Recherche:Sur l’extension des genres grammaticaux en français/réflexions

Réflexions sur la grammaire modifier

Puisqu’il s’agit de traiter ici le genre grammatical, il ne sera sans doute pas superflu de formuler quelques rappels et remarques sur la grammaire.

Grammaire dérive de latin grammatica, qui provient lui-même du grec ancien grammatikế/γραμματική : art de lire et d’écrire. Ce dernier procède de grammatikos/γραμματικός : lettré, grammatical ou grammairien. Ce dernier dérivé dérive lui-même de grámma/γράμμα : lettre, avec le suffixe adjectival -ikós/-ικός. Cette dernière racine provient de gráphô/γράφω : écrire, graver avec le suffixe suffixe des noms neutres abstraits -ma/-μα. Enfin ce dernier radical proviendrait de l’indo-européen commun *gerbʰ- : égratigner.

Même si elle ne s’y limite pas, il est clair que la grammaire porte en son nom même un biais vers la représentation scripturale de l’expression. D’ailleurs même si l’avènement de la linguistique à partir du début du vingtième siècle opère un revirement de posture en mettant l’oral plus à l’honneur, cette perspective n’en introduit pas moins une fondation mutilée des phénomènes communicationnels. La langue ne désigne pas avant tout l’organe emblématique de la phonation de manière fortuite, et si la linguistique s’aventure parfois à analyser d’autres mode d’énonciation[1], il n’empêche qu’elle conçois ses modèles en premier lieu sur des modalités plus spécifiques à la phonématique, là où la grammaire prend plus volontier l’écrit comme référence principale. Il ne s’agit pas tant de critiquer ces biais que de les exposer explicitement :toute volonté d’analyse discursive nécessite d’opérer des choix, conscients ou irréfléchis, pour délimiter plus ou moins formellement le domaine d’étude. Autrement dit, ni grammaire ni linguistique, pas plus qu'aucun champ d'étude, ne sauraient fournir des modèles qu’il serait avisé de prendre pour des descriptions neutres et absolument objectives.

Par ailleurs Hugo Blanchet dresse dans un billet de 2021 l’itinéraire du terme glamour[2], qui entérine la réputation de sensuelle science occulte attachée à la grammaire. Il y explique notament comment il est lié au mot grimoire, livre de magie, en supposant une déformation de gramaire, probablement par croisement avec un mot de la famille de grimace, qui remonte au francique *grima « masque, grimage ». Il indique par ailleurs plus directement le lien sémantique qui unie grammaire et envoûtements, stipulant :

En ancien français comme en moyen anglais, le mot gramaire a plusieurs sens : il désigne aussi bien l’étude des lettres (latines) que les arts occultes ! En ancien français, la forme masculine gramaire peut ainsi signifier « grammairien » ou « sorcier ».

Il sera intéressant d’ajouter à cela les méconceptions courantes sur la grammaire en s’inspirant par exemple de Charles Ernest Bazell et ses Trois conceptions erronées de la notion de grammaticalité ou de Noureddine Guella qui en dresse une liste dans La grammaire dans tous ces états[3][4] :

  • seules les langues écrites sont pourvu d’une grammaire ;
  • pour un corpus linguistique donnée, il n’existe qu’une seule grammaire
  • les ouvrages de grammaires n’ont que des divergences de présentation didactique et les personnes qui les conçoivent ont l’un dans l’autre des représentations consensuelles dénués de différences structurelles profondes ;
  • une grammaire à force prescriptive et régie la correction d’un énoncé et jouit d’une force d’autorité irrécusable ;
  • un énoncé est grammatical seulement s’il a une valeur ontologique probante ;
  • tout énoncé grammaticalement correct est susceptible d’être employé de façon non-autonyme dans une situation idoine ;
  • la grammaire est une pratique principalement consciente et seules les personnes ayant acquis les compétences d’analyser discursivement les discours dans un vocabulaire consacré ont des compétences grammaticales :
  • une grammaire est un objet statique et immuable capable de rendre compte de toutes les dynamiques influant les énoncés et toute évolution de la langue qui mettent en défaut une grammaire sont à imputer à la corruption des emplois qui s’écarte de la langue dans sa réalité idéelle.

Ces considérations faites sur la grammaire, ce projet pourra donc mieux s’inscrire dans son champ d’étude en connaissance au moins partielle de ses causes, limites, méprises communes et portés effectives.

Pour aller plus loin il sera possible de consulter des références annexes[5].

Références modifier

  1. (en) « Sign languages evolve just like spoken languages », sur ZME Science, (consulté le 15 janvier 2022)
  2. « Glamour », sur dictionnaire.lerobert.com (consulté le 15 janvier 2022)
  3. Charles Ernest Bazell, « Trois conceptions erronées de la notion de grammaticalité », Langages, vol. 8, no  34, 1974, p. 11–16 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-01-15)]
  4. « Revue Al Daawah No. 96, La `Grammaire` dans tous ses états, quelques conceptions erronées », sur studylibfr.com, (consulté le 15 janvier 2022)
  5. Françoise Armengaud, « Modèles et interprétation », Revue de Métaphysique et de Morale, vol. 86, no  3, 1981, p. 389–396 (ISSN 0035-1571) [texte intégral (page consultée le 2022-01-15)]