Recherche:Sur l’extension des genres grammaticaux en français/biotique


Micrographie électronique à balayage colorisée de particules du virus Ebola (vertes) présentes à la fois sous forme de particules extracellulaires et de particules bourgeonnantes provenant d'une cellule de rein de singe vert africain (bleu) infectée de façon chronique.
Le virus Ebola a-t-il une âme ?

Raoul de La Grasserie nomme genre biotique plus ou moins ce qui se nomme souvent par ailleurs animéité[1]. Cela étant, le distinguo terminologique peut aussi servir à une distinction sémantique. Car en pratiques pour les langues usant de l’animéité, comme exposé dans les sections précédentes, tout ce qui vie n’est pas grammaticalement classé dans l’animé, et tout ce qui est abiotique n’est pas classé dans le non-animé. Pour la majeure partie des noms d’animaux par exemple, le français s’analyserait comme attachant le trait non-animé[2], bien qu’ils relèvent sans conteste du biotique.

Au biotique peut être opposé l’abiotique sur le plan biologique, et le genre chosatif[3] sur celui de la catégorie de genre personnel.

En 1988, dans Le genre dans les noms d'animaux, Jean Dubois rappelle combien la distribution du genre vivant sur l’axe féminin et masculin est tributaire de la relation qu’entretien l’humain à ces êtres : boucherie, chasse, compagnie, culte, culture, domestication, élevage ou autre[4]. Il expose par ailleurs des distributions du genre sur un répertoire de 125 000 entrées, dont 7 889 noms d’animaux soit 6 % du total. Sur ces derniers il indique 1 700 féminins et 6 143 masculins, soit respectivement 21,55 % et 78,45 %. Il pousse l’analyse à un niveau de finesse plus méticuleuse encore, et repère dans son lexique 2 146 noms d’arthropodes, dont 28,42 % de féminin et 71,56 % de masculin, et attribue la différence sensible à des considérations morphologiques plus précisément à l’influence des suffixes, ainsi qu’à l’hétérogénéité des origines étymologiques de ces termes souvent issus d’emprunts aux cultures proches des lieux dont les espèces sont endémiques. Il fait au passage remarquer, en s’éloignant de la considération strictement animale, que si orchidée est féminin, les orchidées ont toutes un nom masculin. Il comptabilise 23 termes masculins incorporant le trait mâle dont la graphie forme une apocope d’un féminin désignant une femelle, comme lapine apocopé en lapin et tigresse apocopé en tigre, soit seulement 0,29 % du lexique considéré.

Ce déséquilibre distributionnel du genre dans le nommage des vivants participe à discréditer les qualificatifs de féminin et masculin comme appellation de ce trait lexicale, tout au moins en première articulation. Jean Dubois fait d’ailleurs remarquer la dérivation suffixale pour désigner les progénitures, sans tenir compte du sexe, mais purement sur des considération de maturation : -on et -eau pour marquer la prime enfance dans autruche/autruchon, aigle/aiglon, bœuf/bouuillon, dindon/dindonneau, là où -et marquerait l’adolescence dans poule/poulet. Il explicite d’ailleurs que ce départage adulte/petit, voir d’une segmentation plus fine dans l’âge, fourni un taux de corrélation plus probant que celui du partage femelle/mâle.

Jean Dubois, sans en considérer son appellation ou sa catégorisation autonome, montre aussi comment le genre biotique peut se compléter d’un genre générique ou sexué en seconde articulation. Il attribue en effet explicitement à mouton un genre générique, qu’il oppose aux genres sexués de bélier, brebis, agneau et agnelle.

Michel Arrivé en 2008 dans Le sexe et la mort dans le langage envisage un genre de la mort, hypothèse qu’il se résout à estimer peu probante eu égards à ses recherches dans les documentations linguistiques qu’il avait pu consulter. En français il relève l’existence de l’adjectif antéposé feu avant de conclure sur un phénomène tout au plus marginal.

Références modifier

  1. H. Beaunis, « De la Grasserie De l'expression de l'idée de sexualité dans le langage », L'Année psychologique, vol. 11, no  1, 1904, p. 641–643 [texte intégral (page consultée le 2021-07-03)]
  2. Michel Roché, « Le masculin est-il plus productif que le féminin ? », Langue française, vol. 96, no  1, 1992, p. 113–124 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-07-01)]
  3. Marc D’AIGLEMONT, « Le vebre - Chapitre I : La morphologie du verbe », sur studylibfr.com, Los Angeles, (consulté le 27 août 2021)
  4. Jean Dubois, « Le genre dans les noms d'animaux », LINX, vol. 21, no  1, 1989, p. 87–91 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-12-28)]