Recherche:Sur l’extension des genres grammaticaux en français/requalification

ℹ️ Dans cette section la notion d’excentricité est à prendre dans un sens sans connotation péjorative, et seulement comme estimation subjective d’une fréquence d’emploi suffisamment minoritaire pour se démarquer remarquablement du coutumier.

Vu les constats fait jusque là, une idée s’impose : les locuteurs francophones contemporains ne disposent pas de genre propres qualifiables de féminin et masculins, au sens où ils feraient ostension précise et constante d’un lien intime à un stéréotype social homonyme. Les théories grammaticales qui ont lancé l’assimilation du masculin à une sémantique simultané de genre commun aura plutôt conduit à graduellement en neutraliser le trait sémantique masculin, si ce lien a jamais eu une réelle pertinence statistique probante. Au point qu’en l’état ce soit d’avantage ce trait masculin qui soit dénué de sémaphore énonciatif autonome, celui-ci s’étant vu subrogé par un genre équivoque, et de par la même réduisant aussi bien ce qui avait valeur de féminin que de masculin à un flou commun.

À minima, il faudrait donc cesser de nommer masculin, ce qui de toute évidence est loin de caractériser le trait linguistique majeur présidant à la production de nouveaux termes attribués à ce genre synchroniquement prépondérant. Ici prépondérant vaut uniquement au sens où il occupe un taux légèrement plus important de la distribution du genre parmi les noms communs en français. Ce renommage serait favorable à une meilleur intelligibilité du genre ne serait-ce parce que c’est celui employé pour les tournures impersonnelles comme dans il existe en français un genre qui ne réfère à aucune notion relative à la sexualité. De plus, même si son emploi en tant que genre générique ne peut être considéré comme propriété qui lui serait exclusive, il est de fait utilisé à cet fin. Et possiblement le générique est rendu majoritairement sous cette forme par diffusion analogique de contrainte syntaxique suggérée par la précédente forme exclusive de l’impersonnel, en tant que symptôme d’une confusion latente.

Quand à ce que la tradition à jusque là choisie de nommer féminin, il constitue un genre légèrement moins polysème, dans la mesure où il ne permet pas d’exprimer conventionnellement l’impersonnel. Bien sûr, cela n’empêche pas catégoriquement un tel usage, que ce soit dans une licence poétique telle elle pleut[1][2] ou une tournure qui fait figure d’excentricité telle malade je la suis[3]. Par contre, au moins sous ses formes pronominales il permet sans conteste un emploi générique. Le cas des noms communs est plus subtil : il peut être le genre de substantifs désignant des individus femelles ou mâle, comme dans une vedette, et de groupes de composition sexuelle quelconque, comme dans une assemblée. En revanche l’emploi d’un terme qui au singulier désigne plus spécifiquement un individu auquel est plus ou moins fortement lié le trait sémantique femelle rendra plus innacoutumièrement un commun faisant fi du trait sexualisant. Ainsi lectrices renverra plus probablement à un lectorat exclusivement féminin qu’à un lectorat hétérogène, et ne convoiera qu’excentriquement le sens lectorat exclusivement masculin ; tandis que pour sa part lecteurs, sans plus de précisions, générera une incertitude plus importante sur l’interprétation à retenir entre soit lectorat aux membres de sexe quelconque soit lectorat strictement masculin et de par la première reste plus ouvert à l’interprétation comme lectorat strictement féminin. Il faut cependant bien relever que de tels interprétations sont toutes subjectives, et sont pleinement à même de varier selon les accoutumances sociales tout en laissant l’aspect strictement grammatical complètement invariant.

💡 Aussi plutôt que genre féminin et genre masculin, les termes genre ambigu et genre équivoque, sembleraient bien plus appropriés pour qualifier cette articulation formée autour des deux pôles morpho-syntaxique majeurs du genre grammatical français. Cela n’empêche d’ailleurs de la compléter par d’autres genres sur d’autres articulations.

La catégorie genre équivoque, comme l’a déjà exposé la section qui lui est spécifiquement dédiée, n’est ni inédite ni abondamment exploitée, tout en correspondant convenablement à ce qui est visé ici. Elle peut même se payer le luxe d’englober convenablement le trait sémantique de concentration que Hjelmslev propose en 1956 de substituer à celui de masculin[4] suivi avec enthousiasme par Knud Togeby en 1965. De fait, la notion de genre équivoque est suffisamment souple pour absorber n’importe quel trait sémantique comme élément classificatoire, et même d’une classification dont les distinctions varient selon le contexte.

L’approche suivie par les deux linguistes sus-només est complétée par une classe ou le trait d’expansion entends se substituer à celui de féminin. Là aussi il s’agit d’un trait que peut subsumer la notion de genre ambigu qui est proposé ici. D’autant que le trait d’expansion en question est pour le moins évasif. Par exemple l’expansion du domaine des connaissances humaines peut aussi bien se faire sur des objets spatiaux de l’indéfiniment petit que l’indéfiniment vaste, voir des concepts indépendants de toute étendue matérielle. Il y aurait même un semblant d’antinomie à refuser un expansionnisme intégral à un genre éponyme d’une ambition de diffusion hégémonique à laquelle ne s’opposerait qu’une bien précaire concentration. L’expansion est en outre sémantiquement proche du concept d’extension, qui par définition décrit le mécanisme générique par lequel il est possible de définir compréhensiblement, mais qui ne précise justement pas les critères spécifiques nécessaires à son application pratique, sauf à fournir un exemple concret pour des raisons didactiques.

Tout en y exerçant de subtils influences, les notions sémantiques de féminin, de masculin et bien d’autres peuvent donc toutes s’exprimer tant dans l'ambigu que dans l’équivoque.

En cas de volonté d’exprimer des énoncés plus précis de façon plus ou moins explicite, il faudra donc recourir à des genres plus spécifiques que ce que ne proposent les grammaires et les usages classiques du français. C’est ce qui sera présenté plus loin sous les catégories de genre subreptice et ostentatoire.

Le genre subreptice fournie une dénomination pour les cas où, tout au moins oralement, aucune différence n’est introduite dans la forme comparativement à un genre ambigu ou équivoque, mais qu’une différence de sens tacite est impliqué par le contexte notamment du fait de stéréotypes sociaux. La section suivante fournie une proposition pour expliciter à l’écrit les genres subreptices qui ne sont pas laissés dans le flou.

Le genre ostentatoire qualifiera les formulations qui revendiquent une sémantique stéréotypique par des biais morphosyntaxiques manifestes, tant à l’oral qu’à l’écrit. De telles formulations nécessiteront évidemment l’introduction de néologismes, ou tout au moins l’emploi de termes actuellement exclus des enseignements scolaires.

Proposition de nomenclature du genre en articulation multiple
Type de

nomenclature

Articulation
Domanière[N 1][5][6] Morphosyntaxique Métalinguistique[7] Sémantique
Genre Grammatical Ambigu

Équivoque

Ostentatoire

Subreptice

Caractérisant Absolu

Actuel

Exceptionnel

Impersonnel

Personnel

Régulier

Relatif

Virtuel

Autres…

Classifiant Commun

Épicène

Féminin

Masculin

Neutre

Autres…

Le tableau précédent offre une vue d’ensemble de la répartition combinatoire via une quadruple articulation qui fait sens dans la présente proposition. Il convient de noter que si les catégories d'articulation morphosyntaxique sont exclusives, ça n’est pas nécessairement le cas des articulations métalinguistiques et sémantiques. Un énoncé contient des segments de forme soit équivoque soit ostentatoire, mais pour un même segment les deux sont antinomiques. À l’inverse, l’articulation morphosyntaxique combine dans la plupart des cas aussi bien une catégorie caractérisante que classifiante. Cela vaut également pour l'articulation sémantique, bien que les sèmes classifiants sont plus fréquemment exclusifs. Ainsi dans le syntagme dehors il vente, le pronom peut par exemple être analysé comme un équivoque impersonnel neutre, manifestant un unique genre morphosyntaxique tout en combinant deux traits sémantiques issues de deux genres métalinguistiques.

Un des avantages de cette décomposition en multiples articulations est sa compatibilité partielle avec des analyses binaires retenant uniquement une opposition féminin et masculin : ces catégories ne sont pas disqualifiés, c’est seulement l’absence d’univocité entre leur sémantique et la détermination de l’articulation morphosyntaxique qui leur est adjoint comme postulat qui en rend la considération comme généralement superfétatoire.


Références modifier

  1. « Elle pleut Paroles – NEKFEU (ft. Nemir) – GreatSong », sur GREATSONG : Paroles de Chansons Officielles et Traduction musique (consulté le 19 décembre 2021)
  2. imagiter.over-blog.com, « Elle pleut », sur Le blog de imagiter.over-blog.com (consulté le 19 décembre 2021)
  3. Philippe Cibois, « Langage inclusif et masculin générique : le débat », sur La question du latin (consulté le 3 juillet 2021)
  4. Michel Arrivé, « De quelques oscillations des théories du genre dans l'histoire récente de la linguistique », LINX, vol. 21, no  1, 1989, p. 5–15 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-12-23)]
  5. Alain Le Bloas, « La question du domaine congéable dans l'actuel Finistère à la veille de la Révolution », Annales historiques de la Révolution française, vol. 331, no  1, 2003, p. 1–27 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2023-04-05)]
  6. Paul Rolland, « A quels baillis ont ressorti Tournai et le Tournaisis durant le XIIIe siècle ? », Revue du Nord, vol. 13, no  52, 1927, p. 249–274 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2023-04-05)]
  7. superadmin, « Les fonctions du langage ou de la communication », sur www.camerecole.org (consulté le 15 janvier 2022)

Notes modifier

  1. Adjectif, certes rare, signifiant qui relève du domaine.