Introduction à la théorie des nombres/Annexe/Démonstration de la transcendance de e et pi
On détaille la preuve de la transcendance des nombres e et π présentée par Alan Baker (Trancendental Number Theory, Cambridge University Press, 1990 (1re éd. 1975), p. 4-6) comme inspirée de la simplification, par Hilbert puis Hurwitz et Gordan (1893), des travaux de Hermite et Lindemann puis Weierstrass (1885).
Trois lemmes
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Le cas d'un polynôme quelconque résulte de celui d'un monôme .
Dans ce cas, d'après le développement en série de l'exponentielle complexe,
donc
On peut remarquer au passage (avant-dernière ligne) qu'on a même : .
Puisque ,
Soit avec , et soit .
Pour toute racine entière de , l'entier est :
- égal à si ;
- divisible par sinon.
Si et avec , l'entier est :
- congru à modulo si ;
- divisible par sinon.
D'après la règle de Leibniz,
donc :
- si , et sont divisibles par (en effet, pour tous , ) ;
- si et ou si et , ;
- .
Transcendance de e
modifierRaisonnons par l'absurde en supposant que est au contraire algébrique, c'est-à-dire qu'il existe des entiers tels que . Posons .
Pour un nombre premier arbitraire, considérons associés à et aux comme dans les trois lemmes.
- D'après les Lemmes 2 et 3, si alors est divisible par mais pas par , donc il est non nul et.
- D'après le Lemme 1, en notant , on a , donc,avec .
- La suite positive définie par tend vers , puisque pour , donc (par récurrence) .
Ces trois points sont bien contradictoires.
Transcendance de π
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Supposons que est au contraire algébrique. Alors, l'est aussi donc il existe tel que soit un entier algébrique, c'est-à-dire racine d'un polynôme unitaire à coefficients entiers. Soient les autres racines.
Puisque est nul (identité d'Euler), son multiple l'est aussi. En développant ce produit, on obtient une somme de termes de la forme , où chaque exposant est la somme de certains . En regroupant les termes dans lesquels cet exposant est nul, on obtient :
avec et .
On est donc dans la même situation qu'au § précédent, avec et remplacés par . Ces nombres ne sont plus entiers, mais les coefficients du polynôme sont entiers. En effet, tout polynôme symétrique à coefficients entiers en les donc en les est — d'après le théorème fondamental des fonctions symétriques — un polynôme à coefficients entiers en les coefficients de .
Pour un nombre premier arbitraire, considérons donc associés à et aux comme dans les trois lemmes. La fin de la preuve est analogue à celle du § précédent :
- d'après les Lemmes 2 et 3, est un entier divisible par mais pas par si , et alors :;
- d'après le Lemme 1, en posant , on a donc,avec et ;
- ces deux points sont incompatibles.