacre une grande partie de sa vie aux autres et qui avoue parfois se sentir seule physiquement, mais jamais spirituellement doit certainement se reconnaître dans ce message peint sur un mur intérieur de l'église : « Quem ama a vida e ajuda o proximo sera amado e protegido por Deus onde quer esteja » (Qui aime la vie et aide son prochain sera aimé et protégé par Dieu où qu’il soit).
Conclusion
modifierL'histoire d'Omara et de l'Oficina de Artes, illustre bien, je trouve, le fait que les êtres humains ont besoin de beaucoup de temps dans leurs constructions identitaires. L'Oficina de Atres, tant le bâtiment que les activités qui s'y déroulent, n'a pas été construit en un jour et c’est aussi par exemple seulement après 40 ans de vie, qu'Omara fini par trouver dans l'église messianique mondial l'abri spirituel qui lui convient. Toutes ces constructions prennent du temps et peuvent aussi aussi malheureusement disparaîtront du jour au lendemain lors d'un quelconque évènement imprévisible. Le monde des hommes est ainsi fait, il reste dans une instabilité permanente nécessaire à son changement.
Tout ce qui a été abordé dans ce travail permet aussi d’établir une multitude de liens entre la dimension matériel, socio-affective et spirituelle du monde construit par les êtres humains. Un bâtiment tel que l'Oficina de Artes est un ensemble de matériaux (ciment, bois...) mais aussi un ensemble de groupes sociaux (théâtre, capoeira) et fut même à une époque, j’ai oublié de le mentionner, un lieu de rassemblement spirituel momentané pour la communauté de l'église messianique mondiale de la ville d'Itaparica à une époque où elle n'avait pas, ou plus, de lieu de réunion pour les activités du culte. Il y a donc ainsi dans le monde des hommes, un jeu permanent de va-et-viens entre les dimensions et composantes matérielles, sociales et spirituelles. Dans cet univers, tout ce qui est signifiant est forcément étroitement lié à tout ce qui est signifié. Tout ce qui est matériel véhicule une valeur symbolique, mais aussi, tout symbole crée par l’imagination humaine ne survivra à la mort de son auteur qu'après avoir trouvé une représentation physique permettant sa transmission que ce soit dans la construction d'objets ou de mots (son ou lettres) par exemple. Voici donc ce qui pourrait être les fondements de ce que l’on a pour habitude d’appeler Culture. La culture n'est-elle pas un héritage matériel (les biens), social (la parenté) et spirituel (les croyances) transmise de génération en génération ?
Aussi si dans ce travail, il fut utile de grouper et séparer les choses pour mieux les observer. Il ne faut pas oublier en effet que toutes choses restent liées entre elles dans un jeu d’interrelation ou de transmission. Autrement dit, rassembler une partie des besoins des êtres humains en trois types d'abri n'est qu'une construction heuristique puisque l'Oficina de Artes en tant que signifiant ou concept est en même temps un lieu physique, un lieu socio-affectif et fut un lieu spirituel. En tant qu'être humain limité par nos capacités intellectuelles, nous nous voyons obligés d’aborder la réalité par petites parties tout comme un ordinateur limité par sa mémoire et la vitesse de son processeur ne peut traiter qu'une certaine quantité de données à la foi. Tout comme l'ordinateur, l'être humain doit donc traiter les informations en fonction de ses capacités et comme il le peut et s'il veut rester sincère par rapport à ses propres résultats d'analyse, il ne doit jamais oublier que la réalité est un tout inséparable et probablement incompréhensible pour l'esprit humain.
Quel abri pour l'être humain ? À cette question, je n'ai donc qu'une réponse partielle et partiale : Il y a trois abris, un abri physique pour protéger son corps et ses biens, un abri socio-affectif pour être bien avec les proches et garder la joie de vivre, un abri spirituel pour protéger son esprit des questions sans réponses. Trois abris découvert dans un jeu de métaphores faite au départ d'un voyage initiatique au Brésil, où j'étais parti sans savoir ni où j'allais dormir, ni ce que j'allais découvrir.
Trois abris pour vivre sereinement, c’est peut-être là le rêve de tous. Un rêve qui peut être développé dans un mouvement de solidarité naturelle entre tous les êtres humains.
Références en ligne
modifier- ↑ http://www.couchsurfing.org/index.html
- ↑ http://www.couchsurfing.org/group.html?gid=1167)
- ↑ http://www.couchsurfing.org/group_read.html?gid=20846&post=7806668#gpid7806668
- ↑ http://economie.fgov.be/fr/binaries/Brochure_nouvelle_legislation_SEPA_201102_tcm326-128429.pdf
- ↑ http://trans.sourceforge.net
- ↑ http://oficina-de-artes.org
- ↑ http://www.itaparicaonline.com.br/index.php?option=com_content&task=view&id=2319
- ↑ http://www.cnrtl.fr/definition/spiritualité
- ↑ http://www.cnrtl.fr/definition/esprit
- ↑ http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Crack_(stupéfiant)&oldid=65397659
- ↑ Au sujet du syncrétisme afro-brésilien Pierre Verger apparaît certainement comme étant la personne ayant le plus d'expérience et de recherche dans le domaine. Ce photographe et ethnologue français est devenu au Brésil une des figures majeurs du culte candomblé en devenant Babalawo, à savoir prêtre d'un système de divination appelé Ifa, pratiqué par les yoruba, mais aussi par leurs descendants esclaves qui ont créé des ramifications du culte dans les anciennes colonies tel que le Candomblé, mais aussi la Santeria par exemple. Le parcours de cet homme est devenu tant populaire à Salvador qu’il finit par créer lui-même une fondation à son nom dans le centre-ville pour y déposer toutes ses œuvres. La biographie de Pierre Vergé est un exemple très parlant sur le fait que la construction d'un abri spirituel n’est pas une chose entièrement définie pas son milieu familial ni même par ses origines. Il est d'ailleurs très probable qu'en abandonnant ses études à l'âge de dix-sept ans Pierre Vergé n'avait aucune connaissance des cultes extra-européens tels que le candomblé dont il allait devenir une figure de proue à Salvador de Bahia.
- ↑ http://fr.wikiversity.org/w/index.php?title=Introduction_à_la_bricologie&oldid=248833
- ↑ http://www.messianica.org.br/revista/edicoes_anteriores.htm
- ↑ http://www.messianica.org.br/revista/Revista%20Izunome%2025/pag18-19.pdf
Bibliographie
modifier- Abraham Harold Maslow, Devenir le meilleur de soi-même : Besoins fondamentaux, motivation et personnalité, Eyrolles, 2008 (ISBN 2212538189)
- Jean-Pierre de Sardan, La rigueur du qualitatif : Les contraintes empiriques de l'interprétation socio-anthropologique, Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia, coll. « Anthropologie prospective », 2008 (ISBN 2872098976)
- Lucienne Strivay, Enfants sauvages Approches anthropologiques, Paris, Gaillimard, 2006 (ISBN 2070767620)
Annexe 1
modifierTexte des scènettes écrit par Omara Silvia Santos de l'association socioculturel « Oficina de Artes » CNPJ 05.463.082/0001-24 Lei Municipal nº 144 de 10 de dezembro de 2009. Praça Monção Filho, Nº. 64 – Centro. Itaparica – Bahia – Brasil. CEP 44 460 000 Telefone: (071) 3631-3758
Apresentação Cultural na BJMJrItaparica em 31 de janeiro de 2011-01-25
CENA 01 – 03 mulheres – duas trava o primeiro diálogo e a terceira faz um monólogo sobre a violência sofrida da adolescência ao estado adulto. Voz de locutor anunciando a implantação do CREAS em Itaparica. Inicia com uma música e em seguida ouve-se a voz do homem.
Lêlêlê, Lêlêô 0 CREAS Itaparica chegou ô ................. Bis (pandeiro e voz) Alô, Alô, Senhoras e Senhores.... Senhores e Senhoras, informamos que chegou em Itaparica o CREAS – Centro de Referência Especializado de Assistência Social..... Alô, Alô, Senhoras e Senhores.... Senhores e Senhoras ( a voz do locutor vai baixando até não ser mais ouvida)
M1 – O qu'ele falou mesmo?
M2 – Sei lá! (dá coma mão irritada). Mas.... voltando ao assunto, você soube de Maria? Minina.... soube qu'ela apanhou tanto.... igual a mala velha, coitada...... (é interrompida bruscamente).
M1 – Coitada nada! Ela fica lá porque quer e gosta de apanhar, se fosse eu......
M2 – Se fosse você o que? Ela não tem para onde ir, ainda mais com três crianças e ainda esperando outra...
As mulheres congelam e entra a terceira que fará um monólogo, contando sua estória e fazendo uma importante pergunta.
M 3 – Eu era apenas um adolescente que tinha tudo nas mãos, pai, mãe, irmãos, uma linda família. Um futuro promissor. Só qu'um dia, conheci o cara mais lindo e charmoso que jamais tinha encontrado em minha vida. Iniciamos um namoro quente e avassalador. De nada adiantou os conselhos das amigas... tudo inveja, ciúme por eu ter conquistado “aquele” gatão. De nada adiantou os castigos de meu amado pai e nem as súplicas de minha amada mãe. Fugi de casa e fui morar com meu grande amor... Descobri tarde demais que havia me envolvido com um perigoso e violento traficante. No início acreditei nas mentiras e juras, tentei me enganar, mas depois percebi qu'era um caminho sem volta. Violência e dor faziam parte dos meus dias e chegou o primeiro filho, o segundo, o terceiro e agora esperando o quarto, o desespero toma conta de mim.
O que fazer? Quem pode me ajudar? Onde encontrar apoio para sair deste inferno?
Cena congelada, as três olham para o público e voltam-se como se deixassem os personagens no palco e saem. Recomeça a música e o anúncio do CREAS. CENA 02 – 01 homem e 01 menina. Pai alcoólatra que trata a filha de maneira cruel e violenta. Voz de locutor anunciando a implantação do CREAS em Itaparica. Inicia com uma música e em seguida ouve-se a voz do homem.
Lêlêlê, Lêlêô 0 CREAS Itaparica chegou ô ................. Bis (pandeiro e voz) Alô, Alô, Senhoras e Senhores.... Senhores e Senhoras, informamos que chegou em Itaparica o CREAS – Centro de Referência Especializado de Assistência Social..... Alô, Alô, Senhoras e Senhores.... Senhores e Senhoras ( a voz do locutor vai baixando até não ser mais ouvida)
Pai – (entra trazendo a menina pelo braço e fala alto para ela, empurrando-a para o lado) Anda logo, vá buscar uma bombonia para mim, na venda de Seu Maneca.
Menina – Mas pai, eu tenho qu'ir para a escola, se chegar atrasada de novo a Diretora não vai me deixa entrar...(fala aflita).
Pai – (dá um tapa na menina que fica assustada) Você está me enfrentando sua imbecil? Prá qu'ir para a escola? Você não ai dar pra nada que preste mesmo, é igualzinha a ordinária da sua mãe.... se não me obedecer te quebro na porrada, quer ver? (levanta a mão e a menina se encolhe com medo).
Menina – Não pai, chega, eu já vou.... (sai praguejando), eu vou é fugir desse inferno, a rua é melhor qu'isto aqui.....
A cena congela. A menina olha para frente e para trás, como se procurando algo, abaixa a cabeça e levanta devagar. Começa a falar diretamente para o público.
Eu era tão pequena, tinha tantos sonhos e desejos. (Fala com saudade) Mas, preferi fugir de casa, meu pai me maltratava demais, minha mãe não tinha forças para enfrentar ele e toda vez que vinha em meu socorro, sofria também nas mãos dele. Um dia, ele me forçou a ir comprar cachaça ao invés de ir para a escola. Me bateu e sabia que quando voltasse seria só porrada por ter sido ousada em pedir para ir para a escola. Então decidi fugir e passar a viver na rua.... ai, triste de mim. Que destino cruel o meu. Fome, frio, medo, desejo de voltar, mas sem coragem. Ai veio meu violador e depois outros que perdi a conta. Para agüentar tudo isso, só achei consolo nas drogas. Furtos, prostituição, dor e mais dor. Não agüento mais isso.
O que fazer? Quem pode me ajudar? Onde encontrar apoio para sair deste inferno?
Cena congelada, os dois olham para o público e voltam-se como se deixassem os personagens no palco e saem. Recomeça a música e o anúncio do CREAS. CENA 03 – Homem, Mulher e Filha. Pais desolados por terem uma filha envolvida com as drogas. Voz de locutor anunciando a implantação do CREAS em Itaparica. Inicia com uma música e em seguida ouve-se a voz do homem.
Lêlêlê, Lêlêô 0 CREAS Itaparica chegou ô ................. Bis (pandeiro e voz) Alô, Alô, Senhoras e Senhores.... Senhores e Senhoras, informamos que chegou em Itaparica o CREAS – Centro de Referência Especializado de Assistência Social..... Alô, Alô, Senhoras e Senhores.... Senhores e Senhoras ( a voz do locutor vai baixando até não ser mais ouvida)
Homem – (abraçado à mulher consolando-a) Calma querida, ela ainda não está perdida, vamos encontrar uma maneira de ajudá-la.
Mulher – Eu sei querido, mas acho que falhei como mãe. (esconde o rosto nas mãos e chora).
Homem – Não meu bem, fizemos tudo o que podíamos....
Mulher – Será? Mesmo tentando pensar assim, ainda acho que podíamos ter feito mais pela nossa menina...
Cena congelada, entra a filha, cabeça baixa e para na frente dos pais, de costas para eles e de frente para o público.
Quando a conheci, eu era muito jovem. Ela, não sei, nem posso imaginar. Foi amor a primeira vista, enlouqueci. Briguei com meus pais, meus irmãos, perdi todos os meus amigos só para ficar com ela. Querem saber quem é ela? Querem mesmo? Na verdade são muitas, a maconha, a cocaína, a heroína, o crack e tantas outras mais... Estou cansada, não suporto mais esta vida de sofrimento e dor.
O que fazer? Quem pode me ajudar? Onde encontrar apoio para sair deste inferno?
Cena congelada, os tres olham para o público e voltam-se como se deixassem os personagens no palco e saem. Recomeça a música e o anúncio do CREAS.
CENA 04 – Pai idoso e filho cruel. Idoso triste e cansado e filho agressivo. Filho explora o pai e ainda o atormenta. Voz de locutor anunciando a implantação do CREAS em Itaparica. Inicia com uma música e em seguida ouve-se a voz do homem.
Lêlêlê, Lêlêô 0 CREAS Itaparica chegou ô ................. Bis (pandeiro e voz) Alô, Alô, Senhoras e Senhores.... Senhores e Senhoras, informamos que chegou em Itaparica o CREAS – Centro de Referência Especializado de Assistência Social..... Alô, Alô, Senhoras e Senhores.... Senhores e Senhoras ( a voz do locutor vai baixando até não ser mais ouvida)
Filho – Anda logo seu imprestável (fala irritado)
Pai – Já vou meu filho, já vou.. (triste cansado, interrompido bruscamente pelo filho)
Filho – Olha aqui, se você não falar exatamente o que lhe disse para falar com a assistente social, quando chegar em casa vou te castigar. (como se estivesse pensando no que fazer). Ahá, uma semana sem banho e sem remédios (ri sarcasticamente).
Pai – (aterrorizado) Não meu filho, pode ficar tranqüilo, vou fazer direitinho como me ensinou..
Filho – (interrompendo o pai) É melhor assim, senão você vai se ver comigo. Vá atrás dessa desocupada e fofoqueira daí do lado, que será pior pra você.
Pai – Tô indo...
Filho – E vê se anda logo.
Cena congelada. Pai dá uns passos para a frente e começa a falar com o público.
Trabalhei duro toda a minha vida. Lutei cada dia com muito sacrifício para criar meu único filho com amor e conforto dentro de minhas condições. E agora qu'envelheci, só quer saber do meu dinheiro (suspira), ai que triste sina a minha. Quando está de mau humor me castiga, trata-me com descaso, como se fosse uma coisa velha e sem importância.deixa-me com fome ou me dá uma comida qu'eu nem daria ao meu cachorro. Porque sou tratado assim por ele depois de velho?
O que fazer? Quem pode me ajudar? Onde encontrar apoio para sair deste inferno?
Cena congelada, os dois olham para o público e voltam-se como se deixassem os personagens no palco e saem. Recomeça a música e o anúncio do CREAS. Entra uma mulher e senta-se atrás de uma mesa e os personagens centrais das tramas vão chegando um a um e ela os recebe sorrindo e com carinho.
Velho – Bom dia, senhora. Eu preciso de ajuda. Meu filho me maltrata muito, não suporto mais isso. Disseram-me qu'aqui encontraria ajuda. Atendente – Pode sentar-se ali. Logo virá alguém para ajudá-lo. ( o velho senta-se na cadeira de frente para o público ).
Mulher 3 – Bom dia. (assustada). Atendente – Bom dia. Em que posso ajudá-la? Mulher 3 - Eu preciso de ajuda. Estou grávida e meu marido me maltrata muito. Disseram-me qu'aqui encontraria ajuda. Atendente – Sente-se ali por favor. Logo virá alguém para ajudá-la. ( a mulher senta de frente para o público).
Jovem – Chega olhando para os lados, nervosa. Bom dia. Atendente – Bom dia minha jovem. Em que posso ajudá-la? Jovem – Estou desesperada, não suporto mais essa vida de drogas, violência e destruição. Preciso de ajuda, sozinha não consigo. Disseram-me qu'aqui encontraria ajuda. Atendente – Sente-se ali por favor. Logo virá alguém para ajudá-la. ( a mulher senta de frente para o público).
Menina – Boa dia. (cara de criança triste) Atendente – Bom dia. Em que posso ajudá-la? Menina – quero voltar para minha casa. Não suporto mais essa vida na rua. Disseram-me qu'aqui encontraria ajuda. Atendente – Sente-se ali por favor. Logo virá alguém para ajudá-la. ( a mulher senta de frente para o público).
Todos ficam de pé em fila e dirigem-se ao público.
Senhoras e Senhores, Senhores e Senhoras. O CREAS – Centro de Referência Especializado de Assistência Social chegou em Itaparica.