Dérivation/Nombre dérivé
Nous nous proposons, dans ce chapitre, d'introduire la notion de nombre dérivé. Afin de bien comprendre comment et pourquoi nous sommes amenés à introduire cette notion, nous allons rapidement tracer l'historique des étapes qui ont précédé cette introduction. Les différentes étapes qui précèdent l'introduction du nombre dérivé sont sensées avoir été assimilées dans des leçons de niveau inférieur. Nous nous contenterons donc d'un exposé épuré. Pour plus de précisions, si nécessaire, nous invitons le lecteur à étudier, par exemple, la leçon Généralités sur les fonctions et en particulier son chapitre sur le sens de variation.
Première considération
modifierNous disposons d'une fonction à étudier et nous souhaitons savoir si cette fonction est croissante ou décroissante sur un intervalle I sans la visualiser sur une calculatrice. L'idée qui probablement va nous venir à l'esprit est de se dire : si la fonction est croissante, plus on va prendre des valeurs élevées de la variable, plus le calcul de l'image de ces valeurs va être élevé. Nous voyons que cela se traduira par :
Une fonction est croissante sur un intervalle I
si pour tous réels et appartenant à I, on a :
.
Inversement nous voyons que si la fonction est décroissante, plus on va prendre des valeurs élevées de la variable, moins le calcul de l'image de ces valeurs va être élevé. Nous voyons que cela se traduira par :
Une fonction est décroissante sur un intervalle I
si pour tous réels et appartenant à I, on a :
.
Nous allons traiter un exemple pour essayer de voir quelles critiques nous pouvons faire sur cette façon de procéder pour pouvoir par la suite apporter des améliorations.
Étudions le sens de variation de la fonction définie par :
Conformément aux propriétés 1 et 2, nous devons partir de deux nombres et vérifiant et tenter d'arriver soit à , soit à .
L'expression de se présentant sous forme de différence de deux termes contenant , il est difficile de comparer directement et . Pour arriver à faire cette transformation, il nous faut d'abord faire en sorte que n'apparaisse qu'une seule fois. On peut arriver à ceci en écrivant :
Nous pouvons alors reconstruire et progressivement en écrivant :
et nous devons élever les deux membres de l'inégalité au carré. Deux cas se présente selon la valeur de et .
Si et sont dans l'intervalle , les expressions et sont positives et l'on aura :
Et nous en concluons que la fonction est croissante sur .
Si et sont dans l'intervalle , les expressions et sont négatives et l'on aura :
Et nous en concluons que la fonction est décroissante sur .
La critique évidente que nous pouvons formuler dans la façon de procéder que nous venons de voir est que le succès n'est pas assuré et dépend du fait que l'on puisse ou non modifier l'expression de d'une façon telle que n'apparaisse qu'une seule fois dans l'expression de cette fonction.
Première amélioration
modifierSi nous reprenons l'exemple du paragraphe précédent ( ), une autre façon de procéder pour comparer et est de commencer par étudier le signe de l'expression .
Nous avons alors :
Comme , on aura et le signe de ne dépend plus que de l'expression
Nous avons alors :
la fonction est croissante.
la fonction est décroissante.
Cette façon de procéder est préférable à la première car elle a beaucoup plus de chance d'aboutir que la première. En effet, on constate que l'on arrive systématiquement à mettre en facteur dans le calcul de si est une fonction polynôme ou une faction rationnelle, si elle contient une racine d'un polynôme ou d'une fraction rationnelle ; en bref dans la plupart des fonctions courantes que nous pouvons rencontrer. L'expression restant en facteur est alors plus simple à étudier pour en déduire son signe.
Ce qu'il convient de remarquer dans la deuxième façon de procéder c'est que l'on étudie systématiquement le signe de pour en déduire une comparaison de et
On peut donc simplifier un peu les propriétés 1 et 2 en les reformulant ainsi :
Une fonction est croissante sur un intervalle I
si pour tous réels et appartenant à I, tel que , l'expression est positive.
Une fonction est décroissante sur un intervalle I
si pour tous réels et appartenant à I, tel que , l'expression est négative.
Une autre considération que nous avons passé sous silence, c'est comment nous avons déterminé les intervalles sur lesquels nous étudions le sens de variation. Comment trouver les bornes de ces intervalles. Si nous raisonnons intuitivement, nous voyons que si l'expression est positive sur et négative sur , c'est qu'elle doit tendre vers 0 lorsque et tendent vers la borne 1 de l'intervalle. Et l'on voit qu'effectivement, en remplaçant et par une valeur dans , on obtient et si l'on résout l'équation , on obtient bien la solution 1 qui est la borne recherchée.
Taux de variation
modifierNous avons précisé précédemment que si l'on considère l'expression , on peut souvent mettre en facteur. Si l'on force cette factorisation, nous écrirons :
Et par la suite, nous avons vu que le signe de dépendait (si ) du signe de l'expression . L'idée qui nous vient alors à l'esprit pour une nouvelle amélioration de la méthode est de sauter les étapes et d'étudier directement le signe du rapport .
Nous poserons donc la définition suivante :
Soit une fonction et soit et deux valeurs de son ensemble de définition. On appellera taux de variation de la fonction entre et , le rapport :
Nous voyons alors que :
Si la fonction est croissante sur un intervalle I, le taux de variation est positif pour tous et de I vérifiant .
Si la fonction est décroissante sur un intervalle I, le taux de variation est négatif pour tous et de I vérifiant .
Et là, si l'on réfléchit bien, on voit qu'il y a quelque chose de bizarre dans ce que l'on vient de dire !
En effet, supposons que l'on inverse les valeurs de et dans le taux de variation, on obtient :
On constate que le taux de variation est invariant par une permutation des valeurs de et . Ce qui signifie que s'il est positif si , alors il sera toujours positif si .
Cela nous montre qu'il n'est alors pas nécessaire que l'on choisisse et tel que . Il suffit de s'assurer seulement que .
Nous pouvons donc actualiser les progrès accomplis en énonçant les propriétés.
Une fonction est croissante sur un intervalle I
si pour tous réels et appartenant à I, tel que , le taux de variation est positif.
Une fonction est décroissante sur un intervalle I
si pour tous réels et appartenant à I, tel que , le taux de variation est négatif.
Introduction du nombre dérivé
modifierDans le paragraphe précédent, nous avons défini le taux de variation . Nous supposerons, dans ce paragraphe, que le nombre est fixé et nous souhaitons étudier le taux de variation lorsque le nombre prend des valeurs de plus en plus proches de . Nous sommes donc amenés à étudier la limite :
Il est souvent beaucoup plus simple d'étudier une limite lorsque la variable tend vers 0. Nous pouvons nous ramener à cette situation en posant et nous voyons que si tend vers alors tend vers 0. Comme , nous avons :
Pour exprimer le fait que est fixe, nous poserons et nous définirons donc le nombre dérivé ainsi :
Soit une fonction et un nombre de son ensemble de définition.
On appelle nombre dérivé en , la valeur de la limite suivante :
si elle existe et si elle est finie.
Nous dirons qu'une fonction est dérivable en si elle admet un nombre dérivé en . Dans le cas contraire, nous dirons que la fonction n'est pas dérivable en .
Si la limite précédente n'existe pas, il se peut toutefois qu'elle existe si l'on se contente de faire tendre vers par valeurs positives ou par valeurs négatives. On parlera alors respectivement de nombre "dérivé à droite" ou de "nombre dérivé à gauche". Nous aurons donc :
Soit une fonction et un nombre de son ensemble de définition.
On appelle nombre dérivé à droite en , la valeur de la limite suivante :
si elle existe et si elle est finie.
Soit une fonction et un nombre de son ensemble de définition.
On appelle nombre dérivé à gauche en , la valeur de la limite suivante :
si elle existe et si elle est finie.
Bien entendu, si le nombre dérivé à droite est égal au nombre dérivé à gauche en un point, cela signifie que la fonction est dérivable en ce point.
Nombre dérivé et coefficient directeur
modifierCas particulier de la fonction affine
modifierNous rappelons qu'une fonction affine est définie par :
étant le coefficient directeur, et l'ordonnée à l'origine.
Soit un réel. Essayons de calculer le nombre dérivé en en fonction de la valeur de . Ce nombre dérivé est donné par :
et nous voyons que le nombre dérivé est égal au coefficient directeur pour toute valeur de .
Comme le tracé d'une fonction affine est une droite, nous retiendrons que, pour une fonction affine, le nombre dérivé en tout point est le coefficient directeur de la droite.
Tangente en un point
modifierDans le paragraphe précédent, nous avons étudié le cas des fonctions affines. Nous allons maintenant étudier le cas d'une fonction quelconque et essayer de voir comment on peut interpréter le nombre dérivé en un point.
Soit une fonction et un réel appartenant au domaine de définition de tel que la admette un nombre dérivé en .
Soit un réel. On désigne par A et B les points de la courbe ayant respectivement pour abscisse et . Nous savons alors que le coefficient directeur de la droite (AB) est donné par où l'on reconnait l'expression entrant en jeu dans la définition du nombre dérivé.
En faisant tendre vers , nous voyons que, d'une part l'expression tend vers le nombre dérivé en et d'autre part la droite (AB) tend vers la tangente à la courbe au point A. Nous en déduisons que le nombre dérivé est le coefficient directeur de la tangente au point A.
Remarque 1 Ce que nous venons de dire ne signifie nullement que l’existence d'une tangente en un point est liée à l’existence du nombre dérivé. Si l'on peut affirmer que l'existence du nombre dérivé entraîne l'existence de la tangente, il n'en est pas de même de la réciproque. Une fonction peut admettre une tangente en un point sans y admettre un nombre dérivé. C'est le cas des fonctions qui admettent des tangentes verticales en un point.
Soit une fonction admettant un nombre dérivé en . La tangente à la courbe en est la droite passant par le point de coordonnées et donc le coefficient directeur est le nombre dérivé en . |
Remarque 2 Le raisonnement précédent peut aussi être fait en supposant que la fonction admet en seulement un nombre dérivé à droite (respectivement à gauche). En faisant tendre vers par valeurs supérieures (respectivement par valeurs inférieures), la droite (AB) tendra vers une droite que l'on désignera par l'expression « demi-tangente à droite » (respectivement « demi-tangente à gauche »). Le nombre dérivé sera alors le coefficient directeur de la « demi-tangente à droite » (respectivement « demi-tangente à gauche »). |