Histoire de l'enseignement en France/Sous les Capétiens

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La fin du XIe siècle est marquée par le pontificat de Grégoire VII (1073-1085) et un ensemble de réformes religieuses avec un renouveau monachique qui prend son essor à Cluny et Molesme. L'agitation belliqueuse reprend aussi ses droits : Guillaume conquiert l'Angleterre à Hastings en 1066, Pierre l'Hermite et Godefroy de Bouillon emmènent les pauvres en croisade à Jérusalem et 1119 voit la création de l’ordre militaire des Templiers. Bernard de Clairvaux lance la deuxième croisade depuis Vézelay en 1147. Ces aléas n'entravent pas un important développement de l'enseignement et l'école épiscopale de Paris voit le jour en 1120.

Sous les Capétiens
Icône de la faculté
Chapitre no 2
Leçon : Histoire de l'enseignement en France
Chap. préc. :L’héritage
Chap. suiv. :Les pédagogues de la Réforme
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Les écoles modifier

Les écoles monacales poursuivent leur travail obscur mais nécessaire comme à Cluny où Pierre le Vénérable fait traduire dès le XIIe siècle le Coran et le Talmud. Elles restent ouvertes à tous : Suger (1081-1151), abbé de Saint-Denis, conseiller royal et régent du royaume pendant la seconde Croisade est un fils de serf qui a côtoyé le futur Louis VII à l'école monacale de Saint-Denys. Héloïse (1101-1164), élève des nonnes d'Argenteuil puis abbesse du Paraclet, est autant connue pour sa correspondance avec les maîtres à penser de l'époque que pour ses amours tumultueuses avec Pierre Abélard.

Les écoles épiscopales connaissent un développement spectaculaire, en particulier celle de Paris grâce à Guillaume de Champeaux puis Pierre Abélard (1079-1142). Tous les étudiants y abordent les sept arts libéraux qui débouchent sur la philosophie, c'est-à-dire le trivium et le quadrivium, le second plus superficiellement. Seule l'élite, retenue pour entrer dans les ordres, a accès aux écritures saintes appelées théologie depuis Abélard. Que le contenu en soit sacré ou profane, chaque leçon (lectio) s'organise en quatre temps,:

  • présentation de l'auteur et de la partie de l’œuvre concernée par l'extrait étudié,
  • lecture (lectio) de l'extrait,
  • son commentaire (glose) sur trois points : explication grammaticale (littera) - compréhension du texte (sensus) - contenu doctrinal (sententia),
  • dispute sur les questions soulevées par la sentence.

Ce rituel est à la fois méthode d'enseignement et de recherche, car de la discussion jaillit la lumière et à cette fin les questions disputées confrontent les grands maîtres qui voyagent parfois fort loin pour se mesurer lors de Conciles locaux. Abélard en est la vedette jusqu'à sa condamnation face à Bernard de Clairvaux, malgré l'appui de Rome, aux conciles de Soissons (1121) puis de Sens (1140). Sa pensée préfigure néanmoins largement celle de Thomas d'Aquin qui lui succédera un siècle plus tard à Paris pour ébaucher un essai d’harmonisation entre le dogme et la raison à travers l'autonomie des deux domaines.

Naissance de l’Université modifier

Alors que des ordres religieux prolifèrent et que d'autres se constituent (1206 Saint-François d'Assise, 1216 Saint Dominique de Guzman), Philippe-Auguste (1165-1223) s’efforce d’asseoir l'unité nationale sur un clergé gallican et donne à cette fin le monopole de l'enseignement supérieur de sa juridiction à l'Université de Paris en 1208. Celle-ci qui bénéficie de l'indépendance à l'égard des pouvoirs du pape et du roi acquiert très vite une renommée universelle alors que de nombreuses universités se développent en Europe. Destinée surtout à produire des clercs, elle laisse dès le départ peu de place aux femmes avant de les exclure progressivement. Le souci de rester ouverte à toutes les classes sociales subsiste et Robert de Sorbon (1201-1274) fonde un établissement destiné à accueillir les étudiants pauvres en théologie : la Sorbonne.

Les études se répartissent en quatre facultés : les arts, la médecine, le droit et la théologie. La première dispense une formation propédeutique commune aux trois autres : c'est l'amorce des collèges qui apparaîtront plus tard sous Henry IV. La pensée grecque, en particulier le péripatétisme, domine la réflexion ; sauf en médecine où à la suite des croisades les connaissances dues aux grands médecins arabes Avicenne et Rhazès côtoient l'héritage d'Hypocrate et de Galien. L'enseignement du droit concerne surtout le droit canon mais on étudie aussi le droit romain ou écrit et, selon les régions, les droits coutumiers ou oraux.

Dès le milieu du XIIIe siècle l'influence de Thomas d'Aquin (1225-1274), dominicain italien familier de Saint-Louis, se fait sentir. La différence qu'il pose entre les domaines du dogme et des sciences permet à ces dernières un début de développement autonome. La reconnaissance légitime des exigences de la compréhension humaine entraîne l’étude des connaissances théologiques à travers la logique d'Aristote. Malgré l'hostilité de Rome, ce travail universitaire, dit thomisme, marque l'évolution du christianisme moderne.

Mais ces disputes scolastiques fondées sur l'usage du syllogisme prennent l'aspect d'un entraînement à la rhétorique et l'université tombe trop souvent dans un formalisme verbal qui répond d’ailleurs aux exigences de la formation professionnelle des juristes, des clercs… et des médecins ! La volonté de convaincre passe avant la recherche de la vérité et on retrouve, malgré les efforts de certains (Buridan, recteur de Paris en 1327), tous les travers du trivium sophiste. Ce pessimisme est néanmoins tempéré par Leibniz (1646-1716) qui estime que sous le fumier de la scolastique, il y a de l'or à ramasser.

L'insatisfaction découlant de cet enseignement atteint son apogée alors que la guerre de Cent ans se termine avec la bataille de Castillon (1453), que l’empire romain d'Orient s'écroule avec la chute de Constantinople par les Turcs (1453) et que Gutemberg (1394-1468) fournit un outil qui permet d'envisager de nouvelles façons d'enseigner (1448 : impression de la bible de Mayence). Chaque fois que leurs propositions nouvelles se heurtent à leur hiérarchie les contestataires sont à l'origine des Réformes protestantes auxquelles l’Église répond par une Contre-réforme alimentée par la réflexion des Humanistes. La confrontation de ces deux courants a été un puissant moteur de l'évolution de la pédagogie européenne.