Dans ce chapitre, nous allons essayer d'étudier, dans un premier temps, comment définir une dérivation des distributions de façon à prolonger la dérivation des fonctions physiques qui sont dérivables aux fonctions physiques qui ne le sont pas. Si nous réussissons cette opération, nous essayerons alors, dans un second temps, d'étudier si cette opération de dérivation peut être généralisée à l’ensemble des distributions.
En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, « Théorie physique des distributions : Dérivation Théorie physique des distributions/Dérivation », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.
Soit p, une fonction physique dérivable et soit p' sa dérivée.
La distribution correspondant à p est la forme linéaire Tp qui à tout φ de associe le réel :
De même, la distribution correspondant à p' est la forme linéaire Tp' qui à tout φ de associe le réel :
Nous voyons que, dans la définition de la forme linéaire associée à p', intervient la fonction p'. Il serait intéressant de voir s'il est possible de transformer l’expression :
de façon à ce qu'elle n'utilise plus la fonction p' pour pouvoir l'appliquer à des fonctions p qui ne sont pas dérivables.
La forme de l'intégrale nous fait penser à une intégration par parties. Essayons ! on obtient :
La fonction φ étant à support borné, nous avons :
Il nous reste donc :
Nous remarquons que cette dernière formule a été rendue possible par le fait que les fonctions-test de sont dérivables et à support compact. Ce n'est donc pas par hasard si cet ensemble a été défini ainsi.
Nous voyons qu’après projection des fonctions physiques dans l’ensemble des distributions, il est possible de définir une dérivation même pour les images des fonctions physiques qui n'étaient pas dérivables en posant la définition suivante :
Définition d'une dérivation sur P
Soit p une fonction physique. La dérivée de la distribution correspondant à p est la forme linéaire T'p qui à tout φ de associe le réel :
Et nous voyons que cette définition est applicable même aux fonctions physiques qui ne sont pas dérivables. Par conséquent, nous en déduisons qu'en tant que distribution, toutes les fonctions physiques sont dérivables.
Nous rappelons la définition de la fonction de Heaviside que nous avons noté H :
Nous nous proposons dans ce paragraphe de calculer la dérivée de la distribution de Heaviside. En tant que fonction physique, celle-ci n’est pas dérivable, puisque présentant une discontinuité en 0. En tant que distribution, elle devrait, par conséquent, avoir une dérivée en dehors de l'espace P des distributions régulières.
Si nous appliquons la définition donnée dans le paragraphe précédent, nous voyons que T'H est une forme linéaire qui à toutes fonctions-test φ de associe le réel :
Mais compte-tenu de la définition de H, nous voyons que cette expression peut s'écrire :
Que nous pouvons aisément calculer sous cette forme. En effet, nous avons :
Nous obtenons un résultat très simple. Nous voyons que la dérivée de la distribution de Heaviside est la forme linéaire qui, à toutes fonctions-test φ de , associe sa valeur en 0.
Et nous reconnaissons la distribution de Dirac que nous avons déjà rencontrée au chapitre précédent.
Nous rappelons la définition de la distribution de Dirac :
Distribution de Dirac
On appelle distribution de Dirac que nous noterons δ0, la forme linéaire qui à toutes fonctions-test φ de associe sa valeur en 0.
Nous pouvons généraliser à d'autres valeurs que 0, en posant :
Distribution de Dirac en a
Soit a un réel.
On appelle distribution de Dirac en a que nous noterons δa, la forme linéaire qui à toutes fonctions-test φ de associe sa valeur en a.
Par convention, si l’on note simplement δ, c’est que nous avons affaire à δ0.
Dans le paragraphe précédent, nous avons réussi à définir une dérivation sur l’ensemble P des fonctions régulières et, par conséquent, on peut dire que toutes les fonctions physiques sont dérivables au sens des distributions (ce qui n'est déjà pas mal). Dans ce paragraphe, nous allons essayer d'aller encore plus loin en définissant une dérivation pour toutes les distributions, même si elles n'appartiennent pas à P. Comment faire ?
La réponse va nous apparaître évidente en exprimant les choses à l'aide du crochet de dualité.
En notant Tp, la distribution associée à une fonction physique p, nous avons :
Même si p n’est pas dérivable, nous avons vu que :
Nous voyons apparaître la relation suivante :
Qui est indépendante de l'intégrale et surtout de p. Nous pouvons donc choisir cette expression comme définition générale d'une dérivation sur :
Dérivée d'une distribution
Soit T, une distribution de . On appellera dérivée de T, que l’on notera T', la distribution défini par :
Calculons, à titre d'exemple, la dérivée de la distribution de Dirac, on a :
Nous dirons qu'une fonction est dérivable par morceaux s'il existe un ensemble au plus dénombrable (éventuellement infini) de points où la fonction n’est pas dérivable, alors qu'elle est dérivable ailleurs.
Les fonctions physiques dérivables par morceaux ne sont, bien sûr, pas nécessairement dérivables. Mais nous allons définir une pseudo-dérivée de ces fonctions, que nous nommerons par la suite « dérivée physique » d'une fonction, qui va considérablement augmenter le nombre des fonctions physiques dérivables.
Dérivée physique d'une fonction physique
Soit p une fonction physique dérivable par morceaux.
On appellera dérivée physique de p que l’on notera pph', la fonction ainsi définie, lorsqu'elle existe :
.
Autrement dit, la dérivée physique d'une fonction physique p est une fonction qui, à tout réel x, associe la dérivée à droite de la fonction p en x.
Cette définition de la dérivée accroît considérablement le nombre des fonctions physiques qui sont dérivables puisqu'une fonction physique qui était classiquement dérivable admet une dérivée physique alors que l'inverse n’est pas vrai.
Malgré tout, il reste encore des fonctions physiques qui n'admettent pas de dérivée physique. Par exemple, la fonction :
n'est physiquement pas dérivable en 0 (voir Exercice 3-2).
Nous allons nous intéresser à la dérivée de la distribution régulière associée à une fonction dérivable par morceaux, dans un cas particulier.
Début d’un théorème
Théorème
Soit p une fonction physique dérivable par morceaux et physiquement dérivable. Supposons de plus que les valeurs en lesquelles p n'admet pas de nombre dérivé (au sens classique du terme) forment un ensemble fini {a1, a2, ..., an} et qu'en dehors de ces points, p' est continue.