Dans ce chapitre, nous allons essayer de donner un véritable statut de nombre aux matrices en définissant une addition de matrices et une multiplication de matrices. Les matrices pourront alors être vues comme des objets mathématiques généralisant la notion de nombre.
En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, « Initiation aux matrices : Opérations entre matrices Initiation aux matrices/Opérations entre matrices », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.
Nous avons défini au chapitre précédent des objets mathématiques que nous avons désignés sous le terme de matrice. Dans ce chapitre, nous allons commencer à réfléchir pour essayer de trouver une utilité à ces matrices. Notre point de départ va être les systèmes d'équations linéaires.
Observons un système d'équations linéaires :
L'aspect d'un système linéaire fait un peu penser aux matrices si l'on efface mentalement les signes opératoires.
Imaginons que l'on essaye de représenter ce système sous la forme :
Nous voyons alors apparaître au premier membre un produit de matrices et si l'on veut que cette représentation soit correcte, il nous faut admettre que le produit de la matrice par la matrice donne la matrice pour avoir :
qui, si l'on identifie les coefficients de la matrice du premier membre avec les coefficients de la matrice du second membre, nous donne bien :
Nous devons donc définir un produit de matrices tel que si on l'applique au cas particulier d'une matrice carrée d'ordre 3 par une matrice colonne à 3 coefficients, on obtient :
Soit, si l'on adopte une notation plus générale :
Il est à remarquer que, si au départ, le système d'équations n'avait contenu qu'une seule équation :
la traduction matricielle de ce système aurait été :
Et nous aurions obtenu le produit d'une matrice ligne par une matrice colonne suivant :
qui, sous forme générale, aurait donné :
Nous commençons à voir se dégager une règle de multiplication de matrices en remarquant comment une ligne n de la première matrice se multiplie avec une colonne m de la seconde matrice. À savoir par l'opération :
Nous appellerons cette opération le produit ligne-colonne.
Il nous reste à voir s'il peut être généralisé à tout produit de matrices ?
Si l'on poursuit notre étude commencée au paragraphe précédent, il y a un autre fait que nous devons prendre en considération :
supposons que l'on exprime des valeurs et en fonction de valeurs et selon le système :
ce qui (compte tenu du paragraphe précédent) se traduirait matriciellement par :
supposons aussi que l'on exprime des valeurs et en fonction des valeurs et dont il était question précédemment selon le système :
ce qui se traduirait matriciellement par :
Le bon sens voudrait que l'on puisse écrire :
On devrait pouvoir obtenir l'expression de et directement en fonction de et en effectuant le produit matriciel :
Regardons ce que doit donner ce produit matriciel en effectuant le calcul à partir des systèmes d'équations.
Si l'on porte les valeurs de et données dans :
dans le système :
on obtient :
qui se simplifie ainsi :
qui va s'écrire matriciellement ainsi :
et si l'on compare avec :
Nous voyons que l'on doit avoir :
Nous remarquons que ce produit de matrices généralise bien l'ébauche de produit de matrices que nous avons vu au paragraphe précédent. Un coefficient de la matrice résultat se trouvant à la ligne n et la colonne m est bien le produit de la ligne n de la première matrice par la colonne m de la seconde matrice selon le produit ligne-colonne défini au paragraphe précédent.
Pour multiplier deux matrices, nous adopterons donc la règle suivante :
Règle pour multiplier deux matrices
Si une première matrice à une nième ligne sous la forme et si une deuxième matrice a une miène colonne sous la forme , alors le coefficient de la matrice produit sera donné par la relation :
Une disposition pratique pour faire le produit de deux matrices est de décaler la deuxième matrice vers le haut de façon à ce que le coefficient se trouve à la fois dans le prolongement de la nième ligne de la première matrice et dans le prolongement de la mième colonne de la seconde matrice.
Remarque 1.
De la façon dont se fait le produit de deux matrices, on voit que celui-ci n'est possible que si le nombre de colonnes de la première matrice est égal au nombre de lignes de la seconde matrice.
Remarque 2.
Si l'on multiplie entre elles deux matrices carrées d'ordre n, on obtient une matrice carrée d'ordre n. On voit donc que l'ensemble des matrices carrées d'ordre n est un ensemble stable pour la multiplication des matrices.
Remarque 3.
Le produit de deux matrices n'est pas commutatif et même (cf. remarque 1) il arrive souvent que l'un des deux produits AB ou BA existe et pas l'autre, ou que les deux produits existent mais ne soient pas de même taille. Et même pour deux matrices carrées A et B de même taille, les deux produits sont en général différents.
La somme de deux matrices de même dimension pose moins de problème que le produit des matrices (si les dimensions des matrices sont différentes, la somme n'est pas possible).
Pour additionner deux matrices, il suffit d'additionner les coefficients correspondant dans les deux matrices.
Par exemple :
Remarque.
Pour justifier intuitivement cette définition, on peut remarquer que le système d'équations :
s'écrit aussi :
Ce qui, d'une façon pas très rigoureuse mathématiquement (car elle présuppose la distributivité de la multiplication par rapport à l'addition que nous ne verrons qu'un peu plus bas) entraîne matriciellement :
Nous avons vu que le produit de deux matrices carrées d'ordre n est une matrice carrée d'ordre n. Nous voyons aussi que la somme de deux matrices carrées d'ordre n est une matrice carrée d'ordre n. L'ensemble des matrices carrées d'ordre n est donc stable pour l'addition et la multiplication des matrices. Les matrices carrées jouent donc un rôle bien plus important que les matrices qui ne sont pas carrées. Nous allons donc étudier plus en détail les matrices carrées.
Quel que soit l'ordre n de la matrice carrée, nous pouvons constater qu'il existe un élément neutre pour la multiplication des matrices. C'est la matrice diagonale où tous les éléments de la diagonale sont égaux à 1. Nous noterons cette matrice
Par exemple, l'élément neutre de la multiplication des matrices carrées d'ordre 3 est :
En effet, en effectuant le calcul, nous pouvons constater que :
Cela signifie que si nous devons multiplier trois matrices , et entre elles selon le produit , nous ne sommes pas forcément obligés de multiplier les matrices et entre elles pour ensuite multiplier le résultat par . Nous pouvons tout aussi bien commencer par multiplier les matrices et entre elles pour ensuite multiplier le résultat par . Cela se traduit par la relation :
Nous admettrons cette relation qui est valable sur tout type de matrices (même non carrées dans la mesure où le produit est défini).
Distributivité de la multiplication par rapport à l'addition
Les nombres constituant une matrice sont appelés des scalaires. On peut définir la multiplication d'un scalaire par une matrice en disant que le résultat de l'opération est une matrice dont tous les coefficients ont été multipliés par le scalaire.
Si est un scalaire, on peut écrire pour une matrice carrée d'ordre 3 :
La multiplication d'une matrice par un scalaire est associative et commutative. Ce qui peut se traduire par :
Pour tout scalaire et pour toutes matrices et compatibles pour la multiplication :
Si nous faisons le produit d'une matrice carrée diagonale d'ordre n, où tous les coefficients de la diagonale sont égaux à , par une matrice carrée d'ordre n, nous remarquons que l'on obtient le même résultat que si la matrice diagonale était remplacée par .
Par exemple pour l'ordre 3, nous avons :
Cette similitude de propriétés nous amène à nommer matrice scalaire une matrice diagonale dont tous les éléments de la diagonale sont égaux, et l'on peut vérifier que ces matrices ont bien les mêmes propriétés que les scalaires qu'elles représentent. En particulier, si les scalaires sont les nombres réels, dans l'ensemble des matrices carrées, le sous-ensemble des matrices scalaires peut s'identifier à l'ensemble des nombres réels et le reste des matrices peut être vu comme une extension de l'ensemble des réels.
Exemple : Représentation matricielle des nombres complexes
Considérons l'ensemble des matrices carrées d'ordre 2 et posons :
Nous remarquons que nous avons :
comme est une matrice scalaire pouvant être assimilée au nombre réel , on peut écrire :
Nous savons que tout nombre complexe peut s'écrire en notation algébrique (a et b étant réels).
En utilisant la notation matricielle, nous voyons que :
Par conséquent, dans l'ensemble des matrices carrées d'ordre 2, le sous-ensemble des matrices de la forme est assimilable à l'ensemble des nombres complexes. Cet ensemble est une construction des nombres complexes à l'aide des matrices.