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L’énigme de Fermat : Dernier Problème

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Le sublime dans tous ses états

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« L’énigme, c’est la puissance infinie du connu, c’est ce qui pousse le connu vers son infini, vers sa soif de connaissance, […] c’est un lieu de future adéquation. » [...] « L’imagination ouvre sur la création et sur l’éthique. » Cynthia Fleury, Métaphysique de l’imagination.

Au fil des siècles et de leurs découvertes, les mathématiciens sont devenus de plus en plus sûrs d'eux, parfois imbus de leur savoir. Cet orgueil du métier (que nous avons tous, et qui est humain), ainsi qu'une rationalité à œillères, prennent parfois le pas sur l'imagination créatrice, la brident. Pour reprendre les mots de Jacques Roubaud, « Les suiveurs des suiveurs [... ] ne savent plus rien de ce qui a motivé les fondateurs […]. Ils pensent savoir tout ce qu’il y a à savoir, dès les commencements. »

L’analyse rigoureuse de la deuxième OBSERVATIO de Fermat (question VIII de l’Arithmetica de 1670), l’étude de ses travaux, de sa correspondance, de sa vie, de sa psychologie surtout, est un sujet de méditations indéfectible. Son Grand Œuvre consiste essentiellement en :

– quarante-sept observations notées ‘’OBSERVATIO D.P.  F.‘’,

– une observation notée ‘’OBSERVATIO DOMINI PETRI DE FERMAT‘’ (la fameuse note).

Ces 48 observations qui tiendraient en quelques pages ont été ajoutées par son fils Clément-Samuel à l'édition de l’Arithmetica de 1621, pour composer l’Arithmetica de 1670. Voilà un nouveau livre qui a énormément contribué à la connaissance, un livre dont le “prologue”, par Diophante, est bien plus long que le texte de Fermat. Au fil du temps cette observation du XVIIe siècle fut très approximativement traduite dans différentes versions auxquelles les mathématiciens se sont toujours fiés : le “théorème” y étant parfaitement énoncé ils s'en sont contenté. Jamais ils n'auraient imaginé que l'explication de Fermat était sous leurs yeux ! Il faut reconnaître que puisque qu'on savait Fermat très avare de démonstrations, il était bien difficile d'imaginer que pour son plus gros théorème, il nous aurait mâché le travail... La note en latin elle-même fut souvent mal retranscrite, on en connaît une dont le premier mot a été transformé en Cubem : « Que nous dormions ! » On n'a pas encore vu une traduction de Cubum autem in duos cubos par « mais je dors les deux coudes sur la table » mais un élève bien peu doué ou alors très blagueur aurait bien pu la faire...

Voici à nouveau la traduction exacte, Fermat la destine au chercheur sérieux et honnête. Nous verrons plus loin qu'une seconde interprétation de cette note énigmatique, évidente après le décodage effectué par Roland Franquart en 2008, est possible. L'évidence de cette seconde interprétation est encore accentuée quand on a sous les yeux une version de l'Arithmetica très particulière (voir infra) que nous découvrîmes en 2017 au terme de laborieuses recherches sur internet. Nous verrons aussi que les deux interprétations ont chacune une utilité.
« Mais que ce soit un cube en deux cubes ou bien un carré de carré en deux carrés de carré et en général jusqu'à l’infini, aucune puissance autre que le carré ne peut être partagée en deux puissances de même nom, j’en ai réellement révélé (ou mis à nu, ou mis à découvert) l’explication (ou la démonstration) étonnante (ou admirable, ou merveilleuse). La marge exigüe ne la contiendrait pas. »

En termes modernes :
« x, y, z étant des entiers positifs, xn + yn = zn est impossible pour toute valeur de n (nombre entier) supérieure à 2. »

  • La traduction que l'on rencontre usuellement comporte deux erreurs majeures dans la partie la plus cruciale du texte.

– Première erreur : « J'en ai trouvé une démonstration vraiment merveilleuse. » Fermat a écrit detexi et non inveni (du verbe invenio : trouver, découvrir).
– Deuxième erreur : Puisque Fermat a placé l'adverbe sane (“vraiment”, “assurément”) devant le verbe detexi (‘’j’ai révélé‘’), c'est donc au verbe que l'adverbe se rapporte : « J'en ai réellement révélé une démonstration admirable. » Les mathématiciens qui ont mal traduit la note auraient voulu faire de cette conjecture une plaisanterie qu'ils ne s'y seraient pas pris autrement. En traduisant : “J'en ai découvert une démonstration vraiment merveilleuse que la marge est trop étroite pour contenir”, ils ont fait de Fermat, par un magnifique acte manqué, et définitivement, un vantard, un amateur qui prétend une chose vraie sans pouvoir la prouver. Et par cette fausse traduction ils ont encore accentué l'aspect mystérieux de cette observation, empêchant qu'on puisse l'étudier sérieusement.

L'étroitesse des marges

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Garder pour soi ses propres démonstrations était d’un usage courant à l’époque de Fermat, combien n’a-t-on pas retrouvé de ces démonstrations seulement après le décès de leurs auteurs ? Peut-on croire que c’est seulement par manque de temps, et encore moins par manque de place dans les marges, qu’il a jalousement gardé pour lui ses ‘’merveilleuses’’ démonstrations ? Envisageons un instant qu'il ait réussi à écrire l'intégralité de chacune de ses 48 observations dans les marges. Il aurait alors fallu que les plus longues d’entre elles soient divisées en plusieurs parties et réparties sur des pages qui n'auraient pas eu de rapport direct. L’observation VII par exemple contient pas moins de 697 mots répartis sur 24 paragraphes.
1) Comme nous l’avons vu c'est de toute évidence à l'intention du lecteur qu'ont été écrites ces 48 OBSERVations. En outre le style est aussi parfait que dans ses lettres, sont-ce là les manières d'écrire un pense-bête ?
2) Elles constituent à elles seules la plus formidable contribution aux mathématiques du XVIIe siècle.
Ce qui paraît vraisemblable est que :
– Fermat a écrit les moins longues de ces observations dans les marges, et pas dans une forme aussi élaborée, aussi littéraire, que celles que nous les connaissons actuellement.
– Toujours dans les marges, il a brièvement résumé les “notes” les plus longues. Pour ensuite les formuler d’une manière très élaborée, très élégante à l'intention des lecteurs, soit sur des feuilles volantes assemblées ensuite entre elles, soit sur un livret, avant d'être transcrites par Samuel sur l'Arithmetica de 1670. Parmi celles-ci la note très courte sur le grand théorème, dont le codage a dû nécessiter un travail intense, et dont la typographie «trafiquée» deux fois dans deux éditions différentes sur le même mot detexi, devait être parfaitement rendue, pour que Samuel la transcrive exactement.
– Il est possible que Fermat ait aussi inséré dans les marges des informations exclusivement réservées à Samuel.
– Fermat ayant écrit de brèves observations dans les marges, Samuel n’a même pas eu à faire un pieux mensonge quand il rapporte que son père insérait des notes dans les marges.

Dans notre thèse Samuel est donc “dans le secret des dieux” (i.e. Fermat a transmis à son fils toutes les consignes nécessaires). Il ne conserve pas le Diophante après l'avoir récupéré chez l'imprimeur alors que l'intégralité des observations de son père était censée s'y trouver. Où est donc passée cette Arithmetica ? Voici ce qu'écrit Samuel de Fermat dans la préface de l’édition de 1670 : « Illas [observationes] Parens meus quasi aliud agens et ad altiora festinans margini variis in locis apposuit, præsetim ad quatuor vltimos libros. » (« Ces remarques, mon père les nota dans la marge à différents endroits, surtout dans les quatre derniers livres, comme s’il faisait autre chose et qu’il avait hâte d’atteindre des buts plus élevés. »). La précision “surtout dans les quatre derniers livres” n'était pas vraiment utile puisque c'est évident : elle est justifiée dans le sens où ce sont dans ces Livres III à VI, que figurent la majeure partie des 48 observations (45 sur 48) mais c'est justement parmi elles qu'on trouve les plus longues[1], qui auraient difficilement tenu dans une marge. Dans les Livres I et II au contraire, les trois premières observations sont très courtes et y auraient tout à fait trouvé place (Samuel nous aurait-il laissé là un indice ? Je l'ignore).

Samuel sait évidemment que si les 48 observations avaient entièrement été écrites dans les marges, l'ouvrage aurait acquis une valeur historique (et marchande) considérable. Aucun commentateur de Fermat ne s'est interrogé sur l'étrange disparition d'un ouvrage aussi important, elle n'a éveillé aucune curiosité. Notre avis est qu'aucun d'entre eux n'a eu la moindre velléité de chercher à comprendre, d'y voir un argument supplémentaire en faveur d'une preuve détenue par Fermat. Catherine Goldstein, sans s’attarder sur le sujet, emploie le conditionnel et écrit : « […) observations qu’il aurait écrites dans la marge. » Si Fermat a donné, sur un livret ou sur papier libre, des instructions précises à son fils dans la manière de consigner dans trois versions différentes de l'Arithmetica cette note si importante à ses yeux, alors ces consignes justifient parfaitement la disparition de l'ouvrage, que Samuel s'est vu contraint de détruire pour que le plan de son père se réalise pleinement. Nous ne voyons pas d'autre explication à la disparition de l'ouvrage. Il nous semble évident aussi que Fermat avait demandé à Samuel de ne faire connaître qu'après sa mort les 48 observations. Pierre et Samuel, voila un bien noble binôme, qui a mérité sa particule : Pierre, homme de cœur, intègre, à la fois humble, ambitieux et audacieux, incisif dans ses défis, ‘’paresseux’’ dit-il de lui, mais plutôt chercheur invétéré, extrêmement occupé. Samuel, humaniste lui aussi, passeur dévoué, il sait d’où il vient, il sait où il va, un vecteur bien orienté en somme, digne héritier de son père.

On n'a retrouvé dans la bibliothèque de Fermat que quelques très rares ouvrages dont une Arithmetica de Diophante. On pouvait s'attendre à ce que ce ne soit pas un exemplaire de l’Arithemica semblable à celui qui avait inspiré Fermat et ne comportant pas les 48 observations, ç'aurait été un indice trop flagrant que Fermat père et fils auraient laissé à la postérité. Ne voulant rien négliger j'ai fait appel aux bons offices de Madame Marielle Mouranche, Conservateur des bibliothèques, responsable du livre ancien à l'Université de Toulouse, qui m'a confirmé que l’Arithmetica retrouvée n'est pas une édition de 1621, mais une autre, éditée à Bâle en 1575 [1] et commentée par cinq personnes, dont Fermat.

Le style des Observations

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  • CM, Jean Rousseau, Laurent Hua [2], Albert Violant I Holz : Le style utilisé par Fermat dans ses 48 observations (leur élégance aussi), montre clairement qu'elles ont été rédigées à l'attention du lecteur. En outre, quel besoin aurait-il eu de s'expliquer à lui-même qu'il a réellement dévoilé des explications admirable s? Quel besoin aussi aurait-il eu de répéter sans cesse, uniquement à son intention, qu'il manquait de place – lou de temps ?
  • Pourtant l’historien Jean Itard écrivait : « réservées à son seul usage. » De même après la découverte de Wiles en 1994, Winfried Scharlau veut nous le faire croire. Un autre argument est avancé : « puisqu’il [Fermat] ne connaissait pas nos outils modernes ». Il est saisissant de voir comment les mathématiciens qui n'ont pu suivre ses traces ont pu s'ingénier à utiliser des mauvais arguments pour rabaisser encore plus un génie qui les aura autant défiés. Certaines légendes urbaines ont la vie dure, surtout quand « des considérations d’ordre affectif ou égocentrique (et plus généralement les considérations “humaines”) viennent immanquablement troubler le cours limpide d’un raisonnement logique. » (Christophe Breuil).
  • (Paul Tannery). C'est seulement cette “note” énigmatique qui a un titre écrit en toutes lettres : OBSERVATIO DOMINI PETRI DE FERMAT, les 47 autres sont abrégées en OBSERVATIO D.P. F. . Fermat nous suggère-t-il ici d’observer de très près, dans tous les moindres détails, son plus grand défi ? Il y a en tout cas ici un paradoxe, d'une part avec cette mise en capitales d'imprimerie il majore l'importance de cette note, d'autre part il écrit que la marge étant trop exigüe... il ne peut nous la livrer (en détail en tout cas). Chercher l'erreur.

Alexandre Grothendieck : « Et il y a aussi la vérité d'une situation particulière, unique. Ainsi, dans telle situation, nous percevons de façon sûre qu'un interlocuteur est de mauvaise foi, qu'il est dans un état de mensonge (alors qu'il peut fort bien être persuadé lui-même qu'il est de la meilleure foi du monde…) ; ou au contraire, nous percevons que ce qu'il dit est vrai, que c'est dit dans des dispositions de vérité (alors même que le contexte pourrait peut-être avoir toutes les apparences du contraire). La même chose peut avoir lieu en lisant un texte écrit, par exemple tel passage d'un livre. Ou nous pouvons avoir la perception d'un état de vérité ou d'un état de mensonge en nous-mêmes. De telles perceptions, qui ne sont perçues au champ conscient que dans des dispositions de silence intérieur, d'écoute, nous apportent une connaissance véritable, elles nous disent la v é r i t é d'une chose, d'une situation. »[2].

Il est bien difficile de croire que les 3 différences d'écriture du même mot crucial detexi (“j'ai dévoilé”), sur la même observation et dans 3 versions différentes de l'édition de 1670, si elles avaient été des accidents, auraient échappé à son fils Samuel, qui œuvra avec tant d'assiduité à faire connaître l'œuvre de son père. De même pour le point exagérément surchargé qui suit ce même mot detexi dans les 3 versions. Doit-on aussi prendre pour d'incroyables coïncidences toutes les curiosités que l'on découvre : rien que dans cette observation, quand on l'analyse en profondeur, on en compte 9.

Je suis toujours aussi sidéré, amusé aussi, de voir comment au fil des décennies, puis des siècles, certains grands mathématiciens, têtes pleines d'une logique algébrique mais faisant fi de toute logique abstraite, générale, ont réussi à tisser eux-mêmes les mailles du filet où ils se sont enfermés, coupés du simple bon sens. Quand on a découvert et étudié les nombreux indices, évidents aux yeux de l'humble observateur, attentif et sans préjugé, qu'a laissés Fermat, la meilleure conclusion qu'on puisse en donner est : c'est tout simplement sublime. Il est difficile de juger ces intellectuels, dont les pensées et propos relèvent à la fois d'un profond sentiment d'infériorité vis à vis de Fermat et d'une méconnaissance totale de cet homme, et de l'âme humaine en général, on ne peut que s'ébahir de leur aveuglement. Voyant comment une si longue, si tenace légende urbaine a pu s'élaborer, on en tire un enseignement profond : l'étude de la pensée de groupe, l'observation des rivalités entre grands hommes, nous enrichissent dans notre connaissance de la psychologie humaine : comment un imaginaire collectif peut complètement se pervertir.

Trois versions différentes de l’Arithmetica, premiers codages

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Rappelons la traduction intégrale : « Or que ce soit un cube en deux cubes ou bien un carré de carré en deux carrés de carré et en général jusqu'à l’infini, aucune puissance supérieure au carré ne peut être partagée en deux puissances du même nom, ce dont j’ai assurément dévoilé l'explication étonnante [ou admirable]. Cette marge exigüe ne la contiendrait pas. »
La présence du premier mot autem (or, en outre) s'explique par le fait que l'« Observation » vient à la suite d'un texte de Diophante.

Il existe trois versions différentes de lʼArithmetica de 1670, où la célèbre note énonçant le théorème se présente sous trois aspects différents. C’est grâce à Roland Franquart (je vous recommande vivement la visite de son site, où il explique en détail toutes ses découvertes) qui en 2009 me fit part de ses travaux à partir de l’Observation présente sur l’Arithmetica de la Bibliothèque de Lyon, que ma passion pour cette énigme, dont le traitement qu’on en avait fait m'avait très choqué, en fut encore accrue.

Une fois sur le site, télécharger le fichier pdf, puis accédez à la page 141.

 
Arithmetica de la Bibliothèque de Zurich : la note est correctement écrite








Sur cette version l'observation est correctement écrite et le mot detexi ne souffre d'aucune bizarrerie. Seul le point final est surchargé mais ce n'est qu'en lisant les deux versions suivantes qu'on se sera décidé à y porter une réelle attention.

 











(Roland Franquart) : La surcharge sur le t de detexi suggère que cette lettre pourrait avoir une grosse importance pour la suite. En outre je pense comme R. Franquart que ce t a un rapport avec les deux derniers mots de l'observation de Fermat, non caperet (n'eût pas contenu ce t, dans le triangle de Pascal – l'explication complète figure sur son site). La surcharge a aussi le gros avantage de forcer l’attention sur le mot detexi : “j’ai dévoilé” (ou mis à nu). Le point qui suit le mot est à nouveau surchargé, comme pour rappeler l'importance du mot qui précède. En outre, le t initie texi, signifiant "j'ai caché". Le décryptage effectué par Roland Franquart révèle une deuxième lecture : « [… ] ce dont j’ai entièrement construit comme un tissu l’explication surprenante. Le manque (la petitesse) de la marge (ou bordure, ou bord, limite, cadre) ne la contiendrait pas. » Ces codages et décodages peuvent paraître au béotien tirés par les cheveux, mais souvenons-nous que Fermat adore jouer avec ses correspondants, et avec les mots (ne parlons même pas des nombres). Il s'est s'appliqué à laisser un maximum d'indices en les disséminant un peu partout (cf. infra).

  • La grossière surcharge sur le t figure sur plusieurs des exemplaires de l'Arithmetica que nous avons trouvés et ces surcharges y sont identiques. Il a donc fallu que l'imprimeur réalise spécialement un nouveau caractère mobile d'imprimerie. Notons par ailleurs que si ce “t” avait souffert dans un premier temps d'un manque d'encre et n'avait pas été parfaitement visible, on l'aurait rendu clairement lisible sans le surcharger aussi grossièrement.

En juin 2017, j'ai passé de longues heures à chercher une bizarrerie qui aurait pu figurer dans une autre version de l'édition de 1670, de préférence sur le mot (detexi) où Roland Franquart avait déjà trouvé (entre autres choses) la bizarrerie du t surchargé. Je me disais que si Fermat avait voulu mettre toutes les chances de son côté pour que seuls ses suiveurs trouvent son explication, il n'aurait rien risqué à utiliser ce stratagème une seconde fois. Mais honnêtement, je ne pensais absolument pas pouvoir trouver une troisième version, différente, et encore moins une deuxième bizarrerie sur le même mot, c'aurait été trop beau. Si je me suis à ce point obstiné c'est que je caressais un fol espoir : trouver un « argument massue ». Et finalement je la trouvai, cette deuxième grosse bizarrerie, sur l'exemplaire de l'Université de Rome (detex). Je n'en crus pas mes yeux, cette découverte était si inattendue qu'elle me laissa sidéré, et le coup de massue c'est moi qui l'ai reçu. Pendant longtemps je restai dans cet état, ne sachant quoi en penser. Personnellement trop impliqué, il m'était difficile de réfléchir sereinement à la nouvelle situation. Cette bizarrerie supplémentaire, ça “paraissait trop‘’, c'était “trop gros‘’, même venant du très facétieux Pierre de Fermat. Mais je n'avais pas assez considéré qu'il travaillait à une époque sans internet. Je mis presque deux ans à trouver la solution, pourtant d'une clarté aveuglante. Une fois sur le site, taper en haut le N° de page 141, puis agrandir l’image (signe + en bas à droite).

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Arithmetica de l'Université de Rome



 
→ Le i est remplacé par le graphème avec son point en chef. Remarquez aussi le point final surchargé.




(CM) : On observe que l’élément précédant le point final – point surchargé comme sur les autres versions – , étrangement n’est ni un i , ni un s, mais ce caractère étrange, , qui a priori est incongru dans ce texte latin. La lettre “s” diacritée d’un point suscrit (ou “point en chef” ) est un graphème du latin étendu, autrefois utilisé dans l’alphabet irlandais. Une diacritique est souvent utilisée pour distinguer un mot d'un autre mot, homonyme. Pourquoi Fermat, philologue, a-t-il transformé le mot detexi (“j’ai dévoilé”) en detexṡ ? Ce mot étant inconnu de la langue latine, examinons le dernier caractère, . Il est formé d'un “i ” deux fois bosselé (tordu), inclus dans le “”. Les deux caractères “i” et “s” sont confondus, le graphème peut alors se décomposer en i + s, ce qui nous donne → is. Le mot inconnu detexṡ devient le mot detexis, du verbe detexo cette fois, et non plus detego. Or detexo signifie “tisser complètement”, et conjugué ici au présent de l’indicatif, à la 2ème personne du singulier, « tu tisses complètement  »(ou « tu représentes complètement »), ce qui rejoint et confirme le décryptage alphanumérique effectué par Roland Franquart en 2008 d'après l'édition “de Lyon ” cette fois : « j'ai complètement tissé ».
detexis , du verbe detexo :

Dans ces deux dernières versions Fermat «trafique» deux lettres dans le même mot. A-t-il envisagé qu'après sa mort, un mathématicien en possession d'une édition “detex. en soit désorienté et écrive à un collègue pour lui faire part de cette curiosité ? Si ce collègue, souhaitant vérifier de visu l’information avait alors, par chance, consulté une édition « de t exi. », ces deux personnes se seraient interrogées et mises à la tâche confiantes et assidues. Une telle rencontre ne s'est sûrement jamais produite. Quant à nous, nous avons maintenant le choix entre deux nouvelles interprétations, que nous pouvons d'ailleurs utiliser ensemble :
« ce dont tu tisses complètement la démonstration admirable (car) j'en ai réellement dévoilé, entièrement tissé, l’explication tout à fait étonnante. »Fermat a fait preuve ici de beaucoup d'ingéniosité. La preuve « assurément dévoilée » par Pierre de Fermat, si elle est très courte, est d’une difficulté formidable. Le décryptage effectué par R.F. montre que Fermat s’est élégamment servi des propriétés du triangle arithmétique “de Pascal”. Les codages effectués dans le texte latin, avant d’être cassés, recouvrent, cachent, dissimulent (verbe latin tego, is, ere, texi, tectum), un début d'explication.

La trouvaille qui m'a le plus réjoui n'est pas la découverte de cette très curieuse version de l’Arithmetica de Rome, car bien que j'ai passé énormément de temps à la chercher, j'ai surtout eu beaucoup de chance, elle aurait pu ne pas être présente sur internet, et finalement le décodage de cette anomalie n'en fut pas trop difficile, et il ne faisait que confirmer les découvertes de Roland Franquart. Non, là où j'ai été le plus heureux, c'est quand j'ai fait cette découverte relative aux “nombres de Fermat”. Quand on suit les traces de Fermat pas à pas on devient de plus en plus audacieux pour s'aventurer de l'autre côté du miroir, là où personne n'est encore allé. Il en a fallu du temps, de la disponibilité intellectuelle, des méditations, ainsi qu'une certaine aptitude à la sérendipité pour que, après de multiples relectures de la lettre à Carcavi et la connaissant par cœur, je la relise une dernière fois, comme en pensant à autre chose, et soudainement la subtilité de Fermat m'est apparue dans toute sa splendeur. Il m'avait d'abord fallu oser imaginer que son astuce pouvait être d'une habileté diabolique, puis peser chaque mot de la proposition adressée à Carcavi. Il y a quelque chose de très réjouissant en ce que nous les humbles avons souvent une vie bien plus apaisée, une vision des choses plus saine et plus fine, plus englobante aussi que des personnalités très en vue soumises à toutes sortes de contraintes professionnelles.

  • À la lecture d'un long et chaleureux courriel que m'envoya Catherine Goldstein en janvier 2022 je compris pourquoi elle ne pouvait s'autoriser à donner son avis sur la preuve de Fermat, une reconnaissance officielle de la validité de la preuve de Fermat non seulement provoquerait un remue-ménage chez des milliers d'amateurs et des dommages collatéraux très chronophages et fort gênants, mais surtout elle ne voulait en aucune manière être à l'origine d'une polémique qui serait dommageable pour tout le monde. Et pour tout vous dire je terminais ma réponse à son message par ces mots : « Accepte je te prie ma reconnaissance éternelle ». Sans ses encouragements en effet lors de mon dernier “séjour” de quelques années sur Wikipédia, sans ses messages de soutien, sans cette complicité qui nous lie — une passion commune pour Pierre de Fermat — je n'aurais pas eu la motivation nécessaire pour réaliser une étude aussi approfondie, qui m'a procuré tant de joies et tant de belles émotions, et que je peux maintenant livrer à votre sagacité et à votre critique. Elle est en quelque sorte offerte en « libre service », si Untel pourra passer outre, un autre pourra s'en inspirer et même, pourquoi pas, la faire totalement sienne. J'en serais ravi.

Je vous donne ma parole que ce qui suit est vrai. Un responsable de l’Agence France-Presse s’était étonné en 2009 qu’aucun des journalistes scientifiques auxquels on avait soumis la preuve de Fermat n’ait souhaité donner suite. Est-ce que vous êtes étonné(e), vous ? La formidable innovation qu’a produit Wikiversité (entre autres choses) est qu’en utilisant les outils de Wikipedia, elle fournit aux chercheurs indépendants le meilleur support de travail qu'ils puissent jamais trouver, permettant à un public de plus en plus large d’accéder à des travaux inédits et introuvables ailleurs. Si ce modeste essai pouvait encourager de jeunes chercheurs à comprendre combien le panurgisme contrarie le discernement et l'initiative personnelle, il aurait atteint pleinement son but.
Une caractéristique de cette énigme possède cette anagramme étonnante et bienvenue : la légende urbaine rendue inégalable.
Il semble que logiquement tout s'enchaîne au mieux pour que cette longue épopée jamais ne prenne fin. Pouvait-on mieux remercier le grand homme qu'en lui consacrant cette étude ? Merci, Monsieur Fermat.

Trois lectures possibles de l'observation de Fermat

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« Cuius rei demonstrationem mirabilem sane detexi .»

 
Fermat et sa muse. Toulouse, Capitole.

« S’il existe un sublime en mathématique, le latin en est, selon Ludivine Goupillaud, le « marqueur » par excellence, suscitant l’admiration devant les abîmes ouverts par les raisonnements mathématiques. » Emmanuel Bury

« Ludivine Goupillaud s’est interrogée sur l’usage du latin chez le mathématicien Pierre de Fermat (1608-1665) […]. Selon L. Goupillaud, le mérite du latin, aux yeux de Fermat, est d’être une langue rigoureuse conforme aux exigences des mathématiques, ce que ne permettent pas alors les langues vernaculaires. Langue fixée de longue date par des normes grammaticales, elle peut fonctionner aisément comme une « machine à coder et à décoder », même si, comme on le voit sous la plume de Fermat, elle exige parfois des gloses en français pour expliciter le sens exact des termes employés. » Emmanuel Bury, in Tous vos gens à latin. Le latin, langue savante, langue mondaine (XIVe-XVIIe siècles), Ed. DROZ. Actes du colloque de l’Université de Saint-Quentin-en-Yvelines, à Paris E. N. S. Ulm [compte-rendu]. Citations autorisées par les auteurs et l'éditeur.

Fermat a fait en sorte que son observation puisse être comprise de 3 façons différentes.

Première lecture

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Rappelons que detexi peut aussi se traduire par ‘’j’ai mis à découvert’’, qu’on peut facilement confondre avec ‘’j’ai découvert’’ ou ‘’j’ai trouvé’’ (qui se disent inveni en latin). Nous sommes quant à nous certain que Fermat avait anticipé que le verbe qu'il a choisi (detexi) prêterait facilement à équivoque, surtout dans le contexte général de l'observation qui fait penser à une galéjade, voire une fanfaronnade pour ses détracteurs. Ainsi, pour le mathématicien allemand Ernst Kummer l'observation de Fermat ne serait qu'une « plaisanterie ». Le mathématicien qui ne maîtrise pas parfaitement le latin traduira ainsi le texte :

  • J'en ai trouvé une démonstration vraiment admirable. Cette lecture est à destination des suiveurs des suiveurs qui n'ont que quelques notions de latin. En outre ils n'ont pas étudié la psychologie de Fermat, sa prédilection aussi pour la pédagogie, pour les durs labeurs qui amènent les plus grandes satisfactions.

Deuxième lecture

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« [Cuius rei] demonstrationem mirabilem sane detexi. » Le latiniste confirmé, surtout s'il n'a pas de préjugé défavorable envers Fermat, aura étudié de très près le texte latin et traduit correctement :

  • J'en ai réellement dévoilé l'explication étonnante (ou admirable, merveilleuse).

Troisième lecture

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Le latiniste peut approfondir encore davantage la formulation en tenant compte de ce fameux detexis (sur l'édition “de Rome”) du verbe detexo“tisser complètement”. Roland Franquart avait trouvé exactement la même dénomination, mais grâce à l'édition “de Lyon” et un tout autre codage. Nous avons alors une troisième lecture :

  • J'en ai réellement tissé, entièrement, la surprenante explication.

Comme nous l'avons vu plus haut, en combinant ces deux dernières lectures, on peut en ajouter une quatrième, plus complète :

  • J'en ai réellement dévoilé, entièrement tissé, l'explication étonnante.

On est pédagogue ou on ne l'est pas. Notons que les mots ‘’texte’’ et ‘’tissu’’ (et ‘’enlacement’’) ont la même racine latine, textŭs. Notons enfin que dans la dernière phrase de l'observation, le mot marginis peut se traduire par "marge", par "bordure" et par "limite".

« La concision, en plus de ses vertus stylistiques, joue un rôle de stimulant, en particulier dans les échanges épistolaires. En taisant délibérément ses conclusions, en ne révélant que les linéaments de sa pensée, Fermat crée une émulation par l’ellipse […]. » Ludivine Goupillaud, Tous vos gens à latin.

Le caractère formulaire des sentences latines, à la fois gage de clarté et d’élégance, permet la fixation des règles dégagées, sans l’embarras de la glose explicative : la concision – on sait combien les mathématiciens de l’âge classique aiment sauter les étapes intermédiaires du raisonnement – suscite réaction et activité de la part du lecteur, quitte à prendre le risque de l’ellipse énigmatique ou du cryptage (ne sommes-nous pas alors dans l’âge d’or du concetto, où le modèle latin demeure prédominant ?) […]. »[3]
Emmanuel Bury. Tous vos gens à latin.

Nous prétendons que Fermat savait que sa phrase, qu'on traduirait de la façon qui nous arrangerait le plus, fourvoierait les “suiveurs des suiveurs” qui ne verraient en lui qu’un fanfaron ou un étourdi (au choix). C'est le même genre de subterfuge qu'il utilisa en évoquant la fameuse fausse conjecture dans la lettre à Carcavi. On est artiste ou on ne ne l'est pas.

« Les philosophes des sciences portent une attention particulière au langage : ils développent l’idée que l’expérience de Sens commun, exprimée dans le langage courant, doit servir de base au discours scientifique théorique : en effet, la valeur de vérité des énoncés du langage courant est supérieure (dans sa reconnaissance) à celle des énoncés du langage scientifique. » (Marie-Anne PAVEAU).

Les astuces de Fermat sont remarquables. Merci à Roland Franquart qui découvrit les premiers indices, les plus importants, et qui ayant appris que cette énigme me passionnait m’en informa en 2009. Je reprends ici les plus symboliques (notés RF), parfois en les modifiant quelque peu (j'espère ne pas trop trahir sa pensée), et j'y ajoute ceux trouvés par moi-même (CM) et d'autres auteurs.

Codages communs aux trois versions

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Sur le site franquart.fr, Roland Franquart donne une explication complète de ce qui suit.

CVbum autem in duos cubos, autem quadratoquadratum in duos quadratoquadratos
& generaliter nullam in infinitum vltra quadratum potestatem in duos eiusdem
nominis fas est diuidere cuius rei demonstrationem mirabilem sane detex
Hanc marginis exiguitas non caperet.

J'ai regroupé ci-dessus les 2 anomalies sur le mot detexi, qui figurent dans 2 éditions différentes de l'Arithmetica de 1670, et reporté le point surchargé qui suit “detexi”.

(R F) : Dans le premier mot de l’Observation, CVbum (cubum, nombre cubique), l'exposant, comme c'est le cas de tout premier mot de paragraphe de la page 61, aurait dû être écrit entièrement en lettres capitales. En répétant cette transgression dans les 47 autres observations, Fermat évite de rendre l'anomalie trop flagrante. Or la lettre latine u, quant elle est écrite en capitale d'imprimerie, devient V. L'orthographe correcte est donc CVBVM. La minuscule u est une intruse qui permet qu'il y ait 21 “u”, et établit ainsi une «coïncidence» (u, 21e lettre de l’alphabet) et surtout, elle suggère que cette lettre “u” pourrait se révéler très importante pour la suite — tout comme la lettre “t” de la version B.

En outre dans le texte de Fermat il y a 21 u, et seulement 19 t ; or, t est la 20e lettre de l’alphabet. Je cite Roland Franquart qui note avec pertinence : « “vltra” et “diuidere”  n’existent pas dans le Dictionnaire (ce serait incorrect en latin), mais “ultra” et “dividere.” Cela fait toujours 21 u en minuscules italiques. Ainsi Fermat montre que les lettres u et v peuvent se remplacer mutuellement dans n’importe quel mot de l’ARITHMETICA, sauf dans le premier mot ; l’EXPOSANT. »

Revenons à ces 19 t : il manque un t par rapport à t 20e lettre de l’alphabet. R. Franquart nous montre que ce manque est à mettre en relation avec les deux derniers mots qui terminent la note :

  • « non caperet» = ne pas contenir t (dans le triangle arithmétique) :
  • cette lettre t, qui est précisément celle qu'il a surchargée dans le mot detexi ;
  • cette lettre t, dont l'importance est encore accrue par le point qui suit le mot detexi dans les trois versions de l'Arithmetica.

En outre on trouve dans la note 2 couples de lettres accolées ut dans l'ordre, et plus loin 3 couples tu dans l'ordre. Grâce à l'une de ses découvertes et comme le demande Fermat, Roland Franquart a effectué le tissage le plus simple qu'on puisse trouver avec les lettres ‘’u’’ et ‘’t ‘’ dans le triangle “de Pascal”. Ma découverte personnelle de “detexis” (« tu tisses complètement ») rejoint la sienne, Fermat a parsemé sa note d'indices qui se renforcent les uns les autres. Remarquons que ce triangle arithmétique révèle dans l’ordre les coefficients du binôme (x+y)n. Or :

Les seuls termes « indépendants » de ce binôme sont justement les puissances xn et yn.

Les codages en latin de Pierre de Fermat paraissent excessivement complexes, mais il n’avait guère le choix s'il voulait coder son explication en 3 lignes 1/2. Il a aussi eu de la chance, comme il convient aux audacieux : le couple tu est aussi le pronom personnel ‘’tu’’ déjà présent dans la traduction exacte du latin vers le français de “detexis” : « Tu tisses complètement. » Fermat a remarqué qu'en formulant son observation d'une certaine façon il peut utiliser 21 u (21e lettre de l’alphabet), et 19 t (20e lettre) : ce t manquant, c'est exactement ce qui lui convient. Ce cryptage qu’il réussit a mettre en place, quand on l'a lu, relu, relu encore et bien assimilé, on le trouve d'une logique imparable. Il a su profiter des circonstances, les exploiter pleinement, révélant ainsi les tout premiers indices. En 2009, je me posais souvent cette question : a-t-il surtout bénéficié d’une chance inouïe ou était-il doté d’une intelligence vraiment hors normes ? Aujourd’hui en 2021 la deuxième option a toute ma faveur – la chance, il l'a saisie au vol. On ne peut que s'émerveiller devant l'harmonie d'un édifice aussi stable où tous les éléments s'enchâssent si parfaitement les uns dans les autres. C’est du grand art. Citons Georges Soubeille dans Pierre de Fermat, un génie européen, « [il] fut façonné par la rigueur et l’intelligence latines : c’est sur ce terreau que put s’épanouir son prodigieux génie des mathématiques. » On est époustouflé devant son exploit magistral, mais peut-être sommes-nous nous aussi un peu trop timoré car nous ignorons tout ce dont il était capable. La stratégie qu’il met en place pour livrer son ultime challenge non seulement est un défi à l’imagination mais confine à une énigme policière que Sherlock Holmes (ou plutôt Sir Arthur Conan Doyle, l'auteur de ses aventures) aurait fort appréciée. Mener l'enquête jusqu'à son terme c'est vivre une aventure philosophique à laquelle en enquêtant on trouve le charme d'une poésie. Et peut-être un peu l'attrait d'une expérience spirituelle.

À l'instar d'autres penseurs de son époque, François Viète, John Wallis – et Francis Bacon dont Fermat est un fervent lecteur –, il est très doué en matière de cryptage, ses méthodes de codage cependant sont bien plus subtiles et élaborées que le leur : un lecteur qui n'a pas “la puce à l'oreille”, après sa lecture, n'aura aucune raison de même soupçonner l'existence d'un cryptage. Dans son coup de bluff sur les nombres de Fermat (lettre à Carcavi d'août 1659), c'est juste une affaire de style, deux lectures sont possibles et les deux sont correctes. Concernant la Note qui renferme son grand théorème il y a 3 options :
— Si le lecteur la lit dans l'édition (B), ou :
— Si le lecteur la lit dans l'édition (C), dans les 2 cas, si c'est un lecteur très averti des subtilités dont est capable Fermat, il faudrait : a) qu'il ait l'idée de s'appesantir sur l'anomalie figurant sur le mot detexi (que j'écris ici correctement) ; b) qu'il pense ensuite à chercher dans le reste de la Note si Fermat n'aurait pas introduit d'autres codages tout aussi ingénieux ; c) enfin qu'il pense à chercher une relation avec le triangle de Pascal, et qu'il la mette en lumière. — Si le lecteur la lit dans l'édition (A) (Bibliothèque de Zurich), même si c'est un lecteur très averti, il n'aura aucune chance de déchiffrer la note. Pourtant l'addition de cette édition avec une des deux autres éditions (ou avec les deux autres — pourquoi 2, et même 3 éditions différentes !?) — qui pourra grandement l'étonner et l'encourager à poursuivre ses recherches d'autres codages dans la Note.

Le « Livre entier » qui devait repousser d’une façon étonnante, d'après Fermat, les bornes de la « Science des nombres », nous manque-t-il vraiment ? Les 48 observations n'ont-elles pas aidé les mathématiciens à repousser les bornes de la science des nombres « au-delà des limites anciennement connues » ? Jamais on n’aura vu un livre entier consacré à la science des nombres dont le prologue par Diophante, long de 340 pages, est plus long que le livre lui-même : une quinzaine de pages par Fermat.

Edgar Allan Poe (1809-1849), poète et fameux nouvelliste précurseur du roman à énigmes dit ‘’policier’’, qui fut traduit par Charles Baudelaire, s’il avait eu connaissance en son temps des découvertes faites par Roland Franquart, se serait réjoui d’avoir à mener une enquête cette fois bien réelle. Poe et Fermat ont d'ailleurs bien des points communs, si Poe en son temps était beaucoup plus reconnu en France que chez lui aux États-Unis, Fermat était davantage reconnu outre-Manche. Tous deux sont des logiciens lucides, visionnaires, hommes de rupture. Poe et Fermat construisent l'énigme en fonction de l’effet produit, leurs énigmes sont des « sujets » à analyser. Ces créateurs sont un peu comme des « psychanalystes manipulateurs », mais alors qu'en abordant une nouvelle de Poe on sait tout de suite qu'on suivra l'enquête avec lui, Fermat innove, il ne nous avertit pas toujours que ce sera à nous de mener l'enquête : dans un premier temps en osant croire à une trame cachée, pour ensuite la mettre à jour. Une telle mise en abyme est loin d'être tout de suite perçue. Quand Poe manipule ouvertement les lacunes sociales et les symboles pour parvenir à son objectif, Fermat avec un art consommé, insensiblement manipule les lecteurs prévenus contre lui : tout dans ses écrits en témoigne. Il se sert habilement de la défiance de ses détracteurs pour les prendre à leur propre jeu, se faisant parfois l’avocat du diable. On pourra ainsi faire de lui un vantard invétéré ...et sécher sur son théorème pendant 324 ans.

Au cours des siècles, certains savants ont douté que Fermat avait une preuve. Avec la découverte d’Andrew Wiles en 1994 – une preuve d’une complexité énorme – ils purent encore moins l’imaginer après avoir douté pendant plus de trois siècles. D’autres, plus fins et circonspects, ont écrit qu'on ne peut rien dire à ce sujet. C'est le cas par exemple à notre époque de Jacques Roubaud, de Catherine Goldstein, experte des travaux de Pierre de Fermat, et de bien d'autres mathématiciens. Les codages de Fermat découverts par Roland Franquart sont tellement manifestes qu’on se dit : « Ce ne peuvent être des coïncidences, c'est juste un exploit magistral. » Dans le seul libellé de son observation on trouve déjà 9 curiosités. Après un nouveau décodage on en trouve 4 autres littéralement stupéfiantes. Ensuite dans sa correspondance on en trouve encore de nouvelles.

On connaît le rôle du psychanalyste, il ne révèle pas à la personne (nommée à juste titre l’analysant) allongée sur le divan, quelques-unes des pensées inconscientes qu’il aurait pu découvrir chez lui au fil des séances. Il ne lui révèle que rarement les mécanismes en jeu. Il s’agit au contraire de laisser dire à l'analysant tout ce qui lui passe par la tête. De temps en temps il pourra lui dire quelques mots pour ouvrir une piste, donner un indice, mais jamais il ne lui dira une chose importante qui n'est pas encore consciente chez lui grâce au filtre protecteur et indispensable de l'inconscient : ce serait trop difficile à accepter. Ce sera à l'analysant lui-même de le découvrir. Le psychanalyste est avant tout un psychologue, un honnête homme, fin, intelligent, empathique, et surtout qui a déjà fait un travail sur lui-même, une analyse. Fermat était avant tout un grand mathématicien, intrépide, et surtout l’honnête homme par excellence. En théorie des nombres très peu de ses contemporains surent l’entendre, parmi ceux qui parvinrent le mieux à le suivre figurent Mersenne, Frénicle, Roberval et Toricelli. Il a agi avec eux et avec ceux qui les suivraient à la manière d’un psychanalyste persévérant et sagace, qui aurait eu affaire à des cohortes de patients impatients. Connaissant leurs lacunes, sans aucunement leur mâcher le travail, il allait pourtant leur fournir d'innombrables indices, très subtils, parfois très cachés, espérant qu’un jour un de ces mathématiciens sorte de son apathie et puisse entendre quelques mots-clefs. En 1637 déjà, quand il fit parvenir au Père Mersenne sa méthode de recherche des maxima et minima, il ne prit pas le temps d'exposer ses arguments. Ce n'est qu'à la demande de ce dernier qu'il les fournira, bien volontiers cependant. Avec cette découverte, le premier coup de génie que l'on connaît de Fermat, on prend déjà conscience de la formidable intuition dont il était capable.

« La qualité essentielle d’une démonstration est de forcer à croire, de sorte que ceux qui ne sentent pas cette force, ne sentent pas la demonstration même, c’est à dire, qu’ils ne l’entendent pas. […] » Pierre de Fermat

Était-il facile pour les mathématiciens qui sont venus après lui, s'habituant de plus en plus à lire des calculs complexes, d’imaginer, même à la vue de deux étranges anomalies dans 2 des 3 éditions de l'Arithmetica, qu'il faille cherche (dans la note elle-même !) des indices qu'aurait pu laisser Fermat ? Au dix-septième siècle, les mathématiciens professionnels étant rares, les ouvrages mathématiques avaient un public restreint et il était difficile de trouver un éditeur acceptant de s’engager. Il est donc probable que Samuel a été contraint de publier l’Arithmetica à compte d’auteur, possiblement en une cinquantaine d’exemplaires, en tous cas guère plus d’une centaine d’après nos sources. Une option beaucoup plus économique, plus simple et rapide, aurait été de publier un opuscule contenant les 48 observations de son père auxquelles ce dernier aurait ajouté de très courtes démonstrations, très condensées, voire très elliptiques. Mais sont-ce là les manières de ce pédagogue ? Jamais jusqu’à sa mort le magicien des nombres n’a mâché le travail de quiconque, aurait-il été digne – surtout après qu’il ait été lâché par tous – de leur livrer toutes ses découvertes ? L’insertion des 48 observations aux endroits appropriés de l’Arithmetica laissera facilement penser au lecteur non averti que Fermat avait écrit de très longues observations dans les marges. La question : « Pourquoi Samuel n'a-t-il pas conservé l’exemplaire d’une valeur désormais inestimable que possédait son père ? » trouve ici sa réponse.

Citons Fermat à propos de son “OBSERVATIO D.P. F. n° XVIII” (théorème des nombres polygonaux de Fermat) : « Je ne puis ici donner la démonstration, qui dépend de nombreux et abstrus mystères de la Science des nombres ; j’ai l’intention de consacrer à ce sujet un Livre entier et de faire accomplir ainsi à cette partie de l’Arithmétique des progrès étonnants au-delà des bornes anciennement connues. ». Comme pour tous ses autres théorèmes (sauf un) qui plus tard furent tous démontrés, il ne livre pas sa démonstration à Digby. Il faudra attendre 175 ans pour en avoir la preuve complète par Cauchy en 1813, après que Lagrange en eût démontré une partie.

Fermat écrit à Mersenne qu’en aucun cas il ne recherche la gloire. De son vivant en effet cette recherche de gloire, alors qu'il excelle dans la magistrature, aurait été très préjudiciable à sa carrière. C'est l'époque troublée de Richelieu, de Mazarin, des mousquetaires du Roy, l'époque aussi des tensions entre catholiques et protestants, or sa charge de magistrat lui imposait de rester très discret. Notre thèse est qu’il était parfaitement conscient que les mathématiciens qui viendraient après lui, n’ayant aucune idée de la façon dont il s’y était pris pour prouver son théorème, seraient nombreux à ‘’botter en touche’’ (« Il n’a pas pu trouver, c’est impossible, ou alors il s’est trompé [à nouveau, comme pour sa fausse conjecture...] »). Ici encore on retrouve l’esprit facétieux de Fermat, non il ne souhaite pas la gloire de son vivant, mais puisque tous les autres mathématiciens, l'un après l'autre, l’ont lâché, il ne lui reste qu’une solution, faire en sorte que ses plus puissants défis deviennent célèbres afin qu’on les étudie, pour que la science progresse. La gloire oui, mais seulement après la mort.

Vers 1800 on pouvait vérifier le grand théorème pour les valeurs de n égales à 3, 4 et leurs multiples respectifs, puis, avec une première grande avancée due aux travaux de Sophie Germain, pour n=5, 14, 7. Cinquante ans plus tard, alors que les mathématiciens désespèrent de pouvoir trouver une preuve arithmétique du dernier théorème de Fermat restant à démontrer, Ernst Kummer amorce un virage qui va donner une tout autre tournure à l’affaire. Changeant radicalement d’approche il a l’idée de faire appel aux nombres complexes, développant la théorie des nombres complexes idéaux, qui allait devenir un outil très important de l’algèbre. Finalement il démontre le théorème pour tous les exposants inférieurs à 100 et profite de l'occasion pour parler du théorème de Fermat comme d’« une simple curiosité ». C’est une nouvelle grande avancée qui, même très relative, suscite l’enthousiasme chez les savants qui jusqu’alors n’avaient guère progressé. Le pli est pris, et on abandonne définitivement la recherche arithmétique pure pour tenter de démontrer le théorème, d’autant que la nouvelle voie est riche de promesses pour une nouvelle mathématique. Désormais on va donc se consacrer à explorer cette nouvelle, étrange et complexe espèce de nombres, ces nombres complexes idéaux, qui vont aider à aller beaucoup plus avant dans la compréhension des nombres premiers, en étudiant les questions mathématiques les plus profondes. Jacques Roubaud note qu’à partir de ce moment, il devient impossible à un mathématicien ne possédant pas comme Fermat autant de connaissances en arithmétique, d’avoir accès à ses raisonnements. On recommencera donc à étudier le Fermat, mais différemment. Oui ce sera difficile, oui ce sera complexe, mais au moins l’espoir est revenu, et surtout, on doute encore plus que Fermat ait pu démontrer son théorème. Ensuite, au fil des siècles, alors que les scientifiques utilisent de moins en moins le latin, et que les mathématiciens démontrent le théorème pour des cas particuliers, personne ne songera à examiner de près l'observation originale. On n'aurait jamais pensé que seule une traduction exacte pouvait indiquer de quelle façon aborder le problème. Il paraît donc logique que ce soit un amateur (Roland Franquart), qui soit allé voir directement à la source pour étudier la note écrite en latin et mettre en évidence tous les codages de Fermat. Les mathématiciens ont manqué de confiance, d'humilité et d'audace à la fois. Connaissant l'esprit facétieux de Fermat ils ne se sont pourtant pas interrogés sur la raison qu'il avait pu avoir – lui un Français, qui s'adresse quand même d'abord à des Français – de rédiger son observation la plus importante en latin. Comme nous l'avons déjà noté ils étaient si obnubilés par le théorème en lui même – bluffés aussi par une formulation bravache – qu'ils n'ont jamais pensé à s'adresser à un latiniste professionnel afin de pouvoir disposer d'une traduction rigoureuse. Ni même à se fier à la traduction officielle d'Émile Brassinne, exacte à un terme près. Il est vrai que cette traduction fut relativement tardive (1853), longtemps après la parution de l’Arithmetica, et déjà Kummer était passé par là.

Depuis que l’Arithmetica de 1670 a été éditée, on ne peut douter que des mathématiciens (français, anglais, allemands…) aient lu l’observation dans l’une des deux versions ‘’arrangées’’ (detex. ou detexi.). Mais est-il facile pour un mathématicien professionnel habitué à lire calculs et démonstrations, d’imaginer, même à la vue d’une étrange anomalie, qu'il faille chercher d'autres anomalies ? Avec beaucoup de chance cela aurait pu se faire dans les premières décennies. Ensuite, alors que les scientifiques utilisaient de moins en moins le latin et qu'ils démontraient le théorème pour des cas particuliers, on ne songea pas davantage à faire traduire correctement la note, puisque Fermat « a dû se tromper » à moins qu'il se fiche de nous tout simplement, et de toute façon il ne disposait pas des bons outils puisqu'il n'avait que les siens... . Fermat espérait-il qu'un jour, un lecteur ait sous les yeux les deux éditions de l’Arithmetica de 1670 ‘’trafiquées‘’ et se pose quelques questions ? En tout cas avec trois versions différentes de l’Arithmetica il donnait à sa stratégie une chance d’aboutir pour ceux qui n'auraient pas pensé à la piste du triangle arithmétique (ou pas réussi à l'exploiter).

Une seule édition ‘’trafiquée‘’ a suffi à Roland Franquart pour mettre à jour le cryptage, je lui suis reconnaissant d'avoir en 2009 rendues publiques ses découvertes. Quand Fermat écrit qu’il a assurément dévoilé une démonstration étonnante (ou admirable), on aurait pu penser que cette démonstration était inhabituelle. Si la présence de codages est évidente, son explication sibylline est loin d’être entièrement accessible à des mathématiciens du vingt-et-unième siècle – quand ils veulent bien y réfléchir sans a priori. A contrario, se conformer à la pensée dominante est confortable, qui évite de se prononcer et de se sentir à l’écart de la caste.

Les observations que Samuel de Fermat a insérées dans le Diophante sont rédigées dans un style irréprochable et les deux bizarreries sur le même mot dans 2 des 3 versions de l'Arithmetica sont à l'évidence volontaires, mais les se fondent avant tout sur des calculs explicitement rapportés, et généralement sur des faits précis. En outre ils sont très rarement latinistes. En 1995, dans son ouvrage Un théorème de Fermat et ses lecteurs, Catherine Goldstein se montre bien plus fine que les contempteurs : « Quoi qu’il en soit, cette approche [d'Andrew Wiles], où le théorème de Fermat n’est qu’un corollaire très alléchant mais mineur, repose sur des techniques de représentations galoisiennes récentes. Reste possible qu’une démonstration élémentaire directe puisse être trouvée. » (page 120 du livre, note 7).

Par ses progrès technologiques et son manque de foi, l'Humanité est devenue de plus en plus orgueilleuse, elle se croit auto-suffisante. Le corollaire le plus pervers de cet orgueil est le pessimisme (individuel et sociétal) qui à son tour nourrit l'orgueil. Ce pessimisme nous éloigne des idées les plus simples, les seules réellement efficaces. Et les orgueilleux pessimistes font florès. Avez-vous remarqué aussi combien, depuis la découverte de Wiles, même les amateurs aiment se rassurer sur internet en le citant pour se dire que, finalement, ils n'ont rien manqué ?

Le triangle arithmétique

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« Les intellectuels résolvent les problèmes, les génies les évitent. » Albert Einstein.

Pierre de Fermat était tout sauf un suiveur, il n’est pas étonnant qu'il fût un aussi grand passionné. Loin de Paris et isolé, il a eu surtout des contacts épistolaires avec d'autres mathématiciens et il était fondé, dans sa solitude intellectuelle, à apprécier les recherches les plus ardues. Ses contemporains rechignèrent de plus en plus à répondre à ses lettres, et finalement tous ont renoncé. Il avait eu connaissance du triangle arithmétique, au moins par les travaux, qu’il connaissait, de François Viète mort en 1603. D'ailleurs ce triangle était déjà connu au onzième siècle du mathématicien persan Al-Karaji et de bien d’autres plus tard, jusqu’à Tartaglia et Marin Mersenne. Fermat s’est forcément intéressé aux propriétés étonnantes de ce triangle. Rappelons qu’il a travaillé sur les carrés magiques et qu'il est allé jusqu'à réaliser un rectangle magique de plus de 400 cases. Il paraît logique qu’il n’ait jamais souhaité mentionner ce triangle à personne (jusqu’à ce que Pascal écrive sur le sujet) s’il s’en est servi pour trouver une preuve à son théorème général, ce que le décodage effectué par Roland Franquart en 2009 semble confirmer. Pascal écrit son Traité sur le Triangle arithmétique en 1654. Ayant eu connaissance de cette publication Fermat lui écrit le 29 août 1654 :

    « Nos coups fourrés continuent toujours et je suis aussi bien que vous dans l'admiration que nos pensées s'ajustent si exactement qu'il semble qu’elles aient pris une même route et fait un même chemin : vos derniers traités du Triangle arithmétique et de son application en sont une preuve authentique : et si mon calcul ne me trompe, votre douzième conséquence courrait la poste de Paris à Toloze, pendant que ma proposition des nombres figurés, qui en effet est la même allait de Toloze à Paris. Je n’ai garde de faillir tandis que je rencontrerai de cette sorte, et je suis persuadé que le vrai moyen pour s’empêcher de faillir est celui de concourir avec vous. Mais si j’en disais davantage, la chose tiendrait du compliment, et nous avons banni cet ennemi des conversations douces et aisées. Ce serait maintenant à mon tour à vous débiter quelqu’une de mes inventions numériques ; mais la fin du Parlement augmente mes occupations, et j’ose espérer de votre bonté que vous m'accorderez un répit juste et quasi nécessaire.

[...] Au reste, il n'est rien à l'avenir que je ne vous communique avec toute franchise.  [...] »

Les commentateurs des Œuvres de Pascal ont écrit : « Ce n'est pas, on le voit, par défi, suivant la coutume du temps, que Fermat propose ces problèmes à Pascal ; c'est parce qu'il cherche à se faire de Pascal un collaborateur. »

Autre lettre à Pascal du 25 juillet 1660 :

« Des que j'ay su que nous sommes plus proches l'un de l'autre que nous n'étions auparavant, je n'ai pu résister à un dessein d'amitié dont j'ai prié Monsieur de Carcavy d'être le médiateur: en un mot je prétends vous embrasser, et converser quelques jours avec vous ; mais parce que ma santé n'est guère plus forte que la vôtre, j'ose espérer qu'en cette considération vous me ferez la grâce de la moitié du chemin, et que vous m'obligerez de me marquer un lieu entre Clermont et Toulouse, où je ne manquerai pas de me rendre vers la fin de septembre ou le commencement d'octobre. Si vous ne prenez pas ce parti, vous courez hasard de me voir chez vous, et d'y avoir deux malades en même. J'attends de vos nouvelles avec impatience, et suis de tout mon cœur, tout à vous... »

De quelle façon Fermat a-t-il pensé à crypter sa note ?

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Nous pouvons tenter de répondre à cette question. Il a défié ses correspondants avec les cas n=3 et n=4 respectivement 12 et 4 fois, et on sait aujourd'hui qu’il a prouvé ces deux cas, même s’il nous a fourni la démonstration du seul cas n=4, et encore, seulement en filigrane, dans l'unique théorème qu’il a complètement explicité. Pour énoncer son théorème il aurait donc pu se passer de cette première partie de l’énoncé : « Mais que ce soit un cube en deux cubes ou bien un carré de carré en deux carrés de carré et en général jusqu'à l’infini », et ne garder que ce qui concerne le théorème lui-même : « Aucune puissance supérieure au carré ne peut être partagée en deux puissances du même nom, [ce dont j’ai assurément dévoilé l'explication admirable]. » Il aurait pu aussi se passer de la coquetterie qu’il utilise dans des formulations similaires pour d’autres observations : « Cette marge exigüe ne la contiendrait pas. » Mais seule la formulation complète autorisait un cryptage. Voici comment on peut voir les choses, en adoptant la thèse que la preuve est basée sur l’exploitation du ‘’triangle de Pascal’’. Dans la première ligne, en commençant par écrire "mais que ce soit un cube" (CVbum autem) il trouve un premier couple de lettres ut. Ensuite il peut facilement insérer un deuxième ut, puis un premier tu : « in duos cubos, autem quadratoquadratum in duos quadratoquadratos & generaliter [...]. Cette formulation lui permet aussi de livrer l’indice « CVbum ». Puis en introduisant d'abord la notion d’infini : « & generaliter nullam in infinitum vltra quadratum potestatem in duos eiusdem nominis fas est diuidere » il peut placer deux autres tu (reportez-vous au site de Roland Franquart, au milieu de sa cette page où l’on voit qu’en entrelaçant les t et les u on mettra à jour un tissage, qu'on pourra ensuite exploiter dans le triangle de Pascal. Même si Fermat a vraiment tout fait pour réaliser ce fabuleux cryptage, on ne peut s'empêcher de penser : « Il a quand-même eu une chance extraordinaire, pour que tout “colle” aussi parfaitement. » Oui en effet, mais il l'a provoquée cette chance. Oui mais quand même... Oui mais voilà, Fermat était très ingénieux.

En ce 27 juillet 2022, je me dis que si Roland Franquart ne s'était pas intéressé à Fermat et à cette note en particulier, la preuve n'aurait certainement jamais été retrouvée. Fermat a eu encore une fois beaucoup de chance. Quant à moi j'ai eu le privilège insigne, de rencontrer Roland Franquart d'abord, ensuite Catherine Goldstein sur Wikipédia. Poursuivre et compléter l'étude de R. Franquart fut une aventure formidable, c'est une des meilleures choses qui me soient arrivées. Vous faire ressentir mon bonheur est chose impossible, je ne peux non plus vous partager ce qui m'a fait autant m'intéresser à Pierre de Fermat, je ne peux que vous dire que ma vie m'avait exactement préparé à m'intéresser de très, très près, dès 1998 je crois, à cette formidable énigme.

Bilan de la recherche : les 30 premiers arguments

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— Nous avons vu qu'aucun des trois arguments avancés par les détracteurs de Fermat n'est valable. Ils peuvent d'ailleurs être renversés au bénéfice de Fermat.
— Regroupons tous les arguments favorables :

1) Le style utilisé par Fermat dans ses 48 observations (écrites où ?) montre à l'évidence qu'elles ont été rédigées à l'intention du lecteur.
2) Samuel n'a pas conservé l'exemplaire de l’Arithmetica où étaient censées les 48 observations de son père alors qu'il aurait acquis une valeur historique considérable : il a tout simplement «disparu»  .

  • Concernant l'observation relative au grand théorème :

3) Elle est la seule des 48 dont le titre ne soit pas abrégé en D.P. F. mais écrit en toutes lettres.
4) CVbum . L’exposant n’est pas écrit selon la règle d'usage.
5) Il existe une première version avec un ‘’detexi’’ différent (‘’detexi’’).
6) Et une deuxième version avec un ‘’detexi’’ différent (‘’detex ) ; ainsi qu'une troisième version sans anomalie sur le mot.
7) ‘’detexi’’ ne signifie pas ‘’j’ai trouvé’’ mais ‘’j’ai [réellement] dévoilé’’, ‘’mis à nu’’, ‘’mis à découvert’’.
8) ‘’detex’’ (= detexis), sur l'édition de Rome, se traduit exactement par ‘’tu tisses complètement’’. Or l’expression ‘’j'en ai entièrement tissé’’ avait déjà été trouvée grâce à un autre codage (plus complexe) découvert par Roland Franquart sur l'édition de Lyon. Les deux occurrences se renforcent mutuellement.
9) L’adverbe ‘’sane’’ (réellement, assurément), par la façon inhabituelle dont il est placé, s’applique à la fois à ‘’detexi ‘’ (réellement dévoilé)...
10) ... et à ‘’mirabilem’’ : (réellement) admirable, merveilleuse, étonnante.
11) Le point qui suit le mot detexi est grossi (différent du point final) dans les trois éditions pour mettre encore l’accent sur ce mot detexi.
12) Ludivine Goupillaud, ancienne chercheuse et dorénavant enseignante, a noté avant nous que Pierre de Fermat prend « le risque de l’ellipse énigmatique ou du cryptage ».
13) La répétition dans l’observation, d'abord des couples de lettres ‘’tu’’ (3 fois), puis ‘’ut’’ (2 fois).
14) On y trouve 21 u (et u est la 21e lettre de l’alphabet), et seulement 19 t (mais t est la 20e, il manque donc un t, la cause en étant ici : «non caperet» (ne contiendrait ce ‘’t’’, ‘’t’’ qui a été mis en évidence dans ‘’detexi’’ et entre en compte dans l'exploitation du triangle arithmétique (l’explication détaillée figure sur le site de R. Franquart).
15) Ces singularités ont permis à R. Franquart de « tisser complètement », comme Fermat, l’explication, la démonstration.
16) Le 29 août 1654, Fermat écrit à Pascal : « Nos pensées s’ajustent si exactement […] vos derniers traités du Triangle arithmétique et de son application en sont une preuve authentique […]. » Or la thèse qu'a développée Roland Franquart et nous-même après lui est précisément axée sur le triangle arithmétique.
17) Fermat a interverti les lettres v et u dans les 2 mots “vltra” et “diuidere”, or ces deux mots n'existent pas. Ce n'est que jusqu'au XVe siècle que le u s'écrivait v – mais l'inverse, v → u n'était pas possible. Cette inversion conforte encore l'importance d'un argument exposé dans la partie III : tout d'abord accorder beaucoup d'importance à ces deux lettres dans le cryptage de l'entièreté de la note, ensuite même si l'on comprend aisément que le pseudo-mot “diuidere” correspond au mot dividere — et ici je reprends les mots de R. Fanquart : « Fermat montre que les lettres u et v peuvent se remplacer mutuellement dans n’importe quel mot de l’ARITHMETICA, sauf dans le premier mot, l’EXPOSANT ».
18) De sa démonstration complète du théorème de Fermat sur les triangles rectangles (Obs. XLV) on déduit immédiatement la preuve du cas particulier n=4 mais Fermat le passe sous silence. Nous écrivions en conclusion ce qu'il fallait en comprendre : il sait de quoi il parle et, très discrètement, si l'on veut bien lire “entre les lignes”, il nous le fait savoir.

  • Concernant les “ Nombres de Fermat ” :

19) La lettre à Carcavi où figure le fausse conjecture des “nombres de Fermat” que d’aucuns ont interprétée d’une façon manifestement orientée et non pertinente, son fils ne la reprend pas dans les Varia.
20) Cette conjecture est aussi absente des observations de l'Arithmetica de 1670.
21) Fermat écrit dans la lettre « j’ai considéré », et non « j’ai démontré que ».
22) Fermat utilise l’expression ‘’questions négatives’’, ce qu’il fait rarement ailleurs, l’expression consacrée étant ‘’propositions négatives’’. Ce qui dans le contexte suggère facilement un double sens : ‘’la réponse à cette question est négative’’.
23) L'agencement de formulations singulières dans l'entièreté du paragraphe permet une deuxième lecture : nous avons vu précédemment que la phrase « Cette dernière question est d’une très subtile et très ingénieuse recherche […] » (avec deux adjectifs synonymes qui font doublon), suggère que la formulation de cette “question”, dans son contexte et avec une formulation aussi particulière, doit faire pour nous l'objet d’une très subtile et très ingénieuse recherche.
24) Les mathématiciens s’accordent à dire que Fermat connaissait la méthode à mettre en œuvre (avec les diviseurs de la forme 64k+1) montrant que ces “nombres de Fermat” ne sont pas premiers.
25) Nous avons vu que la lettre à Mersenne de juin (?) 1640 où Fermat utilise une méthode similaire (diviseurs de la forme 74k+1), son fils l’omet elle aussi des Varia.
26) Fermat évoque la fameuse fausse conjecture... à 6 reprises sur une période de... 19 ans... à tous ses correspondants... et réclame leur aide (...) pour essayer de démontrer... qu'elle est vraie  .
27) Lettre à Frenicle de Bessy (18 octobre 1640) : « [… ] car par avance je vous avertis que, comme je ne suis pas capable de m'attribuer plus que je ne sais, je dis avec la même franchise ce que je ne sais pas [...] ». Cette lettre, la seule à propos de cette conjecture que Samuel choisit pour l’insérer dans les Varia, est celle où son père dit être toujours honnête. Il semble nous indiquer qu'on peut la mettre rapport avec l’observation concernant le grand théorème. (i.e. il faudra prendre au sérieux cette observation).
28) Les observations de Fermat n'auraient pu tenir dans une marge, certaines d'entre elles sont bien trop longues.
Nous dénombrons ici 28 arguments en faveur de l'existence d'une preuve par Fermat de son théorème. On en trouve 2 autres au chapitre M.P.E.A.S. sur cette même page ; d'autres encore qui relèvent davantage de la pure psychologie, que nous avons abordés dans cette étude ; d'autres à nouveau, plus complexes (par décryptage alphanumérique) ont été développés par Roland Franquart sur son site.

Fermat, en ne dévoilant pas publiquement de son vivant la démonstration de son plus célèbre et plus difficile théorème, en a fait le point d’orgue de sa recherche (Andrew Wiles devra y plancher en secret pendant 7 ans et écrire 1000 pages). Et pour brouiller les pistes il rédige nombre des 47 autres observations de la même manière facétieuse et provoquante (le manque de place ou le manque de temps), avec les mêmes termes ‘’admirable’’, ‘’réellement difficile’’, ‘’très belle’’, ’’méthode générale’’, ‘’infinité’’, etc. Ainsi les historiens n’auront pas l’idée de chercher tout ce que la fameuse observation peut avoir de non conventionnel (anomalies et ‘’coïncidences’’ trop extraordinaires pour ne pas être volontaires). Si l'on ne prête qu'à peine attention (ou pas du tout, souvent) à la note écrite en latin, comme l’ont fait tous les historiens – à part Tannery et plus récemment Catherine Goldstein – pendant 350 ans, sans avoir par ailleurs une vision globale de l’affaire Fermat, on ne prête non plus aucune attention au titre de l’OBSERVATIO (non écrit en abrégé comme ailleurs, mais en toutes lettres, CAPITALES de surcroît) qui nous demande explicitement d’OBSERVER.
Quant à l'argument qui consiste à dire que les 48 observations n'auraient pas été écrites à l'intention du lecteur, il est totalement absurde. Prétendre que Fermat aurait affirmé que les nombres de la forme 22n + 1 seraient tous premiers l'est tout autant.
Tous ces gens ont non seulement bridé, mais surtout perverti leur imagination en dédaignant la plus pure logique, et à grand renfort de mauvais arguments dans un unique désir, un besoin quasi existentiel : dénigrer Pierre de Fermat — se prétendre plus subtil que cet immense génie, quelle jouissance !
Aucune pensée ne saurait rendre la sublimité des prouesses de Fermat se déployant dans les ténèbres de l’inconscience académique. La sottise révélée par la pensée commune qui a accompagné toute l’épopée du Dernier Théorème de Fermat en a fait la légende urbaine la plus ubuesque, la plus rocambolesque aussi.
Je connais tellement bien la mentalité académique que je suis persuadé que nous n'aurons jamais le fin mot officiel de l'histoire — ce qui lui confère un charme délectable. Le suspense perdurera et les amateurs de mathématiques et d'énigmes que nous sommes pourrons continuer de méditer avantageusement sur la nature humaine, ses caprices et ses faiblesses.

« Il est plus facile de briser un atome que de briser un préjugé. » A. E.

M.P.E.A.S.

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Fermat a publié un seul ouvrage, un traité de géométrie sur les courbes et les droites, en 1660, De linearum curvarum cum lineis rectis comparatione dissertatio geometrica. Encore de l'a-t-il pas publié sous son nom, sur la couverture de l'ouvrage, à la suite du titre, la signature se présente ainsi :
Autore M. P. E. A. S. Suit un ajout de bibliothécaire, ‘’de ferm’’, pour ‘’de Fermat’’. Puis sous l’image, TOLOSÆ.
Voici ce qu’on disait de ce traité en 2001 (page viii), dans l’ouvrage 17 Lectures on Fermat Numbers – From Numbers Theory to Geometry (Société mathématique du Canada, Editions Springer):
« Indeed, he published only one important manuscrit during his lifetime, and signed it using the cryptic initials : M. P. E. A. S. Their meaning remains inexplicably unknown. »
« En effet, il a publié un seul manuscrit important au cours de sa vie, et l’a signé de ces initiales énigmatiques : M. P. E. A. S. Leur sens reste inexplicablement inconnu. »

L'explication de Roland Franquart en 2014 à propos de la signature « M. P. E. A. S. » :
Magistro Procuratore Enodare Apud Sedem (TOLOSÆ). Soit :
Magistrat Procureur Enquêteur Au Siège (TOULOUSE).
Cette signature si tangiblement codée montre une nouvelle fois la prédilection pour le cryptage.

Sur la première page de l'ouvrage on lit une note du typographe au lecteur (TYPOGRAPVS LECTORI) qui commence par le mot latin : «CVM» (“lorsque”). L'usage courant est respecté, dans le premier mot d'un paragraphe l'exposant est entièrement écrit en capitales d'imprimerie comme il est de règle, contrairement au premier mot de l'observation de Fermat, CVbum.

Voici le texte de cette page :

TYPOGRAPHVS LECTORI

    CVM Dissertatio ista, quae in nostras non ita pridem manus occultato Autorisnomine venit, nouam iudicio peritorum Geometrarum planamque aperiat viam ad curuarum linearum dimensionem ; è re Geometricà fore putaui vt publicè extaret ; quapropter illam praelo nostro edendam curaui. Vale

J'ai mis en rouge la lettre u lorsque l'usage veut que l'on mette un “v”, de même pour la lettre v lorsque l'usage veut que l'on mette un “u”. Dans ce seul ouvrage publié par Fermat, un an après sa dernière lettre à Carcavi sur la fausse conjecture et cinq ans avant sa mort, cette façon manifeste de mettre à mal les règles avec la lettre u pourrait nous alerter sur le fait que la même transgression qu'il effectue dans la fameuse observation a son utilité. L'année de cette publication, 1660, est aussi l'année où il écrit pour la dernière fois à son ami Pascal pour lui proposer une rencontre (et lui parler de l'importance qu'a eu pour lui aussi – surtout pour lui – le triangle “de Pascal” ?).

J'ai très légèrement modifié la traduction de Roland Franquart :

LE TYPOGRAPHE AU LECTEUR

   Lorsque cet Exposé, qui parvint en nos mains sous le nom dissimulé [du titre] de l’Auteur, ouvrit une voie nouvelle et claire, de l’avis de Géomètres experts en la mesure des lignes courbes, j’ai imaginé, mis à part le passage par la Géométrie, ce qui perdurerait dans l’esprit du public ; voilà pourquoi, sous notre presse, j’ai pris soin de publier en abrégé une fonction officielle. Salutations

Repères

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  • FERMAT, par M. G. LIBRI
  • Alexandre Grothendieck, LA CLEF DES SONGES, pdf, un texte captivant où l'auteur révèle la méthode qui lui a permis de résister avec une conviction et une force peu communes aux préjugés, fausses croyances et avis les plus académiques.

Anagrammes ébouriffantes

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En latin le ‘i’ s’écrivait parfois ‘j’ (tout comme le ‘u’ s’écrivait parfois ‘v’). Dans l'espace laissé vide à la fin de sa note, Fermat aurait eu exactement la place pour une fois d’écrire une anagramme prémonitoire sous les mots :

  • « i demonstrationem mirabilem sane detexi » :
  • « j’immortalisai anxiétés de dénombrement », mais des esprits chagrins et jaloux de Fermat, à l’instar de Descartes, auraient encore moqué ce ‘Gascon’, ce ‘fanfaron’  .
  • Le Prince des amateurs réussira déplacement : Petri de Fermat permettra défi dernier théorème : étreindre Homère.
  • Prince des amateurs précédera tsunamis [et] sectarisme répandu. Pierre de Fermat préféra méditer.

Le mathématicien anglais John Wallis n’appréciait guère les manières de Pierre de Fermat, qui prenait un malin plaisir à défier les Anglais et s’étonnait du mépris de Wallis envers les problèmes qu'il lui soumettait. Retirons une aile à Wallis, ce qui nous donne Walis. Il suffit maintenant de remplacer le ‘’i’’ par un ‘’e’’ (le son ‘’i’’ correspond en anglais à la lettre ‘’e’’ → Welis, qui est l’anagramme de Wiles, britannique lui aussi, qui trouva une preuve très compliquée au Grand théorème et conteste que Fermat ait pu trouver une preuve beaucoup plus courte. L’anecdote est d'autant plus savoureuse que les astuces les plus importantes du Français Fermat ont pu être retrouvées par le Français Franquart Roland (on dirait des Rrrugissements). Impossible en revanche de trouver la moindre anagramme à Roland Franquart”, sauf en remplaçant les 3 “R” par 3 “E”, on trouve alors Adonné Quête ALFA (Agence de Lutte contre la Fraude dans les Arts).

Fermat et la publication

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S'il a fait connaître par courrier quelques uns de ses courts traités manuscrits, la plupart consacrés à la géométrie, il n'a jamais rien publié sous son nom. Parfaitement conscient de sa valeur il sait s'affirmer, mais de l'avis de ceux qui le connaissent bien il est fort modeste. Comme nous l'avons vu précédemment, son épitaphe se termine par ces mots : « Veux-tu ne pas ignorer ce qui est utile ? Sache être ignoré ». En 1659 il tente apparemment de faire publier ses travaux en sollicitant la contribution active de Carcavi et de Pascal, à leur charge de tout mettre en ordre dans ses écrits et de trouver un éditeur. Il leur précise que l’ouvrage ne devra pas porter pas son nom :

9 août, 1654 très certainement (1659 d'après une autre source).

Lettre de M. FERMAT
À M. DE CARCAVI

Monsieur,

J'ai été ravi d'avoir eu des sentiments conformes à ceux de M. Pascal ; car j'estime infiniment son génie et je le crois très capable de venir à bout de tout ce qu’il entreprendra. L'amitié qu'il m'offre m'est si chère et si considérable, que je crois ne devoir point faire difficulté d'en faire quelque usage en l'impression de mes Traités. Si cela ne vous choquait point, vous pourriez tous deux procurer cette impression, de laquelle je consens que vous soyez les maîtres ; vous pourriez éclaircir, ou augmenter, ce qui semble trop concis, & me décharger d'un soin que mes occupations m'empêchent de prendre. Je désire même que cet Ouvrage paraisse sans mon nom, vous remettant, à cela près, le choix de toutes les désignations qui pourront marquer le nom de l'auteur, que vous qualifierez votre ami. Voici le biais que j'ai imaginé pour la seconde partie, qui contiendra mes inventions pour les nombres. C'est un travail qui n'est encore qu'une idée, & que je n'aurais pas le loisir de coucher au long sur le papier mais j'enverrai succinctement à M. Pascal tous mes principes et mes premières démonstrations, de quoi je vous réponds à l'avance qu'il tirera des choses non seulement nouvelles & jusqu'ici inconnues, mais encore surprenantes. Si vous joignez votre travail avec le sien, tout pourra succéder et s'achever dans peu de temps, et cependant on pourra mettre au jour la première partie, que vous avez en votre pouvoir. Si M. Pascal goûte mon ouverture, qui est principalement fondée sur la grande estime que je fais de son génie, de son savoir & de son esprit, je commencerai d'abord à vous faire part de mes inventions numériques. Adieu, je suis, Monsieur, votre…

Cette lettre cavalière interroge, a-t-il réellement pensé que Pascal et Carcavi accepteraient de s'atteler à la mise en forme de toutes ses découvertes, ce qui aurait exigé d'eux énormément de travail, d'énergie ? Ou bien n'a-t-il jamais eu l'intention de faire publier toutes ses démonstrations et de révéler tous ses secrets ? À ses yeux, ses découvertes ne furent pas appréciées à leur juste valeur et le « livre important » qu'il disait vouloir consacrer à l'arithmétique ne fut jamais publié, du moins sous la forme que le public aurait souhaité. Se pourrait-il que cette lettre ne soit qu'un alibi bien commode ? → (« J'indiquerai souvent, dans mon Diophante, que je n'ai, soit pas le temps, soit pas la place, de livrer les démonstrations de mes théorèmes. Il est plus fondamental de dire que je n'en ai aucun désir, mais par cette lettre on croira que j'avais voulu “mâcher le travail” de mes détracteurs – ce qui aurait été tout à fait indigne d'un pédagogue ! »). Sa contribution à la théorie des nombres sera connue par sa correspondance et surtout par ses 48 observations où il aura mis toute son application, et que Samuel, chargé par son père d'en assurer la publication après sa mort (c'est notre thèse) insérera dans l'Arithmetica de Diophante.

La suite

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Quelques mathématiciens professionnels (chercheurs et historiens) ont eu vent de cette recherche. S'ils n'ont pas fait passer le message à leurs collègues, ce qui est fort probable étant donné que le sujet est tabou, il se pourrait que l'un d'eux s'avise un jour de publier un nouvel ouvrage où il prétendrait, au risque de se rendre ridicule, que Fermat n'aurait pu détenir la preuve de TOUT ce qu'il affirmait. Nous verrons si cette ineptie sera une nouvelle fois reprise  .
Encore une fois, un immense Merci à vous Monsieur FERMAT – votre esprit facétieux, j'ai adoré.
Merci aussi pour votre pédagogie très efficace, passée complètement inaperçue aux yeux de nombreux sachants de par le monde. Comme vous l'aviez certainement anticipé vous avez fait couler beaucoup d'encre. Un pareil humour chez un savant de renommée mondiale, on n'avait encore jamais vu. Assurément on ne reverra jamais plus.
Merci aussi pour votre grande sagesse.
Et pour votre inégalable subtilité.
Et...

Quelques citations de Fermat

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extraites de ses 48 OBServations.

  • « J’estime qu’on ne peut énoncer sur les nombres de théorème qui soit plus beau ou plus général. Je n’ai ni le temps ni la place d’en mettre la démonstration sur cette marge. »
  • « Bien plus, il y a une proposition très belle et tout à fait générale que j’ai été le premier à découvrir […]. Je ne puis en donner ici la démonstration, qui dépend de nombreux et abstrus mystères de la Science des nombres ; j’ai l’intention de consacrer à ce sujet un Livre entier et de faire accomplir ainsi à cette partie de l’Arithmétique des progrès étonnants au-delà des bornes anciennement connues. »
  • «  […] Je vais donner la démonstration de ce théorème que j’ai découvert ; je ne l’ai pas trouvée au reste sans une pénible et laborieuse méditation ; mais ce genre de démonstration conduira à des progrès merveilleux dans la science des nombres. »
  • « J'ai trouvé un très grand nombre de théorèmes extrêmement beaux. »
  • « Je suis l'homme le plus paresseux du monde. »

Flashback (fiction)

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Un lundi de l’an 1640...

Pierre Fermat entre au salon avec son plateau de petit-déjeuner, s’attable à côté de Clément Samuel. Il semble en pleine forme ce lundi, c’est d’autant plus étonnant que ces dernières semaines il était un peu ronchon, du mal à en décrocher une.

  • Bonjour mon fils, bien dormi ?
  • Oui père, et vous-même ?
  • Fort bien, je te remercie.

Où est-il donc allé ce dimanche sans rien dire à personne ? Fermat semble beaucoup apprécier cette collation en compagnie de son fils, prenant plus de temps que de coutume. S’il n’était si bien éduqué il se permettrait un rot. Finalement il repousse son couvert, sourit à son fils mais ne pipe mot.

  • Vous semblez joyeux, père, une bonne nouvelle ?
  • Fiston, j’ai travaillé une semaine entière sur la question la plus difficile que j’ai jamais eue à examiner. Figure-toi qu’hier j'en suis tombé sur le derrière.
  • [Il est marrant le pater] Où donc étiez-vous toute la journée, mère vous cherchait partout.
  • Je suis allé pique-niquer sur les quais de l’Agoût, ensuite une longue promenade en oubliant tout ce que je savais des nombres. Es-tu déjà allé sur les quais ?
  • J’y emmenais parfois une jeune fille fort avenante.
  • Tu ne l’y emmènes plus ?
  • Elle s’est fait admonester par son père, sous prétexte que nous n’avons que dix ans. En réalité il ne veut pas entendre parler des Fermat, il avait l’air méchant m’a-t-elle dit, et il lui a fait bien peur.
  • Un de plus qui craint pour sa réputation.
  • Elle n’était pas si jolie... mais bien gentille tout de même.
  • Les enfants paient souvent pour les parents. Quant à moi, m’en revenant hier, j’ai trouvé un nouveau trésor, un gros cette fois, le calcul ne me lâchera plus, mon fils.
  • Quel en est le sujet ?
  • Il s’agissait toujours de prouver par a+b qu’aucune puissance supérieure au carré ne peut être partagée en deux autres du même nom, tu te souviens que tu m’avais dit que ce serait rigolo de faire comme si le théorème de Pythagore était faux, on prouverait ensuite que ce serait la seule possibilité pour que l’on trouve de telles puissances. Mais comme Pythagore a raison, on ne pourrait ainsi trouver aucune puissance qui soit partagée en deux autres. C’est une jolie idée que tu as eue, je suis fier de toi. On ne peut pas l’exploiter, mais c'était malgré tout une belle idée. J'y pensais en m’endormant et je me demandais si tu avais déjà une idée de ce que tu aimerais faire plus tard ?
  • [Yeux écarquillés : il est trop fort le pater, il n’en dira pas plus] Depuis que vous m'aidez dans l'arithmétique et la géométrie j'y ai pris goût, je pense que j’aimerais devenir géomètre, mais j’ai remarqué que la lampe de votre bureau était parfois allumée en pleine nuit. Je me demande si pour moi ce serait une si bonne idée, j’ai toujours du mal à quitter mon lit le matin.
  • Tu aimes lire n’est-ce pas ?
  • Oh pour ça oui ! Et j’écris même de la poésie.
  • Magnifique ! Tu voudras bien me dire quelques uns de tes poèmes ?
  • D’accord.
  • Pour ce qui est du calcul qui nous a fort occupé, c’est grâce à ta mère que j’ai pu me sortir de l’ornière, je pensais à cette histoire de bahut qui la tracassait et j’ai voulu me changer les idées en marchant, elle ne saura jamais l’immense service qu’elle m’a rendu.
  • Moi je le lui dirai.
  • C’est bien mon fils.
  • Vous avez donc trouvé la preuve pour toutes les puissances ?
  • Toutes !
  • Pourquoi cette preuve était-elle si nécessaire ?
  • Parce que l'homme a soif de connaître. Et quand quelque chose de très beau pourrait apparaître sous ses yeux mais qu'a priori il semble totalement impossible de le mettre au jour, j’ai appris qu’il faut s’endormir avec ce paradoxe à l’esprit : ainsi la question nous titille pendant la nuit sans même qu'on s'en rende compte. C’est d'ailleurs aussi comme cela qu’on peut faire les rêves les plus étonnants. Mais ceci est une autre histoire.
  • J’ai fait ainsi avec ma copine mais ça n’a rien donné.
  • Alors il faut trouver un autre paradoxe, plus adapté à ta situation.
  • Et pour le bahut aussi, vous avez trouvé ?
  • Ah ! pour le bahut… Nous allons nous en débarrasser, il prend vraiment trop de place. Quant au problème dont tu me parles, ce qui était le plus difficile vois-tu c’était d'y croire très fort tout en restant très humble. Je ne te cache pas qu'il y fallait aussi de l'audace et finalement ce fut beaucoup plus simple qu'il n'y paraissait. Eh oui j’ai trouvé, j’ai même trouvé beaucoup mieux qu’une solution.
  • Je voudrais bien être grand.
  • Ne sois pas trop pressé. Et sais-tu mon fils, quand un obstacle semble très difficile, nous pensons souvent qu’il faudrait sauter très haut pour le franchir, la plupart des gens s’y épuisent et finissent par renoncer. Pas un instant ils ne songent que si l’obstacle est aussi élevé, c’est justement pour leur laisser la place de passer par en dessous. Ou à côté. Plus l’obstacle est élevé, plus il faut regarder devant soi. Si tu restes le nez en l’air tu ne vois pas tous les chemins qui s’offrent à toi. Ce problème, nous allons le garder pour la fine bouche, on va bien s'amuser mon fils.
  • Chic !
  • Ils se croient plus malins que nous les English, on va leur donner du boulot – pas seulement à eux d’ailleurs. Ils ne vont trop apprécier crois-moi.
  • Tant mieux !
  • L’obstacle que je leur présenterai leur paraîtra énorme. Je les imagine déjà bâtir des échafaudages de bric et de broc. Ce serait bien dans la veine de la perfide Albion, ses gens sont souvent discrets mais ils peuvent aussi être terriblement revanchards ; isolés sur leur petit coin de terre, leurs géomètres ont toujours peur de paraître prétentieux, ils ne goûtent guère ma manière de leur présenter des défis impossibles – impossibles pour eux s'entend. Oui, le coup pourrait bien venir des Anglais.
  • Qu’allez-vous faire ?
  • Nous en dirons le minimum. Nous laisserons un fil rouge tout en brouillant un maximum de pistes. Je me mettrai plus bas que terre et tu verras qu’ils répandront toutes les rumeurs possibles. D'ailleurs j’aurai besoin de toi quand tu seras plus âgé.
  • J'en suis très heureux, père. Mais... je devrai les laisser dire du mal de vous ?
  • C'est le prix à payer pour que ce soit efficace et très plaisant. Toi, tu seras le passeur, ce n’est pas pour rien que tu te prénommes Samuel. Et tu seras encore plus fier de porter le nom de Fermat.
  • Et... pour ma copine ?
  • Elle prend tant de place que ça ?
  • Beaucoup trop.
  • ...

Bibliographie sommaire

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  • Catherine Goldstein, Un théorème de Fermat et ses lecteurs, Éditions des Presses universitaires de Vincennes (PUV), 1995. Voir l’article de Alain Herreman et celui de Hélène Gispert [3] au sujet de l’ouvrage.
  • Ludivine Goupillaud, Demonstrationem mirabilem detexi : mathématique et merveille dans l’œuvre de Pierre de Fermat, in ‘’Tous vos gens à latin – Le latin langue vivante, langue savante, langue mondaine (XIVe-XVIIe siècles), Éditions Droz, 2005. ISBN 2600009752.
  • Paul Tannery, Œuvres de Fermat, Paris, Gauthier-Villars  t. 1 (1891), 2 (1894), t. [(1896)], t. 4 (1912).
  • Paul Féron (et al.) président honoraire de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse : Pierre de FERMAT, un génie européen. Éd. Presses de l'Université des sciences sociales de Toulouse, 2002.
  • Luis Fernando Areán Alvarez (traduction de Sara Martinez) : Le théorème qui avait trois siècles d'avance sur son temps — Fermat. RBA Coleccionables, 2018.
  • Albert Violant I Holz, L’énigme de Fermat – trois siècles de défi mathématique, 2013. Une collection présentée par Cédric Villani.
  • Eric Temple Bell, The Last Problem, Ed. Simon and Schuster, 1961.
  • Jacques Roubaud : “Mathématique :” (récit), Seuil, 1997.
  • Laurent Hua et Jean Rousseau, Fermat a-t-il démontré son grand théorème ? L’hypothèse « Pascal », Essai. L’Harmattan, 2002. La 1re partie (128 pages), écrite par Jean Rousseau, est une étude historiographique : les formulations partielles et leur contexte. La deuxième partie, Laurent Hua la consacre à l'hypothèse «Pascal».
  • Simon Singh, Le dernier théorème de Fermat, Éditions Jean-Claude Lattès, 1998. Pour qui veut découvrir l'histoire de ce théorème, un livre très plaisant à lire.
  • Marielle Mouranche (sous la direction de), PIERRE DE FERMAT L’ÉNIGMATIQUE, Éditions midi-pyrénéennes – Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées, 2017.

Balises

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Historique des principales étapes de cette recherche

– 1998 (environ). Une amie étudiante en mathématiques me conseille la lecture de l’ouvrage de vulgarisation de Simon Singh sur le grand théorème. Moi qui adore les grandes énigmes je suis servi ! Au fil des années je relis des passages de ce livre, d'autres ouvrages aussi, j’y médite régulièrement avec la forte intuition, la certitude dirai-je, que Fermat avait bien sa preuve. Car je ne le vois ni comme un menteur, ni comme un distrait, ni comme un pur vantard mais comme l’immense génie qu’il est, encensé – entre autres – par Pascal. Jamais je n’aurais pensé recevoir un jour de 2009 le message d’un wikipédien (Roland Franquart) me montrant que Fermat avait encodé l'entièreté de sa note grâce à la langue latine.
– 2009. Je lis la fiche Wikipédia consacrée au théorème et découvre stupéfait combien elle est à charge.
– 2009 ou 2010. En faisant une recherche internet avec les mots-clés ‘’Fermat’’ ‘’latin médiéval’’, je découvre l’existence du très bel article de Ludivine Goupillaud “Demonstrationem mirabilem detexi : mathématique et merveille dans l’œuvre de Pierre de Fermat”. Avec Roland nous commençons à travailler sur un site dédié où une doctorante nous a rejoints.
– En 2013 j’édite sur la fiche Wikipédia du théorème (37% environ du texte total). Surtout, j’essaie de travailler à rendre l’«article» un minimum objectif, sans autre résultat que de constater que les « suiveurs de suiveurs » continueront inexorablement de se suivre. Mes premières réflexions et analyses historiographiques datent de cette époque.
– 2017. Création sur Wordpress de mon site personnel.
– 2017. Après des heures et des heures passées sur le net à chercher, quasiment sans espoir mais avec obstination, une troisième version de l’Arithmetica où aurait figuré un troisième mode d’écriture du mot ‘’detexi’’, je découvre sidéré sur l'édition de l'Université de Rome cette écriture étrange du mot “detexṡ”. Je suis complètement assommé par cette découverte. Trop concerné personnellement, j’ai du mal à y croire. Quelle mouche a piqué Fermat avec cette anomalie incongrue et très visible ? Sur le moment j'occulte le fait qu’à son époque sans internet, Fermat ne pouvait imaginer qu'un curieux pourrait trouver plus tard 3 éditions différentes assez facilement. Je suis tellement stupéfait, qu’il s’écoule 18 mois avant que je lui donne tout son sens (février 2019). J’avais d’abord cru qu’il avait choisi d’écrire ‘’detexis’’ parce que c’était l’anagramme « d existe » (= ma preuve existe bel et bien — merci à Jean-Paul Blanc qui me signala cette curiosité) mais ce n'était pas très significatif, je n'étais pas satisfait. Ce n’est qu’au bout de ces 18 mois qu’enfin (!) j'ai songé au latin : en décomposant le graphème en un s et en un i je trouvai detexis, qui se traduit, littéralement, par « tu tisses complètement ». Ce qui rejoint et conforte une très belle découverte qu’a faite R. Franquart à partir d’un indice figurant dans l’Arithmetica de Lyon, laquelle lui avait fait trouver ces mots, après décryptage : « j’ai complètement tissé ».
– 2019, janvier. Connaissant très mal l’espace ‘’Recherches’’ j'écris les premiers mots de cette étude… sur ma Page Utilisateur.
– 2019, décembre. Ma plus jolie trouvaille à mon sens (il m'a quand même fallu 10 ans) est d'avoir trouvé à propos des Nombres de la forme 22n+1 qu’une lecture « très subtile et très ingénieuse » de la formulation de la «question» révèle le magistral coup de bluff de Fermat : il sait pertinemment que sa conjecture est fausse, mais en formulant sa « question négative » d'une façon un peu ambigüe il va berner ses contempteurs les plus acharnés de la meilleure des manières, ils se persuaderont que Fermat s'est trompé avec cette fausse conjecture, et donc... qu'il devait aussi s'être trompé en prétendant avoir trouvé une preuve à son Grand théorème. Cette trouvaille porte un coup sévère à leur plus puissant argument.
– 2021, août. L’étude est terminée, j’y reviens de temps à autre pour quelques relectures ou brefs ajouts.

Références

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  1. Paul Tannery : Pierre de Fermat, Œuvres de Fermat - I - partie 2, Paris, Gauthier-Villars (p. 290-358), 1891 [lire en ligne] 
  2. Un merveilleux texte de Alexandre Grothendieck, NOTES pour LA CLEF DES SONGES (pdf), p. N39
  3. À la page 181 des Varia Opera Mathematica, Fermat interrompt son exposé en français et écrit : « Je vous dirai en Latin car le francois n’y vaut rien ». Suivent onze lignes se rapportant à la huitième question du Diophante d'où il tire sa fameuse observation sur le grand théorème.