Espaces vectoriels normés/Connexité
- Dans ce chapitre nous allons voir une notion centrale de la topologie : la connexité. Nous aborderons un cas particulier dans les e.v.n. : la convexité.
- Dans toute la suite, désigne un e.v.n. et est une partie de
Connexité
modifierDans un premier temps, nous allons étudier la notion de connexité. De manière intuitive, sera une partie connexe si elle est en un seul morceau. Nous n'allons pas rentrer trop loin dans cette notion, qui est délicate à manipuler au premier abord, l'objectif étant d'introduire la notion et de donner une démonstration plus conceptuelle du théorème des valeurs intermédiaires, ainsi qu'une généralisation.
Définition
modifierVoyons tout d'abord la définition d'une partie connexe :
- Un recouvrement ouvert de est un ensemble d'ouverts de tel que .
- est dite connexe si le seul recouvrement ouvert de en deux ouverts disjoints de est .
- Remarque
- On rappelle que disjoint signifie d'intersection vide.
- On voit, à travers cette définition, que si est composée de « plusieurs morceaux » alors on va pouvoir trouver un recouvrement de en deux ouverts disjoints.
- Exemples
- Nous allons voir, à la fin de ce chapitre, un exemple fondamental : tout e.v.n. est connexe. La preuve utilise la notion de convexité et est donc reportée à la fin du chapitre.
- Nous allons voir que pour les parties connexes sont exactement les intervalles. Cela nécessite quelques propositions intermédiaires avant de pouvoir être démontré proprement.
Voyons tout d'abord d'autres caractérisations de la continuité. Le lecteur ne doit pas hésiter à relire la partie « Introduction à la topologie » pour aborder la démonstration ainsi que les suivantes.
On a équivalence entre les trois points suivants :
- est connexe.
- Le seul recouvrement de en deux fermés disjoints de est .
- Les seules parties à la fois ouvertes et fermées de sont et .
- Les deux premières propriétés sont équivalentes par passage au complémentaire dans la définition de la connexité.
- Montrons que 2. implique 3..
- Soit une partie à la fois ouverte et fermée de
- Alors est un recouvrement de en deux fermés, donc soit soit .
- Finalement, montrons que 3. implique 1..
- Soit deux ouverts disjoints de tels que .
- Alors, est à la fois ouvert et fermé, et on a : et ou l'inverse, ce qui prouve que est connexe.
- Remarque
- On utilise souvent le point 3. de cette propriété de la façon suuivante : pour montrer qu'une propriété est vraie sur une partie connexe, on montre que l'ensemble des points tels que la propriété est vraie est une partie non vide, ouverte et fermée. Ceci implique alors que la propriété est vraie sur l'ensemble de la partie.
Remarquons que l'union de deux parties connexes n'est pas forcément connexe, prendre par exemple alors l'union des deux n'est pas connexe, car les connexes de sont les intervalles (ce qui reste encore à démontrer). La proposition suivante nous donne une condition pour que cela soit le cas :
Soit une famille de parties connexes de . Si alors est connexe.
- On va revenir à la définition d'une partie connexe. Soient des ouverts disjoints de qui recouvrent .
- On pose alors : . Pour tous les , les ouverts forment un recouvrement en deux ouverts disjoints de , partie connexe par hypothèse, on a donc soit , soit .
- Supposons que rencontre , alors on a , d'où , et .
- Si rencontre , alors le même raisonnement prouve que .
- Ceci prouve la connexité de .
Avant de caractériser les connexes de , nous énonçons le résultat suivant qui peut paraître technique mais dont nous avons besoin pour la démonstration, et qui est souvent utile en pratique.
- On va utliser le fait qu'une partie est connexe si et seulement si les seules parties à la fois ouvertes et fermées sont la partie elle-même et l'ensemble vide.
- Soit une partie non vide à la fois ouverte et fermée de , montrons que .
- Par définition des ouverts d'une partie, on peut écrire : avec des parties ouvertes et fermées de respectivement.
- Posons . Alors, donc est à la fois ouvert et fermé dans qui est connexe, donc ou
- Or, comme on a . Donc, par définition de l'adhérence tout ouvert contenant un point de est non vide, est non vide et donc .
- On en déduit que . Et comme est fermé dans et , on a , et comme on a et finalement . Ce qui finit de montrer que est connexe.
- Notez que ci-dessus désigne l'adhérence de dans . Cette remarque est fondamentale (ainsi que la preuve) si l'on veut bien comprendre la connexité ainsi que les raisonnements en topologie.
- Remarque
- Si est connexe alors son adhérence l'est aussi.
- Si contient une partie dense connexe alors est connexe.
Venons-en maintenant à la propriété plusieurs fois annoncée :
- Montrons tout d'abord qu'une partie connexe de est forcément un intervalle.
- Soit n'est pas un intervalle, il existe deux réels avec tels que ne soit pas inclus dans .
- Soit . Alors , donc il existe un recouvrement de en deux ouverts disjoints non vides, et n'est pas connexe.
- Montrons maintenant qu'un intervalle est toujours connexe.
- Soit ( et peuvent être plus ou moins l'infini). Soit une partie ouverte et fermée non vide. Nous allons montrer que .
- Soit , et soit .
- On a , donc existe. Supposons . étant un fermé de , on a . Comme est un ouvert de qui est ouvert, il existe tel que . Mais cela contredit la définition de donc . On montre de manière similaire que donc , et est connexe.
- Finalement, est un intervalle fermé ou semi-ouvert, alors son intérieur est un intervalle ouvert, donc connexe. La proposition précédente permet alors de conclure que est connexe.
- Remarque
- Pour montrer qu'une partie est un intervalle, il est possible de montrer qu'elle est connexe. Même si cela n'est pas forcément le plus courant, cela peut s'avérer utile.
- À l'aide de la notion de connexité par arcs, on peut donner une démonstration plus simple de ce résultat, mais moins fondamentale.
Continuité et connexité
modifierCommençons cette partie par une nouvelle caractérisation de la connexité à l'aide des fonctions continues.
est connexe si et seulement si toute fonction continue est constante.
- Supposons tout d'abord que est connexe.
- Soit une fonction continue. Alors, on a qui est une union de fermés (car est continue et sont des fermés de ) manifestement disjoints.
- Ainsi, est constante car soit soit .
- Supposons maintenant que ne soit pas connexe.
- On sait alors qu'il existe deux fermés non vides de tels que , et .
- On peut alors définir une fonction :
- On vérifie alors que la fonction est continue car les images réciproques des fermés de ( sont des fermés de ( ). Or, n'est pas constante, ce qui termine la preuve.
- Remarque
- On voit encore apparaître le fait que si est composée d'une union disjointe d'ouverts, on va pouvoir définir des fonctions dans qui prennent des valeurs différentes sur chaque ouvert, et qui seront continues.
Étudions maintenant la propriété fondamentale reliant la connexité et la continuité. Le théorème suivant est l'un des premiers résultats montrant l'intérêt de la connexité : il nous dit que l'image d'une partie connexe par une application continue est connexe. Ceci permet de montrer assez facilement que certaines parties sont connexes. Il va également nous permettre d'obtenir sans efforts le théorème des valeurs intermédiaires.
- Soient une partie connexe de , et une application continue.
- Alors, est une partie connexe de .
- Soit un recouvrement en deux ouverts disjoints de . La continuité de implique immédiatement que est un recouvrement en deux ouverts disjoints de qui est connexe.
- On a donc l'un des deux ouverts qui est vide. Si par exemple , alors .
- Ce qui prouve la connexité de .
Pour insister sur le fait qu'il s'agit d'un résultat de topologie utilisant la connexité, rappelons le théorème des valeurs intermédiaire. La preuve est immédiate à partir du théorème précédent si l'on se souvient que les connexes de sont les intervalles.
- Soit une fonction continue.
- Alors, est un intervalle de , en particulier si sont dans alors tout est dans .
Connexité par arcs
modifierNous allons maintenant nous intéresser à une notion un peu plus forte : la connexité par arcs. On introduit pour cela la notion d'arc, qui est une courbe reliant deux points pour faire simple. Une partie est alors connexe par arcs si, étant donnés deux points dans cette partie, on peut trouver une courbe reliant ces deux points sans sortir de cette partie. Cette propriété est souvent plus simple à démontrer que la connexité, mais la connexité par arcs d'une partie implique sa connexité, la réciproque étant fausse mais les contre-exemples sont assez délicats à manipuler au premier abord. Intuitivement, si l'on peut toujours joindre deux points par une courbe, alors la partie considérée ne peut pas être en plusieurs morceaux.
- On appelle arc à valeurs dans une application continue de dans .
- On dit que est connexe par arcs si pour tous points , il existe un arc à valeurs dans tel que et .
- Remarque
- Concernant les arcs, il est important de distinguer d'une part l'arc qui est une application, et d'autre part son image qui est une partie de l'espace. De nombreux auteurs font l'abus de notation de noter encore l'image de l'arc, en particulier lorsque l'on aborde l'analyse complexe.
Voyons maintenant la propriété fondamentale des espaces connexes par arcs qui fait leur intérêt dans ce cours.
- On va utiliser ici la caractérisation de la connexité à l'aide des fonctions continues.
- Soit une application continue, et .
- Pour tout , soit un arc joignant et .
- Ainsi, la composition est une application continue de dans . Par la connexité de on sait que la fonction est constante, et donc que .
- Le résultat étant vrai pour tout , on obtient que est constante, et donc que est connexe.
- Remarque
Nous insistons sur ce point mais la réciproque de cette propriété est fausse : il existe des espaces connexes non connexes par arcs, nous en verrons un exemple en exercice. Ceci étant dit, la grande majorité des exemples de parties connexes que nous aurons à traiter seront connexes par arcs, mais cela ne doit pas faire oublier la différence entre les deux notions.
Convexité
modifierLes notions de connexité et de connexité par arcs dépassent largement le cadre des e.v.n.. Cependant la structure algébrique d'espace vectoriel va nous permettre d'introduire une autre notion peut-être plus simple pour le lecteur débutant : la convexité.
Géométriquement, est convexe si tous les segments que l'on peut constituer à partir de point de sont inclus dans . Les intérêts des parties convexes sont multiples, que ce soit en géométrie ou en optimisation par exemple, mais dans notre cadre elles nous serviront à démontrer que des parties sont connexes/connexes par arcs.
Concrètement, l'idée ci-dessus se traduit dans la définition suivante :
- On appelle segment entre l'ensemble .
- On dit que est convexe si pour tous points , le segment est inclus dans .
- Remarques
-
- Dans , le lecteur peut vérifier que la définition donnée pour les segments correspond à un paramétrisation du segment naturelle.
- Tout e.v.n. est convexe.
La propriété suivante nous fournit d'autres exemples de parties convexes :
- Toute boule ouverte ou fermée est convexe.
- Une intersection de partie convexe est convexe.
Montrons la première affirmation pour des boules ouvertes ; le raisonnement est identique pour les boules fermées.
Soit une boule ouverte, et .
En utilisant les propriétés des normes et des boules, on a : .
La seconde partie de la propriété est évidente.
La proposition suivante est quasiment immédiate à partir de la définition, la démonstration ne figurant qu'à titre d'exemple. Cependant, le résultat est très important pour démontrer qu'un espace est connexe par arcs ; en effet la convexité est souvent plus facile à démontrer et à visualiser géométriquement. Elle constitue également notre principale application de la connexité ici.
Soit .
Prendre pour arc qui est bien un arc de par définition de la convexité.
Ce résultat nous prouve que tout e.v.n. est connexe, ce qui justifie la première remarque de ce chapitre.