Recherche:Trilogie pour un monde juste et sain

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Trilogie pour un monde juste et sain

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Par Lionel Scheepmans

Ce travail est le fruit de plusieurs années de réflexions et d'études au vu d'apporter des réponses à ce questionnement personnel :

« Comment notre humanité en est arrivée à détruire les richesses naturelles et culturelles de notre planète et quelles sont les perspectives face à cette dérive ? »

Son objectif est d'offrir une vision documentée des multiples crises auxquelles notre humanité est confrontée et apporté une piste d'espoir au travers l'observation et le souhait d'une émancipation citoyenne.

La terre vue de la lune

La crise

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Notre humanité est plongée dans une crise éthique, écologique, économique et politique (Convivialistes 2013, p. 17) dont l'origine semble être l'expansion et la généralisation d'un modèle de société dans lequel les êtres humains marchandent le monde dans une quête infinie de pouvoir et d'enrichissement personnel.

« La croyance au progrès nous habite au point qu’il est inconcevable de ne pas aller de l'avant. Ainsi nous sommes embarqués sur un bolide qui semble ne plus avoir ni marche arrière, ni frein, ni conducteur. Son moteur ? La mondialisation libérale. Son but ? La marchandisation du monde. » (Goldsmith et Mander 2001, p. Quatrième de couverture)

Dans cette marchandisation, l'argent, la propriété privée, et l'égocentrisme[non neutre] deviennent les symboles universels de réussite.

 
Carte du monde 1689
« En quelques années, tout change. Face à l'afflux des touristes qui dépensent des sommes inimaginables, face aux images factices que déverse la télévision, les ladakhis se découvrent soudain pauvres et honteux. Les solidarités traditionnelles s'écroulent. La fascination des modèles de réussite à l'occidentale joue à plein pour faire naître des rivalités entre générations, entre paysans "arriérés" et citadins "évolués" [...] Cerise sur la gâteau, une éducation complètement décalée finit le travail de sape sur une population désormais complexée, en voie de clochardisation. » (Aubin 2006, p. 149)
« La mondialisation ne serait-elle qu'une nouvelle phase du néocolonialisme ? Les relations culture-globalisation ne pourraient-elles être que morganatiques ? » (Cornu et Mezghani 2005, p. 13)

Chose plus alarmante encore, la diversité de la vie sur terre diminue au même titre de la diversité culturelle.

« La diversité biologique est inégalement répartie sur la planète. Le Nord, plus pauvre du point de vue biologique, a dilapidé, avec le temps, ses réserves de diversité biologique alors que le Sud, beaucoup plus riche, possède encore de bonne réserves. La conservation de la diversité biologique est donc un fardeau plus lourd à porter pour le Sud en un temps où l’utilisation des ressources biologiques a acquis une importance primordiale pour le développement des pays concernés. [...] De tous les impacts subis pas l'environnement, celui que les génération futures pourraient le plus nous reprocher, c’est la perte de diversité biologique, notamment parce que, pour l'essentiel, la disparition des espèces par exemple, elle est irréversible. » (Glowka 1996, p. 1)
« La question de la fragilisation de la diversité des cultures à l’échelle planétaire s’est récemment imposée comme l’un des enjeux les plus préoccupants de notre époque. La ratification, l’automne dernier, d’une convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles par tous les pays membres de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), à l’exception des États-Unis et d’Israël, témoigne de l’intérêt dont jouit actuellement cette question. » (Parenteau 2007, p. 133)

L'argent

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Depuis ses origines, l'argent, plus justement appelé monnaie, offre d'une part, un outil centralisé et simplifié pour la rétribution de ses fonctionnaires et sa récolte d'impôts propice aux états, d'autre part, un outil de transaction économique sécurisé et standardisé propice au commerce. De nos jours malheureusement, l'argent est aussi devenu un outil de spéculation et de manipulation.

 
Monnaie métallique et coquillage dans deux mains
« Aux États-Unis, experts, économistes, journalistes accusent la Réserve Fédérale de ne pas avoir vu, à plusieurs reprises, monter les dangers, et d’avoir ainsi laissé se développer des situations de bulle d’endettement et de spéculation, préludes à des crises graves. Dans la zone euro, l’opinion s’est retournée depuis dix-huit mois. Deux enquêtes, faites en décembre 2006, ont montré que 54 % des Allemands pensaient qu’il « faudrait revenir au mark » et que 52 % des Français trouvaient que « l’euro est une mauvaise chose ». Il n’en a pas fallu plus pour que certains se mettent à annoncer la fin de l’euro. Nous n’en sommes pas là, et la sortie de l’euro serait un processus épouvantablement coûteux. Mais le fait est là : la légitimité de l’euro et la « respectabilité » de la Réserve Fédérale sont entamées. » (Artus 2007, p. 9 & 10 du pdf)
« Dans une situation économique donnée, les possibilités de production pouvant être entreprises sont limitées par la quantité de biens du capital disponible. Les méthodes de détours de production ne peuvent être adoptées que dans la mesure où les moyens de subsistance existent et permettent de subvenir aux besoins des travailleurs pendant toute la période de l’allongement du processus. Tous les projets pour lesquels les moyens ne sont pas disponibles doivent être abandonnés, y compris ceux qui semblent « techniquement » faisables — si l’on ne tient pas compte de l’offre en capital. Toutefois de telles entreprises semblent sur le moment, à cause du taux d’emprunt inférieur proposé par les banques, être rentables et sont par conséquent lancées. Mais les ressources existantes sont insuffisantes. Tôt ou tard ceci doit se manifester. Il apparaît alors que la production s’est égarée, que l’on avait fait des plans dépassant les moyens disponibles, que la spéculation, c’est-à-dire l’activité tournée vers l’approvisionnement en biens futurs, s’est fourvoyée. » (von Mises 2011, p. 91)

Aujourd'hui, la masse monétaire mondiale est constituée de près de 90% de chiffres informatiques contre 10% d’argent liquide. Les 10 % de monnaies fiduciaires sont créé par les banques d'états tandis que les 90 % monnaies scripturales par les banques commerciales privées grâce au crédit qu’elles accordent et l’effet multiplicateur qui en découle. En Europe le système de réserves fractionnaires est de 1%, soit une obligation pour les banques commerciales de déposer sur un compte de la banque centrale 1% de la totalité de l’argent qu'elle crée. « Une affaire rentable » (Holbecq et Derudder 2011) qui tourne au profit des actionnaires des banques commerciales privées. D'autant plus rentable que et depuis le traité sur l'Union européenne de 1992, les nations européennes se voient elles aussi obligées de s’adresser aux banques commerciales pour subvenir à leur besoin d'argent.

Si la logique système de création monétaire est difficile à saisir, ses conséquences par contre, sont tout à fait transparentes.

 
Pièces et billets de banque européens
« il y a une quarantaine d'années, l’État français n'était pas endetté, à l'instar de la plupart des autres nations, d'ailleurs. En moins de quarante ans nous avons accumulé une dette colossale qui avoisine les 1600 milliards d’euros ! » (Holbecq et Derudder 2011)
« En cinq ans, la dette publique de la Belgique a augmenté de 100 milliards d’euros, en partie du fait du sauvetage des banques. [...] Chaque année, la Belgique rembourse 31 milliards d’euros en capital et 12 milliards d’intérêts (chiffres 2011) pour la dette [Soit 530  par mois pour les 6 765 590 belges âgées entre 18 et 64 ans (Portail Belgium.be)], et ce point n’est jamais remis en question, comme s’il ne pouvait l’être. » Or la dette publique belge fédérale atteint aujourd’hui 346 milliards d’euros, soit 97 % du PIB (produit intérieur brut) et 382 milliards d’euros tous niveaux de pouvoir confondus (chiffres 2012). Elle est détenue à 97 % par de grandes institutions financières, banques et compagnies d’assurances. Et, pour moitié, elle appartient à des investisseurs étrangers. »[1]
« Dans le contexte de la crise économique mondiale, ce rapport fait valoir que l'urgence de politiques équitables n’a jamais été aussi grande. En particulier, les tendances actuelles en matière d’emploi, les prix élevés des denrées alimentaires et du carburant ainsi que la contraction des dépenses publiques, indiquent que les inégalités sont susceptibles d’être exacerbées en 2011. Le rapport conclut en appelant à une action politique urgente aux niveaux national et international pour assurer une “Reprise pour Tous”, et faire remonter les revenus du milliard d’en bas. » (Ortiz et Cummins 2012, p. i)

Le « milliard d’en bas » de la population humaine doit certainement être constitué des personnes qui dépensent le peu d’argent qu’elles gagnent au jour le jour, juste pour pouvoir acheter de quoi survivre.

« Nordeste du Brésil, Sertão de Bahia, 2006 : la femme, le mari et les deux enfants scolarisés. Ils ont peu de ressources financières, souvent pas assez à manger, et vivent au jour le jour. Leur revenu per capita est inférieur à 1,50  par jour. » (Mailleux 2007, p. 23)

Sans comparaison possible, les ménages occidentaux, sont aussi exposés à de mauvaises perspectives.

« Les grandes lignes des perspectives financières à court terme des ménages pourraient être les suivantes : salaires en stagnation, voire en baisse, faible probabilité de combler le manque à gagner grâce à des hausses de revenus d’autres sources, lenteur du processus de reconstruction du patrimoine financier, grande incertitude concernant les changements possibles de la valeur des actifs résidentiels, et augmentation du fardeau de la dette réelle. » (CGA 2009, p. 74)
 
Salon de la bourse de New York

La monnaie virtuelle qui nous fait vivre (Serval et Tranié 2011) est aussi un moyen pour les plus riches d'acquérir du pouvoir au travers l'acquisition de services ou de ressources vitaux aux populations.

« Aujourd'hui, un milliard et demi de personnes n'ont pas accès à une eau saine et propre ; chaque année, plus de 5 millions meurent de maladies liées à la mauvaise qualité de l'eau. L'agriculture consomme 70 % de l'eau douce mondiale, l’industrie 20 %, les ménages seulement 10 %, et la quantité d'eau douce disponible ne représente que o,5 % de la totalité de l'eau de la planète ... En dépit de ces statistiques alarmantes, l'humanité, réticente à modifier ses pratiques, continue à polluer, détourner et épuiser inconsidérément les réserves. Plus grave, les institutions internationales - la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l'Organisation mondiale du commerce - préconisent la privatisation et la marchandisation de cette ressource. » (Barlow et Clarke 2007)
« Nous devons à l'essor sans précédent de la finance d’avoir progressivement perdu le contrôle sur nos vies. Ce n’est pas pour rien que Joseph Stiglitz, Nobel d’économie en 2011, s’interroge pour savoir si la vie d'un individu aujourd’hui dépend encore " de ses revenus ou de l'éducation donnée par ses parents " . » (Santi 2012, p. 7)

Mais la plus grande perversité de l’argent réside sans doute dans sa capacité d'addiction. Par le terme chrématistique, Aristote désignait l'acquisition de la richesse pour elle-même, et non en vue d'une quelconque utilité. Vingt siècles plus tard le comportement chrématistique de l'homme est toujours d'actualité. Plus triste encore, Il s’amplifie par le simple fait que l’argent est une richesse virtuelle dont la production n'a aucune limite théorique.

« Si un banquier n’a besoin que de son stylo pour créer de la monnaie, on peut se demander ce qui empêche une création infinie de monnaie. En fait, la création monétaire est limitée par la demande de monnaie, par les besoins des banques en billets et par les interventions de la Banque Centrale. » (Diemer 2002, p. 1 du pdf)

Comme la production d’argent est directement liée à l'exploitation du travail humain et des ressources naturelles, les pulsions chrématistiques humaines engendrent des abus dans l'exploitation des richesses naturelles et des êtres humains. De ces abus naissent un ensemble de déséquilibres planétaires dont des scientifiques et intellectuels toujours plus nombreux, ne cessent de nous mettre en garde. Face aux catastrophes naturelles, industrielles, sanitaires, géopolitiques et autres, les chiffres informatiques stockés dans les banques ne seront en effet d'aucun recours.

 
Mendiant trisomique, au Vietnam
« Si les hommes ne sont pas disposés à épargner plus en réduisant leur consommation courante, les moyens manqueront pour permettre un accroissement substantiel des investissements. Ces moyens ne peuvent pas être fournis en imprimant des billets de banque ou en accordant des prêts dans les livres bancaires. » (von Mises 2011, p. 160 du pdf)
« Quand le dernier arbre aura été abattu - Quand la dernière rivière aura été empoisonnée - Quand le dernier poisson aura été péché - Alors on saura que l’argent ne se mange pas. » Géronimo (1829-1909)

Dans l'histoire de notre humanité, l’argent n'a pourtant pas toujours été considéré comme une marchandise, ni même soumis à des pratiques spéculatives ou usurières.

« La doctrine canonique prohibait l’usure sous l’autre forme du crédit, en défendant de vendre plus cher à terme qu’au comptant. Ici encore, elle s’attaquait à l’une des exploitations les plus graves des besoins du consommateur nécessiteux. Même aujourd’hui, les dangers de la vente à crédit dans les classes populaires sont bien connus. » (Jannet 1892, p. 82)

Replacer l’argent dans son stricte rôle d'échange et de gage de réelles richesses serait donc probablement une des choses les plus justes et les plus saines que pourrait accomplir l'humanité. Cette question déjà publiquement abordée en 1516 dans l'ouvrage de Thomas More L’utopie ou Le Traité de la meilleure forme de gouvernement (More 1516, p. 83) et reste donc d'actualité aujourd'hui.

« En Utopie, l'avarice est impossible, puisque l’argent n'y est d'aucun usage ; et partant, quelle abondante source de chagrin n'a-t-elle pas tarie ? quelle large moisson de crimes arrachés jusqu'à la racine ? Qui ne sait, en effet, que les fraudes, les vols, les rapines, les rixes, les tumultes, les querelles, les séditions, les meurtres, les trahisons, les empoisonnements ; qui ne sait, dis-je, que tous ces crimes dont la société se venge par des supplices permanents, sans pouvoir les prévenir, seraient anéantis le jour où l’argent aurait disparu? Alors disparaîtraient aussi la crainte, l'inquiétude, les soins, les fatigues et les veilles. La pauvreté même, qui seule parait avoir besoin d'argent, la pauvreté diminuerait à l'instant, si la monnaie était complètement abolie. »

La propriété privée

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De l'argent à la propriété, il n'y a qu'un pas.

« La monnaie facilite les transferts de droits de propriété dans le temps et entre des échangeurs qui peuvent être très nombreux. La monnaie est inséparable de l'échange, donc de la spécification des droits de propriété : il y a échange parce que l’on reconnaît les droits de propriété de chaque échangiste sur ce qu’il transmet à autrui. » (Salin 1990, p. 45 & 46)

Et lorsque l'on parle de propriété privée il s'agit bien d'un bien dont l'accès ou l’utilisation peut se voir réservé au seul propriétaire. Si tel est le cas, toute personne nécessiteuse d'un bien privé sans en être propriétaire, se verrait dans l'obligation de le produire ou de l'acheter. De cette situation, résulte une surproduction de biens et le gaspillage d'un ensemble de ressources qui pourrait être utile, aujourd’hui ou demain, à d'autres personnes ou êtres vivants.

Dans le monde, il existe aussi de nombreuses personnes incapables de se procurer certains biens privatisés par d'autres et qui pourtant restent en attente d'utilisation, ou parfois même sont détruits avant même d’avoir été utilisés.

« Il a été établi que les automobiles sont utilisées en moyenne, en France, pendant seulement 8 % de leur durée de vie. En effet, elles restent, la plupart du temps, garées sans être utilisées. Cette situation entraîne un gaspillage économique, environnemental et urbain. »[2]
« Au États-Unis, 50 % de la nourriture est gaspillée. En Grande-Bretagne, plus de 20 millions de tonnes de nourriture gaspillée est créée chaque année. » (Stuart 2009)

Tout ceci apparaît tel un non-sens et une injustice lorsque l’on réalise que l’acquisition de biens se fait en grande partie par le fruit du hasard. Ce hasard, c’est celui de naître dans une bonne famille, au bon endroit, au bon moment, et de recevoir toutes les capacités physiques et intellectuelles nécessaires à l'acquisition de biens.

« Aujourd’hui, le vrai modérateur des successions est le hasard ou le caprice ; or, en matière de législation, le hasard et le caprice ne peuvent être acceptés comme règle. » (Proudhon 1841, p. 80)

Être propriétaire devrait susciter le devoir de partage plutôt que le droit de privatisation.

 
Poubelle remplie de nourriture
« Les hommes ont un devoir de partage et de solidarité entre eux : les nouvelles générations ont une dette par rapport aux anciennes et les peuples nantis ont un devoir d'humanité par rapport aux peuples démunis. C'est une notion morale qui est centrée autour de valeurs comme la justice, l'égalité, la générosité. C'est une pensée éthique. » (Barthélémy, Groux et Porcher 2011, p. 159)

Les propriétés privées inutilisées et sans danger d'utilisation devraient être mises à disposition des personnes nécessiteuses. Tandis que les propriétés intellectuelles, culturelles, voire par extension immatérielles, dont le prix de production aurait été amorti, devraient devenir des biens publics[précision nécessaire] au même titre que l’ensemble des connaissances intellectuelles et culturelles transmises par nos ancêtres.

«Les psychorigides de la propriété intellectuelle et de la culture n'en veulent pas, niant la dimension collective de l'innovation et de la Culture, mais attribuant un droit de propriété à un individu alors même que la connaissance s'appuie sur « tout l'actif préalable du travail humain », selon la formule de Léon Blum. Le mythe [du génie romantique], dont la force a permis aux créateurs de conquérir leur autonomie face aux pouvoirs des États et des mécènes, a aujourd’hui pris la forme d’un récit­ alibi, digéré par des marchands qui l’ont mis au service de leur propre travail de prédation. » (Latrive 2007, p. 98)

Quant aux excès de consommation et aux gaspillages des ressources naturelles, le bon sens devrait suffire pour les faire disparaître.

L'invasion culturelle

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En Occident, il est courant de concevoir l'histoire de l'humanité au travers d'une évolution dont le progrès technologique, la croissance économique et le développement industriel sont les principaux facteurs. Par sa position dominante, le modèle occidental attire, influence et parfois oblige d'autres sociétés à suivre son exemple de développement.

 
Enfants maliens devant la télévision
« La posture Biologico-colonialiste de la pensée occidentale attribue une place centrale aux cultures et valeurs européennes aux dépens des autres cultures du monde. Nous vivons l'apogée de la montée en puissance du logocentrisme occidental avec ses ambitions colonialistes de culture égocentrique et politiquement (in)correcte. » (Sekulovski 2013, p. 152)

Pourtant, si l’on aborde l'histoire de l'humanité en termes d'équilibre, de respect et d'harmonie, la culture occidentale apparaît dès lors telle une civilisation dégénérée qui gagnerait à s’inspirer d'autres cultures pour donner sens à son développement.

« En ce sens, le renouveau des religions non occidentales est la manifestation la plus puissante de l' antioccidentalisme dans les sociétés non occidentales. Ce renouveau n’est pas un rejet de la modernité ; c’est un rejet de l'Occident et de la culture laïque, relativiste, dégénérée qui est associée à l'Occident. C'est un rejet de ce qu'on a appelé l'« Occidentoxication » des sociétés non occidentales. » (Huntington 2007, p. 108)

Sans égocentrisme, il serait difficile d’établir une hiérarchie au sein des cultures. Dans l'absolu, toutes les cultures se valent et chacune d'entre elles a des choses à apporter aux autres. La diversité culturelle est une richesse au même titre que la biodiversité. Ces deux ressources sont précieuses pour le futur de notre humanité, car d'elles dépend le bien-être de l'être humain.

Références

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  1. Laurence Van Ruymbeke, « Dette publique : faut-il tout rembourser ? », LeVif.be, 09 décembre 2012. Consulté le 2014-02-25
  2. Sénat Français, « Proposition de loi tendant à promouvoir l'autopartage », France Senat. Consulté le 2014-02-04.

Bibliographie

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Patrick Artus, Les incendiaires: Les banques centrales dépassées par la globalisation, Paris, Librairie Académique Perrin, 2007 (ISBN 9782262025618) [lire en ligne] 
  • Aubin, Jean (2006)
Jean Aubin, Croissance : l'impossible nécessaire, Saint-Thurial, Planète Bleue Editions, 2006 (ISBN 9782951953635) [lire en ligne] 
Maude Barlow et Tony Clarke, L'or bleu: l'eau, le grand enjeu du XXIe siècle, Paris, Hachette Littératures, 2007 (ISBN 9782012792999) [lire en ligne] 
  • Barthélémy, Fabrice ; Groux Dominique ; Porcher, Louis (2011)
Fabrice Barthélémy, Dominique Groux et Louis Porcher, L'éducation comparée, Paris, Harmattan, 2011 (ISBN 9782296130777) [lire en ligne] 
Association des comptables généraux accrédités du Canada - CGA, Où va l’argent ? L’endettement des ménages canadiens dans une économie en déroute, Burnaby, Association des comptables généraux accrédités du Canada, 2009 [lire en ligne] 
Les Convivialistes, Manifeste convivialiste. Déclaration d'interdépendance, Lormont, Bord de l'eau, 2013 (ISBN 978-2-35687-251-7) 
Marie Cornu et Nébila Mezghani, Intérêt culturel et mondialisation: Les protections nationales, Paris, Editions L'Harmattan, 2005 (ISBN 9782296383715) [lire en ligne] 
Arnaud Diemer, Cours « Systèmele 2.10.s monétaires et financiers », chap II, Le marché de la monnaie., MCF Université d’Auvergne, Faculté de Sciences économiques et de Gestion, 2002 [lire en ligne] 
Julien Gargani, CRISES ENVIRONNEMENTALES ET CRISES SOCIO-ÉCONOMIQUES, Paris, L'Harmattan, 2016 (ISBN 978-2-343-08213-4) [lire en ligne] 
Lyle Glowka, Françoise Burhenne-Guilmin, Hugh Synge, Jeffrey A. McNeely, Lothar Gündling, Guide de la convention sur la diversité biologique, IUCN, 1996 (ISBN 9782831702742) [lire en ligne] 
Edward Goldsmith et Jerry Mander, Le Procès de la mondialisation, Paris, Fayard, 2001 (ISBN 2213608423) [lire en ligne] 
André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder, La dette publique, une affaire rentable: À qui profite le système ?, Editions Yves Michel, 2011 (ISBN 9782913492967) [lire en ligne] 
Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 2007 (ISBN 9782738119780) [lire en ligne] 
Claudio Jannet, Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, Paris, E. Plon, Nourrit, 1892 [lire en ligne] 
Florent Latrive, Du bon usage de la piraterie: culture libre, sciences ouvertes, Paris, Exils, 2007 (ISBN 9782912969590) [lire en ligne] 
Sharah Mailleux, La survie au quotidien : résistance ou mobilisation, Paris, Encyclo Revue de l'école doctorale ED 382, 2007 (ISBN 978-2-7442-0184-4) [lire en ligne] 
  • More Thomas (1516) traduction française de l’œuvre anglaise par Victor Stouvenel en 1842 et édition électronique par Jean-Marie Tremblay en 2002.
Thomas More, L’Utopie ou Le Traité de la meilleure forme de gouvernement, Chicoutimi Québec, Jean-Marie Tremblay professeur de sociologie au Cégep, 1516 [lire en ligne] 
Isabel Ortiz et Matthew Cummins, L’inégalité mondiale, La Répartition des Revenus dans 141 Pays, New York, UNICEF, 2012 [lire en ligne] 
Danic Parenteau, « Diversité culturelle et mondialisation », Politique et Sociétés, vol. 26, no  1, 2007, p. 133 (ISSN 1203-9438, 1703-8480) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2014-03-25)]
Pierre-Joseph Proudhon, Qu'est-ce que la propriété ? : ou Recherches sur le principe du droit et du gouvernement., Paris, A la librairie de Prévot, 1841 [lire en ligne] 
Pascal Salin, La Vérité sur la monnaie, Paris, Odile Jacob, 1990 (ISBN 9782738100986) [lire en ligne] 
  • Santi, Michel (2012)
Michel Santi, Splendeurs et misères du libéralisme, Paris, Editions L'Harmattan, 2012 (ISBN 9782296505001) [lire en ligne] 
  • Sekulovski, Jordanco (2013)
Jordanco Sekulovski, Postures et pratiques de l'homme: Libéralisme, philosophie non-standard et pensée japonaise, Paris, L'Harmattan, 2013 (ISBN 9782343007922) [lire en ligne] 
  • Serval, Jean-François ; Tranié, Jean-Pascal ( 2011)
Jean-François Serval et Jean-Pascal Tranié, La monnaie virtuelle qui nous fait vivre: l'économie à l'épreuve de l'innovation financière, Paris, Editions Eyrolles, 2011 (ISBN 9782212548310) [lire en ligne] 
Tristram Stuart, Waste: Uncovering the Global Food Scandal, New York, W. W. Norton, 2009 (ISBN 9780393068368) [lire en ligne] 
Ludwig von Mises, De la manipulation de la monnaie et du crédit, Paris, La Nouvelle Bibliothèque Institut Coppet, 2011 [lire en ligne] 

La Gouvernance

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Manifestation No Culture Bruxelles

Dans une humanité en crise, la notion de gouvernance apparaît tel un thème central de nos sociétés.

« La notion de "gouvernance" désigne les règles, les processus et les comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs [...], particulièrement du point de vue de l'ouverture, de la participation, de la responsabilité, de l'efficacité et de la cohérence. » (Commission des Communautés Européennes 2001, p. 9)

Aborder le thème de la gouvernance de façon générale, risquerait d’être un exercice fastidieux. En termes de gestion des pouvoirs, chaque peuple, chaque culture, chaque nation, mais aussi chaque époque, a en effet ses propres spécificités. Mieux vaut dès lors limiter l'observation et l'analyse à ce qui se passe dans un seul pays. Voici pourquoi on ne parlera ici que de la situation belge jusqu'à la période préélectorale de 2014. Le but de l'exercice sera dans un premier temps d'analyser la situation actuelle pour définir ensuite les conditions propices à une bonne gouvernance citoyenne.

La distribution du pouvoir

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Dans toutes les Nations, l'organisation du pouvoir se fait au départ d'un texte premier intitulé Constitution. En plus d’être l'acte fondateur d'une nation, ce texte a pour fonction principale de garantir, d'une part, les droits de tout citoyen, et d’autre part le mode de distribution des pouvoirs au sein de la nation.

 
Puzzle de la déclaration des droits de l'homme
« Les droits naturels et imprescriptibles de l'homme sont la liberté, la propriété, la sûreté. » (Rogron 1836, p. j)
« La Constitution protège les droits et les libertés des citoyens contre les abus de pouvoir potentiels des titulaires des pouvoirs »[1]
« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »[2]

Comme premier principe de bonne gouvernance apparaît le principe de séparation des pouvoirs pensé à l'époque de la Rome antique et théorisé ensuite par Montesquieu et John Locke. Cette séparation a pour but d’éviter la concentration des pouvoirs aux mains des mêmes acteurs, tout en assurant un contrôle et une modération réciproques entre ceux-ci. De tous les pouvoirs pouvant être exercés au sein d'une nation, Montesquieu fait la distinction entre les pouvoirs temporel et spirituel. C'est ensuite au sein du pouvoir temporel qu’il prôna la séparation entre le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Plus tard apparaîtra l’idée d'un quatrième pouvoir en référence au développement de la presse et autres médias de masse. À ces quatre pouvoirs, on peut encore ajouter le pouvoir économique parfois appelé cinquième pouvoir.

Le pouvoir spirituel

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En Belgique, la constitution garantit la liberté des cultes, son exercice public tout en interdisant la contrainte religieuse[3]. Dans ce pays, aucune religion d'État n'est reconnue et les questions religieuses sont traitées avec une certaine neutralité. Chaque année, l'État belge accorde un budget pour le financement[4] des six cultes reconnus et du secteur de la laïcité organisée. En 2007, c’est près de 300 millions d’euros[5] qui furent distribués pour l’entretien du patrimoine et le paiement des salaires et pensions des ministres des cultes ainsi que celui des délégués des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues par la loi. Pour cette même année, 86,4% de ce montant fut attribué au culte catholique (Sägesser 2009, p. 96). L'observation des pratiques religieuses et de l'importance attribuée par les belges à la religion chrétienne laisse apparaître un certain nombre de paradoxes.

 
Représentation du Christ en vitrail
« D'une part, la société belge se caractérise « par une individuation du croire, un effondrement de la pratique religieuse, une perte d’influence normative des institutions religieuses » et d’autre part un retour institutionnel de celles-ci ; entre l’effacement progressif de la référence chrétienne dans nombre de secteurs de la société, et une adhésion manifeste où elle demeure franchement maintenue, comme à l’école libre. »[6]
« [D'autre part,] Après 177 ans d'histoire, on continue toujours dans le domaine public à critiquer, classifier, stigmatiser, juger, préférer ou, à l'inverse, exclure sur base des convictions philosophiques et religieuses [...] La séparation de l’Église et de l’État s'impose d'ailleurs doublement : Du point de l’État, précisément en tant que règle essentielle de bonne gouvernance, mais aussi du point de vue de l’Église, parce que le célèbre ; « Rends à César ce qui appartient à César et rends à Dieu ce qui appartient à Dieu » y rappelle que la foi tout comme l'appartenance religieuse s'inscrivent dans un registre non-concurrent à la chose publique. » (Monette et Laporte 2007, p. 23)
« En Belgique, ni le Constituant ni le législateur − et encore moins le pouvoir exécutif − n'ont tiré toutes les conséquences du principe de la séparation des Églises et de l'État ; ainsi la présence des symboles religieux dans des édifices publics. Le rang protocolaire des chefs de culte ; les cérémonies religieuses organisées ou inspirées par les pouvoirs publics, etc. sont autant de signes extérieurs de cet état de fait. »[7]

La séparation entre l'Église et l'État tant d'un point de vue budgétaire qu'idéologique ne fait donc pas l’objet d'une position claire au sein du peuple belge. Sans pour autant parler de pouvoir religieux au sein de la nation, il existe cependant certaines formes de soutien et d'alliance autour d'une sorte d'héritage du passé. De façon comparable à la monarchie, le culte catholique, auquel adhère officiellement d’ailleurs la famille royale, garde donc au sein de la nation belge un certain pouvoir d'influence sans pour autant entrer en réelle compétition avec les autres pouvoirs.


Le pouvoir législatif

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Le pouvoir législatif est confié au Parlement qui en Belgique est composé de deux chambres : la chambre des représentants et le Sénat. Les membres de la Chambres des représentants sont directement élus par la nation tandis qu'environ un tiers du sénat est composé de personnes cooptées. À cela, il faut ajouter les sénateurs de droit que représentent les enfants du Roi âgés de 18 ans, ou, à leur défaut, les descendants belges de la branche de la famille royale appelée à régner[8].

Le rôle du parlement, et donc du pouvoir législatif, est de voter les lois, de gérer le budget de l'État, et de contrôler l'action du pouvoir exécutif. Mais ce qui est vrai en théorie n’est pas forcément mis en pratique dans le cadre de la Belgique.

 
Palais de la nation
« La prise d'ascendant de l'Exécutif sur le Législatif est même généralisée car elle répond à une complexification des enjeux de notre monde moderne et à une nécessaire accélération de la prise de décision. Mais ce qui est inquiétant en Belgique, c’est qu'au-delà de cet affaiblissement du Législatif (Parlement) on assiste à plusieurs glissements successifs au sein même de l'Exécutif. D'abord, le chef d'État est de plus en plus souvent mis sur la touche − on va même au Nord du pays jusqu'à lui dénier tout droit de conseil et même d'avis sur les 'affaires' de l’État alors que cela relève de sa mission constitutionnelle. Ensuite, au sein même du gouvernement, le pouvoir réel a glissé du conseil des ministre vers le kern − entendez le conseil des ministres restreint aux principaux membres du gouvernement. Enfin le kern lui-même ne prend souvent ses décisions qu'après feu vert des 'belles mères' (nom très évocateur donné aux présidents de partis). » (Monette et Laporte 2007, p. 60)
« Les partis de la coalition réussissent à imposer une discipline de fer à leurs parlementaires. Une discipline d'autant plus efficace que ceux-ci savent que leur réélection future dépend pour 99,5 % de la place que leur conférera l'oligarchie des partis respectifs sur les listes électorales. » (Groupe Coudenberg 1991, p. 21)

Le communiqué de presse de la députée européenne Véronique De Keyser « Jetée comme un chien »[9] par son parti, prouve que la tyrannie des partis reste d'actualité. Pour avoir des chances d’être élus et donc de conserver leur activité rémunératrice, les membres du parlement doivent donc rester dociles aux injonctions des partis et dissimuler leurs impuissances.

« On ne peut accepter que dans une démocratie parlementaire, le Parlement, comme c’est le cas aujourd'hui, soit cantonné à n'intervenir qu'en toute fin de course dans l'élaboration de plus de 90 % des lois, c'est-à-dire à un stade où le texte est ficelé et négocié et qu’il est devenu politiquement impossible de toucher à une seule de ses virgules. Car ce faisant, on transforme les membres du Parlement en simples presse-boutons. » (Monette et Laporte 2007, p. 111)
« À l'évidence, le pouvoir d'initiative a quitté pour l'essentiel l'enceinte parlementaire et les journalistes ne s'y trompent pas qui désertent les séances publiques. » (Eraly 2002, p. 170)

Les journalistes ne sont pas les seuls à déserter les parlements. En 2009 des sanctions contre l'absentéisme parlementaire ont été adoptées[10] pour réduire l'absentéisme des élus directs de la nation.

 
Chambre des représentants
« Si ces mesures incitent les parlementaires à participer à ce moment crucial dans la vie des assemblées qu'est celui du vote des lois, décrets ou ordonnances selon les cas, des motions de méfiance et de vote de confiance, des propositions de résolution, etc., elles ne règlent toutefois pas la question de leur participation active à l´ensemble des travaux de leur assemblée. »[11].

Ainsi sanctionner l'absentéisme parlementaire apporte une réponse aux conséquences d'un problème, sans résoudre le problème en soi.

« A l'origine de la démocratie représentative, l'électeur élit son représentant mais celui-ci détermine librement la politique de la nation en fonction de l’intérêt général. Il n'exprime pas la volonté de ses électeurs mais il se décide par lui-même et sous sa propre appréciation. La prohibition du mandat impératif est la conséquence nécessaire du mandat représentatif : l'élu n'exprimant pas la volonté de ses électeurs, ceux-ci ne peuvent pas le lier par des instructions. [...] Or c’est bien un mandat impératif, mais du parti cette fois, que les parlementaires suivent en général dans leurs votes, quels que soient leurs états d'âme. [...] Afin de rétablir l’idée originelle du mandat représentatif, il faudrait réfléchir au rétablissement des votes secrets, notamment pour tous les votes qui ne sont pas des lois-programmes. » (Destexhe, Eraly et Gillet 2003, p. 121)

Vient ensuite la question de la rémunération. Le montant mensuel des allocations parlementaires s'élève à 179.901,84 euros bruts (montant à l'indice 1,6084), en 2013[12] avec une indemnité de départ allant de 5 000 euros pour un mois de mandat jusqu'à 250 000 euros nets étalés en 48 mensualités pour 20 ans[13]. En 2010, le budget destiné à la Chambre s’élevait à 115,9 millions d’euros, et celui consacré au Sénat à 80,2 millions d’euros[14].

En ces temps de crise économique, il fut décidé de réduire l'importance du budget alloué au parlement fédéral, en réduisant, dès la prochaine législature, le nombre de députés fédéraux de 212 à 150 et le nombre de sénateurs de 184 à 71 membres. Paradoxalement, la rémunération des ministres ne fut réduite que de 5 %[15] et leur nombre ainsi que la composition de leurs cabinets ministériels n'a fait l’objet d'aucun changement.

Ces mesures ne feront donc qu'affaiblir d'avantage le pouvoir législatif au profit du pouvoir exécutif. Une transformation d'autant plus dommageable que la réduction des places disponibles au parlement et au sénat limitera encore plus l'accès des petits partis. En effet, la clef d'Hondt qui assure la répartition des sièges parlementaires aux partis commence par les partis qui ont récolté le plus de voix et ce jusqu'à ce que tous les sièges soit distribués. De ce fait, moins il y a de sièges disponibles, moins les petits partis ont de chance d’avoir un élu. Par contre, et ce fait est paradoxal, là où la clef d'Hondt s'avérerait utile pour faciliter les processus de répartition comme la formation du gouvernement ou l’attribution des portefeuilles ministériels, elle n’est pas appliquée (Faniel et Tréfois 2011, p. 10 & 11). Il y a donc réellement en Belgique, et selon que l’on gère la question du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif, deux poids deux mesures.

Le pouvoir exécutif

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Le pouvoir exécutif s'exerce au sein d'un gouvernement composé de ministres encadrés de leurs collaborateurs. Le gouvernement a pour mission de gérer la politique courante de l'État et de contrôler l’application de la loi élaborée par le pouvoir législatif. Composé de ministres et de secrétaires d'État, le gouvernement entreprend donc les actions nécessaires à la conduite de l'État et de son administration.

 
Gouvernement provisoire Belge 1830
« Dans ce système, le ministre ne prend dans son cabinet que des proches fonctionnaires de sa couleur politique − ou invités à l'adopter − tandis que le travail administratif d'exécution est laissé à l'administration. » (Monette et Laporte 2007, p. 112)
« Les ministres ont rarement pleins pouvoirs dans le choix de leurs collaborateurs. Au PS en particulier, la tradition concède au président du parti un pouvoir dans la nomination des principaux collaborateurs du ministre, en particulier son directeur de cabinet [...] Au PSC, le président dispose plutôt d'un droit de veto, au PRL d'un pouvoir de suggestion plus ou moins appuyé. Mais une situation n’est pas l'autre et beaucoup dépend des rapports de force entre le président et le ministre. » (Eraly 2002, p. 45)
« Les membres des cabinets ne sont toutefois soumis à aucune déontologie, tandis que le fonctionnaire est tenu à une loyauté absolue et qu’il est investi d'une responsabilité tant personnelle qu'en tant qu'organe de l'État. Enfin, il est notoire qu'en cas de démission du ministre les dossiers du cabinet essentiels pour la continuité du service public disparaissent avec les occupants. » (Groupe Coudenberg 1991, p. 32)

Au sein même du pouvoir exécutif apparaissent donc des mécanismes dans lesquels « [...] l'essentiel du pouvoir politique est aux mains des directions de partis et des ministres en tant que membres des partis, et où la gestion des affaires publiques est assurée par les cabinets sous le contrôle de la presse plus que du Parlement. » (Eraly 2002, p. 82). Les témoignages de certains membres de partis sont à ce sujet très édifiants.

« [...] Il faut un réel courage pour défendre un point de vue contraire à celui du président ! Une phrase malencontreuse et on se fait fusilier. C'est presque du terrorisme [...] Il n'y a guère de démocratie au sein des partis. J'en veux pour preuve les fortes restrictions à la liberté de parole. Quand quelqu’un ose contester la ligne des dirigeants, sa carrière est finie. [...] Pour faire carrière, il faut se conformer au moule. [...] » »(Eraly 2002, p. 59)

Enfin, le pouvoir exécutif ne se limite pas à la production des textes législatifs, il exerce aussi un pouvoir économique de taille tout en bénéficiant de la plus haute position hiérarchique par rapport à l’ensemble des fonctionnaires, soit environ un travailleur sur cinq.

 
Résidence du premier ministre de Belgique
« En Belgique, les dépenses publiques absorbent 49,8 % du produit intérieur brut, soit la moitié de l’ensemble des richesses produites. Outre les milliers de mandataires politiques et les presque 900 000 personnes qui composent la sphère publique et tirent de celle-ci leur rémunération, l'État assume une fonction fondamentale de redistribution des richesses en délivrant un éventail toujours plus large de biens publics » (Destexhe, Eraly et Gillet 2003, p. 35)

La Belgique est donc un pays dans lequel le pouvoir législatif est phagocyté par un pouvoir exécutif lui-même orchestré par les membres les plus influents des partis politiques. Une réelle concentration du pouvoir donc qui sera d'autant plus vive que le cumul de mandats est autorisé.

« La Belgique est avec la France un des derniers pays au monde à tolérer et à encourager le cumul d'un mandat parlementaire avec des fonctions exécutives au niveau local (bourgmestre, échevin, président d'une inter-communale, etc.). Partout ailleurs, dans les démocraties occidentales, le cumul est soit interdit, soit marginal. » (Destexhe, Eraly et Gillet 2003, p. 125)

Parmi les trois pouvoirs temporels, et selon la célèbre maxime de Montesquieu : « Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » (Montesquieu 1767, p. 206). Le pouvoir judiciaire reste donc le seul pouvoir susceptible de contrecarrer les abus du pouvoir exécutif.

Le pouvoir judiciaire

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Le pouvoir judiciaire est confié aux juridictions composées de juristes qui ont pour rôle de contrôler l’application de la loi et de sanctionner son non-respect. La constitution belge spécifie qu’il n'y a dans l'État aucune distinction d'ordres. « Les Belges sont égaux devant la loi »[16] Mais cette égalité reste relative puisque, dans les faits, les membres du pouvoir exécutif sont à la fois juge et partie dans l'édiction des lois qui les concernent et de plus ne les respectent pas forcément sans pour autant en être réprimandés.

«Le citoyen a de plus en plus l'impression que l’État plane au dessus des règles. Il n'observe pas toujours ses obligations internationales et européennes, il utilise des artifices (chèques-repas que par ailleurs il réprouve), il contourne les décisions judiciaires (nomination de fonctionnaires après un arrêté d'annulation). Les exemples sont nombreux. L’État de droit est le vrai rempart de la démocratie. L’État doit donner l'exemple de civisme. » (Groupe Coudenberg 1991, p. 14)
« Ce sentiment très présent chez certains responsables politiques selon lesquels la loi ne peut arrêter le politique, cette tendance très actuelle à considérer que la loi ne doit pas impérativement être respectée si d'autres facteurs, plus important à leurs yeux, entrent en jeu. Et il y en a beaucoup d'exemples. » (Monette et Laporte 2007, p. 30)
 
Palais de justice de Bruxelles
« Enfin, Il faut signaler qu’il existe un nombre significatif de lois qui restent purement et simplement non appliquées, parce que ces lois ont été votées sans aucune préoccupation de créer les moyens de leur application. [...] Elles restent ensuite comme des dards empoisonnés qui pèsent sur le climat politique et provoquent des éruptions d'urticaire périodiques. Une loi inappliquée est pire que l'absence de loi : elle crée de toutes pièces un déficit d'État de droit. » (Destexhe, Eraly et Gillet 2003, p. 74)

La désinvolture témoignée par le pouvoir exécutif par rapport au respect des lois n’est pas la seule faiblesse du système politique belge puisque la magistrature elle-même fut, à une époque du moins, étroitement liée au pouvoir politique par le simple fait du recrutement.

« Il y a ensuite le problème de la politisation du recrutement, de la nomination et de l'avancement. Là aussi la politisation est devenue un véritable cancer qui mine l'institution. Jamais on n'a atteint une telle désinvolture dans la nomination des magistrats. De nombreuses propositions ont été faites pour arrêter l'incroyable légèreté des dernières années en matière de nominations et de promotions. De l'avis de tous les magistrats, la mesure est pleine. Pourtant, personne ne voit de solution se profiler à l'horizon. » (Groupe Coudenberg 1989, p. 68)

Il fallut ainsi attendre la marche blanche du 20 octobre 1996 qui rassembla plus de 300 000 belges des quatre coins du pays, pour que les solutions apparaissent. La mise en place d'un Conseil Supérieur de la Justice (CJS), sorte de « forum démocratique où s’expriment toutes les opinions sur la fonction judiciaire »[17] eut lieu au courant de l'année 2000. Fonctionnant sur la base des plaintes de citoyens et des enquêtes qu’il mène, le CJS fournit des avis aux responsables politiques pour améliorer le fonctionnement de la Justice. Plus important encore, il choisit objectivement les candidats à la magistrature, de façon à dépolitiser les nominations. Malheureusement, deux ans plus tard, la dépolitisation de la justice restera perçue comme une « illusion suprême » au yeux de Jan Nolf ancien avocat et juge de paix à la retraite[18].

Par la suite, et après 30 ans de discussion, apparaîtra au moniteur belge du 18 février 2014, le texte de loi organisant une nouvelle réforme garantissant un regain de flexibilité, d'autonomie, d'efficience et de spécialisation au sein du pouvoir judiciaire[19]. De cette nouvelle réforme, il faut donc espérer une plus grande indépendance du pouvoir judiciaire envers le pouvoir législatif.


Le pouvoir médiatique

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Le pouvoir de la presse et des médias parfois appelé contre-pouvoir est assuré par les journalistes, mais aussi et de plus en plus depuis l’arrivée du web 2.0, par des acteurs non professionnels et indépendants. Cette état de fait apparaît aujourd’hui dans la définition faite du journaliste en page 11 du code de déontologie journalistique[20]. Avec la venue d'Internet, le quatrième pouvoir poursuit donc son processus historique d'indépendance.

« Les raisons de cette montée en puissance du quatrième pourvoir sont connues. Un peu partout, les médias de masse ont repris l'essentiel des fonctions d'information qu'assumaient par le passé les grands partis à partir de leurs propres organes de presse. Les médias se sont « dépilarisés » : un journal trop étroitement inféodé à un parti n'est désormais plus viable en Belgique. » (Eraly 2002, p. 269)
« L'indépendance de la presse est une valeur essentielle pour tous les journalistes politiques, le fondement de leur identité professionnelle, et ils ne manquent de parler avec mépris de ceux de leurs collègues qui leur semblent inféodés à un parti ou un homme. » (Eraly 2002, p. 286)

Si l'indépendance du journaliste est aujourd’hui soutenue par un ensemble de règles éthiques et déontologiques, les risques de dérives au sein de cette activité sont toutefois bien réels. En tant qu'acteurs économiques, les journalistes et les comités de rédactions sont aussi tributaires des rentrées financières accordées par un public dont le désir est parfois incompatible avec une information de première qualité.

«Lucidement, les journalistes évoquent quatre conséquences de la logique économique : le mimétisme, c'est-à-dire la tendance à épier et copier les concurrents ; la pression de l'urgence ; la quête effrénée des primeurs (qu'on reçoit avec les concurrents) et des scoops (qu'on publie en exclusivité) ; la tendance à privilégier le sensationnel. » (Eraly 2002, p. 282)

À côté de ces contraintes imposées par le public, il existe aussi, dans le cadre du journalisme politique, un autre type de contraintes lié à la récolte d'information.

« Le public se figure parfois que les journalistes doivent arracher de haute lutte leurs primeurs et leurs scoops au monde hermétique des décideurs. En réalité, le plus souvent, ils les échangent dans un vaste marché de fuites organisées auquel participent tous les partis et à peu près tous les responsables politiques.(Eraly 2002, p. 293)
 
Tour de la RTB
« Les journalistes sont fréquemment invités au restaurant ou conviés à accompagner le ministre, tous frais payés, dans ses déplacements à l’étranger, et dès lors tacitement soumis à un devoir de réciprocité sous la forme d’articles et de reportages. La pratique est institutionnalisée et pourtant fort coûteuse. » (Eraly 2002, p. 290)

Face à de telles pressions, les journalistes doivent donc, au même titre que les magistrats[21], faire preuve d'un « devoir d'ingratitude » tout en devant accepter le fait que, de plus en plus, les ministres s'entourent de professionnels issus de leurs propres rangs. (Eraly 2002, p. 287). Dans un autre cas de figure et comme ce fut le cas récemment, il n’est pas rare non plus qu'un journaliste rejoigne les rangs d'un parti pour se présenter candidat dans le cadre d'une campagne électorale en cours[22].

La frontière entre pouvoir et contre-pouvoir pose à nouveau problème à partir du moment où les membres du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel[23], chargés de la réglementation publique en matière de diffusion médiatique, sont choisis, en Belgique comme en France[24], par les membres du gouvernement. Le problème de neutralité politique deviendra d'autant plus délicat pour les médias publics composés d'un conseil d'administration politisé et fonctionnant sur la base d'un budget en grande partie accordé par le pouvoir politique.

« L'Union européenne de radio-télévision (UER) a dénoncé les coupes budgétaires dans les services publics de radio-télévision en Europe et l'ingérence des gouvernements dans les nominations qui menacent selon elle la qualité de la programmation. "Les budgets des télévisions publiques ont été coupés dans de nombreux pays", notamment en Hongrie, Moldavie, Lituanie et en Belgique »[25]

Face aux réductions budgétaires la solution des médias sera souvent l'intégration ou l’augmentation de recettes publicitaires. Mais avec la publicité apparaissent aussi de nouvelles sources de pressions.

« Tant les groupes privés que les opérateurs publics (à concurrence d'un pourcentage de 30 % des recettes pour la RTBF), par ailleurs, doivent compter sur la publicité pour assurer une part non négligeable de leur financement. Ce poids influe sur les contenus des supports médiatiques, privés et même publics, et est source de tensions entre la logique de profit du secteur privé et les exigences de la qualité du secteur public. Ainsi, les entreprises qui de la publicité dans les médias exigent de facto de ceux-ci qu’ils ne dévoilent pas d'information susceptible de nuire à l'image de marque de ces entreprises. Ces entreprises peuvent retirer ou menacer de retirer leur investissement publicitaire si les médias n'observent pas cette règle d’auto-censure. Certains journalistes spécialisés dans l’investigation économique font état de leurs difficultés à obtenir des informations mais aussi à les voir diffusées, les pressions étant fortes sur les responsables éditoriaux pour les faire renoncer à la diffusion de tel ou tel reportage. » (Goethals, Vincent et Wunderle 2013, p. 105)
 
Studio de télévision
«Une évolution importante est observable ces dernières décennies : les activités financières et économiques sont fortement valorisées et l'information à leur propos est largement diffusée par-delà les frontières. Cette tendance est le produit à la fois de la stratégie de communication de l'actionnariat, du développement de l'espace occupé par les informations économiques et financières dans la presse généraliste, et du développement de la presse spécialisée dans ces domaines.
Dans un même temps, la discrétion reste la règle pour les aspects essentiels de la stratégie des groupes : processus de fabrication ou de parts de marché, stratégies de dumping social, mise en concurrence d'État pour obtenir les meilleures conditions d'investissement, tractations autour des quotas de
Début d’une formule chimique
CO2
Fin d’une formule chimique
, exigence de disposer de services clés sur porte ou d’infrastructures sur mesure ... » (Goethals, Vincent et Wunderle 2013, p. 24)

De nombreux facteurs limitent donc les capacités du contre-pouvoir médiatique. Cette constatation est d'autant plus inquiétante que tant au niveau politique qu'au niveau économique, l'un des rôles premier des médias est justement d'apporter une information vraie et non censurée sur la base de laquelle pourra se former l’opinion publique.

« Par-dessus les deux grandes traditions de la démocratie représentative symbolisée par le Parlement et de l'État social qui consacre le rôle des syndicats dans l'économie, une sorte de troisième modèle politique est en voie d'émergence : la démocratie d'opinion, avec les médias et les sondages pour symboles, les ONG pour acteurs emblématiques, et la mise en débat généralisée pour fantasme. » (Eraly 2002, p. 267)

Afin de voir clair au sein des différentes tendances émises au sein de l'opinion publique, divers mécanismes peuvent être mis en œuvre, tels que les sondages, les pétitions, les manifestations publiques ou encore d'autres techniques d'observations statistiques comme cela peut se faire actuellement sur Internet par exemple. Si ces instruments ont pour but d'apporter des éclaircissements sur l'opinion publique, il faut garder à l'esprit qu’ils peuvent aussi apporter dans certains cas une image trompeuse de la réalité et dans ce sens tronquer les débats publics.

 
Des ordinateurs filmés par une caméra
« On ne se sert plus aujourd’hui des sondages politiques comme d'un cliché instantané permettant de connaître approximativement l'état du corps électoral sur un sujet donné à un moment donné − ce qu’il est, ni plus ni moins − mais comme d'un outil de persuasion, d'influence voire même parfois de manipulation. Et la coupable absence concernant l'organisation, l'utilisation, l'interprétation et la publicité des sondages renforce évidemment cette déviance, avec nombre de sondages aux méthodologies fort peu scientifiques, aux échantillons restreints et mal définis, aux marges d'erreur enlevant toute pertinence, au calendrier orienté, au marketing troublant et aux commanditaires juges et parties. Qui plus est, cette « sondagite » aiguë se poursuit même durant les périodes électorales et jusqu'aux veilles de scrutins, ajoutant à la perversion du système. » (Monette et Laporte 2007, p. 118)

Il ne faut pas non plus oublier qu’il existe aussi de nombreux moyens pour manipuler l'opinion publique, soit au travers des médias : en 1914, Arthur Ponsonby mettait déjà en évidence un ensemble de principes élémentaires de propagande de guerre, de vielles méthodes toujours appliquées de nos jours (Morreli 2010), soit au travers d'autres méthodes faussement participatives.

« Un exemple particulièrement saillant de manipulation s'observe lors des pseudo-consultations populaires qui, du niveau communal au niveau fédéral, parsèment la communication politique. La technique est toujours la même, elle est sans doute aussi vieille que la politique : sous le couvert d'un appel à l’expression du citoyen, d'une forme de démocratie directe, on réalise en fait une opération de promotion. » (Eraly 2002, p. 329)

Enfin, il faut aussi garder à l'esprit que toutes ces méthodes de manipulation sont aussi bien utilisées par le pouvoir politique que par le pouvoir économique.

Le pouvoir économique

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Le pouvoir économique s’articule d’une part en tant que fondement et d’autre part en tant qu'objet (Aron 1958, p. 56). En tant que fondement, ce pouvoir repose sur la richesse matérielle ou financière pouvant être utilisée en tant qu'outil d'influence sur la société. En tant qu'objet, le pouvoir économique devient la capacité d'influencer le déroulement des activités économiques. Contrairement aux pouvoirs temporels précédemment cités, le pouvoir économique en général peut se voir cumuler aux autres types de pouvoir. On peut d'ailleurs observer ce cumul au sein des dirigeants des partis politiques qui, déjà, cumulent le pouvoir législatif et exécutif.

 
Billet de Vingt francs Belge
« Comme les partis n'ont pas de personnalité juridique, aucun contrôle des comptes ne peut être exercé. Bizarrement, pour contourner ce problème, la loi de 1989 sur le financement des partis politiques prévoit que les fonds sont versés à un ASBL de financement, qui les reverse aux partis. Mais les membres des conseils d'administration de ces ASBL, ne sont pas choisis de façon démocratique alors qu’ils jouissent d'une puissance considérable puisqu’ils détiennent les clés budgétaires. [...] Dans plupart des partis, ni les militants, ni les membres du bureau ou du comité directeur, ni les parlementaires ne discutent, ne voient ou n'approuvent de budget ou de comptes, alors que l'essentiel des ressources est d’origine publique. » (Destexhe, Eraly et Gillet 2003, p. 111 & 112)
« La "solution belge" au problème du financement de la vie politique est unique au monde : aucun pays n'accorde un financement public aussi généreux aux seuls partis représentés au niveau fédéral tout en limitant aussi radicalement les dons privés. [...] Une partie substantielle est versée est reversée aux partis politique afin de financer les campagnes électorales. » (Destexhe, Eraly et Gillet 2003, p. 142)
«Les temps sont durs mais les partis politiques qui jouent dans la cour des grands passent entre les gouttes. PS , MR, CDH, Ecolo, FDF, CD&V, SP.A, Open VLD, N-VA, Vlaams Belang, Groen et la Lijst Dedecker (LDD) partis sont assis sur un trésor de guerre de plus de 88 334 747 euros, sur foi des compteurs arrêtés au 31 décembre 2011. Ce joli matelas financier, logé en placements de trésorerie et en liquidités, s’est alourdi de 18 millions en un an. De quoi aborder 2014 et son triple cap électoral (fédéral, régional, européen) avec une relative sérénité sur le plan financier. »[26]

Les partis politiques bénéficient donc d'un coté, du pouvoir économique en tant qu'objet de part leur situation privilégiée dans l'édition des règles auxquelles doivent se soumettre les acteurs économiques, et de l'autre côté, du pouvoir politique en tant que fondement, grâce au financement de l'état qui leur permet de se maintenir au pouvoir grâce à des campagnes électorales onéreuses et l'emploi de personnel pour assurer leur marketing politique en général. Ceci dit, le pouvoir économique se trouve aussi entre les mains de nombreux autres acteurs et non des moindres. En ce qui concerne le pouvoir économique en tant qu'objet, ce sont aujourd’hui les instances européennes et internationales qui tiennent le devant de la scène.

 
Digipass internet banquing
« Ces dernières années, une très grande part du pouvoir des Parlements nationaux a été transférée à des institutions transnationales telles que la Banque centrale européenne, la Commission européenne, la Banque mondiale et le FMI. Ces instances n'étant pas élues démocratiquement, elles entraînent une technocratisation considérable de la prise de décision. Les banques, les économistes et les analystes des conditions monétaires sont eux aussi aux manettes du pouvoir » (Van Reybrouck 2014, p. 35)
« La représentation démocratique de ces institutions internationales, dont le rôle s’accroît, fait débat, notamment parce qu’elles n'ont aucune dépendance par rapport à l'électeur. Les décisions, dans ces institutions, se prennent en effet lors de négociations entre États qui ne rendent des positions prises devant leurs parlements que dans un deuxième temps, et qui exigent de leur majorité parlementaire de donner leur assentiment aux résultats des négociations. » (Goethals, Vincent et Wunderle 2013, p. 16 & 17)

Une des tendances plébiscitées par ces organismes transnationaux sera la privatisation. Sa mise en œuvre au niveau des États européens commença par le secteur des finances pour se poursuivre ensuite au sein de différents services publics tels que la télécommunication, les transports en commun, la poste, etc. C'est ainsi que la CGER, banque d'état Belge créée en 1865 par Walthère Frère-Orban, et ayant fonctionné de manière autonome et sans aide de l'État, fut privatisée en 1990. Dix huit ans plus tard, suite à la crise économique de 2008, la nouvelle banque répondant au nom de Fortis devra être sauvée par l'État pour être ensuite revendue au groupe BNP Paribas. Cette opération de sauvetage mis en évidence l'interdépendance de tous les acteurs économiques que sont les banques, les ménages, les entreprises et l'État. Le coût total du sauvetage s'est élèvé en principe à 15,2 milliards d’euros[27], 20,64 milliards d’euros si l’on compte aussi le renflouement de Dexia, KBC et Ethias (Millet et Toussaint 2011). Cette opération aura fait remonter la dette du pays au dessus des 100 % de son PIB mais aussi placer l'État Belge garant pour un montant de 329 milliards en cas de nouvelle crise[28].

Le pouvoir économique en tant que fondement place donc aujourd’hui les banques et groupes financiers en situation d'acteurs privilégiés. Dans un même contexte, les groupes d'entreprises constitués pour défendre les intérêts communs de leurs membres, apparaissent aussi tels de puissants acteurs économiques au niveau de la répartition des richesses au sein des populations.

« La généralisation de la constitution systématique des entreprises et des patrimoines mobiliers et immobiliers en groupes de sociétés a contribué à accroître ces dernières décennies l'inégalité de la répartition des richesses des ménages, dans un grand nombre de pays et notamment en Belgique. C'est le constat effectué par l'économiste français Thomas Piketty dans son analyse historique sur l'évolution des patrimoines dans différents pays européens et sur leur transmission. Une récente étude de la Banque nationale de Belgique montre également que la détention d'actifs financiers (en particulier autres que les dépôts) est en Belgique essentiellement le fait d'un pourcentage relativement faible de ménages les plus riches, qui concentrent la majorité de la richesse du pays. » (Goethals, Vincent et Wunderle 2013, p. 29 & 30)
 
Banque centrale européenne

Dans le cadre du marché de l'emploi, les inégalités de distribution de richesses se traduisent en réelles relations de pouvoir entre les citoyens.

« Le contrat de travail associant un salarié, obligé de travailler, à un employeur, ayant la possibilité de choisir entre plusieurs postulants, illustre bien cette relation de pouvoir asymétrique. On trouve par ailleurs la même asymétrie dans les relations que les entreprises entretiennent avec les fournisseurs, les sous-traitants ou les consommateurs. » (Goethals, Vincent et Wunderle 2013, p. 15)

Contrairement au pouvoir politique, le pouvoir économique en tant que fondement, ne connaît aucune contrainte liée à une quelconque légitimité démocratique. De plus, dans le cas d'entreprises ou de groupes transnationaux, la mise en concurrence des États par un chantage à l'emploi et à l'investissement permet à ces acteurs de négocier des avantages fiscaux, des réglementations favorables, des primes diverses, etc. tout en bénéficiant parfois de conditions très favorables à la fraude fiscale.

« Parallèlement, la dérégulation des marchés financiers a facilité la banalisation des instruments juridico-financiers destinés à rendre anonyme l'origine des flux financiers (trusts, fiduciaire, etc., localisés de préférence dans des paradis fiscaux). Ce phénomène s'est amplifié ces dernières années en Europe, contribuant à former un cyberspace dématérialisé et sans régulation crédible, débouchant sur le développement de bourgeoisies liées plus ou moins directement à la criminalité organisée, peu à peu intégrées dans des réseaux « normaux » » (Goethals, Vincent et Wunderle 2013, p. 54)

En Belgique, les profits réalisés par les organisations criminelles sont estimés entre 7 et 12 milliards d’euros par an, dont 99 % échapperaient au contrôle de la Justice[29]. Le gouvernement fédéral a donc mis en place au cours de l'année 2013 un nouveau Collège contre le blanchiment sous la direction d'un haut magistrat et du président de la Cellule de traitement des informations financières[30]. Mais Jean-Claude Delepière, président de la CTIF (Cellule de traitement des informations financières) dénoncera une absence de volonté politique dans le désir d'enrayer le blanchiment et la fraude fiscale grave et organisée. Dans un article de presse, il fait référence aux moyens dérisoires dont dispose la cellule : « Que peuvent encore faire des sections financières moribondes et des enquêteurs démunis et limités à leur arrondissement judiciaire face à des criminels financiers aux moyens considérables, dont le terrain de jeu s'étend à la planète ? C'est comme si la police de la route devait rattraper des Ferrari avec des 2 CV »[31]. Ce cri d'alarme fut lancé en commission à la chambre des représentants laquelle ne comptait que 3 sur 17 membres effectifs, sans compter les suppléants théoriquement deux fois plus nombreux[32].

La fraude fiscale reste donc une plaie ouverte dans un monde où la crise économique porte de graves préjudices aux États et aux ménages les plus pauvres. Une situation d'autant plus embarrassante que même quand le pouvoir politique tente de jouer son rôle régulateur, les actions intentées ne semblent pas à la hauteur des profits escomptés. « Une étude réalisée en 2013 par le think tank européen Bruegel tend à montrer que les amendes infligées par la Commission européenne suite à des ententes illicites seraient largement inférieures aux bénéfices engrangés. » (Goethals, Vincent et Wunderle 2013, p. 28)

L'accès aux pouvoirs

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En Belgique, le scrutin électoral fonctionne selon le principe du suffrage universel pur et simple. C'est-à-dire que tout citoyen majeur a le droit de vote selon la formule un homme égale une voix. Mais ce qui est valable dans le cadre du vote proprement dit ne l'est pas dans le processus de déposition des listes de candidats. En effet, pour déposer une liste aux élections européennes par exemple, il faut l'accompagner de 5000 formulaires chacun signé par un électeur différent et validé dans sa commune. La seul alternative à ceci sera la remise de 5 formulaires signés chacun par un parlementaire fédéral sortant[33].

 
Bulletin de vote de Walcourt

Dans ce contexte précis, la voix du parlementaire compte donc pour mille voix de citoyens non élus. La logique de guerre électorale fera en sorte que les voix des parlementaires sortants seront uniquement destinées aux dépôts des listes de leur parti. Apparaît donc ainsi, au niveau de la réglementation du dépôt des listes un premier biais démocratique du système électoral belge.

Un autre biais démocratique repose sur la question du financement des campagnes électorales. Pour se faire élire, il faut dans un premier temps se faire connaître par les électeurs, car il va de soi que personne ne votera pour un nom inconnu. Ensuite, il faut convaincre les électeurs de voter pour soi. Tout ceci demande un investissement considérable en temps mais surtout en argent.

« Aujourd'hui, pour créer un parti et le développer il faut disposer d'une fortune personnelle. Lors des élections de 1990, le fondateur de Vivant a englouti plus de 20 millions de FB pour faire connaître ses idées, sans obtenir un seul siège au Parlement Fédéral. » (Destexhe, Eraly et Gillet 2003, p. 154)

Si les partis politiques contrairement aux personnes isolées arrivent à relever ce défit, c’est en grande partie grâce à l’argent reçu du contribuable au travers de financements publics. Ainsi pour pouvoir profiter de cet argent dans le but d’avoir une chance d’être élu et donc de participer activement à la vie politique du pays, il faut donc rejoindre un parti politique.

« Or les partis belges n'ont ni limites légales ni code de conduite contraignant. Ils sont régis par des statuts et des organes internes, mais leur mode de fonctionnement échappe à tout contrôle. » (Destexhe, Eraly et Gillet 2003, p. 110)

Ensuite, pour être élu, il ne suffit pas d’avoir de bonnes idées et de rejoindre un parti il faudra aussi poursuivre la logique partisane jusqu'au bout.

« L'entrée la plus efficace en politique consiste à nouer une relation personnalisée avec un homme politique influent, de se placer dans son sillage et de profiter de l'aspiration. [...] Cette voie royale comporte assurément des désavantages. Elle suppose d’investir massivement dans un petit nombre de relations, et cela dans un contexte de rivalité permanente, chacun s'échinant à capter l'estime, la confiance et la sympathie des barons. » (Eraly 2002, p. 37)

Enfin, fait très important, il faut savoir que seuls les partis déjà installés au pouvoir peuvent bénéficier du financements public.

« La loi de 1989 impose deux conditions pour qu'un parti puisse accéder au financement public : il doit être (on l'a dit) représenté dans les deux chambres fédérales, mais aussi être reconnu comme parti politique. La première condition est déjà extrêmement difficile à remplir, particulièrement au Sénat où il faut plus de 120.000 voix pour obtenir un siège et au moins 7 % des voix sur une circonscription qui couvre toute la Wallonie et Bruxelles. La seconde condition impose de présenter des candidats aux élections fédérales dans chaque circonscription électorale d'une communauté. Avec le système actuel, Écolo, Agalev, la VU, Spirit, le FDF ou le Rassemblement wallon n'auraient pu exister. [...] Les nouveaux partis, même s'ils n'arrivent pas à passer le cap de l'élection, sont cependant nécessaires à la vitalité du débat démocratique » (Destexhe, Eraly et Gillet 2003, p. 145)
 
Urne

Voici donc comment en Belgique le mandat politique est devenu chasse gardée d'un cercle de citoyens qui en ont fait une véritable profession[34] − Une profession qui dans nombre de cas non négligeable sera transmise à travers les liens familiaux[35]. Car de façon générale, il est relativement facile pour une personne influente dans un parti de placer des personnes au pouvoir selon ses volontés. La façon la moins démocratique reste sans doute le recourt au système de suppléant. Pour propulser discrètement une personne au pouvoir, il est en effet efficace de la placer en tant que suppléante à un candidat susceptible de récolter beaucoup de voix, mais qui n'envisage aucunement de siéger au parlement. Ce phénomène ne fait pas exception puisque « Vingt-deux députés francophones sur les 62 que compte la Chambre siègent parce qu’ils sont suppléants. Ce phénomène touche tous les partis et toutes les circonscriptions. »[36]

Apparaîtront ensuite de nouveaux biais liés au système de distribution des sièges et aux méthodes de formation du gouvernement. Accusé d’être peu démocratiques, les biais du système ont été dénoncés, dès le début des années nonante, par un ensemble d'experts rassemblés au sein du groupe nommé Groupe Coudenberg.

« Le système électoral belge est non seulement confus, il est surtout peu démocratique. Il ne confère en effet pratiquement aucun pouvoir à l'électorat, ni dans la désignation des élus, ni dans le choix du Gouvernement qui sera mis en place après le scrutin, ni dans la politique à mettre en œuvre par ce gouvernement.
Les voix de préférence émises par les électeurs n'ont aucun impact sur la désignation des députés et des sénateurs. La loi électorale privilégie en effet de façon démesurée la place du candidat désigné sur la liste du parti : de 1919 à 1987, seuls 28 des 4.507 députés (soit 0,62 %) et 1 seul des 2.252 sénateurs (soit 0.04 %) ont été élus à une autre place que celle prévue sur la liste électorale du parti, grâce aux voix de préférence recueillies. C'est grâce à la prépondérance de la place utile sur la liste que l'oligarchie des partis peut désigner d'avance ses parlementaires. La seule incertitude de l'électeur est le nombre de sièges à pourvoir aux partis respectifs.
 
Élus de la nation belge
La constitution des listes électorales par les partis n'a que peu de légitimité démocratique. Les polls organisés au sein des partis sont souvent réduits à une formalité dans la mesure où ils ne servent qu’à faire approuver les listes électorales établies par l'oligarchie du parti. Cette oligarchie ne peut se prévaloir d'une vraie légitimité, puisqu'elle n'est que rarement le résultat d'une élection par les membres du parti. De 1945 à 1986, pas moins de 86 des 99 présidents de partis ont été élus sans présentation de contre-candidat.
Si l'électeur n'a aucun pouvoir réel dans la désignation de ses représentants, il dispose cependant du pouvoir de déterminer la distribution des sièges à pourvoir entre les différents partis. Ce pouvoir des sièges est toutefois peu significatif dans la mesure où, en règle générale, les « vainqueurs » d'une élection sont évincés de la coalition gouvernementale qui suit le scrutin. Des études ont démontré que de 1919 à 1986 le résultat électoral n'a été déterminant que pour 7 des 55 gouvernements formés au cours de cette période.
Le système électoral belge est donc très peu démocratique dans la mesure où il ne confère aucun pouvoir réel à l'électorat. Il donne cependant aux oligarchies politiques en place une légitimation qui est plus apparente que réelle.» (Groupe Coudenberd 1991, p. 17 & 18)
«Lorsque les partis ont obtenu leur nombre de sièges, les élus de ce parti ne sont toutefois pas désignés en fonction du nombre des voix de préférence qu’ils ont recueillies. Les listes électorales respectent en effet l’ordre pré-établi de ces listes. C'est ce report de voix qui rend les élections peu démocratiques puisque ce système donne priorité à la place sur la liste électorale et non pas au nombre de votes de préférence obtenus par tel ou tel candidat » (Groupe Coudenberd 1991, p. 88)

Des électeurs impuissants, des élus illégitimes et non représentatifs, voici donc le résultat du système électoral belge. Dans tout ceci on ne voit plus rien de démocratique. Et pour cause, ce système a été mis en place au temps des révolutions par une bourgeoisie désireuse de garder ses avantages.

« Le gouvernement représentatif a été institué avec la claire conscience que les représentants élus seraient et devaient êtres des citoyens distingués, socialement distincts de ceux qui les élisaient. » (Manin 1995, p. 125)

Comme le souligne très bien David Van Reybrouck les citoyens belges sont pris en otages d'une situation paradoxale où « Nous méprisons les élus, mais nous vénérons les élections. » (Van Reybrouck 2013, p. 52) ce à quoi Alain Eraly réplique : « Croire que l’on va résoudre le problème de la gouvernance politique en modifiant la loi électorale, c’est tomber dans une forme de pensée magique » (Eraly 2002, p. 83)

La démocratie ?

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La Belgique est une monarchie constitutionnelle soumise au régime parlementaire. Si la Belgique est considérée comme un État démocratique c’est par convention car nulle part dans la constitution n'apparaît le mot démocratie ni même l'adjectif démocratique.

Une démocratie se définit aussi comme étant un « Régime politique, système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’ensemble des citoyens »[37]. Or, ce que dit la constitution belge au sujet du pouvoir dans son article 33 est : « Tous les pouvoirs émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la constitution ». Aussi, émaner ne veut pas dire exercer, mais bien « Provenir, tirer son origine de »[38].


De plus, il vient d’être démontré dans les précédentes parties de ce travail qu'en Belgique, le pouvoir politique n’est pas exercé par le peuple comme le voudrait la définition du mot démocratie, ni même « par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat » comme le voudrait la constitution[39], mais bien par les personnes les plus influentes distribuées au sein des plus gros partis selon une logique propre à ceux-ci.

« Un parti est un système de clans rassemblés autour d'un discours légitime avant d’être une communauté de valeurs et d'idéaux ; c’est au chef d'un de ces clans bien plus qu'au parti lui-même qu’il importe de marquer sa soumission et sa fidélité. La politique reste profondément féodale. » (Eraly 2002, p. 64)

Dans la pratique, l’État Belge ne semble donc pas faire exception à la loi d'airain de l'oligarchie. Depuis plusieurs décennies déjà, on parle en Belgique de cette forme particulière d'oligarchie intitulée particratie.

« Qui dit organisation dit tendance à l’oligarchie. Dans chaque organisation, qu’il s’agisse d’un parti, d’une union de métier, etc., le penchant aristocratique se manifeste d’une façon très prononcée. Le mécanisme de l’organisation, en même temps qu’il donne à celle-ci une structure solide, provoque dans la masse organisée de graves changements. Il intervertit complètement les positions respectives des chefs et de la masse. L’organisation a pour effet de diviser tout parti ou tout syndicat professionnel en une minorité dirigeante et une majorité dirigée » (Michels 1914, p. 23 & 24)
« Tout homme comme toute institution qui dispose d'un pouvoir a tendance à en abuser si des limites ne sont pas fixées de l’extérieur ou si un code déontologique n’est pas accepté de l'intérieur. Or les partis belges n'ont ni limites légales ni code de conduite contraignant. Ils sont régis par des statuts et des organes internes, mais leur mode de fonctionnement échappe à tout contrôle. » (Destexhe, Eraly et Gillet 2003, p. 110)
«La démocratie parlementaire a cédé le pas à une forme de particratie électorale. Ce ne sont pas les partis qui ont outrepassé leurs pouvoirs, mais ce sont les institutions au sein desquelles ils fonctionnent qui sont devenues désuètes. Le fonctionnement des institutions repose encore sur des principes et sur des méthodes conçues en 1831, lorsque les partis étaient inexistants. » (Groupe Coudenberg 1991, p. 111)

Ainsi, dans une Belgique en pleine crise identitaire, les dimensions atteintes par la particratie ne réconfortent en rien sur l'avenir démocratique du pays.

 
Manifestation No Culture Bruxelles
« Il semble incertain que l’on puisse s’attendre à une hausse de la qualité du débat démocratique du côté des entités fédérées. La commission interparlementaire francophone dite “4X4” pousse la logique du secret à un point tel qu’un regard extérieur peine à rendre compte de sa composition, de son objet et de l’avancement de ses travaux. Cette logique du secret, qui confine à la paranoïa, est bien attestée par le fait que « l’ensemble des documents ayant servi de brouillon aux travaux de la commission ont été soigneusement détruits»[40]. Dans ce contexte, s’éloigne la question de savoir si les gouvernants consultent les gouvernés dans les débats qu’ils tiennent, et sur les décisions qu’ils adoptent à propos de leur avenir commun. Tout semble en effet mis en œuvre pour que les gouvernés en soient écartés. » (Bourgaux 2013)

Tenus à l'écart la gouvernance politique, les gouvernés, jusqu'à ce jour résignés, continuent donc à assister au spectacle médiatique offert par la scène politique.

« Les faits sont là : la scène politique tient d'une arène plus que d'une agora, les pugilats y sont plus fréquents que les débats d'idées, les mots servent à impressionner plus qu’à faire réfléchir, le cynisme et la dureté valent comme signes d'appartenance. Les jeux sont rationnels en surface : guidés par l'opportunisme et le calcul d'intérêt. Et irrationnels en profondeur : dominés par les passions et les enjeux symboliques. En agissant comme s'ils prenaient à la lettre le modèle sociologique de l’acteur stratège ou la théorie des jeux chère aux économistes, les politiciens ne cessent, paradoxalement, de souligner les limites de ces conceptions. » (Eraly 2002, p. 7)
« En politique on travaille vraiment loin de l'optimum ! Les bilans inlassablement dressés par les hommes politiques ont le défaut de ne comporter qu'une colonne : celle des réalisations. Mais s'avise-t-on de ce qu’il serait possible de faire en plus, de faire en mieux, de faire en plus rapide dans des conditions d'efficience politique et administrative ? Il me semble que, sans forcer le trait, on peut parler en Belgique d'une crise de la gouvernance publique, [...] » (Eraly 2002, p. 341)

Sortir de la crise de la gouvernance

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Une démocratie enrayée (Perin 1958) ... Il y a cinquante ans déjà, François Perin faisait le constat d'une crise de la gouvernance publique au sein de la démocratie Belge. Aujourd’hui encore, les différents chapitre abordés ci-dessus dans ce travail nous démontre que, l'élitisme − pour ne pas dire l'arrivisme − créé par les mécanismes électoraux et l'adversité entretenue par le fonctionnement par partis continue d'enrayer l'action politique belge. Alors qu'une coopération solidaire entre citoyens responsables pourrait profiter à tous, le champs politique belge se résume à une guerre perpétuelle entre partis politiques. Les batailles en sont les élections desquelles sortent vainqueurs les élus et sortiront perdants le reste de la population. Quand aux victimes elle se constituent de l’ensemble des électeurs privés d'initiative et de participation politiques jusqu'aux prochaines élections. Dans un tel contexte, l’émancipation citoyenne apparaît tel un espoir de changement. En Belgique comme dans le reste du monde, les choses bouges, les citoyens s'organisent entre eux en dehors du concourt et du contrôle des élus. Des expériences de gouvernance alternatives ont déjà vu le jour, les consciences se réveilles ...


« Il est fascinant de voir que de nombreux acteurs sont à la recherche d’un tel enrichissement de la démocratie, de l’Europe à l’Amérique latine en passant par la Chine. Bien sûr, la politique ne peut tout résoudre et les défis économiques, sociaux ou écologiques requièrent des réponses globales. Mais elle peut y contribuer. Une telle évolution ne peut venir seulement d’en haut et ne pourra se passer des mobilisations citoyennes. Même s’il s’agit d’une expérience qui avait des limites et qui n’a pas débouché jusque-là sur des transformations institutionnelles, le G 1000 me semble dans ce contexte un vrai signe d’espoir. »[41]
« Deux études récentes de Didier Caluwaerts, Kris Deschouwer et Min Reuchamps, arrivent à des conclusions différentes. La démocratie délibérative semble fonctionner même dans un pays aussi divisé que la Belgique. Plus encore, la délibération citoyenne peut même renforcer la démocratie.
Sur base d'une étude expérimentale, les auteurs ont conclu que les citoyens ordinaires, plus que les élites politiques, sont à même de parler de façon ouverte et constructive ainsi que de prendre des décisions sur des thèmes importants, comme la réforme de l'État et l'immigration. En outre, il semble que la délibération entre des citoyens aux visions de la société diamétralement opposées conduit à plus de respect et d'appréciation des différences d'opinion. »[42]

En Belgique, une proposition concrète a aussi été proposée récemment par David Van Reybrouck dans son livre intitulé Contre les élections (2014).

 
Schéma de la Démocratie Ouverte
« Il serait intéressant d'appliquer pour la première fois le modèle bi-représentatif en Belgique. Aucun autre pays au sein de l'Union européenne n'a présenté des symptômes aussi aigus du syndrome de fatigue démocratique : après les élections de 2010, il a fallu cinq cent quarante et un jours avant qu'une équipe se constitue pour gouverner le pays, un record mondial absolu. De plus, aucun autre pays n'offre actuellement une aussi belle chance de rendre possible le tirage au sort. À partir de 2014, la Belgique n'aura plus de Sénat élu au suffrage direct. Au niveau fédéral, le pouvoir législatif repose désormais exclusivement sur la Chambre des représentants. [...] Cela ouvre la possibilité d'un tirage au sort. » (Van Reybrouck et 2014 182 & 183)

La Belgique serait-elle capable de montrer l'exemple pour servir d'inspiration au reste du monde comme elle le fit déjà lors de la publication de sa première Constitution de 1831 ? (Van Reybrouck 2014, p. 118).

Notes et références

modifier
  1. Constitution, Wikipédia, 2014-03-09. Consulté le 2014-03-12
  2. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Assemblée Nationale.fr, 1789. Consulté le 2014-03-10
  3. Article 19 & 20 de, « La Constitution belge », senate.be. Consulté le 2014-03-12
  4. Le financement des cultes fait actuellement débat au sein du Parlement wallon, « Projet de décret modifiant le décret du 29 avril 2004 habilitant le Gouvernement à codifier la législation relative aux pouvoirs locaux et diverses dispositions relatives à la tutelle sur les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus. », Parlement wallon.be, 18 février 2014. Consulté le 2014-03-12
  5. Jean-François Husson, « Politique, revue de débats - Le financement public des cultes et de la laïcité », Politique .eu.org, revue de débats, 2007. Consulté le 2014-03-12
  6. Christian Laporte, « Les paradoxes de la société face aux religions en Belgique », La Libre.be, 25 juin 2013. Consulté le 2014-03-12
  7. Centre d’Action Laïque, « La séparation des églises et de l'état », Laicité.be. Consulté le 2014-03-12
  8. Service officiel d'information, « Le Parlement fédéral - La Belgique - Portail des services publics belges », Portail belgium.be/fr. Consulté le 2014-03-16
  9. Le Vif, « "Les valeurs du PS sont une chose, son fonctionnement en est une autre" », LeVif.be, 22 mars 2014. Consulté le 2014-03-23
  10. L'absentéisme parlementaire sera sanctionné, 7 sur 7.be, 18 décembre 2008. Consulté le 2014-03-18
  11. Le CRISP, « Vocabulaire politique : absentéisme politique », vocabulairepolitique.be. Consulté le 2014-03-18
  12. Luigi Mendola, « Le statut des mandataires communaux: La limitation des rétributions, la déclaration de la liste des activités relevant de la sphère publique et la déclaration annuelle de l’ensemble des activités publiques et privées des mandataires locaux », Union des Villes et des Communes.be. Consulté le 2014-03-10
  13. Indemnités de départ: un parlementaire touche jusqu'à 250 000 euros, RTBF Info.be, 30 janvier 2014. Consulté le 2014-03-10
  14. Dominique Soenens, « Que coûtent nos parlementaires et sénateurs ? », Référence.be, 12 novembre 2010. Consulté le 2014-03-20
  15. V.R., « Le salaire brut des ministres belges parmi les plus élevés », La Libre.be, 18 mai 2012. Consulté le 2014-03-21
  16. Article 10 de, « La Constitution belge », senate.be. Consulté le 2014-03-12
  17. Définition trouvée sur le site du CSJ
  18. Jan Nolf, « Dépolitiser la justice: l’illusion suprême », LeVif.be, 13 septembre 2012. Consulté le 2014-03-30
  19. Une présentation sommaire de la réforme est disponible sur cette page du site justice.belgique.be et les informations plus détaillées sont accessibles sur cette copie du moniteur belge.
  20. Conseil de déontologie journalistique, « Code de déontologie journalistique », CDJ.be. Consulté le 2014-03-20
  21. Philippe Vandenbergh, « «Le magistrat a un devoir d'ingratitude» », La libre.be, 31 janvier 2005. Consulté le 2014-03-23
  22. G.Ga., « Olivier Maroy déjà de retour dans "Mise au Point" », 14 mars 2014. Consulté le 2014-03-23
  23. Composition du bureau, Conseil supérieur de l'audiovisuel. Consulté le 2014-03-20
  24. La politisation du CSA n’est pas un phénomène propre à la Belgique : Le CSA «politisé», libération.fr, 14 mai 2004. Consulté le 2014-03-20
  25. Propos de Ingrid Deltenre recueillis par l'agence Belga, « Télévisions publiques: trop d'économies et de politisation », RTBF Info, 21 avril 2010. Consulté le 2014-03-20
  26. Pierre Havaux, « Argent des partis : une mine d’or », Le Vif.be, 04 avril 2013. Consulté le 2014-03-21
  27. Banque Nationale de Belgique, « Rapport 2008 Évolution économique et financière », nbb.be, 2008. Consulté le 2014-03-31
  28. Laurence Roland, « Qu'a coûté la crise aux citoyens ? », Financité.be, février 2011. Consulté le 2014-03-31
  29. Agence Belga, « Le gouvernement amplifie la lutte contre le blanchiment d'argent », 08 juin 2013. Consulté le 2014-03-30
  30. Selon les propos de M. John Crombez, secrétaire d'État à la Lutte contre la fraude sociale et fiscale récoltés sur [http://www.senate.be/www/?MIval=/consulteren/publicatie2&BLOKNR=4&COLL=C&LEG=5&NR=264&SUF=&VOLGNR=&LANG=fr les annales de la Commission des Finances et des Affaires économiques du mardi 3 décembre 2013
  31. Marc Deriez, « Fraude fiscale: la Belgique l'encourage ! », La libre.be, 17 octobre 2013. Consulté le 2014-03-30.
  32. Thierry Denoel, « Fraude fiscale : l’incroyable absence des députés », Le Vif.be, jeudi 12 décembre 2013. Consulté le 2014-03-30
  33. La candidature aux différentes élections, ibz.rrn.fgov.be
  34. Erzeel S. et Vandeleene A., « La professionnalisation des partis politiques en Belgique : vers l’intégration de (davantage de) femmes ? », Association belge francophone de science politique, 27 janvier 2014. Consulté le 2014-04-03
  35. Liste de liens familiaux entre politiciens belges, Wikipédia. Consulté le 2014-04-03
  36. Marc Sirlereau, « Chambre: plus d'un tiers des députés francophones sont des suppléants », RTBF Info.be, 8 août 2013. Consulté le 2014-03-19
  37. Définition issue du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
  38. Définition issue du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
  39. Article 36 de, « La Constitution belge », senate.be. Consulté le 2014-03-12
  40. Jérémy Dodeigne, « L'avenir du fédéralisme en Belgique. Visions des parlementaires fédéraux et régionaux avant l'accord sur la sixième réforme de l’État », juin 2013. Consulté le 2014-04-02
  41. Propos de Yves Sintomer récoltés par Christian Laporte, « "Le G1000 est un vrai signe d’espoir" », La libre.be, 24 janvier 2013. Consulté le 2014-04-03
  42. Agence Belga, « "La démocratie citoyenne fonctionne en Belgique aussi" », 7 sur 7.be, 4 mars 2014. Consulté le 2014-03-13

Bibliographie

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Commission des Communautés Européennes, Gouvernance Européenne Un livre blanc, Bruxelles, Commission des Communautés Européennes, 2001 [lire en ligne] 
Alain Destexhe, Alain Eraly et Eric Gillet, Démocratie ou particratie ? : 120 propositions pour refonder le système belge, Bruxelles, Labor, 2003 (ISBN 9782804018504) [lire en ligne] 
Jean Faniel, « Formation du gouvernement fédéral et fonctionnement des parlements : retour sur la clé D’Hondt », Les analyses du CRISP en ligne, CRISP, Bruxelles, 2011  (ISBN 9782804018504) [texte intégral (page consultée le 2014-03-22)]
Goethals, Vincent et Wunderle, Le pouvoir économique, Bruxelles, Dossier n° 82 CRISP, 2013 (ISBN 9782870751220) [lire en ligne] 
Groupe Coudenberg, Quelle Belgique pour demain ? : rapport Coudenberg, Paris, Direct Social Communications, 1989 [lire en ligne] 
Groupe Coudenberg, Au nom de la démocratie, Zellik, Roularta Books, 1991 (ISBN 9072411951) 
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Robert Michels, Les partis politiques; essai sur les tendances oligarchiques des démocraties; traduit par S. Jankélévitch, Paris, E. Flammarion, 1914 [lire en ligne] 
Damien Millet et Eric Toussaint, La dette ou la vie, Aden Editions, 2011 (ISBN 9782930402963) [lire en ligne] 
Pierre-Yves Monette et Christian Laporte, Entretiens avec Christian Laporte : Belgique, où vas-tu?, Wavre, Editions Mardaga, 2007 (ISBN 9782870099483) [lire en ligne] 
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Anne Morelli, Principes élémentaires de propagande de guerre: Utilisables en cas de guerre, chaude ou tiède..., Bruxelles, Aden Editions, 2010 (ISBN 9782930402994) [lire en ligne] 
François Périn, La démocratie enrayée: essai sur le régime parlementaire belge de 1918 à 1958, Bruxelles, Institut belge de science politique, 1960, p. 280 
John Plamenatz, La classe dirigeante, vol. 15, 1965 (ISSN 0035-2950) [lire en ligne], p. 28–39 
Joseph Adrien Rogron, Code constitutionnel de la Belgique, expliqué par ses motifs et par des exemples ... d’après le système de J.-A. Rogron ... contenant: la constitution, la loi électorale, la loi provinciale, la loi communale ..., Bruxelles, Librairie de Jurice Prudence H. Tarlier, 1836 [lire en ligne] 
Caroline Sägesser, « Le financement public des cultes en France et en Belgique : des principes aux accommodements », Politique et religion en France et en Belgique, in F.Foret (éd.), Ed. de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 2009, p. 91-107 [texte intégral (page consultée le 2014-03-20)]
Marco Van Hees, Banques qui pillent, banques qui pleurent: Enquête sur les profits et crises des banques belges, Bruxelles, Les Editions Aden, 2010 (ISBN 9782805900419) [lire en ligne] 
David Van Reybrouck, Contre les élections, Paris, Éditions Actes Sud, 2014 (ISBN 9782330029425) [lire en ligne] 

L'humanité est en crise et les nations font face à une crise de la gouvernance sans précédent. La littérature tout comme la production audiovisuelle abondent de documents dénonciateurs. Malheureusement, parmi tous ces documents, rares sont ceux qui présentent une perspective globale de résolution. Ce texte pourrait en être une.

Vers une humanité adulte

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Un premier constat philosophique :

« La modernité n’est pas en crise, elle est une crise : la crise d’adolescence de l’humanité. Et s’il est nécessaire de faire sa crise d’adolescence, il est également préférable d’en sortir un jour, pour devenir tant bien que mal un adulte. [...] L’âge adulte doit ainsi réaliser la synthèse entre les vérités de l’enfance et la liberté de l’adolescence. Ainsi par exemple les règles de la morale : d’abord acceptées passivement, ensuite rejetées violemment, elles seraient redécouvertes et voulues, réaffirmées librement par une conscience éclairée qui en saisit la nécessité et la bonté. De même, la nature politique de l’homme (sa nécessaire inscription dans une communauté) serait d’abord vécue spontanément, avant l’avènement de la conscience individuelle (« belle totalité grecque ») ; puis rejetée à l’âge moderne (libéralisme politique, théorie du contrat), et enfin retrouvée à l’âge adulte (état hégélien). À chaque fois le parcours est le même : éveil de la conscience libre, rejet de la norme (moins pour son contenu que pour la manière qu’elle avait de s’imposer qui faisait fi de la liberté de la conscience), redécouverte du contenu de la norme (débarrassé des scories inessentiels de la tradition), désormais librement voulue et acceptée. » (Guillaud 2005, p. 77 & 84)
 
Vue de la terre depuis la lune

Dans ce monde en crise où la population humaine a doublé en moins de cinquante ans, devenir adulte dans sa condition d’être humain pourrait bien devenir une nécessité pressante. Dans cette perspective, l'émancipation des peuples ne serait elle pas la clef de sortie à la crise globale que connaît notre humanité ?

Par définition, l'émancipation citoyenne repose sur trois principes :

  • Une émancipation économique basée sur la fin des contraintes économiques comme conditions d’existence et de dignité humaine.
  • Une émancipation politique basée sur la fin des tutelles politiques au bénéfice d'une gouvernance citoyenne.
  • Une reconnaissance du citoyen comme responsable de la qualité de vie sur terre.

L'émancipation économique

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Le XXIe siècle est une époque de « surabondances » pour certains et de pénurie pour d’autre (Tchibambelela 2009, p. 37) dans laquelle l’obsolescence programmée et la publicité jouent un rôle prépondérant dans la vie économique du citoyen.

« Dans les années quatre-vingt, la politique se vendait comme des savonnettes. Aujourd'hui, ce sont les savonnettes qui vendent de la politique assure Robert Rochefort. Pour le directeur du CREDOC (Centre de recherche et d'études des coûts), la publicité pourrait se résumer à cette simple formule: « Un moyen de combler le vide de la société » . La crise politique et économique aidant, le vide s'accroît. D'où un recentrage des publicités, qui véhiculent aujourd’hui des valeurs dont le consommateur est frustré. Famille, environnement, sécurité ... « La plupart des campagnes publicitaires ont désormais tendance à montrer un bonheur dégoulinant. Un bonheur qui n'existe pas » , convient Bruno Delhomme, créatif chez BDDP, une des plus grosses agences de publicité, rachetée récemment par les britanniques. »[1]
 
Rayons de supermarché
« Des trois formes d’obsolescence programmée, le recours aux techniques pour rendre un produit suranné, à la publicité pour nous convaincre d’acquérir de nouveaux biens dont nous n’avons nul besoin, le plus symptomatique et le plus pervers est le fait d’introduire dans les produits une pièce défectueuse pour en limiter la durée de vie. » (Latouche 2012)

Pendant que 36 marques publicitaires dépensent « plus d'1 milliard $ en 2012 »[2] pour encourager les citoyens dans leur consommation, une frustration économique naît de façon évidente parmi ceux qui ne peuvent répondre aux appels des campagnes de marketing.

« L'économiste et ancien secrétaire général d'Ecolo Philippe Defeyt a estimé qu'un quart de la population "crève vraiment" et vit "le problème de savoir dès le 15 ou le 20 du mois quelle facture elle va pouvoir ou ne pas pouvoir payer". Les plus touchées sont les familles monoparentales. À côté de ces gens qui encaissent vraiment la baisse de pouvoir d'achat, il y a toute une frange de la population qui vit avant tout un sentiment de frustration par rapport à une série de nouveaux besoins et de nouvelles dépenses créés par notre société de consommation mais qui ne sont pas vraiment nécessaires, a jugé Philippe Defeyt parlant de "spirale d'achat". "Par exemple, si vous achetez un appareil photo, vous allez être tenté d'acheter une imprimante. Si vous achetez une imprimante, vous aurez forcément besoin de papiers spéciaux pour faire fonctionner cette imprimante. Et donc, en posant un geste de consommation, en fait, on est très vite entraîné à en poser d'autres" expliquait-il. »[3]

Quand son pouvoir d'achat est insuffisant pour répondre aux tentations publicitaires, le citoyen est alors poussé à se tourner vers le crédit à la consommation qui lui permettra quand même de consommer selon ses envies. Mais le service rendu par les banques commerciales n’est pas désintéressé et une accumulation de crédits peut placer le citoyens dans une situation de surendettement.

« Au cours des dernières années et en 2013 notamment, la Wallonie (tout comme les deux autres régions du pays) a été confrontée à une augmentation du surendettement. Sans aucun doute, la conjoncture économique détériorée de ces dernières années explique, en partie, les difficultés financières rencontrées par les ménages ainsi que la hausse du surendettement. »[4]

Coincés entre la pression publicitaire et les dettes, les citoyens en viennent alors à manifester pour leur pouvoir d'achat auprès des autorités publiques. Un sujet qui deviendra d'ailleurs très porteur pour les campagnes électorales.

« Je serai le président du pouvoir d’achat »[5]
« Mon véritable adversaire, [...] c’est le monde de la finance »[6] ...
 
Filles de voiture dans un embouteillage

Mais les promesses non tenues[7] ou en attente de réalisation[8] ne font que maintenir le citoyen en état de frustration. Une frustration d'autant plus grande que le « piège de la dette publique » (Attac France 2011) est connu, tout comme le « scandale des paradis fiscaux » (Harel 2012) ainsi que les propositions pour « changer d'économie » (Les économistes atterrés 2012).

Heureusement, devant l’impuissance (ou la connivence diront certains[9]) du pouvoir politique face au pouvoir économique, les citoyens gardent la possibilité de se tourner vers des démarches alternatives. De fait, on assiste aujourd’hui à l'émergence, ou parfois à la réapparition, de nombreux systèmes de solidarité et d'entraide économique : villes en transition, systèmes d'échanges locaux, groupements d'achat, coopératives de consommation, jardins communautaires, potagers collectifs ou gratuits, cafés bricolage, communautés d'entraide au tourisme et au logement, friperies, autopartage, cohabitations, donneries, production communautaire, etc. Toutes ces idées reposent sur ce nouveau concept de consommations collaboratives (Botsman et Rogers 2011), qui pourrait selon certains « marquer la fin de l'âge de la propriété et de l'hyper consommation »[10]. Soutenus par plusieurs auteurs et organisations[11], des réseaux de consommation alternatifs sont en train de se propager de bouches à oreille, ou de clavier à écran, au sein des populations.

« Juliet Schor démontre qu'un mode de vie qui privilégie l'épanouissement et la cohésion sociale plutôt que l'accumulation peut mener à l'équilibre écologique et économique. Cela passe tout d’abord par la réduction du temps de travail, et par une bonne utilisation du temps ainsi libéré : agriculture urbaine, bricolage, échanges, sont autant d'exemples explorés ici. Juliet Schor défend aussi l’idée que les innovations sociales et les nouvelles technologies peuvent simultanément améliorer nos vies et protéger la planète. Elle nous convainc ainsi que nous pouvons remettre en cause l’idée de déterminisme, notamment économique, auquel nous devrions nous soumettre et nous donne les moyens de sortir du cycle qui mène du travail aux dépenses et d'aller vers un monde riche de temps, de créativité, d'information et de lien social. » (Schor 2013, p. 4ème de couverture)
 
Echange de vêtements
« Serge Latouche interroge toutes les idées reçues en circulation et y apporte des réponses précises et argumentées pour mettre un terme aux inquiétudes fantasmagoriques qui l’entourent. Non la décroissance n’est pas synonyme de croissance zéro ; non elle n’est pas technophobe. Ce n’est ni un projet anti-moderne destiné à nous renvoyer vivre dans des cavernes, ni un programme visant à restaurer un ordre patriarcal communautaire, ni l’instrument qui ferait de nous des chômeurs. » (Latouche 2011, p. 4ème de couverture)

À côté des alternatives à la consommation sont aussi nés des mouvements Antipub qui organisent la résistance à l'agression publicitaire. Sans pour autant faire un lien direct avec ces mouvements sociaux, les sondages démontrent toutefois que les citoyens développent un regard de plus en plus critique sur la publicité.

« La publicité, outil marketing par excellence, continue de voir son appréciation se dégrader, même si l'attention qu'on lui porte reste constante. C'est la preuve que la forme qu'elle prend, son contenu, sa présence, sont moins bien acceptés. En 2011, les publiphobes sont presque 3 fois plus nombreux que les publiphiles. En 2004, il n'y avait que 25% de publiphobes de plus que de publiphiles... »[12]

Du côté politique aussi les choses évoluent, même si les initiatives n'émergent pas forcément des représentants. Parmi les idées les plus radicales, et peut-être des plus prometteuses en termes d'égalité sociale, il existe le revenu de base inconditionnel et sa variante, défendu par Bernard Friot : le salaire à vie. Sans être une idée nouvelle, le concept de revenu de base se dit moderne et efficace par ses nouveaux promoteurs (Jörimann 2007), et son financement a déjà fait l’objet de plusieurs propositions (Jörimann et Kundig 2010). Autour de ces idées s'est constitué le Basic Income Earth Network, un réseau d'universitaires et d'activistes qui fut à l'origine de la création d'un mouvement citoyen plus large dont les actions ont déjà abouti à certains résultats. En effet, si leur campagne de lancement d'initiatives citoyennes n'a pu aboutir au niveau européen[13], elle a par contre permis le dépôt de 125 000 signatures auprès de la Chancellerie fédérale suisse[14]. D'ici 2015, et grâce à ces signatures, les citoyens helvétiques seront donc invités à se positionner par référendums sur l'opportunité d'intégrer les principes de revenu de base dans leur constitution[15].

 
Repair Café à Amsterdam

Le débat autour des idées d'allocations universelles va donc se poursuivre au sein de l’opinion publique, où l’on peut d'ores et déjà observer un clivage de type progressistes et conservateurs.

Avec des propos similaires à ceux de Philippe Van Parijs du côté des partisans du revenu de base:

« Pour améliorer nos modèles sociaux, pour les sauver même, il y a bien mieux à faire que de se cramponner à ce qui existe. Il faut les restructurer de manière à permettre un va-et-vient plus souple, tout au long de l'existence, entre l'emploi, la formation et les activités bénévoles au sein de la famille et en dehors. »[16]

Et des propos similaires à ceux de Mateo Alaluf du côté des opposants:

« Je pense qu’il faut d’abord lutter pour renforcer les minima sociaux à savoir le revenu d’insertion, la grapa (garantie de revenu aux personnes âgées) et en ce qui concerne le chômage, combattre les mesures de dégressivité et la chasse aux chômeurs et agir pour l’augmentation des allocations. La réduction du temps de travail, l’amélioration des conditions de travail et la fixation d’un revenu maximal pour les riches constituent autant de champs de mobilisation prioritaire. »[17]

Au niveau de la finance, des alternatives existent également, soit au travers d'autres types de monnaies ou de financement tels que les monnaies complémentaires, locales ou fondantes et la finance participative; soit au travers de nombreux projets qui se développent autour du concept de finance solidaire : l'association internationale des investisseurs en économie sociale, le réseau de financement alternatif, la société coopérative de finances solidaires, Finansol, Cigales, La fédération européenne des banques éthiques et alternatives, Le réseau Financement Alternatif, Garrigue et puis cette initiative d'envergure de la banque coopérative NewB, lancée le 23 mars 2013, banque qui se dit participative, transparente, sobre et dédiée à l'économie locale tout en œuvrant pour l’intérêt général et en mettant le client au cœur de ses décisions[18] . Construit majoritairement sur des fonds citoyens et associatifs, ce projet a réussi, deux jours après son lancement, à rassembler 5500 coopérants[19]. Au cours du moi de février 2014, le projet a gonflé son capital d'un million d’euros sur base d'une campagne de récolte de fonds effectuée sans l'usage des méthodes de marketing traditionnelles[20]. Si ce succès continue, cette banque devrait entrer en fonction d'ici 2015.

 
Le Matrimandir de Auroville

Enfin, il existe déjà des communautés qui s'organisent dans une économie parallèle où les richesses sont mises en commun pour être redistribuées parmi les membres. C'est le cas de communautés de tailles diverses et informelles, mais aussi de communautés nationalement soutenues et reconnues, telles que les kibboutzs ou Auroville (plus de 2000 habitants). Vivre dans un monde sans argent avec une économie basée sur les ressources est aussi la vision d'un projet d'envergure planétaire très controversé intitulé Projet Vénus.

Ainsi, l'essor de la consommation collaborative, la désaffectation de la publicité, la défense d'un revenu de base inconditionnel, le développement de la finance solidaire, et l’existence de diverses communautés et projets apparaissent tel un ensemble d'indicateurs d'émancipation économique citoyenne. Au départ de ces nouvelles tendances, il faut espérer que les citoyens retrouveront une certaine sérénité économique et que par la même occasion, ils puissent reprendre goût à la gestion politique du monde qui les entoure. Dans une époque où la contrainte économique absorbe le temps et la pensée citoyenne, où l' « opinion publique se fabrique » (Chomsky 2003), où le « marketing politique » (Achache 1989) sait « comment manipuler l'opinion en démocratie » (Bernays 2008), un autre type d'émancipation citoyenne reste effectivement à faire.

L'émancipation politique

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Au sein d'une population d'adultes, l’idée de tutelle prend sens dès le moment où les décisions politiques sont prises par un groupe restreint de citoyens. Tuteurs de la nation, ces représentants politiques reçoivent pour mandat d'assumer la responsabilité des décisions politiques, sans pour autant en assumer les conséquences.

« Aujourd'hui, quand un politique dit « j'assume », il ne veut pas dire « j'en accepte les conséquences » mais « c’est comme ça, point barre » ! Or, l'exercice de responsabilités doit être assumé réellement et non de manière purement formelle. C'est vrai en corporate governance, ce doit l'être aussi en gouvernance politique. » (Monette et Laporte 2007, p. 126)

Quand la gouvernance politique se dit démocratique, l'accès à la représentation politique doit se faire au travers d'élections. Pour accéder au pouvoir, « Un acteur politique n'a d’autre choix que de chercher à se faire a.i.m.e.r. » (Eraly 2002, p. 27)

 
G-20 Reunion Washington

Si se faire aimer est une condition indispensable à l'accès au poste de représentant politique, c’est aussi une source de conflits d'intérêts. En effet, quand une décision politique est à la fois bonne et déplaisante pour les citoyens, en assumer la responsabilité représente pour un élu le risque de perdre la sympathie de son électorat et donc, par la même occasion, risquer sa place de représentant aux prochaines élections.

« Dans l'élaboration d'une politique économique, les conflits entre objectifs d’abord, entre moyens ensuite, entre forces politiques, groupes d'intérêts, voire corps administratifs enfin, tiennent sans doute une place plus importante que les complémentarités. Les choix, qui viennent les résoudre, ne découlent que très partiellement d'un calcul économique rationnel quels qu'en soient par ailleurs les critères et la base sociologique de ceux-ci. » (Bénard 1962)

Ce conflit d'intérêt n’est pas le seul, puisque les représentants politiques sont aussi juges et parties dans la décision des règles qui les concernent. Ils peuvent ainsi s'octroyer des avantages sans accord préalable avec le reste de la population.

«Chaque assemblée, chaque gouvernement, détermine dans son coin les règles de rémunérations. Cela aboutit à des différences qui sont assez difficiles à expliquer. Est-il logique qu’un ministre flamand gagne moins qu’un Secrétaire d’État bruxellois ? »[21]

Autre exemple, en Belgique « Les partis politiques s'attribuent 8 millions d'euros[22] supplémentaires » en août 2013[23], alors que deux ans auparavant on voyait « la Belgique épinglée pour son financement des partis politiques »[24] par l'agence anti-corruption du Conseil de l'Europe. Pour les partis politiques au pouvoir, ces 8 millions tomberont donc juste à point pour payer leurs campagnes de marketing politiques prévues pour les élections de 2014.

 
Forum mondial de la démocratie

Dans ce contexte apparaît dès lors une concurrence déloyale envers les partis politiques émergents. En effet, les partis qui n'ont toujours aucun membre élu ne profiteront pas du transfert de ces 8 millions, pas plus que d'une quelconque aide en provenance de l'état. Par contre, pour se présenter aux élections, ces nouveaux partis se verront dans le devoir de récolter et faire valider dans chaque commune soit un nombre important de signatures en provenance des citoyens (5000 pour une liste européenne en Belgique), soit un nombre réduit de signatures en provenance des élus sortants (5 dans les mêmes circonstances)[25]. Mais il va de soi que les élus signeront au profit des dépôts de listes de leur propre parti et refuseront de donner leur signature pour un parti « adverse ». De cette situation injuste, découle ainsi la facilité pour les partis déjà en place de renforcer leur présence au sein des gouvernements et la difficulté pour les partis naissant d'entrer dans l'espace de décisions politiques .

« Depuis 1952, avec la campagne d'Eisenhower qui le premier fit appel à des agences de publicité, le marketing politique a joué un rôle croissant dans les campagnes électorales. Sa pénétration en France, bien que plus tardive, est aujourd’hui à peu près totale. Tous les candidats importants à l'élection présidentielle de 1988 se sont adjoint les services d'une agence de publicité ou de conseil en marketing. C'est sans doute par manque de moyens financiers que les petits candidats n'ont pas eu recours à de tels conseillers. » (Achache 1989, p. 103)
« Cette concentration du pouvoir dans les mains de quelques-uns et en dehors des règles prévues par la Constitution n’est pas saine. Il s'agit même d'une dérive dangereuse. En outre, on l'a vu, ce fonctionnement ne garantit nullement des décisions adéquates et cohérentes. Ce n'est donc pas parce que le gouvernement voire même un noyau au sein du gouvernement semble plus adapté pour répondre à la complexité et l'accélération du monde d’aujourd’hui qu’il faut en oublier les vertus de l'indispensable checks and balances et le supprimer ou le rendre purement formel, ce qui revient au même. Le principe du contre-pouvoir est le garant de la démocratie car comme le disait Montesquieu de manière fort juste, " seul le pouvoir arrête le pouvoir " ! » (Monette et Laporte 2007, p. 60)
 
Protestation contre ACTA
« Tout cela donne une mesure du travail qu’il reste à accomplir à ceux et à celles qui pensent que la démocratie doit être vécue au grand jour par des participants lucides et informés. » (Bernays 2008, p. 11 du pdf)[26]

Enfin, le système démocratique par élection pose aussi problème en termes de représentation.En effet, si un système électoral permet de désigner les représentants de la nation, ces derniers ne sont pas pour autant représentatifs, sociologiquement parlant, des populations qui les ont élus.

« En plus d’une crise économique sans précédent, la France souffre actuellement d’une grave crise politique, marquée par un sentiment de coupure entre le peuple et ses élites politiques. Ce sentiment trouve pour partie son fondement dans un véritable déficit de représentativité de l’Assemblée nationale. Le profil type du député : homme blanc, de plus de 50 ans et issu des classes sociales supérieures, laisse hors de toute représentation des pans importants de la population. » (Keslassy 2012, p. 4ème de couverture)

Malgré toutes ses déficiences démocratiques, la tutelle politique s'est avérée utile à une époque où une grande partie des citoyens n'avait pas accès ni à l'enseignement, ni aux informations nécessaires à la compréhension du monde dans sa globalité.

« Dans les pays politiquement les plus démocratiques, les plus libres, tels que l’Angleterre, la Belgique, la Suisse et les États-Unis d’Amérique, la liberté et les droits politiques dont les ouvriers sont censés jouir ne sont rien qu’une fiction. Esclaves de leurs patrons au point de vue économique, ils sont, au point de vue politique, également des esclaves. Ils n’ont ni l’instruction, ni le loisir, ni l’indépendance nécessaires pour exercer librement, et avec pleine connaissance de cause, leurs droits de citoyens. » (Bakounine 1910, p. 191 & 192)
 
Femmes indiennes participant à la marche pour la justice d'octobre 2012 en Inde

Mais les choses ont bien changé depuis la mise en place des démocraties représentatives. Tout d’abord, Internet et ses moteurs de recherche toujours plus performants offrent aux citoyens d'aujourd'hui un accès sélectif à une information difficilement censurable et toujours plus abondante.

De plus, grâce à l'avènement du Web 2.0, et plus précisément de la « démocratie 2.0 » (Lejeune 2009) Internet ouvre le potentiel d'un réel espace de gouvernance citoyenne comme déjà en témoignent divers projets recensés dans le monde dans des pays tel que la France, l'Irlande, l'Islande, les États-Unis, le Brésil[27], la Belgique, l'Espagne, l'Italie, la Suisse[28], etc. Les citoyens ont aussi prouvé qu’ils pouvaient s'organiser en communautés auto gouvernées de toutes sortes, qu’elles soient centralisées comme dans les projets Wikimédia, OpenStreetMap ou décentralisées comme dans la blogosphère et les réseaux sociaux.

« Le Web 2.0 a fait une entrée fracassante dans les sociétés arabes depuis quelque années, en particulier auprès des jeunes. Si le numérique a des effets politiques, notamment à travers le rôle qu’il a joué dans les soulèvements depuis 2011, il est avant tout un vecteur de reconfigurations sociales majeur. » (de Montbrial et Moreau Defarges 2013, p. 156)

Enfin, la démocratisation de l'enseignement a rendu la scolarisation possible, et même parfois obligatoire, dans toutes les couches sociales des populations, même si les résultats de l’Enquête faite par le programme PISA 2012 démontrent qu’il existe encore de grandes disparités[29].

Dans ce nouveau contexte, la dénonciation pertinente et documentée des incohérences ou du manque d'éthique manifestés par les dirigeants politiques ou leurs administrations devient chose fréquente. Sur Internet, fleurissent des sites que l’on pourrait qualifier de « veille citoyenne » tel que Wikileaks.org, agoravox.fr, cumuleo.be, députés godillot.info, Droitderegard.be, luiprésident.fr, zewerkenvoorjou .be dont la distribution des informations se voit amplifiée par les réseaux sociaux. Tous ces dispositifs spontanés de surveillance ne font d'ailleurs que renforcer le phénomène de désaffectation citoyenne à l'égard du politique observé par les instances européennes depuis plus de quinze ans déjà (Commission européenne 2000, p. 6).

 
Mouvement d'autodétermination catalan à Barcelone
« PARTOUT, la désaffection des citoyens et la corruption des mœurs politiques sont les symptômes les plus flagrants d’une démocratie en crise, confrontée au défi de la mondialisation. »[30]
« Les débats relatifs à la démocratie locale, sur un registre participatif, prennent corps au sein de sociétés dans lesquelles le rapport entre la société civile et le politique se délite progressivement. Plus exactement, c’est un type d’organisation du politique historiquement daté qui est en cause. En effet, il a longtemps été inconcevable de penser le politique en dehors de l’État, de ses institutions et de son territoire contrôlé par le biais d’un ensemble de frontières et d’instruments normatifs. Ce modèle politique a, semble-t-il, vécu, il est du moins remis en question. » (Jouve 2005, p. 317)
« Avec 17% de vote Le Pen, c’est un vote d'opposition qui s'est structuré depuis la fin des années 1980. » (Le Vigan 2007, p. 374).

La perte de confiance envers les politiciens ne s'observe pas uniquement dans les urnes, elle se manifeste aussi dans les rues comme en témoignent de nombreux mouvements citoyens internationaux tels que les indignés, anonymous, Masse critique (mouvement social), Via Campesina ou nationaux tel que Ekta Parishad en Inde, le Mouvement des sans-terre au Brésil, Vidsich en Ukraine, Wutbuerger en Allemagne, occupy wall street aux USA. À côté de ces manifestations de masse, apparaissent aussi des organisations structurées et reconnues telles que le comité pour l'annulation de la dette du tiers monde et Démocracy International ou encore des initiatives citoyennes spontanées tel que Démocratie réelle.eu, constituante.be, Periferia les gentils virus et bien d'autres. À cela faut-il encore ajouter l'engagement de personnalités tel que Etienne Chouard au travers ces nombreux débats et conférences ou David Van Reybrouck avec récent livre intitulé Contre les élections qui fut l'un des principaux initiateurs de la plate-forme d'innovation démocratique G 1000. À l'image de certaines communes et cantons de Suisse où les décisions politiques se prennent à mains levées (Landsgemeinde), cette plate-forme rassembla 704 citoyens belges tirés au sort pour débattre des problèmes de société en pleine crise gouvernementale belge. De ce sommet est ressorti comme question principale : « avec ou sans emploi, comment aborder le travail dans notre société ? » (G 1000 2012)

 
Vote à main levée dans la commune de Glarus
« On a tout réduit à une seule procédure : les élections. Cela a assez bien fonctionné pendant deux siècles mais entre l’époque où les élections ont été inventées et notre époque actuelle, beaucoup de choses ont changé notamment au niveau des médias… »[31]

Dans un autre contexte, des communautés d'internautes se sont aussi créées sur base de principes démocratiques directs et participatifs. La communauté de contributeurs de la distribution Debian et celle des projets Wikimédia en sont probablement les deux meilleurs exemples. Dans ces deux communautés comme ailleurs dans d'autres projets défendant les valeurs véhiculées par la culture libre, on parle déjà d'un nouveau concept de gouvernance appelé démocratie ouverte.

« C'est un modèle particulièrement efficace qui facilite la prise d'initiative par le plus grand nombre. Ce système particulièrement est répandu dans l'univers des wikis, en particulier dans les sections les moins surveillées d'un wiki. Avec ce système, on s'appuie sur le principe que (hormis quelques cas de vandalisme) ce sont les experts sur la question qui vont avoir la motivation et prendre le temps d'écrire sur un sujet qui les intéresse. Cette hypothèse ou plutôt ce pari de l'auto-sélection semble se vérifier dans de nombreux cas, et sa facilité d'implémentation expliquerait l'actuel enthousiasme pour le recours aux wikis. »[32]

Un tel type de gouvernance combiné à une indépendance financière octroie à une communauté d'utilisateur telle que celle de Wikipédia une réelle souveraineté par rapport au contenu de son site. Cette souveraineté a d'ailleurs fait ses preuves lorsqu'une injonction faite par le ministère Français de l'intérieur accompagnée de menaces envers un membre de l'association Wikimédia France n'a pu aboutir à la suppression d'un article traitant d'une base militaire française[33].

De tous les faits pouvant servir d'indicateurs à un processus d'émancipation politique, le plus révélateur à ce jour, restera sans doute la révolution des casseroles islandaise. Pendant cette révolution relativement impressionnante pour un pays où la population ne dépasse pas 322 000 habitants, une nouvelle Constitution a été écrite au départ d'une assemblée constituante tirée au sort en 2011 pour être ensuite « assassinée par le Parlement » en 2013[34].

 
Policier islandais face au manifestants
« L’exemple islandais montre qu’une crise profonde peut conduire à des changements sociétaux rapides et majeurs, comme l’illustre la mise en route d’un processus constitutionnel tout à fait original et, plus largement, d’initiatives visant à assainir le système politique. Mais les développements actuels indiquent également qu’un tel mouvement, malgré l’engouement populaire qu’il a pu susciter, peut retomber de manière rapide si les forces qui le portent ne parviennent pas à l’inscrire dans la durée par exemple en faisant un enjeu politique primordial, ou en l’appuyant sur un mouvement social d’ampleur. Ce constat nous rappelle l’importance des rapports de forces en démocratie pour faire avancer une idée, un point de vue ou une réforme, ou au contraire pour les contrecarrer. » (Stéfanski 2013, p. 8 du pdf)

L'expérience islandaise nous informe que pour aboutir à une émancipation politique, un mouvement doit soit inscrire son action dans un cadre institutionnel fidèle autant que favorable, soit garantir son autonomie et son indépendance dans un mouvement social structuré et continu. Ce que l'exemple islandais nous indique aussi, c’est que dans le cadre d'une remise en question d'un système politique, les représentants élus en fonction n'hésitent pas à user de leurs prérogatives institutionnelles pour défendre leurs places et leurs intérêts. Il y a d'ailleurs de fortes chances pour que la nouvelle Constitution islandaise votée par le peuple reste dans ses cartons tant que les citoyens n'en assumeront pas eux-même la responsabilité de la mise en pratique.

Cette prise de responsabilités semble donc décisive dans le processus d'émancipation. Car prendre ses responsabilités, c’est aussi mettre fin au confort octroyé par l'encadrement et la tutelle. À l'image du jeune adulte qui décide de s'émanciper en quittant la maison familiale pour voler de ses propres ailes, devenir responsable de son propre destin représente une étape cruciale à franchir dans l'esprit de chaque citoyen.

Le citoyen responsable

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Libéré de ses contraintes économiques et de sa tutelle politique, le citoyen émancipé se retrouvera face à ses responsabilités. Sans plus personne sur qui reporter la faute, les problèmes économiques, politiques ou écologiques deviendront les problèmes de tout un chacun. Pour les résoudre, il n'existera d’autre choix que de s'impliquer tous ensemble dans la bonne gouvernance du monde qui nous entoure. Dès lors, anticiper les conséquences de ses actes et de ses choix sera la seul manière de ne pas se retrouver un jour à la place de la victime ou du bourreau dans le cadre d'une mauvaise gouvernance. Bien plus qu'une réforme économique et politique, ce qu'apportera l'émancipation des citoyens sera un nouvel art de vivre ensemble.

Vivre ensemble comme on fait de la musique. Écouter ensemble tous les sons, toutes les voix, tous les musiciens. Décider ensemble de leurs places, du rôles et des fonctions de chacun, dans le but d'atteindre un idéal : une harmonie parfaite.

Notes et références

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  1. E.F., « La Publicité perd le consommateur idéal mais garde le goût de séduire », L'Humanité.fr, 15 octobre 1996. Consulté le 2014-02-26
  2. LLLLITL, « Publicité : les 36 marques qui ont dépensé plus d’1 milliard $ en 2012 ! », llllitl.fr, 5 décembre 2012. Consulté le 2014-02-27
  3. Philippe Defeyt en interview sur BEL RTL, « Pouvoir d'achat: 1/4 de la population 'crève vraiment', les autres sont dans une frustration d'achat », RTL info.be, 7 octobre 2008. Consulté le 2014-02-16
  4. Caroline Jeanmart, « Le surendettement en Wallonie : quelques indicateurs pour l’année 2013 », L’observatoire du crédit et de l'endettement.be. Consulté le 2014-03-07
  5. C. Laborde, « Pouvoir ou pouvoir d'achat », Agoravox.fr, 31 janvier 2008. Consulté le 2014-02-19
  6. Reuters, « Hollande : "mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance" », La Tribune.fr, 22 janvier 2012. Consulté le 2014-02-19
  7. Juan, « L'abécédaire des promesses non-tenues de Nicolas Sarkozy », Marianne.net, 28 décembre 2008. Consulté le 2014-02-19
  8. Maxime Vaudano, Clément Parrot et Corentin Dautreppe., « Taxe sur les transactions financières européenne », Lui Président.fr. Consulté le 2014-02-19
  9. Jean Gadrey, « Au-delà de Cahuzac : les liaisons dangereuses entre les politiques et le monde des affaires. », Alternatives économiques.fr, 13 avril 2013. Consulté le 2014-03-07
  10. Xavier de Lecaros Aquise, « The rise of collaborative consumption and the experience economy », The Guardian.com, 1er mars 2014. Consulté le 2014-03-07
  11. Juste comme exemple : Le RCR ou Réseau de Consommateur Responsable. Une liste à compléter de organisme de promotion des alternatives économique est disponible dans la partie annexe de ce travail
  12. TNS Sofres, « Publicité et Société 2011: Décrochages », Tns-sofres.com, 27 septembre 2011. Consulté le 2014-02-26
  13. Portail francophone du revenu de base, « 285,000 européens veulent faire plancher la commission européenne sur le revenu de base », Revenu de base.info, 15 janvier 2014. Consulté le 2014-02-26
  14. France 24, « Europe - Les Suisses voteront sur le principe d'un revenu de base », France 24.com, 26 mai 2013. Consulté le 2014-02-28
  15. Ralph Kundig, « Un revenu de base de 2 500 francs en Suisse: une fortune ? », Revenu de base.info, 30 novembre 2013. Consulté le 2014-03-02
  16. Philippe Van Parijs dans une interview par le journal Le Monde, « Pour la mise en place d'un revenu universel », Le Monde.fr, 13 décembre 2013. Consulté le 2014-03-02
  17. Aurore Van Opstal, « Mateo Alaluf : « Le revenu de base précariserait l’emploi » », Femmes de chambre.be, 15 janvier 2014. Consulté le 2014-03-02
  18. NewB, « Quelle banque construisons-nous? », NewB, 29 janvier 2014. Consulté le 2014-03-08
  19. Agence Belga, « "New B": déjà plus de 5500 coopérants au lendemain de son lancement - RTBF Économie », RTBf Info .be, 26 mars 2013. Consulté le 2014-03-07
  20. Agence Belga, « NewB rassemble un million grâce à ses membres », 7 sur 7.be, 6 mars 2014. Consulté le 2014-03-06
  21. Propos de Jean Faniel recueilli par F.C., « Les vrais salaires de la politique belge », La Libre.be, 28 novembre 2013. Consulté le 2014-03-10
  22. À titre comparatif et pour une période de deux ans : La Belgique octroie 9,2 millions d’euros à la lutte contre la pauvreté et à l’aide à la gouvernance Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement, Diplomatie Belgium.be, 15 juillet 2013. Consulté le 2014-03-10
  23. Agence Belga, « Les partis politiques s'attribuent 8 millions d’euros supplémentaires », La Libre.be, 24 août 2013. Consulté le 2014-02-19
  24. Agence Belga, « La Belgique épinglée pour son financement des partis politiques », La Libre.be, 10 août 2011. Consulté le 2014-02-19
  25. Art. 21 de la Loi du 23 mars 1989 relative à l’élection du Parlement européen, « La candidature aux différentes élections - Élections 2014 », ibz.rrn.fgov.be, 2014. Consulté le 2014-03-08
  26. Préface de Normand Baillargeon
  27. Anne-Sophie Novel, « Cinq expériences de démocratie 2.0 », Le Monde.fr, 25 novembre 2013. Consulté le 2014-03-25
  28. Périne Brotcorne sous la direction de Gérard Valenduc, « Les outils numériques au service d’une participation citoyenne et démocratique augmentée. Les initiatives en Belgique francophone et les bonnes pratiques étrangères visant à renforcer l’expression citoyenne et la démocratie participative », Fondation Travail-Université, mars 2012. Consulté le 2014-04-03
  29. Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA), « Principaux résultats de l’Enquête PISA 2012 Ce que les élèves de 15 ans savent et ce qu’ils peuvent faire avec ce qu’ils savent. », Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2012. Consulté le 2014-02-27
  30. Alain Bihr, « Les nouvelles frontières de la souveraineté », Le Monde diplomatique.fr, avril 1995. Consulté le 2014-03-01
  31. Propos de David Van Reybrouck dans une interview de Arnaud Ruyssen, « David Van Reybrouck : "Nous sommes des fondamentalistes des élections" », RTBf Info.be, 16 novembre 2013. Consulté le 2014-03-03
  32. Anne Goldenberg, « Wikipedia et le projet Québec, La reconnaissance des usages contributifs (version 02) », wikifarm.koumbit.net, 9 novembre 2009. Consulté le 2014-03-02
  33. Tous les détaille sur cette affaire on été repris sur une page de l'encyclopédie intitulée Wikipédia: L'affaire de Pierre-sur-Haute.
  34. Thorvaldur Gylfason, « Putsch : la Constitution Islandaise a été assassinée par le Parlement », Vivre en Islande.fr. Consulté le 2014-02-16

Bibliographie

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Michel Bakounine, Œuvres, vol. tome IV, Paris, James Guillaume, 1910 (ISBN 2851842005) [lire en ligne] 
  • Bénard, Jean (1962)
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Edward L. Bernays, Propaganda: Comment Manipuler L'opinion en Démocratie, Montréal, Lux, editeur, 2008 (ISBN 9782895960638) [lire en ligne] 
Rachel Botsman et Roo Rogers, What’s Mine Is Yours: How Collaborative Consumption is Changing the Way We Live, HarperCollins UK, 2011 (ISBN 9780007413485) [lire en ligne] 
Gilles Achache, Political advertising, Paris, CNRS Editions, 1989 [lire en ligne] 
Commission européenne, Communication de la Commission au conseil, au Parlement européen, au comité économique et social et au Comité des régions sur une stratégie d'information et de communication pour l'Union Européenne., 2000 [lire en ligne] 
Noam Chomsky, Edward S. Herman, La fabrique de l'opinion publique: la politique économique des médias américains : essai, Paris, Les Editions du Rocher/Serpent à Plumes, 2003 (ISBN 9782842614164) [lire en ligne] 
Thierry de Montbrial et Philippe Moreau Defarges, Ramses 2014 - Les jeunes : vers l'explosion ?, Paris, Dunod, 2013 (ISBN 9782100702749) [lire en ligne] 
G 1000, Rapport final, Bruxelles, Benoît Derenne, 2012 (ISBN 9782930275529) [lire en ligne] 
Frédéric Guillaud, La modernité : crise d'adolescence de l'humanité ?, vol. n° 25, 2005 (ISSN 1283-7091) [lire en ligne], p. 77–88 
Alain Eraly, Le pouvoir enchaîné: être ministre en Belgique, Labor, 2002 (ISBN 9782804016760) [lire en ligne] 
Xavier Harel, La grande évasion: Le vrai scandale des paradis fiscaux, Paris, Éditions Les Liens qui libèrent, 2012 (ISBN 9782918597766) [lire en ligne] 
  • Jörimann, Albert (2007)
Albert Jörimann, Un revenu de base inconditionnel - moderne et efficace, Zurich, Basic Income Earth Network Switzerland, B.I.E.N.-Suisse, 2007 (ISBN 9782970055204) [lire en ligne] 
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Bernard Jouve, La démocratie en métropoles : gouvernance, participation et citoyenneté, Paris, Presses de Sciences Po, 2005 [lire en ligne] 
Eric Keslassy, Une Assemblée nationale plus représentative ? Sexe, âge, catégories socioprofessionnelles et pluralité visible, Paris, Institut Diderot, coll. « Les Notes de l’ Institut Diderot », 2012 [lire en ligne] 
Serge Latouche, Vers une société d'abondance frugale: Contresens et controverses de la décroissance, Paris, Fayard/Mille et une nuits, 2011 (ISBN 9782755504552) [lire en ligne] 
Serge Latouche, Bon pour la casse: les déraisons de l'obsolescence programmée, Paris, Éditions Les Liens qui libèrent, 2012 (ISBN 9791020900272) [lire en ligne] 
Christophe Lejeune, Démocratie 2.0: une histoire politique d'Internet, Espace de libertés, 2009 (ISBN 9782930001975) 
Les économistes atterrés, Changer d'économie !: Nos propositions pour 2012, Paris, Éditions Les Liens qui libèrent, 2012 (ISBN 9782918597742) [lire en ligne] 
Pierre Le Vigan, Inventaire de la modernité, avant liquidation, Avatar Editions, 2007 (ISBN 9780955513251) [lire en ligne] 
Pierre-Yves Monette et Christian Laporte, Entretiens avec Christian Laporte : Belgique, où vas-tu ?, Wavre, Editions Mardaga, 2007 (ISBN 9782870099483) [lire en ligne] 
Juliet Schor, Le véritable richesse: Une économie du temps retrouvé, Paris, Charles Léopold Mayer/ECLM, 2013 (ISBN 9782843771743) [lire en ligne] 
  • Stéfanski, Nicolas (2013)
Nicolas Stéfanski, Les élections de 2013 en Islande : enjeux pour l’Union européenne et pour les dynamiques citoyennes, 2013 [lire en ligne] 
Bernard Tchibambelela, Le commerce mondial de la faim: stratégie de rupture positive au Congo-Brazzaville, Paris, L'Harmattan, 2009 (ISBN 9782296104938) [lire en ligne] 

Annexes

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Cette espace est une annexe à l’article Une humanité en crise. Il se veut reprendre une liste de liens vers des pages internet qui permettent l'illustrer ou de compléter les propos aborder dans l’article précité.

Voici un exemple de compilation similaire : The Top 100 Documentaries We Can Use to Change the World

N'hésitez pas à compléter cette liste, Wikiversité est fait pour cela !

Pages web

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La crise écologique
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Cette espace est une annexe à l’article Une crise de la gouvernance. Elle se veut reprendre une liste de liens vers des pages internet qui permettent l'illustrer ou de compléter les propos aborder dans l’œuvre.

N'hésitez pas à compléter cette liste, Wikiversité est fait pour cela !

Cette espace, qui ne demande qu’à être complétée, est une annexe à l’article Recherche:L'émancipation citoyenne.

Vous trouverez ici une liste de documents abordant le sujet de l'émancipation citoyenne.

L'émancipation citoyenne en livre

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L'émancipation économique en livre
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L'émancipation politique en livre
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L'émancipation citoyenne en page web

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L'émancipation économique en page web
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L'émancipation politique en page web
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