Théorie des groupes/Groupes commutatifs finis, 2

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Comme annoncé, nous allons démontrer, dans cette seconde partie du chapitre, des théorèmes d'unicité relatifs aux décompositions dont l’existence a été démontrée dans la première partie du chapitre.

Groupes commutatifs finis, 2
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Chapitre no 21
Leçon : Théorie des groupes
Chap. préc. :Groupes commutatifs finis, 1
Chap. suiv. :Automorphismes d'un groupe cyclique

Exercices :

Groupes commutatifs finis, 2
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Théorie des groupes/Groupes commutatifs finis, 2
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Début d'un lemme
Fin du lemme


Démonstration. Prouvons tout d’abord que [c1], ... , [cs] forment une famille génératrice du -espace vectoriel G/pG. Tout élément de G/pG étant de la forme [x] avec x dans G, il s'agit de prouver que pour tout élément x de G, il existe des éléments f1, ... , fs de tels que

D'après les hypothèses de l'énoncé, il existe des entiers rationnels a1, ... , as tels que x = a1 c1 + as cs, d'où

Pour tout i, désignons par fi la classe résiduelle de ai modulo p. D'après la définition de la structure de -espace vectoriel de G/pG, la relation (2) donne [x] = f1 [c1] + fs [cs], ce qui est notre thèse (1).
Prouvons maintenant que [c1], ... , [cs] forment une famille libre d'éléments du -espace vectoriel G/pG. Soient f1, ... , fs des éléments de tels que

dans G/pG.

Il s'agit de prouver que tous les fi sont nuls dans . Pour chaque i, choisissons un entier rationnel ai dont la classe modulo p soit fi. L'hypothèse (3) revient à dire qu'a1 c1 + ... as cs appartient à pG. Il existe donc un élément x de G tel qu'a1 c1 + ... as cs = px. D'après les hypothèses de l'énoncé, x est de la forme b1 c1 + ... bs cs, où les bi sont des entiers rationnels. On a donc

a1 c1 + ... as cs = pb1 c1 + ... pbs, d'où, toujours d’après les hypothèses de l'énoncé,
pour tout i.

Puisque ci est un élément non nul d'un groupe p-primaire, son ordre est divisible par p, donc, d’après (4), ai - p bi est divisible par p, donc ai est divisible par p, donc fi est nul, ce qui démontre notre thèse.

Début d'un lemme
Fin du lemme


Démonstration. La première partie de l'énoncé résulte immédiatement du précédent lemme. Pour démontrer la seconde partie, désignons par s la dimension de G/pG comme -espace vectoriel et par t le plus petit cardinal de partie génératrice de G. Il s'agit de prouver que s = t. D'après la première partie de l'énoncé, G/pG admet une partie génératrice à s éléments, donc, par minimalité de t, t ≤ s. Prouvons l'inégalité opposée. Il existe une partie génératrice {x1, ... , xt} de G. Il en résulte clairement que les images de x1, ... , xt dans G/pG forment une partie génératrice du -espace vectoriel G/pG (voir la première partie de la démonstration du lemme précédent), donc t est supérieur ou égal à la dimension de cet espace vectoriel, c'est-à-dire à s.

Remarques :

  1. La partie de l'énoncé relative au plus petit cardinal de partie génératrice ne sera pas utilisée dans la suite.
  2. Le lemme qui précède montre que si G est un groupe commutatif p-primaire, le nombre de sous-groupes dans une décomposition de G en somme directe de sous-groupes cycliques non nuls ne dépend que de G et non d'une décomposition particulière. Nous nous acheminons ainsi vers un théorème d'unicité.

Notation. Si G est un groupe commutatif fini p-primaire, nous désignerons par d(G) la dimension de G/pG comme -espace vectoriel. D'après ce qui précède, d(G) est le plus petit cardinal de partie génératrice de G. Si G est d'exposant p, pG est nul, donc G/pG est isomorphe à G, donc, dans ce cas, d(G) est la dimension de G comme -espace vectoriel.

Dans le cas particulier où G est d'exposant premier p, le lemme précédent donne :

Début d’un théorème
Fin du théorème


On pourrait évidemment le démontrer plus directement, en notant que (si G est d'exposant p), le sous-groupe de G engendré par un élément x de G est aussi le sous--espace vectoriel de G engendré par x.

Début d'un lemme
Fin du lemme


Démonstration. Par hypothèse, il existe des sous-groupes cycliques G1, ... , Gs de G, tous d'ordre pm, tels que

Il en résulte clairement que

et, de même,

On montre facilement que, de façon générale, si S est un groupe commutatif somme directe de sous-groupes S1, ... , Sr, si, pour chaque i, Ti est un sous-groupe de Si, alors

(où le second membre est une somme directe externe). Les relations (1) et (2) donnent donc

autrement dit, si nous posons Hi = pnGi,

Puisque n < m, Hi est un groupe cyclique d'ordre pm-n et pHi un groupe cyclique d'ordre pm-n- 1, donc Hi/pHi est un groupe cyclique d'ordre p. La relation (3) montre donc que le groupe , qui est évidemment d'exposant p, est somme directe de s groupes cycliques d'ordre p. D'après le « cas particulier » ci-dessus, s est la dimension de comme -espace vectoriel, autrement dit s = d(pnG/pn+1G).

Début d'un lemme
Fin du lemme


Démonstration. Pour tout nombre naturel j, désignons par Aj la somme directe des Ci d'ordre pj. (Si aucun Ci n'est d'ordre pj, Aj est le sous-groupe nul.) Nous avons donc

pour un certain t. Alors

.

et

.

Pour j ≤ n - 1, pn-1Aj est nul (car Aj, étant une somme de sous-groupes d'ordre pj, admet l'exposant pj et donc aussi l'exposant pn-1). Donc (1) peut s'écrire

.

De même, pour k ≤ n, pnAk est nul, de sorte que nous pouvons éliminer de (2) les sous-groupes pnA1, ... , pnAn. Nous garderons toutefois pnAn, pour obtenir une relation analogue à (3) :

.

De (3) et (4) résulte

où le second membre est une somme directe externe (et où le terme est évidemment isomorphe à pn-1An) Tous les quotients apparaissant dans (5) sont des groupes d'exposant p et donc des -espaces vectoriels. En passant aux dimensions, nous trouvons (compte tenu que, comme nous l'avons vu, d coïncide avec la dimension dans le cas des groupes commutatifs d'exposant p)

Par définition, Aj est la somme directe des Ci d'ordre pj. Soit aj le nombre de ces Ci d'ordre pj. Pour chaque j tel que n ≤ j ≤ t, il résulte d'un lemme précédent que est égal à aj. La relation (6) peut donc s'écrire

Le second membre est le nombre des i tels que Ci soit d'ordre au moins pn, donc l'énoncé est démontré.

Début d'un lemme
Fin du lemme


Démonstration. C'est une conséquence immédiate du lemme précédent.

Début d’un théorème
Fin du théorème


Démonstration. Si G est primaire, cela résulte clairement du lemme précédent. Cessons de supposer G primaire. Soient

et

deux décompositions de G en sommes directes de sous-groupes cycliques primaires non nuls. Quiite à changer la numérotation, nous pouvons supposer que dans la première décomposition, les sous-groupes p-primaires sont C1, ... , Cu. Posons

et

Alors

où A est un groupe p-primaire et où l’ordre de B est premier avec p. Montrons qu'A est la composante p-primaire de G. Puisque A est p-primaire, il est contenu dans la composante p-primaire de G. Réciproquement, soit x un élément de la composante p-primaire de G. Il s'agit de prouver que x appartient à A. D'après (3), nous avons x = a + b, avec a dans A et b dans B. Alors x et a appartiennent tous deux à la composante p-primaire de G, donc b appartient à la composante p-primaire de G, donc l’ordre de b est une puissance de p. D'autre part, puisque b appartient à B, l’ordre de b est premier avec p. Ainsi, l’ordre de b est une puissance de 'p et n’est pas divisible par p, donc cet ordre est égal à 1, donc b = 0, donc x = a, donc x appartient à A, ce qui achève de prouver qu'A est la composante p-primaire de G. Il en résulte que le nombre des sous-groupes cycliques d'ordre pn dans la décomposition (1) de G est égal au nombre des sous-groupes cycliques d'ordre pn dans une certaine décomposition de la composante p-primaire de G en somme directe de sous-groupes primaires. De même, le nombre des sous-groupes cycliques d'ordre pn dans la décomposition (2) de G est égal au nombre des sous-groupes cycliques d'ordre pn dans une certaine décomposition de la composante p-primaire de G en somme directe de sous-groupes primaires. Comme nous avons démontré le théorème dans le cas particulier où G est p-primaire, le cas général en résulte.

Début d’un théorème
Fin du théorème


Démonstration. Cela résulte clairement de l'énoncé précédent.


D'après le théorème qui précède, cette suite est définie de manière unique à l’ordre près (et de manière rigoureusement unique si on fait une convention ad hoc sur l’ordre d'énumération). Par exemple, la suite des diviseurs élémentaires de Z/9Z est (9), celle de Z/3Z × Z/3Z est (3, 3) et celle de Z/6Z est (2, 3). Au lieu de dire que la suite des diviseurs élémentaires de G est (d1, ..., dn) on dit aussi que les diviseurs élémentaires de G sont d1, ..., dn, en respectant les multiplicités. Par exemple, on dira que les diviseurs élémentaires d'un groupe de Klein sont 2 et 2.


Démonstration. Soient G et H deux groupes commutatifs finis. Supposons d’abord que G et H sont isomorphes et prouvons qu’ils ont la même suite de diviseurs élémentaires. Choisissons un isomorphisme f de G sur H et une décomposition de G en sommes directes de sous-groupes cycliques primaires non nuls. On vérifie facilement que est une décomposition de H en sommes directes de sous-groupes cycliques primaires non nuls. Comme les ordres des Ci (resp. des f(Ci) ) sont les diviseurs élémentaires de G (resp. de H) et que, pour tout i, l’ordre de f(Ci) est égal à celui de Ci, G et H ont les mêmes diviseurs élémentaires, comme annoncé.
Réciproquement, supposons que G et H ont la même suite de diviseurs élémentaires. Alors et , où, pour tout i, Ci et Di sont deux groupes cycliques de même ordre et donc isomorphes. Par exemple d’après la propriété universelle de la somme restreinte externe (chapitre Produit de groupes), il en résulte que G et H sont isomorphes.

Si et sont deux familles finies, nous appellerons (abusivement) « réunion » de ces familles une famille telle que l’ensemble des ck soit la réunion R de l’ensemble des ai et de l’ensemble des bj et que, pour chaque élément x de R, la multiplicité de x dans la famille soit égale à la somme des multiplicités de x dans la famille et dans la famille . (Le cardinal de K est donc égal à la somme de ceux de I et de J.) Il est clair que deux familles finies ont toujours une telle « réunion » et que cette réunion est définie de manière unique à l’ordre près.

Début d'un lemme
Fin du lemme


Démonstration. Puisque la somme directe externe de deux groupes commutatifs est la somme directe interne de deux groupes isomorphes respectivement à A et à B, nous pouvons supposer que les sommes directes considérées sont internes. L'énoncé résulte alors clairement de la définition de la suite des diviseurs élémentaires.

Début d'un lemme
Fin du lemme


Démonstration. Puisqu'une somme directe interne de deux sous-groupes est isomorphe à leur somme directe externe, nous pouvons supposer qu’il s'agit de sommes directes externes. Puisque, par hypothèse, , il résulte d'un théorème ci-dessus que :

et ont la même suite de diviseurs élémentaires. De même,
et ont la même suite de diviseurs élémentaires.

D'autre part, d’après le lemme précédent, la suite des diviseurs élémentaires de A s'obtient en retranchant celle de C de celle de et, de même, la suite des diviseurs élémentaires de B s'obtient en retranchant celle de D de celle de . Compte tenu de (1) et (2), il en résulte qu'A et B ont la même suite de diviseurs élémentaires. D'après un théorème ci-dessus, A et B sont donc isomorphes.

Début d’un théorème
Fin du théorème


Démonstration. Soit G un groupe commutatif fini admettant la suite de facteurs invariants (a1, ... , as), soit H un groupe commutatif fini isomorphe à H admettant la suite de facteurs invariants (b1, ... , bt). Il s'agit de prouver que s = t et que, pour tout i, ai = bi. Si s ou t est nul, G et H sont tous deux nuls, donc s et t sont tous deux nuls (rappel : 1 ne figure pas parmi les facteurs invariants), donc la thèse est vraie dans ce cas.
Supposons maintenant que s et t sont tous deux non nuls. Par définition d'une suite de facteurs invariants, G est somme directe d'une famille de sous-groupes cycliques A1, ... , As, d'ordres respectifs a1, ... , as et

De même, H est somme directe d'une famille de sous-groupes cycliques B1, ... , Bt, d'ordres respectifs b1, ... , bt et

On tire facilement de (2) que as est l'exposant minimal de G. De même, on tire de (4) que bt est l'exposant minimal de H. Puisque G et H sont isomorphes, ils ont le même exposant minimal, donc

donc As est isomorphe à Bt. Compte tenu du lemme précédent, il résulte dès lors de (1) et (3) que est isomorphe à . Par exemple par récurrence sur s, on en tire que les suites (a1, ... , as-1) et (b1, ... , bt-1) sont égales. Joint à (5), cela prouve que les suites (a1, ... , as) et (b1, ... , bt) sont égales, ce qui prouve la première assertion de l'énoncé. La seconde assertion est un cas particulier évident de la première.

Nous pouvons donc parler de la suite des facteurs invariants d'un groupe commutatif fini.


Démonstration. Soient G et H deux groupes commutatifs finis. Si G et H sont isomorphes, ils ont la même suite de facteurs invariants d’après le théorème précédent. Réciproquement, supposons que G et H aient tous deux la suite de facteurs invariants (a1, ... , as). Alors G est somme directe

d'une famille de sous-groupes cycliques A1, ... , As, d'ordres respectifs a1, ... , as et H est somme directe

d'une famille de sous-groupes cycliques B1, ... , Bs, d'ordres respectifs a1, ... , as. Deux groupes cycliques de même ordre sont isomorphes, donc, pour chaque i, Ai est isomorphe à Bi, donc, d’après un corollaire de la propriété universelle de la somme restreinte (chapitre Produit de groupes), G et H sont isomorphes.