Théorie des groupes/Exercices/Théorème de Gaschütz
Problème 1 (très facile)
modifierSoient G un groupe et H un sous-groupe de G. Prouver que si deux compléments de H dans G sont en relation d'inclusion, ils sont égaux.
Puisqu'un complément de H est une transversale droite de H dans G, il suffit de prouver que si deux transversales droites de H dans G sont en relation d'inclusion, elles sont égales. Soient donc S et T deux transversales droites de H dans G telles que Il s'agit de prouver que S = T. Soit t un élément de T. Puisque S est une transversale droite de H dans G, il existe un élément s de S tel que Hs = Ht. Puisque , s et t appartiennent tous deux à T. Puisque T est une transversale de H dans G, la relation Hs = Ht entraîne donc s = t, d'où d'où , d'où S = T.
Remarque. On peut donner une autre démonstration dans le cas où G est fini On a noté qu'un complément de K dans G est une transversale droite de K dans G. Donc un complément de K dans G a pour ordre l'indice de K dans G, donc deux compléments de K dans G ont toujours le même ordre. Si G est fini, cet ordre est fini, donc si deux compléments de K dans G sont en relation d'inclusion, ils sont égaux.
Problème 2
modifierDans la partie théorique, on a démontré une forme faible du théorème de Schur-Zassenhaus, à savoir : si E est un groupe fini, si H est un sous-groupe de Hall normal et abélien de E, alors H admet un complément dans E. On va donner ici une autre démonstration de cet énoncé. Cette démonstration fait intervenir des notions qui apparaissent dans la théorie cohomologique des groupes, mais elle ne requiert aucune connaissance de cette théorie.
a) Montrer que, pour prouver la forme faible du théorème de Schur-Zassenhaus, il suffit de prouver l'énoncé suivant :
(1) Soient G un groupe fini, p un homomorphisme surjectif de G sur un groupe (fini) Q tel que Ker(p) soit abélien et que les ordres |Ker(p)| et |Q| soient premiers entre eux. Alors p admet un homomorphisme section, c'est-à-dire qu’il existe un homomorphisme s de Q dans G tel que p ∘ s = idQ.
(Utiliser un exercice de la série Produit semi-direct.)
Supposons que l'énoncé (1) soit vrai et démontrons la forme faible du théorème de Schur-Zassenhaus. Soit E un groupe fini, H un sous-groupe de Hall normal et abélien de E; il s'agit de prouver que H admet un complément dans E. Soit p l'homomorphisme canonique de G sur G/H. Puisque H est un sous-groupe de Hall de G, l’ordre de H est premier avec l’ordre de G/H, autrement dit l’ordre de Ker(p) est premier avec l’ordre de G/H. Puisque nous supposons l'énoncé (1) démontré, p admet un homomorphisme section. D'après un exercice de la série Produit semi-direct, il en résulte que H admet un complément dans E.
Dans la suite du présent problème, on va démontrer l'énoncé (1). On supposera que les hypothèses de cet énoncé (1) sont satisfaites, c'est-à-dire que G est un groupe fini et p un homomorphisme surjectif de G sur un groupe (fini) Q tel que Ker(p) soit abélien et que les ordres |Ker(p)| et |Q| soient premiers entre eux.
On écrira K pour Ker(p).
b) Puisque l’application p est surjective, nous pouvons choisir une application section s de p, c'est-à-dire une application s de Q dans G telle que p ∘ s = idQ. Cette application s sera fixée dans toute la suite du problème.
Prouver qu’il existe un et un seul homomorphisme θ : x ↦ θx de Q dans Aut(K) tel que, pour tout x dans Q et tout k dans K,
- θx(k) = s(x) k s(x)-1.
Soit x un élément de Q. Puisque K est normal dans G, l'automorphisme intérieur g ↦ s(x) g s(x)-1 induit (par birestriction) un automorphisme (non forcément intérieur) k ↦ s(x) k s(x)-1 de K. Notons θ : x ↦ θx l’application de Q dans Aut(K) qui à l'élément x de Q fait correspondre cet automorphisme k ↦ s(x) k s(x)-1 de K. Autrement dit,
- θx(k) = s(x) k s(x)-1.
pour tout x dans Q et tout k dans K.
Prouvons que θ est un homomorphisme de Q dans Aut(K).
Il s'agit de prouver que pour tous x, y dans Q,
- θxy = θx ∘ θy
Soit k un élémen de K. Alors
- θxy(k) = s(xy) k s(xy)-1
et
- θx ∘ θy(k) = s(x) s(y) k s(y)-1 s(x)-1.
Il s'agit donc de prouver que pour tous éléments x, y de Q et tout élément k de K,
- s(x) s(y) k s(y)-1 s(x)-1 = s(xy) k s(xy)-1,
ou encore
- s(xy)-1 s(x) s(y) k s(y)-1 s(x)-1 s(xy) = k,
ce qui revient à dire que s(xy)-1 s(x) s(y) commute avec k. Puisque K est commutatif, il suffit de prouver que s(xy)-1 s(x) s(y) appartient à K = Ker(p), ce qui revient à dire que
- p(s(xy)-1 s(x) s(y)) = 1.
Ceci résulte clairement du fait que s est une application section de l'homomorphisme p.
Nous avons donc prouvé qu’il existe un homomorphisme θ : x ↦ θx de Q dans Aut(K) tel que, pour tout x dans Q et tout k dans K,
- θx(k) = s(x) k s(x)-1.
Cet homomorphisme est évidemment unique.
Remarques. 1° Dans la suite, on se servira du fait que pour tout élément x de Q, θx est un automorphisme de K. Le fait que θ : x ↦ θx soit un homomorphisme de Q dans Aut(K) ne sera pas utilisé dans les démonstrations, mais il permet de faire le lien avec la théorie de la cohomologie.
2° On peut noter, bien que cela ne serve pas dans la suite, que θ ne dépend pas du choix de l’application section s. En effet, si s1 et s2 sont deux applications sections de p, on a, pour tout élément x de Q,
donc appartient à Ker(p) = K, donc, puisque K est abélien, commute avec tout élément k de K :
ce qui montre bien que θ ne dépend pas du choix de s.
c) Pour tous éléments x, y de Q, il est clair que s(x) s(y) s(xy)-1 appartient à Ker(p) = K. (On a déjà noté un fait équivalent au point b), en montrant que θ est un homomorphisme.) On peut donc définir une application f de l’ensemble Q × Q dans l’ensemble K par
- (2) f(x, y) = s(x) s(y) s(xy)-1
pour tous éléments x, y de Q.
(En langage cohomologique, f est le système de facteurs associé à l'extension K ⟶ G ⟶ Q et à l’application section s de p, K ⟶ G désignant l'homomorphisme inclusion x ↦ x de K dans G et G ⟶ Q l'homomorphisme p.)
On vérifie facilement qu'en général, f dépend de l’application section s choisie.
Prouver que f satisfait à la relation
- (3) f(x, y) f'(xy, z) = θx(f(y, z)) f(x, yz)
pour tous x, y, z dans Q. (En langage cohomologique, ceci exprime que f est un 2-cocycle relatif à Q, K et θ.)
Remplacer f et θ par leurs définitions et supprimer un facteur s(xy)-1 s(xy) et un facteur s(yz)-1 s(x)-1 s(x) s(yz).
d) Prouver que si f désigne l’application définie par la relation (2) du point c), il existe une application h de Q dans K telle que, pour tous éléments x, y de Q,
- (4) f(x, y) = θx(h(y)) h(xy)-1 h(x).
(En langage cohomologique, ceci exprime que f est un 2-cobord relatif à Q, K et θ.) Indication : montrer qu’il est légitime de définir une application h0 de Q dans K par
pour tout élément x de Q. Prendre le produit des relations (3) du point c) quand z parcourt Q et faire apparaître h0 dans le résultat. Prendre pour h une fonction pour un nombre naturel t convenable.
Puisque Q est fini et K commutatif, on peut définir une application h0 de Q dans K par
pour tout élément x de Q.
En prenant le produit des relations (3) du point c) quand z parcourt Q (et en tenant compte que f prend ses valeurs dans un groupe commutatif), on trouve
- (5)
Dans cette relation, on peut remplacer par son expression h0(xy). Comme θx est un automorphisme de K, peut s'écrire Enfin, puisque, pour un y donné, yz parcourt Q en même temps que z, La relation (5) peut donc s'écrire
d'où (commutativité de K)
- (6)
Puisque |Q| est premier avec |K|, il existe un nombre naturel t tel que |Q| t soit congru à 1 modulo |K|. En élevant les deux membres de (6) à la puissance t, nous trouvons (compte tenu que K est commutatif et que θx est un automorphisme de K)
Ceci montre que si on désigne par h l’application x ↦ h0(x)t, alors h satisfait à la relation (4) de l'énoncé d).
e) Soit h une application de Q dans K satisfaisant à la relation (4) de l'énoncé d). Prouver que l’application s' : x ↦ h(x)-1 s(x) de Q dans G est un homomorphisme section de p. (Comme on l'a vu, la forme faible du théorème de Schur-Zassenhaus en résulte.)
Prouvons d’abord que s' est une application section de p. Pour tout élément x de Q, p(s'(x)) = p(h(x))-1 p(s(x)). Puisque h(x) appartient à K = Ker(p) et que s est une application section de p, il en résulte que s' est elle aussi une application section de p.
Prouvons maintenant que s' est un homomorphisme de Q dans G. Il s'agit de prouver que
- (7) h(xy)-1 s(xy) = h(x)-1 s(x) h(y)-1 s(y)
pour tous éléments x, y de Q.
Compte tenu de la définition de θ (point b) et de f (point c), la relation (4) du point d)
- f(x, y) = θx(h(y)) h(xy)-1 h(x)
peut s'écrire
- s(x) s(y) s(xy)-1 = s(x) h(y) s(x)-1 h(xy)-1 h(x)
d'où
- s(y) s(xy)-1 = h(y) s(x)-1 h(xy)-1 h(x)
et en passant aux inverses
- s(xy) s(y)-1 = h(x)-1 h(xy) s(x) h(y)-1.
Puisque h prend ses valeurs dans K et que K est abélien, on peut remplacer h(x)-1 h(xy) par h(xy) h(x)-1. On obtient ainsi une relation équivalente à la thèse (7).