Lipides/Acides gras
Les acides gras sont présents dans la plupart des graisses et certains sont essentiels à notre métabolisme. Nous verrons dans un premier temps ce que sont les acides gras, puis quelles sont leurs caractéristiques pour enfin aborder certaines méthodes de séparation afin de les étudier.
Les différents acides gras
modifierOn distingue les acides gras saturés et insaturés (ou éthyléniques), il existe aussi des acides gras hydroxylés et des acides gras ramifiés. Les éicosanoïdes sont aussi classés dans les acides gras.
Les acides gras saturés
modifierIls comportent une fonction acide carboxylique et une longue chaine carbonée linéaire de quatre à trente-six atomes de carbone (ce nombre est, dans la majorité des cas, pair).
Nomenclature
modifier- Formule générale brute : CnH2n O2 où n est un nombre réel.
- Formule semi-développée : CH3-(CH2)n-2-COOH possédant la fonction acide carboxylique, qui peut être ionisée et donne CH3-(CH2)n-2-COO- qui est un carboxylate.
- Nom systématique : s’écrit n-(nC)anoïque où :
- n- indique une chaine linéaire
- (nC) indique le nombre d’atomes de carbone (à partir du préfixe grec)
- an indique que la chaine est saturée comme les alcanes,
- oïque indique la fonction carboxylique.
Attention, lorsque oïque est remplacé par oate, c’est une forme ionisée, par oyl c’est un radical acyle dans un ester.
- Nom commun : il rappelle en général où l'acide gras a été découvert en premier.
- Symbole : n:x ou Cn:x où n est le nombre de carbones de la molécule et x le nombre d'insaturations, donc 0 car nous sommes dans les acides gras saturés.
L'acide palmitique (du latin palmus = palme), qui est un acide gras saturé à 16 carbones, peut être ainsi écrit de plusieurs manière :
- Sa formule brute est C16H32 O2
- Sa formule semi-développée est CH3 ( CH2 )14COOH
- Son nom systématique est l'acide n-hexadécanoïque
- Il est symbolisé par 16:0 ou C16:0
Principaux acides gras saturés
modifierLongueur relative | nC | Nom systématique | Symbole | Nom commun |
---|---|---|---|---|
Chaine courte | 10 | n-décanoïque | 10:0 | Caprique |
Chaîne moyenne | 12 | n-dodécanoïque | 12:0 | Laurique |
14 | n-tétradécanoïque | 14:0 | Myristique | |
16 | n-hexadécanoïque | 16:0 | Palmitique | |
18 | n-octadécanoïque | 18:0 | Stéarique | |
Chaine longue | 20 | n-icosanoïque | 20:0 | Arachidique |
Les acides gras insaturés
modifierIls comportent une fonction acide carboxylique, une longue chaîne carbonée linéaire de quatre à trente-six atomes de carbone (ce nombre est toujours pair, le plus souvent compris entre six et vingt), et au moins une insaturation (autre nom de la double liaison (fonction alcène)) et s'il existe plusieurs insaturations, alors elles sont non-conjuguées. Les doubles liaisons sont principalement du type cis (Z), et sont plus rarement de type trans (E). Les acides gras polyinsaturés sont siccatifs : ils s’oxydent à l’air en se saturant ce qui élève leur point de fusion et les rend solides, permettant des usages industriels.
Nomenclature
modifier- Formule brute : CnH2n-2xO2 où n est un nombre pair et x le nombre d'insaturations. Pour x=1 on parle d'acide gras monoéthylénique, x=2 d'acide gras diéthylénique, x=3 d'acide triéthylénique...
- Nom systématique : configuration-p-(nC)(d)énoïque où :
- configuration pour la configuration des doubles liaisons (cis ou trans), quand elles sont plusieurs, seule la position de la 1 ére double liaison par rapport au groupe methyl terminal est indiquée.
- -p- pour la position des doubles liaisons
- (nC) pour le nombre d'atomes de carbone
- (d) s'il y a plusieurs doubles liaisons (di-; tri-...)
- én pour indiquer la présence d'une double liaison (fonction alcène)
- oïque pour la fonction acide carboxylique.
- Nom commun : tout comme les acides gras saturés (et la plupart des substances), il rappelle en général où l'acide gras a été découvert en premier.
- Symbole : (n:x) d ou Cn:x( d); où n est le nombre de carbones de la molécule, x le nombre d'insaturations et d la position des doubles liaisons.
L'acide oléique (du latin oleum = huile), qui est un acide gras monoinsaturé à 18 carbones, peut être ainsi écrit de plusieurs manière :
- Sa formule brute est C18H34 O2
- Sa formule semi-développée est CH3 ( CH2 )7CH=CH( CH2 )7COOH
- Son nom systématique est l'acide cis-9-octadécénoïque
- Il est symbolisé par (18:1) 9 ou C18:1( 9)
Dans la nomenclature normale, les atomes de carbone sont notés à partir du groupement carboxyle. Mais il existe une autre numérotation, où c’est à partir de l'autre extrémité (l'extrémité distale) de la molécule que l’on numérote la position de l'insaturation.
Par exemple, l'acide palmitoléique (16:1) 9 est aussi noté ω7, c’est ce que l’on appelle sa série. Les acides gras insaturés sont parfois classés par série. C'est de là que viennent les fameux ω3 et 6 dont on vante les mérites dans certaines publicités.
Principaux acides gras insaturés
modifierDoubles liaisons | nC | Nom systématique | Symbole | Nom commun | Série |
---|---|---|---|---|---|
1 | 16 | cis-9-hexadécénoïque | (16:1) 9 | Palmitoléique | ω7 |
1 | 18 | cis-9-octadécénoïque | (18:1) 9 | Oléique | ω9 |
2 | 18 | cis-cis-9,12-octadécadiénoïque | (18:2) 9,12 | Linoléique | ω6 |
3 | 18 | Tout cis-9,12,15-octadécatriénoïque | (18:3) 9,12,15 | -Linolénique | ω3 |
3 | 18 | Tout cis-6,9,12-octadécatriénoïque | (18:3) 6,9,12 | -Linolénique | ω6 |
4 | 20 | Tout cis-5,8,11,14-icosatétraénoïque | (20:4) 5,8,11,14 | Arachidonique | ω6 |
- Acide oléique : cis (18:1) 9 (ω9) : Son nom vient de l’huile d’olive, mais il est abondant dans toute huile (animale ou végétale). C'est aussi le plus abondant des acides gras à chaine longue dans notre organisme. À température corporelle (37 °C), c’est un liquide (huile) qui ne se solidifie qu’à 4 °C. Excellent aliment énergétique, il est aussi utilisé pour la fabrication des savonnettes.
- Acide linoléique : cis, cis (18:2) 9,12 (ω6) : Son nom vient de l’huile de lin, mais il est abondant dans toutes les huiles végétales. À température corporelle (37 °C) c’est un liquide (huile) qui ne se solidifie qu’à -12 °C. En présence d’air, il s’oxyde rapidement (rancissement). Non synthétisable par les animaux, il est reçu exclusivement par voie digestive et est donc un composé indispensable de notre ration alimentaire; car la formation de la barrière imperméable de la peau ne pourrait se faire sans lui. Il est aussi le précurseur de d’une classe de molécules qui ont des effets de type hormonal (eicosanoïdes).
- Acide linolénique : tout cis (18:3) 9,12,15 (ω3) : À la température de notre corps c’est un liquide (huile) qui ne se solidifie qu’à -11 °C. En présence d’air, il s’oxyde rapidement (rancissement). Non synthétisable par les animaux et reçu exclusivement par voie alimentaire (huiles végétales et de poissons), il reste des incertitudes quant à son caractère indispensable, même s'il est métabolisé par notre organisme.
- Acide arachidonique : tout cis (20:4) 5,8,11,14 (ω6) : présent dans certaines huiles végétales, il est aussi fabriqué dans notre organisme à partir de l’acide linoléique : ce n’est donc pas un acide gras indispensable, mais comme il est le précurseur direct des eicosanoïdes, c’est un acide gras essentiel.
Acides gras ramifiés
modifierSurtout présents chez les bactéries, ils possèdent un nombre pair ou impair d’atomes de carbone et appartiennent à deux séries selon la position de la ramification : iso- (pour un groupement alkyle sur l'avant dernier carbone) et antéiso- (pour un groupement alkyle sur l'avant-avant dernier carbone).
Acides gras hydroxylés
modifierIls diffèrent par la position de la fonction alcool : ils peuvent être par exemple hydroxylés sur le carbone alpha (= portant la fonction acide carboxylique) dans les lipides du cerveau ou au milieu de la chaine carbonée dans les huiles végétales.
Eicosanoïdes
modifierL'acide arachidonique (20:4) 5,8,11,14 est le principal précurseur de cette famille composée des leucotriènes, des prostaglandines, des thromboxanes et des prostacyclines. La plupart ont des rôles physiologiques semblables à ceux des hormones, et régulent le diamètre des artères, l'ouverture (et la fermeture) des bronches, la filtration rénale...
Propriétés physicochimiques des acides gras
modifierPropriétés physiques
modifierSolubilité
modifierLa solubilité des acides gras varie selon deux paramètres : la longueur de la chaine carbonée et la présence ou non d'une ou plusieurs insaturations. La fonction acide carboxylique ("la tête") donne un caractère hydrophile à la molécule, donc polaire, tandis que la chaine carbonée ("la queue") en donne un lipophile, apolaire. Les molécules d'acide gras sont donc amphiphiles. La présence de doubles liaisons (éléments polaires) diminue le caractère apolaire de la queue. Il en résulte que les acides gras ayant une queue de moins de six carbones sont assez polaires pour être solubles dans l'eau. Ensuite, les autres acides sont plus ou moins solubles dans les solvants organiques. L'ionisation de la tête augmente son caractère polaire, et donc sa solubilité dans l'eau.
Point de fusion
modifierLui aussi varie selon les mêmes paramètres que la solubilité : quand la longueur de la queue augmente, cela augmente la valeur du point de fusion (température de fusion), et la présence d'une (ou plusieurs) insaturations la fait baisser. À température ordinaire (20 °C), les acides gras saturés sont liquides jusqu’à 10 atomes de carbones.
Monocouches, micelles
modifierComme les détergents et les savons, les acides gras sont des molécules amphiphiles. Au dessus de quatre carbones, les acides gras sont insolubles dans l'eau et s’organisent quand ils sont mis en milieux aqueux soit en film moléculaire à l’interface eau-air ou en micelles (= assemblages sphériques de molécules amphiphiles, délimitant un espace intérieur lipophile et une couronne polaire). Les micelles apparaissent lorsque la concentration en molécules amphiphile dépasse un certain seuil, la Concentration Micellaire Critique (CMC).
Une bulle de savon est en réalité composée d'une fine couche d'eau emprisonnée entre deux monocouches amphiphiles
Propriétés chimiques
modifierFonction acide carboxylique
modifierR-COOH R-COO- + H+
Rappel : la fonction acide carboxylique est symbolisée par R-COOH. La propriété de cette fonction est utilisée pour déterminer, l'indice d'acidité d'un corps gras avec la potasse KOH à froid.
Formation d'amides
modifierR-COOH + H2N-R' R-CO-NH-R' +
H2O
Cette réaction apparait dans la formation de sels biliaires.
Formation d'esters
modifierR-COOH + HO-R' R-COO-R' +
H2O
Cette réaction a lieu en milieu anhydre, en présence d’un catalyseur acide et d'une fonction alcool (HO-), pour la plupart des lipides… c’est ainsi que se forment les cérides.
Formation de sels
modifierR-COOH + KOH R-COO- + K+ +
H2O
Ce sont les acides palmitique, stéarique et oléique qui sont les plus utilisés pour la fabrication industrielle de savon.
Indice de saponification
modifierIl est déterminé lors d'une réaction à chaud de l’hydroxyde de potassium sur les esters, provoquant l'hydrolyse des liaisons esters. L’indice de saponification se note IS et correspond à la quantité de potasse, exprimée en mg, nécessaire pour saponifier 1 g de matière grasse composées d'esters d’acides gras.
Indice d'acide
modifierPour un mélange d’acides gras libres et d’esters d’acides gras, IS ne permet pas la détermination de la masse molaire. C'est pourquoi il faut d’abord utiliser IA qui est la quantité de potasse, exprimée en mg, nécessaire pour neutraliser (les acides gras libres contenus dans) 1 g de matière grasse à température ambiante. Ainsi, on détermine la quantité d'acides gras libres dans la matière grasse, l'acidité résiduelle.
Indice d'ester
modifierNoté IE, c’est la quantité de potasse, exprimée en mg, nécessaire pour saponifier 1 g de matière grasse, l’acidité résiduelle ayant été éliminée. IE = IS - IA
Fonction alcène (pour les insaturés)
modifierRappel : la fonction alcène (insaturation) est symbolisée par R-CH=CH–R’.
Oxydation
modifier[[Fichier:|left]]
À l’air libre, l’oxydation des huiles et des graisses insaturées (facilitée à température élevée, 60 °C), a pour résultat soit le rancissement, qui produit des peroxydes puis, par rupture de la chaine carbonée, des composés volatils (aldéhydes ou cétones) responsables de l’odeur désagréable, et même des acides toxiques; soit la siccativité, où les huiles polyinsaturées (comme dans l'huile de lin), par fixation du dioxygène, se polymérisent en vernis et solides imperméables (peintures à l’huile…) Au niveau biologique, les lipides insaturés des membranes subissent des dégradations lors d’agressions oxydatives (UV, radicaux libres…), contrées par les antioxydants, comme la vitamine E, qui ont un effet protecteur en intervenant au stade de l’initiation de l'oxydation. In vivo, les oxygénases (enzymes permettant l'oxydation) comme la lipoxygénase et la cyclooxygénase, permettent la synthèse des eicosanoïdes, leucotriènes pour la première, prostaglandines pour la seconde, à partir d’acide arachidonique C(20:4) (PGG2/LTA1) et d'acide EPA c(20:5)(PGG3/LTA5) .
Hydrogénation
modifierR-CH=CH-R' + H2 → R-
CH2
-
CH2
-R'
En présence d'un catalyseur métallique (platine, nickel (de Raney), palladium...)
L'hydrogénation des huiles est importante dans l’industrie agroalimentaire car elle permet la transformation des huiles végétales ou animales en graisses solides (margarine ou substitut de lard…) et évite l'oxydation pendant leur utilisation (odeurs, produits toxiques…)
Halogénation
modifierIci, X représente un atome d'halogène, par exemple de l'iode, mais on préfère l'usage du réactif de Wijs (ICl = Monochlorure d'iode) car plus réactif. Cette réaction est utilisée pour calculer l'indice d'iode.
Indice d'iode
modifierNoté II, il permet de déterminer le nombre d'insaturation d'un acide gras car c’est la quantité d’iode (sous forme de diiode I2=X2 dans la réaction d'halogénation) , exprimée en cg, nécessaire pour saturer les doubles liaisons contenues dans 1 g de matière grasse. Par définition, un acide gras saturé aura un indice d'iode de zéro.
Méthodes de séparation
modifierElles permettent le contrôle de l’identité des acides gras et de leurs modifications potentielles. Elles permettent aussi la séparation des esters méthyliques des acides 4:0 à 22:n.
Définition de la chromatographie
modifierUne chromatographie consiste en la séparation de composés entre une phase dite stationnaire et une phase dite mobile. La phase stationnaire peut être solide ou liquide et la phase mobile peut être un liquide ou un gaz. Pour les lipides, les mélanges complexes sont en général séparés soit par différence de polarité (on parle d'adsorption), soit par différence de solubilité (on parle de partage).
Chromatographie couche mince
modifierChromatographie couche mince de partage
modifierC'est une chromatographie liquide-liquide où la phase stationnaire est un liquide fixé sur un support inerte et la phase mobile est un solvant. Basée sur le partage des solutés entre les deux phases liquides et donc la différence de solubilité des solutés.
Chromatographie couche mince d'adsorption
modifierChromatographie solide-liquide où la phase stationnaire est un adsorbant solide polaire (généralement de la silice (Si(OH)4)et la phase mobile est un liquide (solvant apolaire)). Basée sur la répartition des solutés entre une phase solide polaire et une phase liquide apolaire, donc sur la différence de polarité. C’est la plus utilisée dans le cas des acides gras, esters d’acides gras...