En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, « Équation du troisième degré : Méthode de Cardan Équation du troisième degré/Méthode de Cardan », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.
Pour nous mettre en appétit et commencer à avoir une idée des mécanismes de cette méthode, nous commencerons par un simple exercice d’échauffement. Celui-ci permettra de nous donner un aperçu du principe de cette méthode. Par la suite, nous analyserons cet exercice pour voir comment en déduire une méthode permettant de résoudre toutes les équations du troisième degré.
L'idée fondamentale de la méthode de Cardan est de remplacer l’inconnue x par deux inconnues u et v en posant :
.
On obtient :
.
Pourquoi faire cela ? Nous avions une inconnue, maintenant nous en avons deux ! Nous allons voir que ce simple changement d’inconnue permet, contrairement aux apparences, de simplifier la résolution de l’équation de départ. Il nous suffira ensuite d’ajouter les valeurs trouvées pour u et v pour retrouver la valeur de x.
Vous vous rappelez l’identité remarquable (qu'on peut obtenir par la formule du binôme de Newton) :
.
C’est le moment de l’utiliser pour développer . L’équation devient alors :
qui devient, en factorisant 3uv dans le deuxième et troisième terme :
.
Cette équation contient maintenant cinq termes et deux de ces termes contiennent 3(u + v), que nous pouvons donc mettre en facteur ; on obtient :
.
Qu'avons-nous gagné à faire cela ?
Nous avons présentement une équation qui contient deux inconnues ! Il n’est en général pas possible (sauf cas très particulier) de trouver des valeurs uniques pour les deux inconnues.
L'idée, à ce niveau-là, est de rajouter une deuxième équation, choisie astucieusement, de façon que le système de deux équations à deux inconnues obtenu puisse se résoudre facilement.
Je ne vous fais pas languir plus longtemps, nous poserons :
(1).
Comme cela, nous voyons que l’équation :
devient :
(2).
Nous pouvons maintenant fabriquer notre système de deux équations à deux inconnues en réunissant les expressions (1) et (2).
Nous obtenons :
qui peut s'écrire :
En élevant les deux membres de la deuxième équation au cube, nous obtenons :
Nous avons tenu compte du fait que et que .
Pour vous taquiner un peu, nous allons encore changer d’inconnues en posant :
;
.
Notre système devient alors :
et c’est là qu’il va falloir vous remémorer votre cours sur les équations du second degré ! En effet, nous avons deux nombres U et V dont nous connaissons la somme et le produit.
Début d’un théorème
Rappel de théorème
Si deux nombres ont pour somme S et pour produit P, alors ils sont racines de l'équation :
.
Fin du théorème
Nous en déduisons :
;
et donc U et V sont racines de l’équation du second degré :
.
Je ne vais pas vous détailler la résolution de cette équation du second degré, les racines sont :
;
.
(Si vous n’avez pas trouvé ces deux valeurs, il ne vous reste plus qu’à étudier à nouveau votre cours sur les équations du second degré et revenir après pour étudier la méthode de Cardan.)
Nous avons dit qu’en fait c’était U et V qui étaient les deux racines de l’équation. Par exemple (puisque depuis le départ u et v jouent le même rôle, donc leurs cubes U et V aussi) :
;
.
N’oublions pas que nous avions posé et .
Nous avons donc :
;
.
De ces deux dernières expressions, nous pouvons en déduire (revoir éventuellement le cours sur les racines cubiques) :
;
.
Nous avons annoncé au départ que lorsqu'on aura trouvé les valeurs de u et v, il suffira de les ajouter pour trouver la valeur de x (car nous avions posé x = u + v). C’est maintenant chose faite ; on obtient donc :
et nous constatons que nous avons résolu l’équation donnée au départ.
Nous allons examiner l’exercice précédent pour voir si ce que l’on a fait peut être appliqué à toutes les équations du troisième degré. Nous verrons ensuite dans le paragraphe suivant comment remédier à tous les problèmes constatés.
Premier problème
L'équation choisie :
ne comporte pas de monôme du second degré.
En rajoutant un monôme du second degré, va-t-on pouvoir résoudre l’équation en posant x = u + v ?
Je vous donne la réponse : C’est non ! (si si, essayez, vous verrez !)
Deuxième problème
On a vu dans les chapitres précédents qu’une équation du troisième degré pouvait avoir trois racines et l’on voit mal comment la méthode entrevue précédemment peut aboutir à trois racines (à moins que vous ne me démontriez que les équations du troisième degré sans terme du second degré n’ont toujours qu’une seule racine).
Troisième problème
La solution :
parait bien compliquée pour une équation aussi simple :
.
Est-ce normal ?
Là, la réponse est oui ! En effet, la méthode de Cardan présente la particularité de s’ingénier à nous donner des solutions toujours compliquées même quand l’équation a des racines simples, voire carrément des racines entières. C’est à vous par la suite d’essayer de simplifier les solutions (on verra comment faire).
Dans ce paragraphe, nous allons essayer de généraliser la méthode entrevue dans l’exercice d’échauffement de façon à pouvoir résoudre toutes les équations du troisième degré. Pour cela, il nous faudra d’abord voir comment on peut se débarrasser du monôme de degré 2. Ensuite, nous ferons appel aux nombres complexes pour trouver les trois racines de l’équation. En ce qui concerne la simplification des racines, nous étudierons cela au chapitre suivant.
Pour commencer, un petit rappel important du cours sur les nombres complexes :
Rappel de propriété
Le nombre complexe
vérifie :
;
;
.
Alors que dans , tout réel non nul a une seule racine cubique, dans , 1 a trois racines cubiques : 1, j et j2 et plus généralement, tout nombre complexe a trois racines cubiques. L'une est et les deux autres s'en déduisent :
Rappel de propriété
Si r est une racine cubique d'un nombre complexe w, alors les trois racines cubiques de w sont :
nous avions posé x = u + v et nous avions obtenu :
Nous avions vu que u3 et v3 étaient alors racines de l’équation :
.
Par commodité, nous désignerons cette équation du second degré sous le nom de résolvante de Cardan.
La résolution de la résolvante de Cardan nous a montré que :
;
.
Si, à ce niveau, nous nous plaçons dans l’ensemble des nombres complexes, la suite sera différente. En effet, d'après le rappel ci-dessus, u a trois valeurs possibles qui sont :
et v a aussi trois valeurs possibles qui sont :
.
Nous devons ensuite en déduire x en ajoutant une valeur de u avec une valeur de v.
Comment savoir quelle valeur de u va avec quelle valeur de v ?
Nous devons choisir une valeur de u et une valeur de v vérifiant la relation posée plus haut :
.
Compte tenu du fait que j3 = 1, nous accouplerons u et v de la façon suivante :
Comme x = u + v, nous en déduisons bien trois racines pour notre équation, qui sont :
;
;
.
Établissement de formules générales (formules de Cardan)
Nous allons dans ce paragraphe établir des formules générales.
Soit à résoudre l’équation :
.
En faisant le changement de variable :
,
nous obtenons une équation de la forme :
,
dont nous avons calculé le discriminant au chapitre 2 :
Rappel de propriété
Le discriminant du polynôme
est
.
En posant , on obtient :
qui donne, en développant :
,
ce qui se factorise sous la forme :
.
Pour simplifier, imposons :
.
On obtient alors :
qui se met sous la forme :
u3 et v3 sont donc racines de l’équation :
dont le discriminant est :
.
Notons l'une des deux racines carrées (complexes a priori) de :
.
La résolvante de Cardan a alors pour racines :
On choisit pour u0 l'une des trois racines cubiques (complexes a priori) de et pour v0 l'une des trois racines cubiques de , mais de façon cohérente avec la relation :
.
On en déduit :
Nous en déduisons trois valeurs possibles pour z :
;
;
.
Il s'ensuit que les trois racines de l'équation à résoudre sont :
;
;
.
Remarquons que si le discriminant est nul alors , et donc le « choix cohérent » le plus simple pour (u0, v0) est , ce qui donne bien une racine multiple (triple si q = 0). Compte tenu de la relation , les formules précédentent deviennent alors :
Si les coefficients sont réels, le discriminant l'est aussi. Le cas ayant déjà été traité, nous allons préciser les résultats du chapitre 2 dans les deux autres cas :
Rappel de propriété
L'équation à coefficients réels
,
de discriminant
,
possède trois racines distinctes si Δ ≠ 0 :
si Δ < 0, une racine réelle et deux racines complexes conjuguées ;
si Δ > 0, trois racines réelles.
Premier cas : si Δ < 0, c'est-à-dire
En choisissant puis donc (ce qui donne bien ), les formules générales précédentes deviennent :
;
;
.
La première solution est réelle et les deux autres sont bien des nombres complexes conjugués.
Deuxième cas : si Δ > 0, c'est-à-dire
En choisissant puis l'une des trois racines cubiques de et (ce qui donne bien ), les formules générales précédentes deviennent :
;
;
avec .
Les trois solutions sont bien des nombres réels, et peuvent s'écrire : , où sont les trois angles tels que . Les cosinus de ces trois angles se déduisent de . Nous redémontrerons deux fois ce résultat, aux chapitres suivants.