Applications techniques des nombres complexes/Utilité des nombres complexes
Ce chapitre présente la vision que les algébristes du seizième siècle avaient des nombres complexes. À cette époque, beaucoup de notions d'algèbre moderne n'avaient pas encore fait leur apparition et les nombres complexes paraissaient bien mystérieux aux mathématiciens de cette époque.
Une inconnue particulière
modifierConsidérons l'équation suivante :
Nous savons qu'elle n'a pas de solution (dans l'ensemble des nombres réels). Cela ne nous empêche pas de l'écrire. Le x « n'existe pas », mais cela ne nous empêche pas de l'élever au carré et de lui ajouter 1. De manière générale, lorsque l’on manipule une inconnue, on manipule un objet dont on ne connaît rien, voire qui peut ne pas exister…
Cette inconnue particulière, nous allons l'appeler i, comme « imaginaire ». Nous écrirons donc :
soit :
Cette inconnue va nous servir à résoudre les équations du troisième degré.
Équations du 3e degré
modifierLa résolution de ces équations est hors du cadre de ce cours. Nous prenons cet exemple pour montrer l'utilité de ce i, vous n'avez pas à savoir traiter ce sujet tout seul. Nous allons l'aborder sous la forme d'un exercice guidé.
Nous allons considérer l'équation suivante :
soit :
Ce problème a été étudié par Scipione Del Ferro au XVe siècle, qui n'en publia pas la solution mais la transmit à Nicolo Fontana dit « Tartaglia ». Celle-ci atterrit dans les mains de Gerolamo Cardano (Jérôme Cardan) qui la publia en 1546.
Se ramener à une équation du second degré
modifierLa démarche consiste à se ramener à une équation du 2nd degré.
Pour cela, on définit les variables u et v par les équations suivantes :
Que devient l'équation (1) ? Que vaut ?
L'équation (1) devient
- (u + v )3 -15(u + v ) - 4 = 0
on développe :
- u3 + 3u2v + 3 uv2 + v3 -15(u + v ) - 4 = 0
on réorganise afin de faire apparaître uv :
- u3 + 3uuv + 3 uvv + v3 -15(u + v ) - 4 = 0
en remplaçant 3uv par 15, on obtient
- u3 + 15u + 15v + v3 -15(u + v ) - 4 = 0
- u3 + v3 - 4 = 0,
soit
- u3 + v3 = 4.
Par ailleurs,
soit
- .
Posons U = u3 et V = v3. Le problème se ramène donc à déterminer U et V en connaissant leur somme et leur produit :
Montrer que cela se ramène à une équation du second degré.
On peut par exemple poser
puis substituer ceci dans la seconde équation
- .
Résolution de l'équation du second degré
modifierLe discriminant de cette équation du 2nd degré est :
- .
L'équation du second degré n'a pas de solution puisque le discriminant est négatif. Toutefois, la résolution de cette équation n’est pas une fin en soi, c’est juste une étape intermédiaire pour arriver à la solution. Posons donc :
- .
On a alors
avec
soit
Nous voyons réapparaître ce nombre i imaginaire. En considérant la forme (2) pour , donner la solution de l'équation du 2nd degré puis de l'équation du 3e degré (1) ; les solutions contiendront le terme i.
On a
et donc
On remarque qu'U1 = V2 et qu'U2 = V1 ; les deux solutions donnent donc le même résultat. On a ainsi une solution unique de l'équation (1) :
- .
Solution réelle de l'équation du troisième degré
modifierSupposons que u, la racine cubique de U, ait la même forme qu'U :
a et b étant des nombres réels. On a alors
- ;
on remarque que i 3 = i 2 × i = -i, soit
- .
Par ailleurs, calculons le cube du « conjugué » :
- .
On voit donc que le résultat est le conjugué de U, c'est-à-dire… V. On a donc
- v 3 = V et u 3 = V
soit
- v 3 = u 3.
Une des solutions possibles à cette équation est
- v = u = a - bi
Lorsque l’on fait u + v, la partie imaginaire s'élimine :
- x = u + v = a + bi + a - bi = 2a.
On a donc au final un résultat réel !
Montrer que 2 + i est une racine cubique de U. En déduire une solution de l'équation (1).
On a :
- (2 + i )3 = 23 + 3⋅22⋅i + 3⋅2⋅i2 + i3 = 8 + 12i - 6 - i = 2 + 11 i
soit
- (2 + i )3 = U,
(2 + i ) est bien une racine cubique de U. On a donc
soit
- x = 4.
- Note
- L'équation possède deux autres solutions réelles.
Bilan
modifierNous avons vu au cours de cette étude que l'inconnue imaginaire i pouvait être utilisée comme intermédiaire de calcul : elle apparaît provisoirement dans la méthode, mais se simplifie et disparaît dans le résultat final.
Le but de cette leçon est d'étudier cette inconnue imaginaire : puisque nous avons un nouvel outil, il nous faut mieux le connaître, pour savoir comment l’utiliser, et lui trouver d'autres usages. Nous verrons à la fin qu’il se révèle utile dans d'autres domaines de la physique, et notamment dans l'étude des ondes et du courant sinusoïdal.
Dorénavant, lorsqu'une équation du second degré a un discriminant négatif, il ne faudra plus dire « l'équation n'admet pas de solution » mais dire « l'équation n'admet pas de solution réelle »…