Sondage/Questionnaire et entretien
Introduction
modifierL’élaboration du questionnaire est une phase très importante du sondage. La qualité du questionnaire conditionne largement la pertinence de l’enquête. Or, l’art de poser de bonnes questions, dans des termes intelligibles au plus grand nombre, est difficile. Les personnes élaborant le questionnaire doivent faire face à de nombreuses difficultés.
Comment interroger ? Le questionnaire
modifierVoici quelques règles concernant la formulation des questions :
- le sens donné à la question doit être équivalent pour toutes les personnes interrogées ;
- une bonne question doit être brève ;
- la question doit être formulée sous la forme affirmative :
Bonne question | Mauvaise question |
« Êtes-vous d'accord avec l’idée (...) ? » | « N'êtes-vous pas d'accord avec l’idée (...) ? » |
- la question ne doit pas suggérer une réponse :
Bonne question | Mauvaise question |
« Êtes-vous d'accord avec (...) ? » | « Êtes-vous de l'avis de (...) ? » |
- une question ne doit porter que sur une seule idée à la fois :
Bonne question | Mauvaise question |
« Êtes-vous d'accord avec l’idée de recycler les déchets ? Êtes-vous d'accord avec l’idée de faire payer une amende à ceux qui ne le font pas ? » | « Êtes-vous d'accord avec l’idée de faire recycler les déchets et de faire payer une amende à ceux qui ne le font pas ? » |
- la question ne doit pas induire de gêne vis-à-vis de la réponse :
Bonne question | Mauvaise question |
« Vous est-il déjà arrivé, ne serait-ce qu'une seule fois et par curiosité, de consommer de la drogue ? » | « Avez-vous consommé de la drogue ? Pourquoi ? » |
- une question doit être suffisamment comprise par tous :
Bonne question | Mauvaise question |
« Faîtes-vous attention au nombre de calories que vous consommez ? Faîtes-vous attention aux types d'aliments que vous consommez ? Faîtes-vous attention à la quantité d'aliments que vous consommez ? » | « Faîtes-vous attention à ce que vous mangez ? » |
Sur le plan technique, une bonne question doit être claire et univoque. Ceci dit, une somme de bonnes questions ne fait pas toujours un bon questionnaire. Il convient ainsi :
- d’éviter un trop grand questionnaire (supérieur à 20 questions) ;
- de reléguer les questions « indiscrètes » à la fin du questionnaire (par exemple, en France, les questions sur le revenu sont sujettes à caution de l'enquêteur) ;
- de soigner la présentation : de belles questions, de bonnes modalités de réponse et une clarté dans le fonctionnement et la présentation du questionnaire.
La forme des questions : questions ouvertes, questions fermées
modifierEn statistique, on désigne couramment les questions ouvertes et les questions fermées. Pour les questions fermées, l'individu choisit sa réponse (modalité de réponse) dans une liste pré-établie. Par exemple, les réponses proposées à la question « Avez-vous été élevé religieusement ? » seraient :
- oui ;
- non.
Pour les questions ouvertes, l'individu répond comme il le désire (formulations, détails, commentaires). La difficulté pour l'enquêteur est de noter intégralement ce que l'enquêté dit.
La seconde difficulté de la question ouverte est le recodage des réponses données, qui nécessite la construction de catégories de réponses afin d'effectuer des statistiques.
Voici un exemple de question fermée, présentée dans un tableau permettant à l'enquêteur de catégoriser rapidement les réponses :
« D'une façon générale, pensez-vous que la religion a sa place en France ? » | ||
Oui | 1 | |
Non | 2 |
Voici un exemple de question ouverte dérivée de la question précédente, et nécessitant la création de catégories a priori :
« Si oui, quelle serait son utilité ? » | ||
Une réponse aux problèmes et aux besoins moraux des individus. | 1 | |
Une réponse aux problèmes qui se posent dans la famille. | 2 | |
Une réponse aux besoins spirituels des individus. | 3 | |
Une réponse aux problèmes sociaux d'aujourd'hui. | 4 |
Le discours de l'enquêté nécessite la création de catégories (ici au nombre de quatre) et donc la consultation et le dépouillement préalable des réponses de tous les individus de l'échantillon. Face à la relative complexité du travail en questions ouvertes, deux possibilités s'offrent à l'enquêteur :
- il passe l’ensemble des questionnaires avec des questions ouvertes puis il doit recoder l’ensemble des réponses ;
- soit l'enquêteur va utiliser le questionnaire avec des questions directes dans une phase de pré-enquête.
Les questions fermées sont beaucoup plus faciles pour les individus, et simple à passer et à recoder que les questions ouvertes. Il est conseillé d’éviter plus de cinq questions ouvertes dans un même questionnaire.
Il est possible de s’inspirer d'autres questionnaires pour formuler le sien, en reprenant certaines questions.
Le contenu de la question
modifierEn statistique, on distingue les questions selon leur contenu. Il existe des questions de fait, des questions dites « d'opinion » et des questions socio-démographiques.
Les questions de fait font appel à la mémoire et portent sur des évènements précis : « Où avez-vous passé vos vacances l'année dernière ? ». Les erreurs de mémoire peuvent traduire un simple oubli, soit il s'agit d’un acte volontaire de l'individu (relation de « domination » entre l'enquêteur et l'enquêté selon Bourdieu).
Une question d'opinion consiste à demander aux individus ce qu’ils pensent de tel phénomène. Mais il peut exister un écart entre ce que dit la personne et ce qu'elle pense réellement (assez fréquent).
Les questions socio-démographiques ont pour objectif de recueillir des données sur l'âge, le sexe, les revenus, la catégorie socio-professionnelle etc. : « Quel âge avez-vous ? », pour obtenir l'état civil de la personne. Ces questions sont fondamentales car elles représentent des variables explicatives, ou indépendantes, qui expliquent les pratiques des individus. Il s'agit ici de croiser des catégories d'appartenance avec des pratiques, des opinions ou des représentations. On présuppose les réponses à un questionnaire en fonction des catégories sociales.
La passation du questionnaire
modifierComment généraliser ? La représentativité
modifierLe problème de la représentativité
modifierLa qualité des conclusions obtenues par questionnaires est liée à la composition de l'échantillon. Ainsi, si l'échantillon n’est pas représentatif de la population mère, les statistiques générées ne seront pas bonnes. Aussi, l'échantillon aléatoire peut provoquer un biais statistique si la base de sondage est incomplète ou erronée.
La deuxième difficulté génératrice de biais statistique peut être les refus de répondre, qui fragilisent le sondage.
La troisième difficulté peut provenir du manque d'informations sur la population mère ; de ce fait la structuration de l'échantillon sera fausse.
Par conséquent, il est assez difficile de ne pas avoir de biais d'échantillonnage. C’est pourquoi le statisticien utilise la notion d'estimation, qui consiste à calculer la marge d'erreur des résultats obtenus à la suite de l'échantillonnage.
La notion d'estimation
modifierÀ travers la notion d'estimation, le chercheur veut estimer l'intervalle de confiance qu’il peut accorder à ses résultats. La représentativité est fonction de la taille de l'échantillon : un échantillon microscopique conduira à une mauvaise représentativité. Pour estimer la qualité de cette représentativité, on calcule donc l'intervalle de confiance selon deux formules, où p est la proportion d'individus concernés, et n l'effectif de l'échantillon :
1,96 correspond ici à un pourcentage de confiance de 95%.
Les entretiens
modifierQui interroger ?
modifierInterroger n’importe qui mais éviter d'interroger les gens par téléphone, utiliser plutôt internet ou faire un micro-trottoir. Ne pas faire de spam.
Comment interroger ?
modifierLes différents types d'entretien
modifierOn répertorie trois types d'entretien :
- l'entretien non directif : la consigne de départ est très large. On laisse la personne interrogée déborder du cadre initial et le guide d'entretien est moins détaillé. L'intérêt est de pouvoir aborder de nouveaux thèmes.
- l'entretien directif : il est plus proche du questionnaire, laisse moins d'initiatives à la personne interrogée. Les questions sont directes et abordées dans l'ordre.
- l'entretien semi-directif (entretien intermédiaire): on recadre la personne interrogée, on reste dans le thème du guide d'entretien. Celui-ci est détaillé mais l'initiative est plus grande que dans un entretien directif car les questions ne sont pas forcément posées dans l'ordre.
Selon les objectifs de l'enquête, on ne pratique pas le même genre d'entretien.
Non directif | Semi-directif | Directif | |
---|---|---|---|
Contrôle | oui | ||
Vérification | oui | oui | |
Approfondissement | oui | oui | |
Exploration | oui | oui |
La technique de l'entretien, conduite de l'entretien
modifierLiens externes
modifier- Cours de recueil, analyse et traitement de données en licence Creatice Commons thèmes : Exploration ou vérification, Conception et élaboration de questionnaires, Méthodologie de l'entretien, Validité et fiabilité, Analyse factorielle des correspondances.
Autres règles
modifierUn manque de neutralité dans le contexte médiatique peut, par exemple, totalement fausser un sondage. En effet, demander aux sondés s’ils sont pour ou contre le nucléaire en pleine période de crise nucléaire n’a aucun sens. L’influence des médias est extrêmement forte et manipule considérablement l’opinion des sondés.
Une bonne formulation des questions est également primordiale pour l’exactitude des sondages réalisés. En effet, de nombreux sondages sont biaisés de par la formulation des questions qui sont posées aux sondés. Par exemple, le fait de faire un constat, avant de poser la question à la personne concernée, peut influencer cette dernière: « Il n'y a eu, au cours des dix dernières années, aucun accident mortel dû aux centrales nucléaires. Dans ces conditions, êtes-vous pour ou contre le nucléaire ? ». La majorité des réponses seront positives. Au contraire, si la question se présente de cette façon : « Bien que le problème des déchets nucléaires soit loin d’être réglé, êtes-vous pour ou contre le nucléaire? », la majorité des réponses seront négatives.
De plus, la façon de présenter les questions et le point de vue d’où l’on se place pour poser la question, peut influencer grandement les sondés. Par exemple, une étude démontre que tel traitement réussi dans 80% des cas. Si l’on interroge plusieurs personnes pour savoir si elles sont favorables à l’utilisation de ce traitement, la plupart d’entres elles diraient oui. À l’inverse, si on présente l’étude d’un autre point de vue, en disant que ce même traitement a un risque d’échec de 20%, la plupart des personnes interrogées ne prôneraient pas son utilisation.
Autre exemple : des sondeurs ont demandé à 1 000 Français (majeurs) combien ils ont d'enfants : la moyenne est de 2. Ils ont demandé aussi aux enfants de ces 1 000 personnes combien d'enfants ils sont dans leur famille. La moyenne des réponses est...3! Alors, s’agit-il d’une erreur de calcul, ou quelqu’un a-t-il menti ? Bien sûr que non ! Les enfants des familles nombreuses sont plus nombreux! Illustrons sur un exemple. On interroge deux parents : le premier a 1 enfant, le deuxième a 3 enfants, donc la moyenne pour les parents est de (1+3)/2=2! Maintenant, on interroge leurs enfants, ils sont 4. Un est enfant unique, les trois autres sont trois dans leur foyer, la moyenne pour les enfants est donc : (1+3+3+3)/4=2,5.
Il convient donc, à chaque fois que nous prenons connaissances de résultats de sondages de se demander de quel point de vue l’on se place.
Il se peut également que les sondés n’aient aucune échappatoire dans les réponses qui leur sont proposées, c'est-à-dire qu’ils soient obligés de choisir une proposition qu’ils n’auraient pas choisie en temps normal. Par exemple, on demande à une personne végétarienne (sans pour autant que celui qui pose la question le sache) ce qu’elle préfère manger entre du thon, du bœuf et du porc ! Étant végétarienne cette personne va forcément répondre « du thon » même si elle n’aime pas du tout ce poisson. Les résultats du sondage sont alors biaisés.
De surcroit, si on interroge une personne sur un sujet qu’elle ne maîtrise pas : « êtes-vous favorable à la loi X ? », la personne risque, soit de répondre au hasard, soit, si elle a entendu un proche vaguement critiquer cette loi, être influencée par ce dernier et répondre « non ». Dans tous les cas, la réponse du sondé n’est valable que s’il connaît réellement le sujet sur lequel il est interrogé.
Le « sondage idéal »
modifierToutes ces difficultés préalablement identifiées amènent à se poser la question : « comment réaliser un sondage idéal ? ». Voici quelques éléments de réponse :
Les questions doivent être claires, précises, avoir un sens immédiat, le même pour toutes les personnes interrogées. Les mots doivent être soigneusement choisis, ne pas être ambigus ou donner lieu à de multiples interprétations. On ne demandera pas, par exemple : « Sortez-vous souvent ? », mais plutôt : « Combien de fois êtes-vous allé la semaine dernière au cinéma, au théâtre, ou dîner chez des amis? »
Ensuite, les questions doivent être neutres, c'est-à-dire ne pas inciter à une réponse plutôt qu'une autre. Il faut également veiller à lancer un sondage dans un contexte médiatique relativement neutre pour avoir les réponses les plus fiables possibles. Il est important d’éviter un « avant-propos » dans les questions posées lorsque cela n’est pas nécessaire afin d’éviter d’influencer la réponse des sondés. Les réponses proposées doivent être cohérentes entre elles afin de ne pas « forcer » la personne concernée à choisir telle ou telle réponse par défaut, même si cela ne correspond pas à son choix personnel. Il faut donc présenter un large panel de réponses afin que le sondé puisse choisir la réponse qui lui correspond le mieux. Il est préférable d’utiliser un nombre pair de modalités pour éviter que les sondés se réfugient dans la modalité Intermédiaire.
Exemples de type de réponses préconisées :
a) tout à fait pour
b) plutôt pour
c) plutôt contre
d) tout à fait contre
Malgré toutes ces précautions, et celles utilisées notamment pour éviter que le sondé ne se sente "jugé" par le sondeur, malgré la réflexion apportée à la formulation des questions, il faut néanmoins se rendre à l'évidence : le sondage idéal est difficile à réaliser !
La réalisation d’un sondage nécessite donc plusieurs étapes. En effet, il faut tout d’abord définir l’échantillon de personnes à interroger afin qu’il soit le plus représentatif de la population de base. Il faut ensuite rédiger au mieux le questionnaire auquel vont être soumis les sondés, afin que ces derniers ne se sentent pas jugés par le sondeur et que leurs réponses ne soient pas influencées à cause d’une mauvaise formulation des questions. Pour terminer, il est nécessaire de choisir la méthode qui semble la mieux adaptée pour contacter les sondés, en prenant en compte les avantages et les inconvénients de chacune d’elles.
Une fois que le nombre total de réponses souhaitées est atteint, les instituts de sondages opèrent donc un redressement des données pour améliorer la fiabilité de leurs sondages…