Obligation contractuelle/Modalités de l'obligation

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L'obligation peut être affectée dans ses modalités, qu’il s'agisse de son exigibilité, de son existence ou de son objet. La temporalité de l'obligation peut être modifiée par le terme et la condition, l'unité de l'obligation par l’existence d'une obligation plurale.

Modalités de l'obligation
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Chapitre no 2
Leçon : Obligation contractuelle
Chap. préc. :Création de l'obligation
Chap. suiv. :Transmission de l'obligation
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Le terme et la condition modifier

Une obligation née d'un contrat ou d'un délit est immédiatement exigible. Le terme et la condition permettent respectivement de retarder l'exigibilité, voire de remettre en cause l’existence même de l'obligation. Ces deux modalités permettent ainsi de gérer le risque de l'incertitude au sein même du contrat.

Le terme modifier

Le terme est un évènement futur certain, dont l'échéance détermine soit l'exigibilité de l'obligation (terme suspensif), soit la disparition de l'obligation (terme extinctif).

La notion de terme modifier

Le terme est un évènement dont l’existence est certaine, mais dont l'échéance (la date) est incertaine. C'est l'exemple du décès dans la rente viagère. L'évènement doit être objectivement certain, et la jurisprudence considère que la distinction entre le terme et la condition est impérative (Civ. 1ère, 13 juillet 2004, Bull. civ. I, no 204).

La renonciation au terme dépend de l’intérêt des parties. Le terme est présumé avoir été stipulé en faveur du débiteur. Il peut donc y renoncer pour se libérer avec l'échéance du terme, sauf si le créancier a intérêt au maintien de ce terme (art. 1187 civ.). Ainsi, le terme est stipulé dans l’intérêt des deux parties à un contrat de prêt d'argent.

Le terme suspensif modifier

La source du terme suspensif est traditionnellement conventionnelle, et peut être expresse ou tacite. Elle peut également être légale : cependant, les moratoires légaux sont très rares (loi du 11 décembre 1963 pour les rapatriés d'Algérie, loi de 1968 pour les évènements de mai 1968). Enfin, le terme peut être d'origine judiciaire, lorsqu'un délai de grâce est accordé au profit et en fonction de la situation du débiteur (art. 1244-1 civ.).

Le terme suspensif a pour effet de reporter l'exigibilité de l'obligation à la date de l'évènement constituant le terme.

Avant l'échéance du terme, la créance existe et le créancier peut accomplir des mesures conservatoires. Un paiement anticipé peut intervenir en connaissance de cause, lorsque le débiteur ou le créancier renoncent au terme. Le paiement anticipé peut aussi être réalisé en ignorant l’existence du terme. Or, le terme ne remet pas en cause l’existence de la dette : le paiement étant dû, il ne sera pas répétible.

La survenance de l'échéance rend la dette immédiatement exigible, mais ne vaut pas mise en demeure du débiteur. L'extinction du terme intervient, soit à son échéance, soit par la renonciation (exécution par anticipation), soit par sa déchéance (qui rend la dette exigible malgré l’existence du terme). La déchéance est une mesure de sauvegarde du créancier, et une sanction du débiteur. C'est le cas notamment en cas de diminution ou de disparition volontaire d'une sûreté.

Le terme extinctif modifier

Le terme extinctif fixe une limite temporelle à l’existence d'une obligation. Son échéance entraîne à la disparition de l'obligation pour l'avenir seulement. Ainsi, un contrat à durée déterminée (CDD) est pourvu d'un terme extinctif, alors qu'un contrat à durée indéterminée (CDI) en est dépourvu. Les engagements perpétuels étant proscrits, les CDI peuvent être résiliés unilatéralement, en respectant un délai de préavis.

Il existe un certain nombre d'exceptions à l'effet extinctif du terme. La prorogation du contrat, le plus souvent par un avenant au contrat, annule l'effet du terme extinctif. La reconduction tacite permet de continuer le contrat malgré la survenance du terme extinctif. Autrefois réservée au seul contrat de bail (art. 1783 civ.), la reconduction tacite a été étendue à tous les contrats par la jurisprudence, et vaut pour une durée indéterminée. Enfin, le contrat peut être renouvelé par un nouveau contrat, le plus souvent dans les mêmes conditions.

La condition modifier

La condition est une modalité de l'obligation qui dépend de la survenance d'un évènement incertain. Elle produit différents effets sur l'obligation, selon qu'elle soit suspensive (elle subordonne l’existence même de l'obligation) ou résolutoire (elle fait disparaître rétroactivement l'obligation).

La notion de condition modifier

La modalité modifier

La condition s'ajoute à l'obligation, et consiste pour les parties à conditionner l’existence de l'obligation à un évènement accessoire. En effet, la condition ne peut porter que sur les éléments accessoires du contrat, et pas sur un évènement essentiel (le consentement des parties, le paiement du prix, etc.).

Le caractère de l'évènement modifier

L'évènement de la condition doit être futur et incertain, mais ne doit pas être potestatif, impossible ou illicite.

Un évènement est futur et incertain lorsque les parties ignorent une réalité, et érigent cette réalité en condition. Il peut aussi être incertain mais présent, lorsque l'évènement est déjà arrivé, mais est ignoré des parties (art. 1181 civ.). Dans ce dernier cas, l'obligation produira ses effets dès la formation du contrat, par l'effet rétroactif de la condition suspensive.

Le Code civil distingue trois types de conditions. La condition casuelle dépend du hasard, et non du pouvoir des parties (art. 1169 civ.). À l'inverse, la condition potestative dépend du pouvoir de l'une ou l'autre des parties (art. 1170 civ.). Enfin, la condition mixte dépend de la volonté des parties et de celle d'un tiers (art. 1171 civ.).

L'article 1174 dispose que les obligations sont nulles, lorsqu'elles comportent une condition potestative de celui qui s'oblige (le débiteur). En revanche, les conditions potestatives stipulées au profit de celui qui bénéficie de l'obligation (le créancier) sont sans conséquences sur la validité de l'obligation : il s'agit simplement d'une option.

La doctrine a limité le champ d'application de l’article 1174, en distinguant deux types de conditions potestatives, les conditions purement potestatives, et les conditions simplement potestatives. Après quelques tergiversations, la jurisprudence semble s'être rallié à cette distinction : les conditions purement potestatives sont toujours nulles, mais les conditions simplement potestatives sont valables.

Lorsque la défaillance de la condition est imputable à la volonté d'une partie, la survenance de l'évènement est réputée pour sanctionner le débiteur de mauvaise foi (art. 1178 civ.).

Enfin, la condition ne doit être ni impossible, ni illicite au sens juridique, à peine de nullité du contrat.

La condition suspensive modifier

La condition suspensive a pour effet de suspendre l’existence de l'obligation jusqu'à la survenance de l'évènement. L'existence de l'obligation est en germe, et le créancier peut accomplir des actes conservatoires. Cependant, l'obligation n'existe pas encore : le paiement du débiteur avant la réalisation de la condition sera indu et répétible. La condition étant postulée au profit du créancier, celui-ci peut y renoncer, de sorte que l'obligation devient immédiatement exigible.

À la réalisation de la condition, l'obligation produit ses effets automatiquement et rétroactivement. Le juge ne dispose d'aucun pouvoir d'intervention, et le contrat sera réputé pleinement efficace dès sa création. Il est possible de renoncer conventionnellement à l'effet rétroactif de la condition.

La défaillance de la condition peut être prévue par un délai. Le cas échéant, la certitude de la défaillance doit être certaine (v. Civ., 19 décembre 2001). En cas de défaillance volontaire et déloyale, la condition sera réputée accomplie (art. 1178 civ.).

La condition résolutoire modifier

Une obligation peut être soumise à une condition résolutoire, de sorte que l'obligation sera immédiatement exigible, mais pourra disparaître rétroactivement à la survenance de l'évènement. La défaillance de la condition résolutoire ne remettra pas en cause l’existence de l'obligation, et lèvera la menace de sa disparition rétroactive.

L'obligation plurale modifier

L'obligation peut porter sur une pluralité d'objets, ou une pluralité de sujets.

La pluralité d'objets modifier

L'obligation conjonctive modifier

L'obligation est conjonctive lorsque le débiteur doit cumulativement deux objets ou prestations au créancier pour une même obligation. L'extinction de l'obligation nécessite le paiement des deux objets ou l'accomplissement des deux prestations. L’objet du contrat est l’opération contractuelle envisagée par les parties (ex : bail, vente, mandat, franchise…). C’est l’opération juridique envisagée dans sa globalité. Il y a aussi l’objet de l’obligation qui est une prestation envisagée en elle-même ; cette prestation doit répondre à un certain nombre d’exigence, notamment sa détermination, son existence, sa possibilité, sa licéité. La question est de savoir ce à quoi le débiteur est tenu envers le créancier. Il y a donc deux objets dans un contrat synallagmatique et un seul dans un contrat unilatéral.

L'obligation alternative (ou disjonctive) modifier

L'obligation est dite alternative lorsque deux objets doivent être exécutés l'un ou l'autre. L'extinction de l'obligation ne nécessite qu'un seul des deux objets, car les parties réputent équivalents les deux modes de prestations. Le choix de l’objet est laissé au débiteur, mais celui-ci est contraint au paiement total de la prestation choisie : le créancier dispose d'une faculté de refus d'une prestation partielle.

Lorsque l'un des modes de prestation devient impossible, l'autre mode de prestation devient obligatoire. Ainsi, dans un contrat de dépôt-vente, le dépositaire est soumis à une obligation alternative : rendre la chose déposée en nature ou en argent (Civ. 1ère, 16 mai 2006, Bull. civ. I, no 239).

La pluralité de sujets modifier

Une même obligation peut comporter une pluralité de sujets, qu’il s'agisse de plusieurs cocréanciers ou de plusieurs codébiteurs. La division de l'obligation est dangereuse pour le créancier, car elle multiplie les risques d'insolvabilité. Il existe cependant des remèdes juridiques et jurisprudentiels : la solidarité, les obligations in solidum, et l'indivisibilité.

L'obligation conjointe modifier

L'obligation conjointe peut se diviser entre plusieurs sujets : cette division sera passive en présence de plusieurs codébiteurs, et active en présence de plusieurs cocréanciers. Chaque partie sera tenue pour sa seule part. Ainsi, chaque héritier de cujus est responsable d’une part de la dette, et chaque créance est indépendante (art. 1220 civ.).

Les exceptions modifier

Il existe trois types d'exceptions aux obligations conjointes : les obligations solidaires, les obligations in solidum (d'origine jurisprudentielle), et les obligations indivisibles).

Les obligations solidaires

La solidarité est dite active pour les cocréanciers, et passive pour les codébiteurs.

La solidarité active supprime la division de l'obligation, car chaque créancier peut demander à être payé pour le tout de la dette du débiteur. Cela emporte un risque pour les autres cocréanciers.

La solidarité passive concerne les codébiteurs. Le créancier peut alors demander paiement pour le tout de la créance à n’importe lequel des codébiteurs, de préférence le plus solvable de tous (art. 1203 civ.).

Les sources de la solidarité

La solidarité est conventionnelle lorsqu'elle résulte de la volonté des parties au contrat, ou d'une partie à l'acte unilatéral (testament). En droit civil, la solidarité ne se présume pas : à défaut de stipulation contraire, l'obligation est soumise au régime des obligations conjointes. Cependant, il existe une présomption simple de solidarité entre les codébiteurs commerçants en droit commercial.

La solidarité est légale lorsqu'elle est prévue par un texte. C'est le cas des codébiteurs en matière de prêt (art. 1187 civ.), et en matière de contrat de mandat. Elle peut être exclue par l'effet d'une stipulation contraire, sauf en matière de responsabilité civile des parents pour les dommages causés par les enfants.

Les effets de la solidarité

La solidarité emporte des effets principaux et des effets secondaires.

La solidarité a pour effet principal de garantir l'unité de l’objet de l'obligation. Chaque débiteur est tenu pour le tout. Le règlement de la dette par l'un des codébiteur éteindra la dette à l'égard du créancier, mais fera naître une créance à l'égard des autres codébiteurs.

En présence d'une pluralité de liens entre le créancier et des codébiteurs, le créancier peut actionner le lien de son choix, ou encore tous les liens à la fois. Cependant, le codébiteur atteint d'une incapacité sera automatiquement libéré, et la dette sera répartie entre les codébiteurs restants. La compensation d'un codébiteur à l'égard du créancier fera éteindre sa dette, et profitera à tous les autres codébiteurs, leur dette étant diminuée d'autant.

La solidarité a plusieurs effets secondaires prévus par le Code civil. La prescription de l'action pour un codébiteur (art. 1206 civ.), les intérêts moratoires (art. 1207 civ.) et la mise en demeure (art. 1205 civ.) valent pour tous les autres codébiteurs. Certains effets secondaires sont jurisprudentiels. La force de chose jugée à l'égard d'un codébiteur vaut pour tous les autres codébiteurs, et il ne peut exister alors de tierce-opposition.

Les obligations in solidum

Bien qu’il n'existe pas de présomption de solidarité conventionnelle ou légale, la jurisprudence a étendu en matière civile un ersatz de solidarité. En présence de plusieurs faits générateurs d'un même préjudice, les responsables ont une obligation in solidum de réparation de l'intégralité du préjudice. Toutefois, cette forme de solidarité n'emporte aucun des effets secondaires de la solidarité.

Les obligations indivisibles

Le créancier peut toujours s'opposer au paiement partiel de la dette, notamment en stipulant que l'obligation est indivisible. Chaque codébiteur ne pourra alors rembourser que l'intégralité de la dette.

Les sources de l'indivisibilité

L'indivisibilité de l'obligation peut être objective, lorsqu'elle résulte de la nature même de l’objet de la créance : c’est le cas pour certaines obligations de faire ou de ne pas faire, et pour les obligations de donner lorsque les parties les considèrent comme indivisibles. Il s'agit alors d'une garantie apportée au créancier. L'indivisibilité peut être subjective et concerner soit une obligation, soit un contrat, soit un ensemble contractuel.

Les effets de l'indivisibilité

Le principal effet de l'indivisibilité obligera les codébiteurs à payer la dette dans son intégralité. Elle emporte donc les mêmes effets que la solidarité, à l'exclusion de ceux prévus à l’article 1220 du Code civil. L'indivisibilité d'un ensemble contractuel permettra de retenir une qualification spécifique (ou un régime sui generis), et la résiliation d'un contrat entraînera la caducité de l'autre contrat (annulation non-rétroactive).