Recherche:Salaire à vie
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Le « salaire à vie » constitue un mode d’organisation socio-économique principalement théorisé par Bernard Friot qui consiste, en se basant sur la socialisation de la richesse produite, à verser un salaire à vie à tous les citoyens.franceinter.fr Ce salaire universel, dont le montant serait attaché à la qualification personnelle et non plus au poste de travail occupé, a été pensé pour reconnaître le statut politique de « producteur de valeur » à l’ensemble des membres d’une communauté. Il aurait pour conséquence mécanique l’abolition du marché du travail, et donc du chômage, en reconnaissant le travail effectué en dehors du cadre d’un emploi[1].,[2] , mrmondialisation.org
Cette théorie est parfois confondue ou mise en opposition avec celle du « revenu de base »[3],[4], qui ne suppose pas une fin des institutions capitalistes par une socialisation de l’économie, mais l’addition d’un revenu personnel universel, inconditionnel et égal, pouvant s’additionner à un salaire lié à un poste de travail.lefigaro.fr
Bernard Friot, principal initiateur de cette théorie, est un sociologue et économiste français, professeur émérite à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense. Il milite au Parti communiste français depuis les années 1970. Ses thèses autour du salaire à vie sont reprises à leur compte et développés par le « réseau salariat » www.reseau-salariat.info , association d’éducation populaire, dont il est un des fondateurs, ainsi que partiellement par des organisations étudiantes comme l’Union des étudiants communistes ou Solidaires Étudiant-e-s pour leurs revendications d’un salaire socialisé auquel auraient droit les étudiants.
Prérequis
modifierQu'est-ce que le travail ?
modifierCommençons par des exemples :
- Si, comme parent, je conduis mes enfants à l'école, on considérera que je ne travaille pas. Je produis une valeur d’usage, c’est utile, car il est utile de conduire des enfants à l'école, mais ce n’est pas considéré comme du travail au sens où cela ne produit pas de valeur économique. En revanche, si une assistante maternelle conduit les enfants à l'école, on considérera qu'elle travaille. La valeur d’usage (conduire les enfants à l'école) est la même, mais il y a également production de valeur économique (elle est payée, elle reçoit de l’argent pour ça) et donc elle travaille.
- Une femme de ménage travaille, mais une femme au foyer ne travaille pas. La femme de ménage sera payée en échange de son travail. La femme au foyer sera considérée comme utile, mais ne travaillant pas.
Ce qui définit le travail n’est donc pas la nature de ce qu'on fait. Ce qui définit le travail, c’est une convention sociale qui attribue de la valeur à certaines activités dans certaines conditions et pas à d’autres. La définition du travail provient donc des rapports sociaux et de la violence sociale qui s’en dégage. La définition du travail n’est donc que politique et provient de la classe dirigeante qui va essayer de ponctionner une partie de la valeur produite par autrui. Quand on parle de « lutte de classe », on exprime le conflit irréductible qu’il y a dans la définition du travail. Et même si on ne prononce pas le mot « travail », il y a une violence sur la valeur économique.
Autres exemples :
- Les paysans de l’Antiquité ne travaillaient pas. Ils chantaient la gloire de Dieu. Moyennant quoi, ils enrichissaient les prêtres. La violence des rapports sociaux est ici entièrement enfermée dans la religion.
- Dans la société féodale, le seigneur empoche une partie du produit du travail des serfs. Et cela s’exprime dans des relations d'honneur, de protection, etc.
En définissant le travail, le capitalisme va supprimer les différents statuts sociaux.
La monnaie
modifierD'après Bernard Friot, la monnaie n’a pas été créée pour faciliter les échanges commerciaux et donc supprimer le troc. Non, la monnaie aurait été créée pour objectiver la violence sociale[5].
Au début, les paysans faisaient des dons aux dieux, et donc aux prêtres. Ces prêtres bien évidement donnaient une partie de ces dons en offrande aux dieux, mais ils gardaient également une partie de ces dons pour leur propre consommation. Cette violence économique est complètement masquée car il n’y a rien pour l’objectiver. Une manière d’objectiver cette relation a été de donner aux prêtres de la monnaie et non plus leurs biens. C’est comme ça aussi que le servage a été supprimé, lorsque l’impôt s’est substitué à la corvée. La corvée crée une relation interpersonnelle sans médiation avec le seigneur. Avec l’impôt, cela a créé une distance. Je paye l’impôt et puis au revoir. Donc supprimer la violence en supprimant la monnaie est une illusion. Cela sera même pire que bien.
Le capitalisme
modifierDans le capitalisme, tous les humains naissent libres et égaux en droits. Mais la violence sociale n’a pas disparu pour autant, elle est juste plus cachée et subtile. Et la prédation de valeur par la classe dirigeante reste présente. Dans le capitalisme, cette prédation de valeur se fait par :
- La propriété lucrative.
- Le marché du travail.
- La mesure de la valeur par le temps.
- Le crédit.
Le capitalisme a mis cinq siècles pour construire ces droits. L'Église a toujours été contre la propriété lucrative. Et la bourgeoisie a dû se battre pendant des siècles pour imposer cela.
Propriété lucrative et propriété d’usage
modifierLa propriété lucrative est un patrimoine que l’on ne consomme pas personnellement mais dont on tire un revenu sous des formes variées (loyer, profit issu d’une entreprise, rendement d’un portefeuille financier...). C’est l’inverse de la propriété d’usage (ou propriété de jouissance).
La propriété d’usage d’un bien est une propriété limitée à l’usufruit de ce bien, et dont on ne peut retirer aucun profit lucratif. Il est donc interdit de vendre ce bien pour en retirer un bénéfice. Cela n’exclut donc pas théoriquement la nue-propriété de ce bien. Mais cela l’exclut dans la pratique, car on ne peut pas (dans notre société actuelle) interdire à une personne de faire du bénéfice sur la vente de son bien.
La propriété lucrative, c’est lorsqu'un propriétaire n’utilise pas son patrimoine. Mais il fait travailler d’autres personnes sur son patrimoine et va retirer du profit sur le travail d’autrui. La propriété d’usage, c’est le travailleur indépendant qui est propriétaire de son outil de travail et qui tire des revenus de son travail.
Dans une société capitaliste si la personne qui a la propriété d'usage d'un bien n'a pas la propriété lucrative de ce bien alors elle paie un loyer à celui qui en a la propriété lucrative.
Le marché du travail
modifierAvec le marché du travail, les non-propriétaires doivent objectiver la partie d’eux-mêmes qui produit de la valeur (leur capacité de travail) dans une marchandise qu’ils vont porter sur un marché (avec un CV, ...). Et sur ce marché du travail, ils vont être demandeurs d’emplois. Et le propriétaire va exercer son rôle « d’employeur ».
Le rôle d’employeur est un rôle très violent socialement parlant. Ce n’est pas un entrepreneur ou un supérieur hiérarchique. L’employeur est un propriétaire qui va dire à l’autre « c’est moi qui reconnais, en t’embauchant sur un poste, que tu vas produire de la valeur économique » , « Toi tout seul tu n’es pas porteur de valeur économique, c’est moi qui décide si tu en es porteur » , « je vais t’embaucher et je vais payer ton poste (pas toi) dont je suis le propriétaire (je décide de sa localisation, de son niveau de qualification, ...) ».
La mesure de la valeur par le temps
modifierSi on veut comparer la valeur économique de deux produits différents, on va utiliser le temps qu’il a fallu pour les produire.
Avec le capitalisme, le temps devient la référence pour mesurer la valeur. Par exemple, dans notre société capitaliste actuelle et en suivant la logique du capital, il n’est plus envisageable de construire une grande cathédrale durant des siècles.
Le crédit
modifierIl y a deux formes de crédit :
- Le crédit est une institution par laquelle des prédateurs prêtent ce qu’ils viennent de prendre aux producteurs (c’est le cas des actionnaires, ...).
- On crée de la monnaie pour anticiper un besoin futur. Il s’agit alors d’un crédit bancaire où la banque prête aux entreprises "en faisant tourner la planche à billet" (aujourd'hui effectué sous forme d'écriture comptable).
Quand une famille doit acheter un bien « lourd » (comme une automobile, une maison, ...), elle doit emprunter ou elle doit avoir épargné ; car elle ne peut pas acheter ce bien « lourd » sur l’unique base de ses ressources mensuelles. Si c’est normal pour une famille, cela ne l’est pas pour un pays. Malheureusement, nombreux sont ceux qui transposent cela frauduleusement à l’État en disant que l'État, comme un bon père de famille, doit également emprunter pour investir dans des biens « lourds », pour la nation.
Transposer cela à l'État est frauduleux (sauf pour les prêts internationaux évidemment, car dans ce cas, on a une dette vis-à-vis d’une autre nation) car le financement de l’investissement s’opère avec la valeur produite au temps T, ni plus ni moins. Il n’y a pas de « congélateur » à valeur, emprunter ou économiser ne créera pas davantage de valeur, seul ce qui est produit actuellement au temps T existe.
Les indépendants
modifierIl faut premièrement distinguer les vrais indépendants des faux indépendants.
Les vrais indépendants sont ceux qui sont protégés du capital (ex: médecins, notaires, avocats, ...). Les faux indépendants sont ceux qui doivent verser une partie de leurs bénéfices aux détenteurs du capital. C’est-à-dire par exemple ceux qui détiennent une franchise, ...
Le travail des (vrais) indépendants est anti-capitaliste car il n’y a pas de ponction "capitaliste" effectuée sur les bénéfices produits.
Financement de la sécurité sociale
modifierLa cotisation sociale n’est pas, comme certains tentent de nous le faire croire, un mécanisme de solidarité entre ceux qui produisent de la valeur capitaliste (marchande) et ceux qui n’en produisent pas.
Car en disant qu’il s’agit de solidarité, on va supposer que les retraités, les soignants, les chômeurs, les parents, ... ne produisent pas de valeur. De même, il nous est proposé de croire que la fonction publique (l’administration, l’école, la police, ...) (qui repose elle sur le financement de l’impôt et pas sur celui de la sécurité sociale) n’existe que parce que le secteur capitaliste marchand est suffisamment productif pour la financer.
Or, c’est faux. Les services publics et la sécurité sociale produisent de la valeur. Et cette valeur est même économique, mesurée par un salaire (qui peut être perçu sous forme d’allocation ou de salaire) qui est comptabilisé dans le PIB. Donc, contrairement à ce que l’on pense, ce sont les fonctionnaires qui produisent l’impôt et les retraités qui produisent la sécurité sociale.
Il ne s’agit donc pas de solidarité (perçue comme une aumône), ni même d’une assurance à laquelle on cotiserait au cas où (..on tomberait malade, on perdrait son travail, ...), mais de coresponsabilité sociale.
Aussi, quand on dit qu’il n’y a plus assez d’argent pour financer les retraites, la solution est d’augmenter les cotisations sociales. Cette augmentation de cotisations sociales augmenterait le pouvoir d’achat des retraités et par leur consommation, elle serait automatiquement réinvestie dans l'économie. Ce qui en fait une opération blanche.
→ En augmentant la cotisation sociale, on reconnaît le retraité comme producteur de valeur participant au PIB du pays.
Répartition du PIB
modifierLe PIB se répartit comme suit (répartition du PIB de la France en 2010) :
- 60%: Salaires
- 32.5%: Salaire net
- 25%: Salaire du privé
- 7.5%: Salaire des fonctionnaires
- 27.5%: Cotisations sociales
- 12.5%: Pension
- 10%: Santé
- 3.5%: Chômeurs
- 1.5%: Autres (famille, …)
- 32.5%: Salaire net
- 5%: Indépendants
- 35%: Profit
- 20%: Investissement
- 15%: Profit pur
Le profit
modifierLe profit, c’est le droit à la propriété lucrative. C’est la partie du PIB qui va aux propriétaires. Les propriétaires étant : les propriétaires directs, les actionnaires et les prêteurs. Et aujourd'hui, ce sont surtout les prêteurs (à cause de la crise du capital qui a généré une centralisation du profit en peu de mains).
En 1980, le profit était de 30%; en 2010, il est passé à 40% (cela parce que nous avons privilégié la quête du plein emploi à la quête du salaire).
Le profit, c’est l’exploitation du travail d’autrui. Les indépendants n’exploitant pas le travail d’autrui, ils ne font pas partie du profit.
Investissement
modifierLes propriétaires vont prêter une partie de leur capital pour investir:
- dans le renouvellement de l’outil de travail,
- par une création monétaire; qui permettra d’anticiper la valeur nouvelle qui pourra être produite avec cet investissement.
Dans un système capitaliste, les propriétaires prennent 35% du PIB, puis ils nous prêtent une partie de cet argent (qui nous a été ponctionné), et on doit ensuite les rembourser. Et cela avec un retour sur investissement de 15% alors que la production de valeur n’augmente que de 1-2%.
Le salaire net
modifierIl représente la part du PIB attribuée à l’emploi, au marché du travail.
Salaire à vie
modifierÇa existe déjà ?
modifierLe salaire à vie existe déjà. On le retrouve à travers les fonctionnaires, et plus particulièrement les fonctionnaires d'État. Et également à travers la pension.
Chez les fonctionnaires, le salaire est attaché à la personne et pas à son travail. Si un fonctionnaire perd son poste, il ne sera pas au chômage car il est payé non pas pour son poste mais pour son grade. De même s’il change de poste pour un poste de plus grande qualification, son salaire n’augmente pas. Payer quelqu’un à vie est quelque chose de récent, et cela dérange. Aussi, depuis une trentaine d’années, les politiques essaient de supprimer les fonctions publiques.
La pension, comme continuation du salaire, comme remplacement à 100% du meilleur salaire, est une autre forme de salaire à vie existant déjà. De nouveau, ici, c’est le grade attaché à la personne et non pas le poste sur le marché du travail qui va décider de son salaire. C’est le meilleur salaire obtenu durant sa carrière (cela peut-être perçu comme une forme de grade) qui va servir de base au calcul de sa pension. Et non pas la somme du montant des cotisations versées pour la pension durant sa carrière. Là encore, les réformateurs tentent de supprimer ce salaire à vie en créant une caisse des cotisations et en essayant de transformer la pension de « continuation du salaire » à « contrepartie de cotisations ».
Historique
modifierDans les années 45-50, les syndicats vont mettre en place les caisses de sécurité sociale (pour mettre en place la pension de retraite) en essayant de transposer ce qui existait dans la fonction publique dans le domaine du privé. À l'époque, la revendication était d’avoir à 60 ans 75% du meilleur salaire brut pour la pension. C’est-à-dire 100% du net. Puis, par la suite, la revendication est passée à 55 ans. En 1972, le mouvement syndical obtient d’avoir les dix meilleures années comme référence de la pension de retraite (en France). Ce qui est revendiqué était bien un salaire à vie, un prolongement du meilleur salaire obtenu lors de sa carrière. Et non pas de la prévoyance par des cotisations qui donnerait le droit d’obtenir un revenu de remplacement pour la pension. Au début des années 1990, la pension perçue par les retraités ayant pris leur retraite entre 90-95 (ceux qui sont nés vers 1930) avaient un taux de remplacement (remplacement du dernier salaire net par la première pension nette) qui était en moyenne dans le privé de 84%. Dans le calcul de la pension, on tenait compte de l’annuité (durée d’activité) du travailleur. On n’est donc pas arrivé à obtenir la totalité de la revendication syndicale, mais ce qui a été obtenu était déjà considérable. Pourquoi doit-on revendiquer une pension qui soit de 100% du meilleur salaire net sans calcul de la durée d’activité ? En se battant pour que les fonctionnaires aient un salaire à vie, que fait donc le mouvement syndical ? Il institue une nouvelle définition du travail. Un travail sans employeur, sans propriétaires lucratifs, sans marché du travail, sans mesure de la valeur par le temps et sans crédit.
La cotisation sociale
modifierLa cotisation sociale est à considérer comme un salaire pour un travail déconnecté de l’emploi, du marché du travail et du capitalisme.
Les allocations familiales ne sont pas la couverture des besoins des familles (fable capitaliste). Faisant de nous des êtres de besoins ayant droit à du pouvoir d’achat. Non, les allocations familiales sont quelque chose qui dissocient le salaire de l’emploi et affirment que les parents produisent de la valeur. De même, le chômage rémunéré est quelque chose permettant de dire que les chômeurs produisent de la valeur. Et cela sans employeurs.
La cotisation sociale nous libère du droit de propriété lucrative et nous libère de l’emploi car:
- Elle permet d’attribuer du salaire sans qu’il n’y ait référence à l’emploi. Un salaire libéré de l’emploi.
- S’il n’y avait pas de cotisation sociale, le profit ne serait plus de 40% du PIB mais de 85% du PIB.
Propositions
modifierL’idée du salaire à vie est de pouvoir sortir du capitalisme tout en attribuant à chacun un salaire qui serait non plus attaché au poste de travail mais à la personne. Le salaire étant attribué à la personne, il serait donc bien évidement versé à vie.
Le capitalisme étant bâti sur les 4 piliers que sont: la propriété lucrative, le marché du travail, la mesure de la valeur par le temps, et le crédit, il convient de s’attaquer à ces concepts. Aussi, supprimons la propriété lucrative et le marché du travail en sortant tout du profit et du salaire net (voir répartition du PIB) par l’attribution de ce salaire à vie.
Les propositions émises ci-dessous ne sont que des suggestions émises pour ouvrir de nouvelles perspectives. Les détails devant être discutés par des spécialistes de sciences politiques.
Un salaire à vie
modifierOn va attribuer un salaire à vie à toutes les personnes, y compris aux indépendants.
Le salaire sera l’attribut de la personne et non plus du poste de travail. Le fait que le salaire soit attribué à la personne va automatiquement supprimer le marché du travail. Cela va supprimer les employeurs (mais PAS les chefs d’entreprises, les entrepreneurs, les supérieurs hiérarchiques. À ne pas confondre).
On va revendiquer la mesure de la valeur par la qualification du producteur et non plus par la mesure du temps de travail.
Dans la pratique, pour financer le salaire à vie, il suffirait de créer une caisse de cotisation salaire reprenant l’entièreté des salaires. La part du PIB étant attribuée aux salaires (60% du PIB) irait vers cette caisse.
Supprimer le profit
modifierSi on veut sortir du capitalisme, il faut supprimer le profit et PAS le taxer. Car le taxer c’est le légitimer, et on en viendrait à des raisonnements : « Il faut que les entreprises fassent du profit pour pouvoir financer la sécurité sociale ».
En supprimant le profit, on va également supprimer la propriété lucrative pour instaurer une propriété d’usage. Tout employé d’une entreprise deviendrait copropriétaire d’usage de cette entreprise. Et on ne pourrait plus faire de profit sur la propriété.
Néanmoins, l’investissement restant nécessaire, il va falloir désolidariser l’investissement du profit en créant des caisses d’investissement qui reprendraient 30% du PIB. De même, avec la suppression de la propriété lucrative, on pourra supprimer les revenus liés aux droits d’auteurs.
Prix et coût du travail
modifierAvec un salaire à vie versé par une caisse salaire, le salaire est déconnecté du travail pour être attaché à la personne. Et donc, le coût du salaire est déconnecté du prix du service ou du produit fourni. En effet, même en faisant du bénévolat, on toucherait toujours son salaire à vie.
Mais alors se pose le problème du prix. En effet, comment déterminer le juste prix d'un produit ou d'un service rendu si le salaire est déconnecté du travail ? Or le salaire doit être lié aux prix. Car s'il y a inflation (augmentation des prix) ou déflation (diminution des prix), le PIB va également varier et donc également le salaire (qui représente une fraction du PIB). En d'autres mots, si tout le monde décide de travailler gratuitement, il n'y a plus besoin de salaire (vu que tout devient gratuit).
Prenons le cas d'un agriculteur produisant des carottes. Son salaire étant déconnecté de son travail et donc également de son chiffre d'affaire, à quel prix va il vendre ses carottes ? Peut-il même les distribuer gratuitement ? Et si ce même agriculteur veut également cueillir et vendre des truffes, peut-il les vendre au même prix que ses carottes ? On voit tout de suite dans cet exemple l'importance d'un juste prix pour déterminer la quantité de travail fourni, la rareté d'un produit et ainsi stabiliser le jeu de l'offre et la demande.
Dans le cas du salaire à vie, il faudra donc premièrement distinguer le bénévolat et les services publics, qui doivent être des services gratuits, des autres produits et services qui seront payants. Contrairement au bénévolat et aux services publics, les produits et services payants devront bien évidemment avoir leur prix lié au "coût" du travail fourni. Car si le travail est créateur de valeur, il faut que le prix demandé reflète cette création de valeur.
Ce "coût" du travail pourrait être déterminé par:
- Le salaire moyen de la population
- Le salaire propre perçu par le travailleur. Car celui-ci est censé représenter la qualification de ce travailleur et donc sa capacité à créer de la valeur.
- Un salaire moyen par secteur d'activité
Qualification et salaire à vie
modifierNombreux sont les gens de gauche qui pensent que pour créer une société plus équitable et plus juste, il faille distribuer un salaire identique à tout le monde. Mais ce serait une erreur. La violence sociale est inhérente à la société humaine et nous ne pouvons pas la supprimer. En essayant de supprimer cette violence sociale (par un salaire identique par exemple), elle va ressortir d’une autre manière encore plus dangereuse.
Aussi, plutôt que de supprimer cette violence sociale, il faut la définir et l’encadrer. On va transposer la lutte de classe actuelle (provenant du système capitaliste) en une autre lutte de classe utilisant la hiérarchie des salaires.
Proposition initiale de Bernard Friot
modifierÀ 18 ans, on aurait toutes et tous droit à un salaire à vie. Cela serait vu comme un droit politique irrévocable (ce serait un droit du sol, donc valable pour toute personne résidant sur le territoire). Et commencerait à 1 500 € net (1er niveau de qualification). Et on aurait également droit à une carrière salariale avec 4 niveaux de qualification (1 500 €, 3 000 €, 4 500 €, 6 000 €). Cela est possible car actuellement le salaire moyen est de 2 100 € net par mois, et le salaire médian de 1 700 € net par mois. On passerait de temps en temps une épreuve pour espérer monter de niveau de qualification. À laquelle on ajouterait une augmentation salariale liée à l’ancienneté. Lors de cette épreuve, serait examiné ce qu'on a fait (les valeurs d’usage produites, nos qualifications, ...). Le contenu de ces épreuves et la manière de pouvoir monter de classe fait partie de la politique.
On instaurera cela progressivement. En diminuant de plus en plus l'âge de départ à la retraite (pas pour ne plus travailler mais pour reconnaître le droit à un salaire à vie de plus en plus tôt) et en attribuant le droit au salaire à vie aux jeunes atteignant l'âge de la majorité.
Un système à point pour la qualification
modifierPour permettre une meilleure évaluation de la personne et une plus grande progressivité, on pourrait utiliser une qualification basée sur un système à points. Ce qui donnerait une plus grande motivation au travailleur pour essayer de monter de classe sociale.
Classe sociale | Points | Salaire net |
---|---|---|
0 | 0→99 | 800 € |
A | 100→249 | 1 500 € |
B | 250→499 | 3 000 € |
C | 500→999 | 4 500 € |
D | 1000→... | 6 000 € |
Exemples de critères d'évaluation de classe sociale
modifierComme expliqué précédemment, le contenu de ces épreuves et la manière de pouvoir monter de classe fait partie de la politique et doit pouvoir se faire de manière objective. On peut néanmoins suggérer quelques idées pour mieux appréhender le concept.
"-": les points négatifs faisant descendre de classe sociale ; "+": les points positifs faisant monter de classe sociale.
- + : De bonnes études et de bons diplômes.
- + : Être PDG, patron d’une entreprise ou d’une équipe: Avoir un poste à responsabilité.
- + : Accepter les travaux en pénurie.
- + : Produire un service à haute valeur d’usage / - : Faire des pertes.
- + : Évaluation positive de l’employé par l’entreprise.
- - : Fautes professionnelles graves.
- - : Refus de travailler pour un travail en pénurie alors qu'on a les certifications requises.
- - : Peines pénales.
- ...
De bonnes études et de bons diplômes (+), pour inciter les gens à s’instruire et à se former.
Patron et poste à responsabilité (+), car il est normal de récompenser les gens ayant plus de responsabilités et de stress à gérer.
Accepter les postes en pénurie (+) / refus de travailler pour un travail en pénurie alors qu'on a les qualifications requises (-), car quand un travail est vraiment en pénurie, il faut inciter les gens à faire ce travail en utilisant aussi bien la récompense que la sanction.
Produire un service à haute valeur d’usage (+) / faire des pertes (-), ce critère s’applique principalement aux indépendants et aux cadres (moins aux employés). Il faut motiver les gens à faire quelque chose d’utile à la société, à créer de la valeur d’usage. Et il faut également punir les mauvais gestionnaires (pour les motiver à bien gérer). Malheureusement, vu qu’il est difficile d’avoir un critère objectif pour définir la valeur d’usage, il nous faudra probablement utiliser la valeur économique pour cette évaluation en utilisant des indicateurs tel que le bénéfice et les pertes produits par l’entreprise.
Évaluation positive de l’employé (+) / Fautes professionnelles graves(-), ce critère s’applique principalement aux employés et ouvriers (moins aux indépendants et aux cadres). Pour motiver les gens à faire du bon travail, à se lever le matin pour aller travailler, ...
Caisses d’investissement
modifierVu que le profit serait supprimé, il convient de créer des caisses d’investissement qui serviront au renouvellement de l’outil de travail et à la création monétaire. On augmenterait alors l’investissement (qui est actuellement de 20%) à 30% du PIB. Il faut souligner que ces caisses d'investissement seront décentralisées et gérées par les salariés. Le mode de gestion de ces caisses par les salariés (élection, tirage au sort, etc.) est une question évidemment ouverte au débat démocratique (local et/ou national). De même Il est important de noter que la création monétaire ne sera pas basée sur le crédit comme c'est le cas de la banque centrale de France et des banques commerciales françaises. La monnaie serait alors créée en anticipant les valeurs nouvelles indexées sur l'attribution de nouvelles qualifications personnelles. Le type d'émission monétaire et son évolution (dans le référentiel d'émission de la qualification personnelle) est une question ouverte également au débat démocratique (local et/ou national)
Cotisation gratuité
modifierCertains services sont actuellement gratuits :
- L'éducation,
- Les services urbains,
- La santé.
On doit y rajouter :
- Le logement,
- Les transports de proximité,
- La consommation de base (eau, électricité, ...),
- …
Nouvelle distribution du PIB:
modifier- 60% du PIB iraient à la caisse de cotisation dédiée aux salaires,
- 30% du PIB iraient à la caisse de cotisation économique dédiée à l’investissement,
- 15% pour l’autofinancement des entreprises,
- 15% pour le financement de nouveaux projets,
- 10% du PIB iraient à la caisse de cotisation gratuité, pour le financement des dépenses courantes des services publics (au-delà des salaires et de l’investissement).
Impacts et conséquences :
modifier- Suppression de la propriété lucrative,
- Suppression du chômage,
- Suppression du marché du travail: Il sera moins coûteux d’engager du personnel ; et le personnel sera plus flexible car il n’y a plus la peur de se retrouver sans ressources en remettant sa démission.
- ...
International
modifierIl est évident que la mise en place d’un tel système économique dans une économie libérale et mondialisée aura un impact et des conséquences au niveau international.
- Fuite des capitaux
Dans notre économie libéralisée et mondialisée, les gouvernements ont toujours eu peur de taxer le capital par peur que celui-ci ne parte dans un pays à la fiscalité plus avantageuse. Le risque est évidement le même, dans le cas du salaire à vie.
- Décroissance économique ou récession
Avec la mise en place d’un salaire à vie, il y a le risque que la croissance économique du pays soit moindre que celle de ses voisins. Il en résulterait un risque d’augmentation de l’importation au détriment de l’exportation. Et le pays pourrait rentrer en récession.
Aussi, avant de mettre en place un tel système économique anti capitaliste, il sera sans doute nécessaire de pratiquer une certaine forme de protectionnisme pour se protéger d’une économie mondiale essentiellement capitaliste.
Exemples concrets
modifierAides-soignants
modifierAvec le vieillissement croissant de la population, on pourrait très bien imaginer un manque et une pénurie croissante dans le métier d’aides-soignants et d’assistance pour les personnes âgées. Le manque est d’ailleurs déjà présent. Nombreuses sont ces personnes qui se sentent seules et le manque d’aides-soignants dans les maisons de retraite est déjà criant. Mais dans notre société capitaliste, c’est un métier qui coûte cher en personnel et qui ne rapporte pas assez.
Avec l’idée du salaire à vie, le métier d’aide-soignant pourrait être vu comme un métier en pénurie. Aussi, toute personne souhaitant travailler comme aide-soignant pourrait avoir l’occasion de monter de classe social et gagner d’avantage. De même, avec l’idée du salaire à vie, le métier d’aide-soignant ne serait plus vu comme un métier coûteux et non rentable mais comme un métier participant activement à l'économie et au PIB du pays. Et qui permettrait également de résorber activement le chômage et l’inactivité d’une partie de la population.
Propriétaire immobilier louant un appartement
modifierImaginons un propriétaire immobilier souhaitant louer son appartement.
La propriété lucrative ayant disparu, le propriétaire ne pourra plus gagner de l'argent sur base de son seul capital immobilier. L’argent qu'il touchera pour la location de son appartement devra être lié aux services et à la valeur ajoutée qu'il pourra y apporter. Cela peut-être sous forme de service hôtelier, d’entretien et de rénovation de l'habitation, ...
Loyer – frais (de rénovation, d’entretien, ...) – valeur locative cadastrale = bénéfice.
L’entièreté du bénéfice (loyer déduit des frais de rénovation et de la valeur locative cadastrale) sera versée à la caisse de salaire et à la caisse d’investissement. Et le propriétaire gagnera son « salaire à vie » (comme défini par sa classe sociale). Il ne fera donc aucune plus-value en augmentant le prix de son loyer. Et ne fera donc aucun profit sur son capital immobilier.
Pour le calcul du bénéfice, on utilisera la valeur locative cadastrale qui est censée représenter la valeur capitaliste du bien immobilier (Une évaluation correcte de chaque bien immobilier devra donc être faite régulièrement). La valeur locative cadastrale devra donc être déduite du loyer pour pouvoir estimer un bénéfice qui soit lié à la valeur d'usage produite par le propriétaire. L’offre et la demande liées à la taille, le confort et à la localisation de l’appartement ne devraient donc pas influencer sur les revenus du propriétaire ni sur les calculs de son bénéfice (car les revenus du propriétaires ne sont plus liés à son capital immobilier).
Vu que le bénéfice ainsi calculé représentera grosso-modo la valeur d’usage produite par le propriétaire, celui-ci pourra espérer gagner des points pour monter de classe et ainsi augmenter son salaire social en faisant du bénéfice. Car un bénéfice élevé sous-entend qu’il a un appartement fort demandé car bien entretenu.
Ce concept peut bien évidement s’étendre aux services hôteliers, chambre d'hôte, ...
Différences avec le « Revenu de base »
modifierLe revenu de base est un revenu versé à toute personne, sans conditions de ressources ni obligation de travail. Ce revenu est cumulable avec tout autre revenu de travail. Le revenu de base se présente à priori comme une idée compatible avec les institutions capitalistes du travail, qui ne propose pas un bouleversement explicite du capitalisme.
Tandis que le salaire à vie ne permet pas de cumuler ce salaire avec d’autres sources de revenu de travail. Cela implique la disparition du marché de l’emploi et la suppression de la propriété lucrative.
Le revenu de base pose les individus comme des êtres de besoins, qui ont le droit à du pouvoir d’achat. Tandis que le salaire à vie pose les individus comme les producteurs de la valeur économique.
Notes et références
modifier- ↑ Bernard Friot - L’Enjeu du salaire - La Dispute (2012)
- ↑ Dominique Lachosme - Abolir le chômage, en finir avec l’emploi - Atelier de création libertaire (2014)
- ↑ dans la même idée, on trouve aussi "revenu universel", "revenu de base", "allocation universelle" ou encore, "revenu d'existence"
- ↑ http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf-articles/actu/Journee-REVENU-D-EXISTENCE-OFCE-2-.pdf
- ↑ Bernard Friot - L’Enjeu du salaire - La Dispute (2012)
Liens externes
modifier- Site de l’association Réseau Salariat qui soutient le Salaire à vie: http://www.reseau-salariat.info
- Video, Manifeste Pour un statut politique du producteur: http://www.reseau-salariat.info/6a2aa40dce09799c0cadcbffcef31985
- Articles de vulgarisation sur le thème du salaire à vie : http://salaireavie.fr