Analyse des Logiques Subjectives/Le Parler "changement-destruction"
AVIS IMPORTANT :
EN RAISON DE LA PRÉPARATION PAR L'ENSEIGNANT D'UNE IMPORTANTE INTERVENTION À UN SÉMINAIRE DU C.N.R.S., LA RÉDACTION ET LA PUBLICATION DE CE CHAPITRE ET DES SUIVANTS ONT ÉTÉ, LA SEMAINE PASSÉE, PEU ALIMENTÉES ET PARCELLAIRES. MERCI DE VOTRE COMPRÉHENSION ET DE VOTRE PATIENCE. NOUS REPRENONS PROGRESSIVEMENT LE RYTHME NORMAL CETTE SEMAINE.
.
Il peut être utile de relire les trois rappels du chapitre précédent
modifier- Définition de la notion de Parler (au sens de l'A.L.S.)
- Les quatre principaux Parlers
- Comment se fait le "diagnostic" des Parlers ?
Le Parler "changement/destruction"
modifierSituons ce Parler par contraste avec les trois autres principaux Parlers (rappelons que l'A.L.S. en recense dix en tout).
Les Parlers, ces "sous-langues subjectives" qui s'entendent dans le discours quotidien comme autant de "dialectes" chez des locuteurs parlant pourtant la même langue (ici le français), recombinent dans le temps (de l’adolescence à la fin de la vie) les Points-de-vue 'I' (Introverti) et 'E' (Extraverti), ce qui aboutit à :
- Un Parler "conservateur" (I → I), correspondant à la personnalité obsessionnelle : "Introverti incorruptible", nostalgique du Paradis perdu, qui commence “I” et finit “I”.
- Un Parler "changement/destruction" (E → E), correspondant à la personnalité hystérique : "Extraverti incorrigible", tenté par l'Enfer, qui commence “E” et finit “E”.
- Un Parler "du progrès" ou "constructeur" (E → I), sans équivalent séméiologique (à moins de parler de "névrose d'ambition"[1]) : "Extraverti repenti", transitant par le Purgatoire, qui commence “E” et finit “I”.
- Un Parler "hésitant" (I ou E, abréviation de I → E → I → E ...), en gros la personnalité phobique : "éternel indécis", oscillant toute sa vie entre “E” et “I”.
Première remarque : le nom de ce Parler
modifier- C'est un nom double, car ce Parler a deux faces, deux versants qui en général ne coexistent pas, mais qui peuvent dans certains cas se chevaucher partiellement, ou donner lieu en cours de biographie à un passage du premier versant au second.
- Le wikicode n'accepte pas le "/" dans le titre de la page (d'où son remplacement par un tiret trompeur, car il ne s'agit pas un mot composé !). Le "/" est requis pour marquer l'alternative : c'est en général soit de changement, soit de destruction qu'il s'agit dans ce Parler
Les deux faces de ce Parler
modifierRappel sur "Parole et comportement" : non seulement ce dialecte qu'est chaque Parler affiche les choix lexicaux de ses locuteurs lorsqu'ils s'expriment, mais il sous-tend leurs actions et comportements, ce que nous avons exprimé par la phrase "chacun joue sa biographie (considérée dans sa texture verbale) comme un acteur interprète le texte de la pièce qu'il joue". L'acteur sur scène ne fait pas que dire ses répliques comme on réciterait une poésie, il AGIT, et l'ensemble de ses actes - son comportement - est la traduction en mimiques, gestuelle et actions du texte de son rôle, qui en donne la clé. Chaque parler résulte ainsi en une mise en actes des significations qu'il véhicule.
- La version "bénigne" ou "soft" ("changement") de ce parler peut être socialement acceptée voire encouragée pour sa créativité :
- créativité verbale : littérature, poésie, rhétorique dans les professions juridiques, la publicité, voire la propagande non-destructrice (commerciale par exemple : métiers de la publicité)...
- créativité dans les arts graphiques, plastiques, la danse, le théâtre, le cinéma, la vidéo...
- inventivité dans l'exploration géographique du monde et dans certains domaines de la recherche scientifiques : "découvrir" est un verbe-clef du Point-de-vue Extraverti.
- mais tout changement n'est pas créatif, il peut consister en une instabilité qui "papillonne" sans donner de résultat : c'est la différence entre "action" féconde et "agitation" stérile.
- La version "maligne" ou "hard" ("destruction") se rencontre chez des sujets attirés par la transgression sous toutes ses formes : fraudes, combines, escroqueries, vol, viol, incendie, voies de fait (violences physiques), meurtre. De tels sujets sont parfois portés à l'extrême violence : "ennemis publics", "tueurs en série", "criminels de guerre", etc.
[ À RÉDIGER POUR RENDRE CES ÉLÉMENTS PLUS CLAIRS ]
Caractérisation linguistique de la différence entre ces deux faces
modifierPour des raisons que nous exposerons avec les hypothèses de base de l'A.L.S. sur la genèse des choix lexicaux, la différence entre les deux faces tient à ce que
- 1- Dans la première ("changement"), le vocabulaire de la Série A (Atomes et Molécules, valorisés) et les verbes de la liste"Élimination" (également valorisés), n'est pas traité de façon globale, il se dissocie en deux sous-ensembles.
- RAPPEL : les verbes se rapportant à l'idée d'élimination comprennent :
- soit des verbes d'état indiquant qu'un objet est abandonné à sa dégradation naturelle, auquel cas il perd sa forme, qui devient imprécise, mal définie et mal délimitée,
- soit des verbes d'action concernant les multiples manières de se débarrasser d'un objet par des procédés soit destructifs, soit non-destructifs.
- Dans la version "changement", le sous-ensemble [verbes d'état + verbes d'action non-destructifs de l'objet] est mis en jeu • aussi bien verbalement dans les préférences lexicales (à travers des métaphores) • que dans la mise en actes de ces verbes (actions et comportements). Autrement dit les locuteurs vont à la fois • aimer et employer les mots "abandonner", "oublier", "sortir", "bouger", "perdre", "éloigner", "donner", "jeter", "échanger", etc. • et réaliser en actions concrètes le contenu sémantique de ces verbes (aux trois voix : active, passive, réfléchie). Il en va de même pour les Atomes et Molécules associés à ces états ou à ces actions non-destructives.
- ... tandis que le sous-ensemble restant [verbes d'action destructifs de l'objet] n'est mis en jeu que verbalement, à travers des MÉTAPHORES qui restent métaphoriques, mais ne donne pas lieu à la mise en actes concrète de ces verbes. Autrement dit les locuteurs vont seulement aimer et employer positivement les mots "fendre", "déchirer", "éclater", "casser", "arracher", "consumer", "mettre le feu", etc. mais sans réaliser en actions concrètes le contenu sémantique de ces verbes. On pourra dire "se fendre (de)", "être complètement déchiré", "s'éclater", "se casser", "s'arracher", "se jeter à l'eau", "se consumer (de désir)", on pourra chanter avec Johnny "allumer le feu"[2] ou dire "ce concert est une tuerie" sans devenir incendiaire ou assassin... Il en va de même pour les Atomes et Molécules associés à ces actions destructives, qui restent métaphoriques.
- RAPPEL : les verbes se rapportant à l'idée d'élimination comprennent :
- 2- Dans la seconde face (« destruction »), ces mêmes mots "A+" à l'origine métaphoriques, ce "réservoir lexical" (les linguistes disent "ce paradigme") de tous les verbes de la liste Élimination (donc sans la bipartition mentionnée plus haut), sont agis, passés à l'acte (ex : voler, faire un "casse", vandaliser, détruire, saccager, mettre réellement le feu, (se) faire sauter avec de vrais explosifs, torturer, violer, assassiner, etc.) ... Il en va de même pour les Atomes et Molécules associés à ces actions destructives. Ainsi les métaphores cessent d'être traitées en métaphores, elles deviennent des plans d'actions dans le réel vécu.
En fin de compte on constate qu'au lieu de parler, comme dans le titre ce paragraphe, de "caractérisation linguistique" - à propos de la différence entre les deux faces du Parler "changement/destruction", il serait plus approprié de parler de "caractérisation RHÉTORIQUE" : les Atomes et Molécules recensées (Série A), et leur Valeur (positive, donc Point-de-vue Extraverti), ne présentent aucune différence LINGUISTIQUE, le lexique est le même ; c'est en fait le contexte (verbal dans les professions de foi, comportemental dans la mise en acte ou non des métaphores) qui permet de nommer la différence entre les deux versants.
Chevauchement des deux versants, ou passage du premier au second
modifier- En général les deux faces du Parler "changement/destruction" ne coexistent pas, c'est soit l'une, soit l'autre tout au long de la biographie d'un sujet donné. C'est soit un créatif (qui, fût-il au départ un poète maudit ou un génie méconnu en peinture ou inventions diverses, finit par être reconnu par la société), soit un destructeur qui enfreint les lois (de la fraude et du vol jusqu'au viol et au meurtre), un anti-social encourant des sanctions pénales (sauf dans le cas particulier traité dans le paragraphe suivant).
- Chevauchement partiel : on rencontre plusieurs biographies d'écrivains (ou créateurs dans d'autres domaines artistiques) qui sont en même temps des délinquants, des tortionnaires, des meurtriers :
- Jean Genêt[3] : « Il commet son premier vol à l'âge de dix ans. [...] À partir de septembre 1937, revenu à Paris, vivant de petits larcins (dont le vol de livres), Genet passe presque quatre ans dans des prisons pour adultes, pour l'essentiel à la Santé et à la maison d'arrêt de Fresnes. Il y écrit ses premiers poèmes et quelques ébauches de roman, sans cesse reprises, refondues, rejetées. [...] Ses premiers romans, écrits en prison, paraissent aux éditions de L'Arbalète. [...] Ces premiers romans, jugés pornographiques, sont censurés et se distribuent sous le manteau. »
- Édouard Limonov[4]: « Le diable est mort. Édouard Limonov a donc rendu les armes à 77 ans. "J'ai pris le parti du mal", fanfaronnait-il dans son Journal d'un raté. Vraiment ? Sa vie fut en tout cas suivie par une longue et sinueuse traînée de soufre : poète-voyou en Ukraine, dandy-dissident à Moscou, clochard puis majordome à New York, re-dandy à Paris, écrivain talentueux et scandaleux, un brin célinien [...], chien de guerre, politicien égaré dans les pires impasses, prisonnier, toujours plus ou moins fourré dans les sous-sols, les bas-fonds, homme à femmes et parfois à hommes, amateur de livres et de rixes. [...] Dès sa jeunesse à Saltov, banlieue de Kharkov, en Ukraine, il joue au prisonnier. À peine 15 ans et il s'essaie au cambriolage, se paie des cuites avec des bouteilles de vodka volées, sort volontiers son couteau, y compris contre des policiers venus l'embastiller. [...] Édouard acquiert très tôt le goût du sang. [...] Sa mère aurait toujours refusé de le réconforter quand il rentrait amoché : il faut apprendre à se défendre. Une histoire trop fréquente en Russie pour ne pas être vraie. Édouard est désormais prêt à tuer. [...] Il traîne ses bottes un peu partout à l'Est, en Russie et ailleurs, au gré de ses engagements. Certains sont indéfendables, comme cette virée en Bosnie aux côtés de Radovan Karadzic et Ratko Mladic, qui finiront tous deux à La Haye pour crimes contre l'humanité ». WIKIPÉDIA[5] : «Pour des raisons inconnues, Limonov décide de repartir [d'URSS]. Il est en Serbie pendant les guerres de Yougoslavie. Les images de Limonov discutant avec Radovan Karadžić alors que les troupes serbes mitraillent Sarajevo choquent fortement les Occidentaux. À partir de cette période, Limonov, sulfureux, n'est plus réédité en France et peu à peu oublié ».
- Le mot composé forgé par' l'article de Le Point, "poète-voyou", est tout à fait approprié pour décrire ce chevauchement "changement-destruction", ou le "/" habituel est remplacé par un "-"/
- Passage du premier versant au second en cours de biographie : l'exemple le plus frappant et le plus connu est celui du poète Arthur Rimbaud[6] :
- Poète précoce : « Premières compositions (1865 à 1869). En 1865, à la rentrée de Pâques, Arthur Rimbaud quitte l'institution Rossat où il a passé le début de sa sixième, et entre au collège municipal de Charleville, où il confirme ses aptitudes exceptionnelles, collectionnant les prix d'excellence en littérature, version et thème latins. Il rédige en latin avec aisance, des poèmes, des élégies, des dialogues. Mais il bout intérieurement, comme cela transparaît dans « Les Poètes de sept ans ». [...] Le 24 mai 1870, Arthur Rimbaud, alors âgé de quinze ans et demi, écrit au chef de file du Parnasse, Théodore de Banville. Dans cette lettre, il transmet ses volontés de « devenir Parnassien ou rien » et de se faire publier. Pour cela, il joint trois poèmes : « Ophélie », « Sensation » et « Credo in unam ». Banville lui répond, mais les poèmes en question ne paraîtront pas dans la revue. [...] Relations avec Verlaine (août 1871 à juillet 1873) : [...] Il est difficile de situer précisément le début de la relation épistolaire avec Paul Verlaine. Verlaine prétend avoir reçu très peu de courriers de Rimbaud et ne parle que de l'envoi de deux poèmes (« Les Premières communions » et « Les Effarés »). Finalement, rentré à Paris de son exil après la Commune, il invite Rimbaud : « Venez chère grande âme, on vous appelle, on vous attend ! » Rimbaud arrive dans la capitale fin septembre 1871. [...] Rimbaud a tout juste 17 ans. Au dîner des Vilains Bonshommes il lit ses œuvres récentes : « Les Premières communions » et surtout « Le Bateau ivre », lequel déroute son auditoire par ses audaces formelles. Début novembre, Rimbaud participe au Cercle des poètes zutiques qui vient d'ouvrir à l'hôtel des Étrangers. Il collabore, seul ou avec Verlaine, à l'Album zutique, produisant des pastiches d'auteurs en vogue, [...] . En février ou en mars 1872, Rimbaud est peint par Henri Fantin-Latour, aux côtés de Verlaine, dans le tableau Un coin de table ». [...]
- Abandon de la poésie (1875) : Mi-août 1875, Rimbaud fait son retour à Charleville, où entre-temps sa famille a déménagé au 31, rue Saint-Barthélemy. À l'instar de son ami Delahaye, Rimbaud envisage de passer son baccalauréat ès sciences avec l'objectif de faire Polytechnique, ce qu'il ne peut réaliser, car, âgé de 21 ans en cet automne 1875, il a dépassé l'âge limite de 20 ans pour y accéder. [...] À ce moment, Verlaine, qui reçoit des nouvelles de Rimbaud par une correspondance assidue avec Delahaye, est en demande d'anciens vers d'Arthur. Delahaye lui répond : "Des vers de lui ? Il y a beau temps que sa verve est à plat. Je crois même qu'il ne se souvient plus du tout d'en avoir fait". [...]
- « Trafic » d'armes au Choa (1885 à 1887) [... après dix ans de pérégrinations diverses...]. En septembre 1885, Arthur Rimbaud se voit proposer un marché par le Français Pierre Labatut, un trafiquant établi au Choa, royaume abyssin de Ménélik, négus du Shewa (Choa) jusqu'en 1889 et futur Roi des Rois (Negusä nägäst ou Negusse Negest) d'Éthiopie. Voyant là l'opportunité de faire une bonne affaire, et de changer le cours de sa vie tout en ayant un rôle géopolitique à jouer, Rimbaud n'hésite pas à s'associer avec Labatut pour acheter en Europe des armes (passablement obsolètes) et des munitions. Ainsi, ils comptent réaliser de substantiels bénéfices en satisfaisant une commande du négus du Shewa, qu'ils auront de cette façon contribué à établir comme unificateur de la région, et comme opposant aux harcèlements de l'armée italienne. ».
- Rappelons qu'à ses débuts, Arthur Rimbaud était antimilitariste. Son très célèbre poème Le dormeur du val (1970) se termine avec l'évocation de la mort affreuse et révoltante d'un jeune soldat... précisément par arme à feu... :
- « Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit ».
... (complétée et développée par l'A.L.S.)
[ À RÉDIGER ]
Réfutation de quelques pseudo-arguments "explicatifs" avancés à propos de ce Parler
modifier[ À RÉDIGER ]
L'éclairage très inspirant de Luce Irigaray
modifierRappel du chapitre précédent :
Cette auteure, à laquelle nous avons recouru dans le chapitre précédent, et dont nous analyserons plus bas un court extrait du texte "Quand nos lèvres se parlent", a écrit une dizaine d'années plus tôt dans les Cahiers pour l'Analyse un article (bien injustement peu connu et peu cité) intitulé "Communications linguistique et spéculaire"[8].
Elle cherche, comme le propose la définition de l'A.L.S., à « faire correspondre des modes caractéristiques d'expression verbale avec des structures psychologiques (des profils de personnalité si l'on veut) ». Ces structures psychologiques, elle les envisage non pas simplement dans leurs traits de caractères (et éventuels symptômes névrotiques), mais en faisant des hypothèses sur leur genèse dans l'enfance.
Elle a été, comme on le verra plus loin, une des sources latérales d'inspiration de l'A.L.S. quant aux hypothèses sur l'origine des préférences lexicales des locuteurs, moyennant quelques correctifs portant sur notre conception un peu différente de l'inspiration psychanalytique. Dans l'extrait qui suit, c'est nous qui soulignons tout ce qui fait écho à l'A.L.S..
1- En ce qui concerne l'apparition de l'identification "hystérique", qui grosso modo coïncide avec le Parler "changement/destruction" de l'A.L.S. :
« L'hystérique d'amour n'a pas assez eu. Du moins est-ce son fantasme le plus irréductible. Du désir de sa mère, il s'éprouve comme signifiant marqué du signe de l'incomplétude, voire du rejet. Dérisoire de ne pouvoir soutenir la comparaison avec le signifiant phallique lui-même. L'impuissance, ou l'intolérance abusive, du père législateur laissent la mère à sa démesure, son refus ou son incapacité à symboliser de quelque façon son désir, à l'arrêter à quelque objet, trop peu assurée peut-être du reste qui va choir, lui permettant d'en changer.
[...] Son identité à soi sera donc précaire, et d'ailleurs redoutée. Il ne l'accepte qu'en tant que fragment, facette d'une unité toujours à_venir, contestée dès qu'on prétend l'y surprendre en sa totalité. Le sujet pâtit de ce refus, ce morcellement, du signifiant qui aurait à le constituer. Il est toujours à_naître, en train de naître, arrêté au temps métaphorique de sa structuration, qu'il recommence encore et encore, s'épuisant à être cet objet idéal enfin assumable parce que conforme à celui qu'il pressent au lieu du désir de l'autre. Entreprise sisyphéenne, car l'autre n'est jamais cet autre premier qui l'a marqué du signe "-" et chez qui, fantasme et/ou réalité, on devine quelque irréductible insatisfaction.
La confrontation au miroir a, pour l'hystérique, valeur d'épreuve, celle de son insignifiance. L'image qui, là, se dévoile à lui comme lieu de son unité, il la récuse comme impropre à retenir le regard de l'autre. Sans cesse ébauchée, mais pour être niée, elle inaugure un défilé intarissable d'esquisses, qui parfois se télescopent, mais dont la finition est suspendue à l'obtention d'un morcellement vaincu, d'un rassemblement spatial d'identifications multiples, hétérogènes, unité désirable d'être ajournée et d'ailleurs impossible. Car ces spécularisations, qui se veulent partielles, sont encore labiles, vécues dans l'instant, hors de toute contiguïté temporelle qui en autorise un jour la sommation. [...] Que l'image se hasarde à être sujet d'énoncé, ce ne pourra être qu'à la condition d'en laisser la responsabilité à l'autre, signifiée par le point d'interrogation qui, à ponctuer la grimace, le sourire, ou le masque, en révèle la précaire assomption. Jamais réductible à l'ensemble vide, sans risque d'évanescence pour le sujet lui-même, l'autre reste donc le garant immédiat de toute parole comme de tout désir. »
En attendant de les commenter, notons les Atomes/Molécules de la Série A et les verbes de la liste "Élimination" figurant dans cette "genèse" du sujet hystérique, et en accord avec ce que valorise Hélène Cixous et plus généralement tout locuteur du Parler "changement/destruction" :
- mal aimé ("d'amour n'a pas assez eu.")
- incomplétude
- rejet.
- dérisoire
- ne pouvoir soutenir la comparaison
- démesure
- refus
- incapacité à symboliser
- incapacité à arrêter son désir à quelque objet,
- trop peu assurée
- identité à soi précaire
- redoutée.
- fragment
- facette
- à_venir,
- contestée dès qu'on prétend l'y surprendre en sa pas de totalité
- refus
- morcellement
- à_naître
- en train de naître
- (re)commencer
- s'épuisant
- pas objet idéal
- pas assumable
- non conforme
- irréductible
- insatisfaction
- insignifiance
- récuser
- impropre
- ne pas retenir
- ébaucher
- nier
- inaugurer
- défilé
- intarissable
- esquisses
- télescoper
- non finition
- morcellement
- non rassemblement
- multiple
- hétérogène
- ajourné
- impossible
- partiel
- labile
- dans l'instant
- hors contiguïté
- hors sommation
- non responsabilité
- point d'interrogation
- grimace
- sourire
- masque (Molécule mixte)
- précaire
- non réductible
- évanescence
- immédiat
2- Voyons à présent comment Luce Irigaray aborde la corrélation de cette identification "névrotique" hystérique avec son "mode de parole" spécifique (qui est pour l'A.L.S. le Parler "changement/destruction") :
« Parlera-t-on de distorsions du langage chez le névrosé ? Non, sans doute. Et pourtant.
L'hystérique ne tarit pas de paroles. Parole pleine, oui, mais qu'il conteste aussitôt. Là n'est pas vraiment ce qu'il voulait dire. Qu'on n'aille surtout pas le prendre au mot. C'est sa hantise. Et de reprendre le défilé des signifiants, en retenant un pour le rejeter aussitôt et en élire un autre, qu'il renie sitôt émis. C'est sans fin. Car pas plus que son image ne lui est tolérable, il n'accepte de se déterminer en son discours. Le défilé des signifiants comme celui des images, son discours en zigzag, les masques dont il change à_tout_propos, disent assez son désir d'un discours total qui engloberait tous les signifiants comme son image serait à facettes innombrables, voire contradictoires. Et après ? Il s'égare dans ses énoncés, ne se reconnaît plus en ses masques. S'angoisse."Qui suis-je ?" "Qu'est-ce donc que cela veut dire ? "s'inquiète-t-il, vous interroge-t-il. Perdu, il se tourne vers vous. Car, de son discours, enfin il pressent le sujet. C'est vous. »
Même démarche : en attendant de les commenter, notons les Atomes/Molécules de la Série A et les verbes de la liste "Élimination" figurant dans ce "mode de parole" de l'hystérique, coïncidant grosso modo avec le Parler "changement/destruction" :
- bavard, loquace, volubile, intarissable ("l'hystérique ne tarit pas de paroles")
- contester
- ce n'est pas vraiment là [c'est toujours ailleurs !]
- ne pas le prendre au mot
- défilé
- retenir pour rejeter aussitôt
- élire un autre, aussitôt renié
- sans fin
- intolérable
- ne pas se déterminer
- zigzag
- masques
- changer
- à_tout_propos
- facettes
- innombrable
- contradictoire
- s'égarer
- ne pas se reconnaître
- "Qui suis-je ?"
- "Qu'est-ce donc que cela veut dire ?
- interroger
- perdu
3- Et revoici, comme au chapitre précédent, la conclusion de l'article de Luce Irigaray :
« Ainsi, les distorsions du langage peuvent-elles être rapprochées de celles de l'expérience spéculaire. [...] Métaphores juxtaposées ou métonymies figées. Ce n'est pas dire que l'expérience spéculaire se confonde avec l'expérience de la communication parlée. Elle la figure. L'une suppose l'autre. [...] »
- les distorsions du langage : ces variantes au sein du français standard que sont les "dialectes subjectifs", les Parlers
- les distorsions de l'expérience spéculaire : les orientations que prend la structuration de la personnalité dans l'enfance
- métaphores juxtaposées ou métonymies figées : le relevé des métaphores et des métonymies est au cœur de l'A.L.S.
- l'expérience spéculaire ne se confond pas avec l'expérience de la communication parlée : les constats empiriques faits par l'A.L.S. sur les échantillons de discours quotidiens n'impliquent pas l'acceptation inconditionnelle des hypothèses (pourtant sérieuses et prédictives ) que fait l'A.L.S. sur la genèse des préférences lexicales des locuteurs.
- l'une suppose l'autre : les "dialectes subjectifs", les Parlers, supposent les orientations de la structuration de la personnalité.
Détail des deux sous-ensembles de verbes de la liste "Élimination"
modifier[ À RÉDIGER ]
Les verbes opposés recensés par l'A.L.S. se répartissent en deux listes superposables aux Séries 'A' et 'B', que l'on va nommer cette fois Liste "Élimination" et Liste "Conservation".
Il existe un parallélisme entre les occurrences d'Atomes et Molécules de la série 'A' et les occurrences de verbes se rapportant à l'idée d'élimination :
- soit des verbes d'état indiquant qu'un objet est abandonné à sa dégradation naturelle, auquel cas il perd sa forme, qui devient imprécise, mal définie et mal délimitée,
- soit des verbes d'action concernant les multiples manières de se débarrasser d'un objet par des procédés soit destructifs soit non-destructifs.
Ces verbes peuvent être présentés sous forme graphique par une arborescence[9] que nous construirons progressivement
...
Rappel de l'exemple pris chez Hélène Cixous au chapitre n°11
modifier[ À RÉDIGER ]
(relire au préalable le texte dans le chapitre correspondant)
Dans leur grande majorité les mots retenus pour l'analyse sont
- de type "A+" (ex : infinie, mobile, complexité, fulgurantes, aventure, voyages, traversées, cheminements, brusques, éveils, surgissante)
- et de type "B-" (ex : logique, exige, économie, sec, maigre, raide, valeur, maintient).
Donc le Point-de-vue dominant est Extraverti (E), et le contexte de la biographie de l'auteure indique qu'il l'est resté au fil des décennies. Ce Parler 'E → E' ou "changement/destruction" apparaît ici sous la première de ses faces :
- la version "soft", "bénigne", "créative" (ici artistico-littéraire), socialement compatible et souvent à terme reconnue : la face "changement",
- ... alors que l'autre face, la version "hard", "maligne", débouche sur des comportements antisociaux, délictueux voire criminels : la face (auto-)"destruction".
Dans ce contexte "Extraverti" apparaissent des verbes, soit à l'infinitif, soit au participe passé, soit contenus dans des substantifs dérivés formés sur leur racine. Homogénéisons leur présentation en les mettant tous à l'infinitif.
- Verbes rattachables à la série B, ici dévalorisés, en rapport avec la Conservation active ou passive, le maintien a l'identique ou le retour au même :
- tenir, maintenir, revenir. se etourner examiner regarder, se préoocuper, s''assurer rassembler , se rempocher se regarder, ramener, retourner, enterrer, confiner, interdire, censurer
- Verbes rattachables à la série A. Ici valorisés, en rapport avec l'exposition à la dégradation, avec la prise de risque, ou avec le changement ou la destruction, regroupés sous l'intitulé Élimination :
- inquiéter, questionner. casser, laisser, essayer, se lancer, s'épancher, s'exclamer, crier, hurler, tousser, vomir, . partir, perdre, s'éloigner, courir, se casse le cou, s' élancer, exploser, déchiqueter, pulvériser, détacher, fracasser. tirer, se_tirer. casser, enflammer (ignitions) fulgurer, voyager, traverser, cheminer, éveiller, découvrir, surgir, laisser, fracasser, articuler, foisonner, parcourir, retentir
Dans cet exemple comme dans le précédent, on constate l'opposition bien tranchée entre les deux Séries A et B et les deux listes de verbes opposés, ici avec des mises en contraste comme la phrase "Au contraire du narcissisme masculin...", suivie d'une grappe de verbes dont les contraires seront mis, dans les paragraphes suivants, au compte de la position féminine...
Penchons-nous à présent sur une nouvelle caractéristique de ces deux listes de verbes : le fait qu'ils se rencontrent dans les textes aux trois "voix" : active, passive et réfléchie.
[ EN COURS DE RÉDACTION ]
Un exercice en rapport avec les deux faces du Parler "changement/destruction"
modifierIl porte sur un des exemples cités à propos de la différence entre ces deux faces : la chanson "Allumer le feu", chantée par Johnny Hallyday (les paroles sont de trois auteurs différents)[2].
Le texte de la chanson, déjà annoté selon les conventions de l'A.L.S.
modifierTourner le temps à l'orage / Revenir à l'état sauvage / Forcer les portes, les barrages / Sortir le loup de sa cage
Sentir le vent qui se déchaîne / Battre le sang dans nos veines / Monter le son des guitares / Et le bruit des motos qui démarrent
Il suffira d'une étincelle / D'un rien, d'un geste / Il suffira d'une étincelle / Et d'un mot d'amour / Pour
Allumer le feu / Allumer le feu / Et faire danser les diables et les dieux
Allumer le feu / Allumer le feu / Et voir grandir la flamme dans vos yeux / Allumer le feu
Laisser derrière toutes nos peines / Nos haches_de_guerre, nos problèmes
Se libérer de nos chaînes / Lâcher le lion dans l'arène
Je veux la foudre et l'éclair / l'odeur de poudre, le tonnerre
Je veux la fête et les rires / Je veux la foule en délire
Il suffira d'une étincelle / D'un rien, d'un contact / Il suffira d'une étincelle / D'un_peu de jour / Pour
Allumer le feu / Allumer le feu / Et faire danser les diables et les dieux
Allumer le feu / Allumer le feu / Et voir grandir la flamme dans vos yeux / Allumer le feu
Il suffira d'une étincelle / D'un rien, d'un geste / Il suffira d'une étincelle / Et d'un mot d'amour
Oh, allumer le feu / Allumer le feu / Et faire danser les diables et les dieux
Allumer le feu (allumer le feu) / Allumer le feu (allumer le feu)
Le commentaire détaillé des diagnostics de Série et de Valeur
modifierNous le fournissons à présent, en particulier pour les Molécules "mixtes" (en gras+italique)
- Tourner : ce verbe est mis ici pour "faire tourner [le temps à l'orage]. « Il faut distinguer forme factitive [ici faire tourner] et sens factitif [ici tourner]. Ainsi, un verbe comme construire peut être employé dans un sens factitif »[10]. Tourner est une molécule mixte, dont l'attribution de Série est dépendante du contexte : Série B dans "tourner en rond", "tourner en cage", "tourner sept fois sa langue dans sa bouche", mais série A dans le sens de "changer" ou d'évier, comme ici "le temps tourne", "tourner les talons", "tourner casaque", "tourner la difficulté",...
- veines : molécule mixte, dépendante du contexte : Série B en tant que contenant ou conduit fermé dans "s'ouvrir les veines", "être dans la veine de", mais série A dans le sens de "irriguer, circuler, liquide vital". D'ailleurs dans la chanson les veines (où le sang revient au cœur passivement sont confondues avec les artères, où le sang bat effectivement !
haches_de_guerre: normalement molécule 'B', puisque c'est une arme meurtrière. Ici connotation B en tant que "ennemi" (B) s'oppose à "ami" (A) ? Le doute est permis...- un rien : molécule mixte, dépendante du contexte : Série B en tant que "tout petit", "insignifiant", mais série A dans le contexte en tant que "aléatoire", "fortuit", "accidentel", .... et "sans valeur ou presque", ce que le locuteur "E" pense être, à l'opposé du locuteur "I" qui "ne se prend pas pour une merde"...
- arène : molécule mixte, Série B en tant que "fermée", "circulaire", mais Série A car "théâtre de combats sanglants et cruels".
- dieux : molécule mixte, Série B en tant qu'associée à "religion", "culte", "éternité", "immortalité" (en général...) et opposée justement à "diable" (Série A), mais ici Série A car au pluriel, donc dans un contexte de polythéisme et de paganisme bien différent des trois "religions du Livre" monothéistes...
- un_peu : molécule mixte s'analysant comme "un rien".
- amour , au départ molécule mixte (puisqu'il peut être sérieux, fidèle et protecteur (Série B) ou passager, "feu de paille" et passionné, "à corps perdu", "à la folie") donc Série A, est dans le contexte Série A avec la seconde acception.
Rappel sur certains groupes de mots observés dans la chanson
modifierSe reporter, à la toute première page de présentation, à cette annexe en bas de page intitulée :
Annexe 2 : | EXPRESSIONS FIGÉES COMMENTÉES |
---|
On peut, dans bon nombre de cas, dégager des "règles de calcul" simples
modifierIl y est mentionné : "On peut, dans bon nombre de cas, dégager des "règles de calcul" simples... pour déterminer la série d'une expression de la forme Verbe + Complément d'objet direct, à partir de ses éléments" :
- Verbe A + Nom(s) B → expression A : c'est ici le cas pour
- Forcer les
portes, lesbarrages - Sortir le loup de sa
cage - Laisser
derrièretoutes nospeines,nos problèmes - Se libérer de nos
chaînes - ... expressions valorisées par le Point-de-vue Extraverti et dévalorisées par l'Introverti
- Forcer les
- Verbe B + Nom A → expression B : ce cas n'est pas représenté dans la chanson,
- Revenir à l'état sauvage : est un pi§ge (à détailler)
- Verbe A + Nom A → expression A :
- Allumer le feu
- Sentir le vent qui se déchaîne
- Battre le sang dans nos veines /
- Monter le son des guitares /
- Et le bruit des motos qui démarrent
- Faire danser les diables et les dieux
- Voir grandir la flamme dans vos yeux
- ... expressions valorisées par le Point-de-vue Extraverti et dévalorisées par l'Introverti
- Verbe B + Nom B → expression B : ce cas n'est pas représenté dans la chanson,
(On remarquera que c'est la série du verbe qui détermine la série de l'expression)
Le diagnostic de Point-de-vue global du texte est sans problème : Point-de-vue Extraverti. Mais si l'on admet qu'il constitue une constante dans le mode de vie du chanteur et de ses fans, donc un dialecte assumé tout au long de la biographie, est-on sur le versant "changement" ou sur le versant "destruction" ?
Caractérisation de la différence
modifierDans le sous-paragraphe portant ce titre (voir supra) il est précisé : "les Atomes et Molécules recensées (Série A), et leur Valeur (positive, donc Point-de-vue Extraverti), ne présentent aucune différence LINGUISTIQUE, le lexique est le même ; c'est en fait le contexte (verbal dans les professions de foi, comportemental dans la mise en acte ou non des métaphores) qui permet de nommer la différence entre les deux versants". La caractérisation est en fait RHÉTORIQUE.
Eh bien l'exercice proposé consiste à chercher dans le texte de la chanson tous les éléments de contexte qui permettent de diagnostiquer si l'on est sur le versant "changement" ou sur le versant "destruction". Bonne recherche...
N.B.: La recherche ne porte que sur le contexte VERBAL de cette chanson, parce que la méthode n'a de valeur que si l'on précise les limites du corpus que l'on analyse... Mais [clin d'œil] chacun sait que pour ce qui est du contexte COMPORTEMENTAL, l' "idole des jeunes" n'a jamais été condamnée pour pyromanie...
[ SUITE À RÉDIGER ]
modifierSuite du corrigé de l'exercice sur la chanson de Sylvie Vartan
modifierElle sera publiée très bientôt : avec quelques jours de retard, c'est la rentrée des classes également pour l'A.L.S.
Notes et références
modifier- ↑ « DIAGONALES Soi-disant », Le Monde.fr, 1994-11-16 [texte intégral (page consultée le 2023-07-31)]
- ↑ 2,0 et 2,1 « Allumer Le Feu - Johnny Hallyday - Les paroles de la chanson », sur www.paroles.cc (consulté le 31 juillet 2023)
- ↑ « Jean Genet », dans Wikipédia, (lire en ligne)
- ↑ Etienne Gernelle, « Limonov : l'homme qui ne voulait pas mourir dans son lit », sur Le Point, (consulté le 31 juillet 2023)
- ↑ « Édouard Limonov », dans Wikipédia, (lire en ligne)
- ↑ « Arthur Rimbaud », dans Wikipédia, (lire en ligne)
- ↑ « Oriol, Michel - Persée », sur www.persee.fr (consulté le 31 juillet 2023)
- ↑ « Luce Irigaray: Communications linguistique et spéculaire (Modèles génétiques et modèles pathologiques) - Cahiers pour l’Analyse (An electronic edition) », sur cahiers.kingston.ac.uk (consulté le 8 juin 2023)
- ↑ « Arborescence », dans Wikipédia, (lire en ligne)
- ↑ « Factitif », dans Wikipédia, (lire en ligne)