Théorie des groupes/Exercices/Groupes nilpotents
Problème 1
modifierSoit G un groupe (non forcément nilpotent).
a) Prouver que pour tout nombre naturel n ≥ 1, G/Cn(G) est nilpotent de classe ≤ n – 1.
Désignons par φ l'homomorphisme canonique de G sur G/Cn(G). Nous avons Cn(G/Cn(G)) = Cn(φ(G)) = φ(Cn(G)) et le dernier membre est réduit à l'élément neutre de G/Cn(G), d'où l'énoncé.
b) Sous les hypothèses du point a), on suppose que, pour tout i tel que 1 ≤ i < n, Ci(G) est distinct de Cn(G). Prouver que G/Cn(G) est nilpotent de classe n – 1.
Il s'agit de prouver que pour tout i ≥ 1 tel que Ci(G/Cn(G)) soit réduit à l'élément neutre, i ≥ n. Comme au point a), désignons par φ l'homomorphisme canonique de G sur G/Cn. L'hypothèse Ci(G/Cn(G)) = 1 peut s'écrire Ci(φ(G)) = 1, ou encore φ(Ci(G)) = 1, autrement dit Ci(G) ⊆ Cn(G). Par hypothèse, Cj(G) ⊋ Cn(G) pour tout j < n, donc i ≥ n.
c) Soit G un groupe nilpotent de classe n ≥ 1. Prouver que G/Cn(G) est nilpotent de classe n – 1.
Les hypothèses du point b) sont satisfaites.
Problème 2. Suite centrale descendante d'un produit direct
modifierSoit une famille finie de groupes. Prouver que pour tout nombre naturel n ≥ 1,
où le symbole désigne le produit direct externe.
Preuve par récurrence sur n. C'est banalement vrai pour n = 1. Supposons que ce soit vrai pour un nombre naturel n et prouvons que c’est vrai pour n + 1. Par hypothèse de récurrence, nous avons
d'où, en appliquant aux deux membres,
Nous avons vu dans les exercices sur le chapitre Commutateurs, groupe dérivé que si est une famille finie de groupes, et deux familles telles que pour tout i, Ai et Bi soient des sous-groupes de Gi, alors
Notre relation (1) peut donc s'écrire
autrement dit
ce qui démontre la thèse par récurrence sur n.
Problème 3. Produit direct de groupes nilpotents
modifierSoit une famille finie de groupes. On suppose que, pour chaque i, Gi est nilpotent de classe ci. Prouver que le produit direct des Gi est nilpotent de classe c, où c désigne le plus grand des ci.
Soit n un nombre naturel ≥ 0. D'après le problème précédent, la relation
équivaut à la relation
- ,
qui équivaut à ce que, pour tout i, n soit ≥ ci. La relation
a donc lieu si et seulement si n ≥ c, ce qui prouve l'énoncé.
Remarque. Voir une démonstration différente dans le cours en ligne de K. Igusa, Math 101a (Algebra I), théor. 7.9, p. 21.
Problème 4. Résolubilité des groupes d'ordre 24
modifierSoit G un groupe d'ordre 24. Prouver que G est résoluble.
(Indication : on peut utiliser le problème « Sur certains groupes d'ordre 24 » de la série Groupes alternés.)
Si G n'a qu'un 2-sous-groupe de Sylow, soit H, H est un sous-groupe normal d'ordre 8 de G et l'ordre de G/H est égal à 3. Puisque l'ordre de H est une puissance de nombre premier, H est nilpotent (chapitre théorique) et a fortiori résoluble. G/H, qui est d'ordre 3, est lui aussi résoluble, par exemple pour le même motif. Donc G est extension d'un groupe résoluble par un groupe résoluble. D'après le chapitre Groupes résolubles, il en résulte que G est résoluble.
Si maintenant G n'a qu'un 3-sous-groupe de Sylow, soit K, K est un sous-groupe normal d'ordre 3 de G et l'ordre de G/K, égal à 8, est une puissance de nombre premier. Comme dans le premier cas, on en tire que G est résoluble.
Si enfin G a plus d'un 2-sous-groupe de Sylow et plus d'un 3-sous-groupe de Sylow, alors, d'après le problème « Sur certains groupes d'ordre 24 » de la série Groupes alternés, G est isomorphe à Or, d'après un exercice de la série Groupes résolubles, est résoluble, donc G est encore résoluble.
Problème 5. Suite centrale ascendante
modifierSoient G un groupe et H un sous-groupe normal de G. Posons K = φ-1(Z(G/H)), où φ désigne l'homomorphisme canonique de G sur G/H. Il est clair que :
1) K est un sous-groupe de G qui contient H et peut être caractérisé comme le seul sous-groupe K de G contenant H tel que K/H = Z(G/H) ;
2) K est formé par l’ensemble des éléments x de G tels que, pour tout élément y de G, le commutateur [x, y] appartienne à H ; cette caractérisation de K permet de montrer facilement que si H est caractéristique dans G, K est lui aussi caractéristique dans G.
3) K est le plus grand sous-groupe de G tel que [G, K] ⊆ H.
Ces remarques légitiment la définition suivante :
Soit G un groupe. On appelle suite centrale ascendante de G la suite croissante (ζi(G))i ≥ 0 de sous-groupes caractéristiques de G définie par récurrence sur i par :
ζ0(G) = 1 ;
pour tout i, ζi+ 1(G) est l’ensemble des éléments x de G tels que, pour tout élément y de G, le commutateur [x, y] appartienne à ζi(G).
Prouver que G est nilpotent si et seulement s'il existe un nombre naturel r tel que ζr (G) = G et que, dans ce cas, le plus petit nombre naturel r possédant cette propriété est égal à la classe de nilpotence de G.
Supposons d’abord qu’il existe un nombre naturel r tel que ζr(G) = G. Prouvons par récurrence sur i que pour tout i tel que 1 ≤ i ≤ r + 1, Ci(G) ⊆ ζr+1-i(G). Pour i = 1, cela résulte de l'hypothèse ζr(G) = G. Supposons que ce soit vrai pour un i ≤ r et prouvons que c’est vrai pour i + 1.
Par hypothèse de récurrence, Ci(G) ⊆ ζr+1-i(G), donc [G,Ci(G)] ⊆ [G,ζr+1-i(G)], c'est-à-dire Ci+1(G) ⊆ [G,ζr+1-i(G)]. D'après la remarque 3) ci-dessus (selon laquelle [G, K] ⊆ H), le second membre est contenu dans ζr-i(G). Donc Ci+1(G) ⊆ ζr-i(G), de sorte que nous sommes bien passés de i à i + 1. Nous avons donc prouvé par récurrence sur i que pour tout i tel que 1 ≤ i ≤ r + 1, Ci(G) ⊆ ζr+1-i(G). En faisant i = r + 1, nous trouvons Cr+1(G) ⊆ ζ0(G) = 1, d'où Cr+1(G) = 1, ce qui montre que G est nilpotent et que si n désigne sa classe de nilpotence, alors n ≤ r.
Réciproquement, supposons que G soit nilpotent de classe n. Nous avons donc Cn+1(G) = ζ0(G) = 1. Prouvons par récurrence sur i que, pour tout i tel que 0 ≤ i ≤ n, Cn+1-i(G) ⊆ ζi(G). Supposons que ce soit vrai pour un nombre i ≤ n - 1 et prouvons que c’est vrai avec i + 1 au lieu de i. L'hypothèse de récurrence Cn+1-i(G) ⊆ ζi(G) peut s'écrire [G, Cn-i(G)]⊆ ζi(G). D'après la remarque 3) ci-dessus (maximalité de K), nous avons donc Cn-i(G) ⊆ ζi+1(G), de sorte que nous sommes bien passés de i à i + 1. Nous avons donc prouvé par récurrence sur i que, pour tout i tel que 0 ≤ i ≤ n, Cn+1-i(G) ⊆ ζi(G). En faisant i = n, nous trouvons G ⊆ ζn(G), autrement dit ζn(G) = G, donc il existe bien un r ≥ 0 tel que ζr+1(G) = G et le plus petit de ces nombres r est ≤ n, où n désigne la classe de nilpotence de G.
Nos deux résultats combinés fournissent l'énoncé.
Problème 6
modifiera) Soient G un groupe et X une partie génératrice de G. Considérons la suite (Xn)n ≥ 1, définie par récurrence sur n, telle que X1 = X et que, pour tout n ≥ 1, Xn+1 soit l’ensemble des commutateurs de la forme [x, y] avec x dans X et y dans Xn. Prouver que, pour tout n ≥ 1, Cn(G) est le sous-groupe normal de G engendré par Xn. (Énoncé dans N. Bourbaki, Algèbre, ch. I, § 6, exerc. 15, b), Paris, 1970, p. 137.)
C'est banal pour n = 1. Supposons (hypothèse de récurrence) que ce soit vrai pour un nombre naturel n et prouvons que c’est vrai pour n + 1. Par hypothèse de récurrence, Cn(G) est le sous-groupe normal de G engendré par Xn. D'après un exercice de la série Commutateurs, groupe dérivé, [G, Cn(G)] est donc le sous-groupe normal de G engendré par les commutateurs [x, y] avec x dans X et y dans Xn. Autrement dit, Cn+1(G) est le sous-groupe normal de G engendré par Xn+1, ce qui démontre l'énoncé par récurrence sur n.
b) Soient G un groupe et X une partie génératrice de G. Dans les notations du point a), montrer que, pour tout nombre naturel n ≥ 1, l'image canonique de Xn dans Cn(G)/Cn+1(G) est une partie génératrice du groupe Cn(G)/Cn+1(G). (Énoncé dans N. Bourbaki, Algèbre, ch. I, § 6, exerc. 15, b), Paris, 1970, p. 137.)
Désignons par φ l'homomorphisme canonique de G sur G/Cn+1(G). D'après le point a) et un théorème qui a été démontré dans un exercice de la série Sous-groupe distingué, groupe quotient,
- (1) le sous-groupe normal de G/Cn+1(G) engendré par φ(Xn) est φ(Cn(G)) = Cn(G)/Cn+1(G).
Mais le groupe Cn(G)/Cn+1(G) est contenu dans le centre de G/Cn+1(G) (voir théorie, chapitre Groupes nilpotents), donc le sous-groupe <φ(Xn)> de G/Cn+1(G) engendré par φ(Xn) est contenu dans ce centre, donc est un sous-groupe normal de G/Cn+1(G), donc est égal au sous-groupe normal de G/Cn+1(G) engendré par Xn. Notre résultat (1) signifie donc que <φ(Xn)> = Cn(G)/Cn+1(G), ce qui démontre l'énoncé.
c) Soit G un groupe nilpotent de classe n et X une partie génératrice de G. Dans les notations du point a), montrer que Xn est une partie génératrice de Cn(G).
Puisque G est nilpotent de classe n, Cn+1(G) = {1}. Soit φ l'homomorphisme canonique de G sur G/Cn+1(G) = G/{1}. D'après le point b), φ(Xn) est une partie génératrice de φ(Cn(G)) = Cn(G)/{1}. Comme, dans le présent cas, l'homomorphisme φ est un isomorphisme de G sur G/{1}, il en résulte que Xn est une partie génératrice de Cn(G).
d) Dans les notations et hypothèses du point a) ; montrer que Xn+1 = 1 si et seulement si G est nilpotent de classe ≤ n. (Énoncé dans N. Bourbaki, Algèbre, ch. I, § 6, exerc. 15, a), Paris, 1970, p. 137.)
Dire que G est nilpotent de classe ≤ n revient à dire que Cn+1(G) = 1. Il s'agit donc de prouver que Xn+1 = 1 si et seulement si Cn+1(G) = 1.
Supposons d’abord Cn+1(G) = 1. Puisque (par exemple d’après le point a)) Xn+1 est contenu dans Cn+1(G) = 1, on a alors Xn+1 = 1.
Réciproquement, supposons Xn+1 = 1. D'après le point a), Cn+1(G) = 1 est le sous-groupe normal de G engendré par Xn+1 = 1, donc Cn+1(G) = 1.
Problème 7
modifiera) Soient G un groupe et c un élément de ζ2(G) (où (ζn(G))n est la suite centrale ascendante de G, définie dans un précédent problème). Prouver que pour tous éléments a, b de G, [ab, c] = [a, c] . [b, c].(Énoncé dans J. Delcourt, Théorie des groupes, 2e éd., Paris, 2007, p. 141.)
Par définition des commutateurs, [ab, c] = b-1 a-1 c-1 abc = b-1 [a, c] b [b, c].
Puisque c appartient à ζ2(G), [a, c] et [b, c] appartiennent au centre de G, donc on peut permuter les facteurs [a, c] et b-1, d'où l'énoncé.
b) Soient G un groupe nilpotent de classe n ≥ 2 et c un élément de Cn-1(G). Prouver que pour tous éléments a, b de G, [ab, c] = [a, c] . [b, c].
D'après un précédent problème, Cn-1(G) est contenu dans ζ2(G). Il suffit donc d'appliquer le point a).
Problème 8
modifierOn va prouver sans utiliser les produits tensoriels quelques résultats qui ont été obtenus à l'aide des produits tensoriels dans le chapitre théorique. (On indiquera encore une autre méthode au problème suivant.)
a) Soient G un groupe nilpotent de classe ≤ n, X une partie génératrice de G et r un nombre naturel tel que, pour tout élément x de X, xr = 1. Prouver que, pour tout élément y de Cn(G), yr = 1.
Il est clair qu’il suffit de le prouver dans le cas où G est nilpotent de classe n. Si n = 0, G est réduit à l'élément neutre et l'énoncé est banalement vrai. Si G = 1, G est commutatif et on montre facilement que, pour tout élément y de G, yr = 1, d'où la thèse dans ce cas. Reste le cas où n ≥ 2.
Puisque G est nilpotent de classe n, Cn(G) est contenu dans le centre de G, donc est commutatif. De plus, d’après le problème 6, c), Cn(G) est engendré par Xn (où les Xn sont définis à partir de X comme au problème 6, a) ). Il suffit donc de prouver que yr = 1 pour tout élément y de Xn. Or tout élément y de Xn est de la forme y = [a, c] avec a dans X et c dans Xn-1. Puisque Xn-1 est contenu dans Cn-1(G), nous avons, d’après le problème 6, b), yr = [ar, c] = [1, c] = 1. Comme nous l'avons vu, cela prouve l'énoncé.
b) Soient G un groupe nilpotent de classe ≤ n, X une partie de G et r un nombre naturel tel que, pour tout élément x de X, xr = 1. Prouver que pour tout élément y du sous-groupe <X> de G engendré par X,
où, conformément aux conventions en usage,
- désigne .
(Voir un énoncé plus fort dans J.C. Lennox and D.J.S. Robinson The theory of infinite soluble groups, 1.2.14 ; Clarendon Press, Oxford, 2004, p. 11.)
Puisque G est nilpotent de classe ≤ n, son sous-groupe <X> engendré par X est nilpotent de classe ≤ n. Donc, quitte à remplacer G par X, nous pouvons supposer que X est une partie génératrice de X. (La thèse porte alors sur tout élément y de G.)
Soit n un nombre naturel. Supposons (hypothèse de récurrence) que l'énoncé soit vrai pour tout nombre naturel < n et prouvons-le pour n.
Soit c la classe de nilpotence de G ; donc c ≤ n. Si c < n, alors, par hypothèse de récurrence,
d'où, par élévation à la puissance rn-c,
ce qui prouve l'énoncé dans le cas où c < n.
Soit maintenant c = n. Autrement dit, G est nilpotent de classe n exactement.
Si n = 0, le groupe G est réduit à l'élément neutre et l'énoncé est banalement vrai.
Supposons maintenant n ≥ 1. Nous pouvons considérer Cn(G). D'après le problème 1, C/Cn(G) est nilpotent de classe n – 1. Désignons par φ l'homomorphisme canonique de G sur G/Cn(G). Pour tout élément x de X, nous avons φ(x)r = φ(xr) = φ(1) = 1, autrement dit la r-ième puissance de tout élément de φ(X) égale l'élément neutre de G/Cn(G). Puisque X est une partie génératrice de G, φ(X) est une partie génératrice de φ(G) = G/Cn(G). Donc, par hypothèse de récurrence, la puissance (rn-1)-ième de tout élément de G/Cn(G) est égale à l'élément neutre de G/Cn(G). Cela revient à dire que, pour tout élément y de G,
D'après le point a), nous avons donc
pour tout élément y de G, autrement dit
pour tout élément y de G, ce qui achève de prouver l'énoncé par récurrence sur n.
c) Soient G un groupe nilpotent et H l’ensemble des éléments de G d'ordre fini. Prouver que H est un sous-groupe de G. (Énoncé dans N. Bourbaki, Algèbre, ch. I, § 6, exerc. 12, a), Paris, 1970, p. 137.)
Il est clair que l'inverse d'un élément d'ordre fini de G est un élément d'ordre fini, donc tout se ramène à prouver que le produit ab de deux éléments a et b d'ordres finis de G est d'ordre fini. Si r désigne le plus petit commun multiple des ordres de a et b, si X désigne l’ensemble {a, b}, alors xr = 1 pour tout élément x de X, avec r > 0. Il résulte donc du point c) que tout élément du sous-groupe <X> de G engendré par X est d'ordre fini. C'est vrai en particulier pour l'élément ab de X, ce qui démontre notre argument.
d) Soient G un groupe nilpotent et H l’ensemble des éléments de G d'ordre fini. Montrer que toute partie finie de H engendre un sous-groupe fini. (Énoncé dans N. Bourbaki, Algèbre, ch. I, § 6, exerc. 12, b), Paris, 1970, p. 137.)
Soit X une partie finie de H. Il s'agit de prouver que le sous-groupe <X> de G engendré par X est fini. Puisque X est finie, nous pouvons considérer le plus petit commun multiple r des ordres des éléments de X. Nous avons alors xr = 1 pour tout élément x de X, avec r > 0, donc, d’après le point b), tout élément de <X> est d'ordre fini. D'autre part, puisque X est finie, <X> est de type fini. Nous avons vu dans les exercices sur les groupes résolubles que tout groupe résoluble de type fini dont tous les éléments sont d'ordre fini est fini, donc <X> est fini, comme annoncé.
Problème 9
modifierOn va prouver sans utiliser les produits tensoriels, et par une aute méthode qu'au problème précédent, quelques résultats qui ont été obtenus à l'aide des produits tensoriels dans le chapitre théorique.
a) Soient G un groupe, A et B des sous-groupes de G. Prouver que [A, [A, B] ] est un sous-groupe normal de [A, B]. Prouver que si a1, a2 sont des éléments de A et b un élément de B, on a dans le groupe [A, B]
Prouver que pour tout élément a de A, pour tout élément b de B, pour tout nombre naturel n, on a dans le groupe [A, B]
On a vu au chapitre Commutateurs, groupe dérivé que A normalise [A, B]. D'après un théorème du même chapitre, il en résulte que [A, [A, B] ] est contenu dans [A, B]. D'après le premier des deux théorèmes qu'on vient d'utiliser, [A, B] normalise [A, [A, B] ], donc [A, [A, B] ] est sous-groupe normal de [A, B].
On a vu au chapitre Commutateurs, groupe dérivé l'identité
d'où on tire la première assertion de l'énoncé en faisant x = a1, y = a2 et z = b. La seconde assertion de l'énoncé se déduit de la première par récurrence sur n.
b) G étant un groupe et d un nombre naturel, nous désignerons par Gd le sous-groupe de G engendré par les d-ièmes puissances d'éléments de G. (Cette notation n'est pas standard) On vérifie facilement que <Gd> est un sous-groupe caractéristique de G (et est même stable par tout endomorphisme de G).
Soient G un groupe, A et B deux sous-groupes normaux de G et d un nombre naturel ≥ 0. Prouver que
Notons d’abord que A étant normal dans G et Ad caractéristique dans A, Ad est normal dans G. Donc, puisque A et B sont tous deux normaux dans G, le second membre de l'inclusion à démontrer est un sous-groupe (normal) de G. Puisque le second membre de cette inclusion est le sous-groupe engendré par les d-ièmes puissances d'éléments de [A, B], il suffit donc de prouver que la d-ième puissance d'un élément de [A, B] appartient toujours au second membre.
Cela revient à prouver que tout élément de la forme
avec r ≥ 0, ai ∈ A, bi ∈ B, ei = ± 1 pour tout i, appartient à
De façon générale, si H est un groupe et c1, ... , cr des éléments de H, (c1 ... cr)d est congru à c1d ... c1d modulo [H, H] = D(H). (Noter que les images canoniques dans le groupe commutatif G/D(G) sont égales.) En faisant H = [A, B], nous trouvons que
est congru à
modulo [ [A, B], [A, B] ].
Comme A est normal dans G, [A, B] est contenu dans A, donc [ [A, B], [A, B] ] est contenu dans [ A, [A, B] ], donc notre dernier résultat montre que
est congru à
modulo [ A, [A, B] ].
Pour démontrer l'énoncé, il suffit donc de prouver que pour tout élément a de A et tout élément b de B,
Cela résulte du point a).
c) Soient G un groupe, n un nombre naturel ≥ 1 et d un nombre naturel ≥ 0. Prouver que
d'où
et a fortiori
Dans l'énoncé du point b), faire A = Cn(G) et B = G. On obtient l'assertion (i). On a vu dans la théorie que [Ci(G), Cj(G)] est toujours contenu dans Ci+j(G), donc [Cn+1(G), Cn(G)] est contenu dans C2n+1(G), donc (i) entraîne (ii). Comme 2n + 1 ≥ n + 2, (ii) entraîne (iii).
Remarque. Il est clair que (iii) peut se déduire immédiatement de (i), sans utiliser le fait que [Ci(G), Cj(G)] est toujours contenu dans Ci+j(G).
d) Soient G un groupe, n un nombre naturel ≥ 1 et d un nombre naturel ≥ 0. Si l'exposant de Cn(G)/ Cn+1(G) divise d, alors pour tout r ≥ n, l'exposant de Cr(G)/ Cr+1(G) divise lui aussi d. (Autrement dit : pour tout r ≥ n, l'exposant de Cr(G)/ Cr+1(G) divise l'exposant de Cn(G)/ Cn+1(G).)
Il suffit de le prouver pour r = n + 1, le cas général s'en déduisant de proche en proche.
Par hypothèse, (Cn(G) )d ⊆ Cn+1(G), donc
[G, (Cn(G) )d] ⊆ [G, Cn+1(G)], autrement dit
(1) [G, (Cn(G) )d] ⊆ Cn+2(G).
D'autre part, d’après l'assertion (iii) du point c),
D'après (1), le second membre est contenu dans Cn+2(G), donc
(Cn+1(G) )d ⊆ Cn+2(G), ce qui démontre notre argument.
e) Soit G un groupe nilpotent de classe c, tel que l'exposant de G/D(G) divise un nombre naturel e. Prouver que l'exposant de G divise ec. (Autrement dit, l'exposant de G divise la c-ième puissance de l'exposant de G/D(G).)
Il résulte du point d) que pour tout nombre naturel n ≥ 1, l'exposant de Cn(G)/ Cn+1(G) divise e. Pour tout élément x de G, on a donc , puis etc. et finalement , c'est-à-dire d'où l'énoncé. (On a déjà fait ce raisonnement dans le chapitre théorique.)
f) Soit G un groupe nilpotent de classe c, engendré par des éléments (en quantité finie ou infinie) dont les ordres divisent tous un même nombre naturel e. Prouver que l'exposant de G divise ec.
Il est clair que G/D(G) est lui aussi engendré par des éléments dont les ordres divisent e (à savoir les images canoniques des éléments de G dont question dans l'énoncé). Puisque G/D(G) est commutatif, on en tire facilement que l'exposant de G divise e. On conclut à l'aide du point e).
g) Soit G un groupe nilpotent de classe c, soit e un nombre naturel, soient a et b deux éléments de G tels que ae = bn = 1. Prouver que
Le sous-groupe de G engendré par a et b est nilpotent de classe c' ≤ c. En lui appliquant le point f), on trouve
d'où l'énoncé a fortiori.
h) Soit G un groupe nilpotent. Prouver que les éléments d'ordre fini de G forment un sous-groupe caractéristique T de G et que, pour tout nombre premier p, les éléments de G dont les ordres sont des puissances de p forment un sous-groupe Tp de T, caractéristique dans T et dans G. Prouver que le groupe T est somme restreinte des Tp.
On le prouve à l'aide du point g) comme on l'a fait dans la théorie.
i) Soit G un groupe nilpotent tel que G/D(G) soit de type fini. Prouver que G est de type fini.
Choisissons des éléments x1, ... , xn dont les images canoniques x1D(G), ... , xnD(G) engendrent G/D(G). Alors {x1, ... , xn} ∪ D(G) engendre G. Puisque G est nilpotent, il en résulte, compte tenu d'un théorème démontré dans la théorie, que {x1, ... , xn} engendre G, donc G est de type fini.
j) Soit G un groupe nilpotent tel que G/D(G) soit fini. Prouver que G est fini. (Rappel : on a vu dans les exercices de la série Groupes résolubles que tout groupe de torsion résoluble de type fini est fini.)
Puisque G/D(G) est fini, il est d'exposant non nul, donc, puisque G est nilpotent, G est d'exposant non nul d’après le point e). En particulier, G est un groupe de torsion. D'autre part, puisque G/D(G) est fini, il est a fortiori de type fini, donc, puisque G est nilpotent, il résulte du point i) que G est de type fini. Ainsi, G est un groupe de torsion résoluble et de type fini, donc, d’après un exercice de la série Groupes résolubles, G est fini.
k) Soient G un groupe nilpotent engendré par un nombre fini d'éléments d'ordres finis. Prouver que G est fini.
Il est clair que G est lui-même engendré par un nombre fini d'éléments d'ordres finis (à savoir les images canoniques des éléments de G dont question dans l'énoncé). Puisque G/D(G) est commutatif, on en tire facilement qu’il est fini. Puisque G est nilpotent, il en résulte, d’après le point j), que G est fini.
l) Soient G un groupe nilpotent, x et y des éléments d'ordres finis de G dont les ordres sont premiers entre eux. Prouver que x et y commutent.
Soit a l’ordre de x, soit b l’ordre de y. Donc a et b sont premiers entre eux. Désignons par Ea l’ensemble des éléments x' d'ordre fini de G tels que tout facteur premier de l’ordre de x' divise a. De même, désignons par Eb l’ensemble des éléments y' d'ordre fini de G tels que tout facteur premier de l’ordre de y' divise b. D'après le point g), Ea et Eb sont des sous-groupes de G. Puisque l’ordre de l'image d'un élément par un homomorphisme divise l’ordre de cet élément, les sous-groupes Ea et Eb de G sont stables par tout endomorphisme de G, donc normaux dans G. D'autre part, puisque a et b sont premiers entre eux, on montre facilement que l'intersection de Ea et Eb est réduite à l'élément neutre. Or on a montré dans un exercice de la série Sous-groupe distingué, groupe quotient que si deux sous-groupes normaux ont une intersection réduite à l'élément neutre, tout élément de l'un commute avec tout élément de l'autre. Donc tout élément de Ea commute avec tout élément de Eb. Puisque x appartient à Ea et y à Eb, ils commutent donc entre eux, ce qui démontre l'énoncé.
On pourrait aussi se ramener aux groupes nilpotents finis de la façon suivante. Soient p1, ... , pr les facteurs premiers de a et q1, ... , qs les facteurs premiers de b. Le sous-groupe cyclique <x> de G est commutatif, donc nilpotent, et est d'ordre a. Donc, puisqu’un groupe nilpotent fini est produit direct de ses sous-groupes de Sylow, x est de la forme x1 ... xr, où, pour tout i, xi a pour ordre une puissance de pi. (Pour démontrer ceci, on n'a pas utilisé le fait que G est nilpotent.) De même, y est de la forme y1 ... ys, où, pour tout j, yj a pour ordre une puissance de qj. D'après le point k), le sous-groupe <x, y> de G engendré par x et y est fini ; c’est donc un groupe nilpotent fini, donc si p et q sont deux nombres premiers distincts, l'unique p-sous-groupe de Sylow de <x, y> et l'unique q-sous-groupe de Sylow de <x, y> se centralisent mutuellement. Puisque a et b sont premiers entre eux, chaque pi est distinct de chaque qj, donc, puisque xi appartient à l'unique pi-sous-groupe de Sylow de <x, y> et yj à l'unique qj-sous-groupe de Sylow de <x, y>, chaque xi commute avec chaque yj, donc x commute avec y.
On pourrait aussi noter que x et y appartiennent au sous-groupe de torsion T de G et les décomposer dans la somme restreinte T des Tp (voir point h). Le détail est laissé au lecteur.
Problème 10. Groupes nilpotents et pseudo-anneaux nilpotents
modifierRappelons quelques notions concernant les anneaux et les pseudo-anneaux.
On appelle pseudo-anneau un ensemble P muni
1° d'une loi de composition interne dite addition et notée par +, qui fait de P un groupe commutatif, avec élément neutre noté 0,
2° d'une loi de composition interne associative, dite multiplication, notée généralement par un point médian ·, par une croix de multiplication × ou par simple juxtaposition, cette seconde loi étant distributive à gauche et à droite par rapport à la première.
Si la multiplication est commutative, le pseudo-anneau est dit commutatif. Un pseudo-anneau dont la multiplication a un élément neutre (qui est alors noté 1) est appelé un anneau.
Un élément x d'un anneau A est dit inversible (dans A) s'il existe un élément x de A tel que xa = ax = 1. Les éléments inversibles de A forment un groupe multiplicatif.
Si P est un pseudo-anneau et S un sous-groupe additif de P stable pour la multiplication (c'est-à-dire que le produit de deux éléments de S appartient toujours à S), alors l'addition et la multiplication de P induisent sur S une addition et une multiplication qui font de S un pseudo-anneau. Nous dirons alors que S est un sous-pseudo-anneau de P. Si A est un anneau, on appelle sous-anneau de A un sous-pseudo-anneau de A qui comprend l'élément 1 de A.
Remarque. Un sous-pseudo-anneau d'un anneau A peut être un anneau sans être un sous-anneau de A : par exemple, les classes résiduelles modulo 6 dont les éléments sont des nombres pairs forment un sous-pseudo-anneau de Z/6Z et ce sous-pseudo-anneau est un anneau (son neutre multiplicatif étant la classe de 4) mais ne comprend pas le neutre multiplicatif de Z/6Z, c'est-à-dire la classe du nombre 1.
On appelle idéal bilatère d'un anneau A un sous-groupe additif J de A tel que, pour tout élément x de J et tout élément a de A, ax et xa appartiennent à J. Par exemple, si A est un anneau commutatif et c un élément de A, l’ensemble des éléments de A de la forme ac, où a parcourt A, est un idéal bilatère de A. (Si un anneau A est commutatif, on dit « idéal de A » plutôt que « idéal bilatère de A ».) Un idéal bilatère est un cas particulier de sous-pseudo-anneau, mais un sous-pseudo-anneau n’est pas forcément un idéal bilatère : par exemple, si R est un anneau commutatif, l'anneau R[X, Y] des polynômes à deux variables X et Y admet R[X] pour sous-anneau mais non pour idéal bilatère.
Si P est un pseudo-anneau et n un nombre entier ≥ 1, nous désignerons par P(n) l’ensemble des sommes de produits de n éléments de P, autrement dit l’ensemble des éléments de P qui peuvent se mettre sous la forme
r parcourant les nombres entiers ≥ 0 et (ai,1, ..., ai,n) parcourant les n-uplets d'éléments de P. Il est clair que P(1) = P.
a) Soit P un pseudo-anneau. S'assurer des faits suivants (démonstration facile laissée au lecteur) :
- pour tous nombres entiers r, s ≥ 1, le produit d'un élément de P(r) par un élément de P(s) est un élément de P(r+s) ;
- pour tous nombres entiers i, j tels que 1 ≤ i ≤ j, P(j) est un sous-pseudo-anneau de P(i) (et donc aussi de A) ;
- en particulier, pour tout nombre entier i ≥ 1, P(i) est un sous-pseudo-anneau de P.
b) Soient A un anneau et P un sous-pseudo-anneau de A. On notera <1, P> le sous-groupe additif de A engendré par 1 et P. S'assurer des faits suivants (démonstration facile laissée au lecteur) :
- <1, P> est un sous-anneau de A ;
- <1, P> = f(Z) + P, où f désigne l'homomorphisme canonique (en fait, le seul homomorphisme) de l'anneau Z dans l'anneau A ;
- pour tout nombre entier i ≥ 1, P(i) est un idéal bilatère de l'anneau <1, P>
c) Soient A un anneau et P un sous-pseudo-anneau de A. Soit n un nombre entier ≥ 1 tel que le produit de n éléments de P soit toujours nul. (Un pseudo-anneau pour lequel il existe un tel n est appelé un pseudo-anneau nilpotent.) Prouver que
- pour tout nombre entier i ≥ 1, 1 + P(i) est un sous-groupe du groupe multiplicatif des éléments inversibles de l'anneau A (et, en particulier, 1 + P est un sous-groupe du groupe multiplicatif des éléments inversibles de A) ;
- pour tous nombres entiers i, j tels que 1 ≤ i ≤ j, 1 + P(j) est un sous-groupe de 1 + P(i) ;
- pour tous nombres entiers r, s ≥ 1, [1 + P(r), 1 + P(s)] ⊆ 1 + P(r+s) ;
- pour tout nombre entier i ≥ 1, Ci(1+P) ⊆ 1 + P(i) ;
- le groupe 1 + P est nilpotent de classe ≤ n-1.
Prouvons la première assertion de l'énoncé, à savoir que pour tout nombre entier i ≥ 1, 1 + P(i) est un sous-groupe du groupe multiplicatif des éléments inversibles de l'anneau A.
Soient 1 + x et 1 + y des éléments de 1 + P(i) ; donc x et y sont des éléments de P(i). Nous avons (1 + x) (1 + y) = 1 + x + y + xy. Comme nous avons vu que P(i) est un sous-pseudo-anneau de A, x + y + xy appartent à P(i), donc (1 + x) (1 + y) appartient à 1 + P(i). Ceci prouve que le produit de deux éléments de 1 + P(i) appartient à 1 + P(i). D'autre part, il est clair que 1 appartient à P(i). Pour prouver que 1 + P(i) est un sous-groupe du groupe multiplicatif des éléments inversibles de l'anneau A, il reste à prouver que si x est un élément de P(i), alors 1 + x admet un inverse dans 1 + P(i).
Dans l'anneau A, comme dans tout anneau,
Puisque x appartient à P(i), et donc à P, xn = 0, donc les égalités (1) montrent que 1 + x admet pour inverse dans le groupe multiplicatif des éléments inversibles de l'anneau A. Puisque x appartient à P(i) et que P(i) est un sous-pseudo-anneau de A, appartient à P(i), donc appartient à 1 + P(i). Ainsi, 1 + x admet pour inverse dans 1 + P(i). Comme nous l'avons vu, cel achève de prouver que 1 + P(i) est un sous-groupe du groupe multiplicatif des éléments inversibles de A.
La seconde assertion de l'énoncé résulte de la première, puisqu'on a vu au point a) que si 1 ≤ i ≤ j, alors P(j) est contenu dans P(i).
Prouvons maintenant la troisième assertion de l'énoncé, à savoir que pour tous nombres entiers r, s ≥ 1, [1+P(r), 1+P(s)] ⊆ 1+P(r+s).
Puisque le second membre est un groupe (multiplicatif), il suffit de prouver que si x appartient à P(r) et y à P(s), alors [1+x, 1+y] appartient à 1 + P(r+s).
Par définition d'un commutateur,
- [1+x, 1+y] = (1+x)-1 (1+y))-1 (1+x) (1+y)
- (2) [1+x, 1+y] = (1+x+y+yx)-1 (1+x+y+xy).
Posons a = 1+x+y+xy et b = 1+x+y+yx.
Alors a-b = xy-yx. Comme noté au point a), xy et yx appartiennent tous deux à P(r+s), donc a-b appartient à P(r+s). D'autre part, puisque x et y appartiennent à P, b appartient à 1 + P, donc, d’après la première assertion de l'énoncé, b admet un inverse b-1 dans 1 + P. Alors b-1 appartient à l'anneau <1, P> défini au point b). Comme noté au point b), P(r+s) est un idéal bilatère de <1, P>, donc
ce qui, d’après (2) et la définition de a et b, signifie que [1+x, 1+y] appartient à P(r+s). Comme nous l'avons vu, cela prouve la troisième assertion de l'énoncé.
Prouvons la quatrième assertion de l'énoncé, à savoir que pour tout nombre entier i ≥ 1, Ci(1+P) ⊆ 1+P(i). Si i est un nombre entier ≥ 1 tel que Ci(1+P) ⊆ 1+P(i), alors [1+P, Ci(1+P)] ⊆ [1+P, 1+P(i)]. Le premier membre de cette relation d'inclusion est égal à Ci+1(1+P) et, d’après la troisième assertion de l'énoncé, le second membre est contenu dans 1+P(i+1). Cela prouve la quatrième assertion de l'énoncé par récurrence sur i.
Pour prouver la cinquième assertion de l'énoncé, faisons i = n dans la quatrième assertion ; puisque P(n) = 0, nous trouvons Cn(1+P) = 1, donc 1+P est nilpotent de classe ≤ n-1.
Problème 11. Groupes de matrices unitriangulaires
modifierL'objectif de cet exercice est de démontrer que si R est un anneau non nul et n un nombre entier ≥ 1, le groupe des matrices unitriangulaires supérieures de taille n à coefficients dans R (groupe qu'on définira) est nilpotent de classe n-1.
Soient R un anneau (unitaire, non forcément commutatif) et n un nombre naturel ≥ 1. Nous supposerons que l'anneau R est non nul, ce qui revient à dire que ses éléments 0 et 1 sont distincts. Nous considérerons des modules à gauche ou à droite sur l'anneau R. Le lecteur qui est familier avec la notion d'espace vectoriel mais non avec celle de module sur un anneau peut supposer que R est un corps, et même un corps commutatif. Si l'anneau est commutatif, il n'y a pas lieu de distinguer entre modules à gauche et à droite. Si R est un corps, les R-modules sont les R-espaces vectoriels.
On sait que l’ensemble M(n, R) des matrices carrées de taille n à coefficients dans R est un anneau. De plus, il a une structure canonique de R-module à gauche, avec pour loi externe
et une structure canonique de R-module à droite, avec pour loi externe
Rappelons qu'une matrice carrée de taille n à coefficients dans R est dite triangulaire supérieure si tous les coefficients situés strictement en dessous de la diagonale sont nuls. Autrement dit, une matrice carrée (ai,j) est dite triangulaire supérieure si ai,j = 0 chaque fois que i > j.
On montre en algèbre linéaire que les matrices triangulaires supérieures de taille n à coefficients dans R forment un sous-anneau, que nous noterons T(n, R), de l'anneau M(n, R). La diagonale de la somme de deux matrices A et B appartenant à M(n, R) s'obtient en additionnant coefficient par coefficient les diagonales de A et B ; plus précisément, si A = (ai,j), si B = (bi,j), si A+B = (ci,j), alors ci,i = ai,i+ bi,i pour tout i. Si, de plus, A et B sont triangulaires supérieures, la diagonale de AB s'obtient en multipliant coefficient par coefficient les diagonales de Aet B ; plus précisément, si A = (ai,j), si B = (bi,j), si AB = (di,j), alors di,i = ai,i bi,i pour tout i.
Nous noterons T0(n, R) l’ensemble des matrices triangulaires supérieures de taille n à coefficients dans R dont tous les coefficients diagonaux sont nuls. D'après ce qui précède, T0(n, R) est un sous-pseudo-anneau de T(n, R). (Pour cette terminologie, voir l'exercice précédent).
Nous noterons T1(n, R) l’ensemble des matrices triangulaires supérieures de taille n à coefficients dans R dont tous les coefficients diagonaux sont égaux à 1. Ces matrices sont appelées les matrices unitriangulaires supérieures de taille n à coefficients dans R. Il est clair que T1(n, R) = 1 + T0(n, R), le symbole 1 du second membre désignant le neutre multiplicatif de l'anneau M(n, R), c'est-à-dire la matrice unité.
Si P est un pseudo-anneau et i un nombre entier ≥ 1, on désignera par P(i), comme dans l'exercice précédent, ou encore par Pi, le sous-groupe additif de P engendré par les produits de i éléments de P. On a vu à l'exercice précédent que P(i) est un sous-pseudo-anneau de P. En particulier, T0(n, R)(i) est un sous-pseudo-anneau de T0(n, R). On vérifie facilement que c’est aussi un sous-R-module à gauche (et un sous-R-module à droite) de M(n, R).
Soit A = (ai,j) une matrice appartenant à M(n, R). Nous conviendrons de dire que la première superdiagonale de A est le (n-1)-uplet formé par les coefficients situés juste au-dessus de la diagonale principale, que la seconde superdiagonale de A est le (n-2)-uplet formé par les coefficients situés juste au-dessus de la première superdiagonale etc. Plus précisément, si k est un nombre entier tel que 1 ≤ k ≤ n-1, la k-ième superdiagonale de A est le (n-k)-uplet (a1,k+1, a2,k+2, ... , an-k,n).
Soit s un nombre entier ≥ 1. Nous désignerons par T0,s(n, R) l’ensemble des matrices (ai,j) de M(n, R) telles que ai,j = 0 pour tous i, j tels que j ≤ i+s-1. (Si s ≤ n-1, cela revient à dire que la diagonale principale et les s-1 premières superdiagonales de A sont nulles.) En particulier, T0,1(n, R) = T0(n, R) et T0,n(n, R) = 0. Il est clair que T0,s(n, R) est un sous-R-module à gauche (et un sous-R-module à droite) de M(n, R). La suite (T0,s(n, R))s est décroissante et stationnaire en 0.
Pour 1 ≤ i, j ≤ n, on désignera par Ei, j la matrice (er, s) ∈ M(n, R) définie par er, s = 1 si r = i et s = j, et er, s = 0 dans le cas contraire. (Donc tous les coefficients de la matrice Ei, j sont nuls, sauf celui de la i-ième ligne et de la j-ième colonne, qui est égal à 1.) Les matrices de ce type sont appelées unités matricielles. Il est clair qu’elles forment une base du R-module à gauche M(n, R) et aussi une base du R-module à droite M(n, R). Il est clair aussi que si s est un nombre entier ≥ 1, les matrices Ei, j avec j ≥ i+s forment une base du R-module à gauche (et du R-module à droite) T0,s(n, R).
a) Prouver que si 1 ≤ i, j, k, l ≤ n, alors Ei,j Ek,l est égale à Ei,l si j = k et à = 0 dans le cas contraire.
Nous avons Ei, j = (er, s), où er, s = 1 si r = i et s = j, et er, s = 0 dans le cas contraire. De même, Ek, l = (fr, s), où fr, s = 1 si r = k et s = l, et fr, s = 0 dans le cas contraire. Donc
- Ei, j Ek, l = (cr, s),
où Si j ≠ k, tous les termes de la somme sont nuls (car si er,t et ft,s sont tous deux non nuls, t est à la fois égal à j et à k), donc la matrice Ei, j Ek, l est nulle. Si j = k, la somme n'a un terme non nul que si r = i et s = l, auquel cas l'unique terme non nul correspond à la valeur j (alias k) de t et est donc égal à 1 ; donc dans ce cas, Ei, j Ek, l = Ei,l.
b) Soit s un nombre entier ≥ 1. Prouver que T0(n, R)s = T0,s(n, R) (Indication : on pourra utiliser le point a)).
Prouvons d’abord que T0(n, R)s est contenu dans T0,s(n, R).
En raisonnant par récurrence sur s, on se ramène à prouver que si A est une matrice appartenant à T0,s(n, R) et B une matrice appartenant à T0(n, R), alors AB appartient à T0,s+1(n, R). Nous avons A = (ai,j) avec ai,j = 0 pour tous i, j tels que j ≤ i+s-1, B = (bi,j) avec bi,j = 0 pour tous i, j tels que j ≤ i et il s'agit de prouver que AB =(ci,j) avec ci,j = 0 pour tous i, j tels que j ≤ i+s.
Nous avons
Si j ≤ i+s, alors, alors ou bien k ≤ i+s-1 ou bien j ≤ k (en effet, dans l'hypothèse contraire, i+s ≤ k et k < j, d'où i+s < j, contradiction). Dans le premier cas, ai,k est nul ; dans le second cas, bk,j est nul. Donc ai,k bk,j est nul dans les deux cas, ce qui prouve bien que ci,j = 0 pour tous i, j tels que j ≤ i+s. Nous avons donc prouvé que T0(n, R)s est contenu dans T0,s(n, R).
Prouvons maintenant l'inclusion réciproque, à savoir que T0,s(n, R) est contenu dans T0(n, R)s. Nous avons vu que les unités matricielles Ei,j avec j ≥ i+s engendrent le R-module (par exemple) à gauche T0,s(n, R). Comme T0(n, R)s est un sous-R-module à gauche de Mn(R), il suffit donc de prouver que chaque unité matricielle Ei,j avec j ≥ i+s appartient à T0(n, R)s. Or, d’après le point a), nous avons, pour tous i, j tels que j > i, Ei,j = Ei,i+1 Ei+1,i+2 ... Ej-1,j, donc Ei,j appartient à T0(n, R)j-i. Si, de plus, j ≥ i+s, avec s ≥ 1, alors T0(n, R)j-i est contenu dans T0(n, R)s, donc Ei,j appartient à T0(n, R)s, comme annoncé.
c) On désignera par 1 le neutre multiplicatif de Mn(R), c'est-à-dire la matrice unité In. Soient i et j deux nombres entiers distincts tels que 1 ≤ i, j ≤ n, soit a un élément de R. Prouver que la matrice 1 + a Ei,j admet pour inverse la matrice 1 - a Ei,j. (Note : dans le cas où R est un corps, une matrice de la forme 1 + a Ei,j, avec i et j distincts et a scalaire, est appelée une matrice de transvection.)
D'après le point a), Ei,j Ei,j = 0, donc (1 + a Ei,j) (1 - a Ei,j) = (1 - a Ei,j) (1 + a Ei,j) = 1 - a2 Ei,j Ei,j = 1, ce qui prouve l'énoncé.
d) Soient i, j, k trois nombres entiers distincts tels que 1 ≤ i, j, k ≤ n, soient a et b deux éléments de R. Prouver que, dans le groupe multiplicatif des éléments inversibles de Mn(R),
D'après le point c),
En effectuant et en tenant compte du point a), on obtient l'énoncé.
e) De façon générale, si G est un groupe et x1, ... , xs des éléments de G, avec s ≥ 1, on définit [x1, ... xs] par récurrence sur s en posant [x1] = x1 et [x1, ... xs] = [ [x1, ... xs-1], xs]. Prouver que dans le groupe G = T1(n, R) (groupe des matrices unitriangulaires supérieures de taille n à coefficients dans R),
Notons d’abord que pour i < j, Ei,j appartient à T0(n, R) (groupe des matrices triangulaires supérieures de taille n à coefficients dans R dont tous les coefficients diagonaux sont nuls), donc 1 + Ei,j appartient bien à T1(n, R). L'égalité à démontrer se tire facilement du point d), où on fait a = b = 1.
f) Prouver que le groupe T1(n, R) des matrices triangulaires supérieures de taille n à coefficients dans R est nilpotent de classe n-1. (Utiliser le problème précédent et le point e) du présent problème.)
Nous avons vu au point b) que T0(n, R)s = T0,s(n, R) et nous avons noté que T0,n(n, R) = 0. Donc T0(n, R)n = 0. D'après l'exercice précédent, il en résulte que T1(n, R) est nilpotent de classe ≤ n-1. Il suffit donc de prouver que Cn-1(T1(n, R)) n’est pas réduit à l'élément neutre. Or, d’après le point e),
où chaque commutateur appartient à T1(n, R).
Il est clair que le premier membre appartient à Cn-1(T1(n, R)) et que le second membre est distinct de 1, d'où la thèse.
Problème 12 (Ordres des sous-groupes normaux d'un groupe nilpotent fini)
modifiera) Soit un groupe nilpotent fini. Prouver qu'il existe une séquence finie de sous-groupes normaux de telle que, pour tout dans , soit un nombre premier. (Indication : on peut raisonner par récurrence sur en considérant un quotient de par un sous-groupe normal convenablement choisi.)
On va raisonner par récurrence sur . L'énoncé est banalement vrai pour Si , alors, d'après le chapitre théorique, le centre de G n'est pas trivial, donc (théorème de Cauchy) le centre de G contient un sous-groupe d'ordre premier. Tout sous-groupe du centre de G est normal dans G, donc G a un sous-groupe normal d'ordre premier. Choisissons un tel sous-groupe, soit . Comme tout quotient d'un groupe nilpotent, le groupe est nilpotent; de plus, son ordre est strictement inférieur à celui de . Donc par hypothèse de récurrence, il existe une séquence finie de sous-groupes normaux de telle que, pour tout dans , soit un nombre premier. D'après le théorème de correspondance, chaque est de la forme , où est un sous-groupe normal de , la séquence des est décroissante et, d'après le troisième théorème d'isomorphisme, chaque quotient est isomorphe à et est donc d'ordre premier. L'énoncé est donc vrai avec pour et
Remarque. Un groupe est dit super-résoluble[1], ou encore hyper-résoluble[2] s'il existe une séquence finie de sous-groupes normaux de telle que, pour tout dans , le groupe soit monogène. Si G est de plus fini, on prouve qu'alors, on peut prendre la séquence des telle que chaque quotient soit (cyclique) d'ordre premier[3]. Le point a) montre donc que tout groupe nilpotent fini est super-résoluble.
b) Soient un groupe nilpotent fini et un diviseur (naturel) de . Prouver que a (au moins) un sous-groupe normal d'ordre (Indication : on peut utiliser le point a).)
Il résulte clairement du point a) que
- (1) l'énoncé est vrai si l'ordre de est une puissance de nombre premier.
Dans le cas général, soit
la décomposition de en facteurs premiers (où les sont deux à deux distincts et où chaque est > 0). Puisque est nilpotent, il a, pour chaque , un seul -sous-groupe de Sylow, soit D'après (1), a un sous-groupe normal d'ordre Mais est un facteur direct de et tout sous-groupe normal d'un facteur direct d'un groupe est normal dans ce groupe, donc est normal dans . Les sont en produit direct, donc le sous-groupe qu'ils engendrent a pour ordre le produit de leurs ordres . D'autre part, puisque les sont normaux dans , est lui aussi normal dans , d'où l'énoncé.
Remarque. Réciproquement, si un groupe d'ordre possède, pour tout diviseur de , un sous-groupe normal d'ordre , alors ses sous-groupes de Sylow sont normaux donc il en est le produit direct, si bien qu'il est nilpotent.
Problème 13 (Tout groupe d'ordre 45 est abélien.)
modifierProuver que tout groupe d'ordre 45 est abélien.
Soit G un groupe d'ordre 45. D'après les théorèmes de Sylow, le nombre des 3-sous-groupes de Sylow de G est congru à 1 modulo 3 et divise 5, ce qui n'est possible que si ce nombre est égal à 1. Donc G est 3-clos. De même, le nombre des 5-sous-groupes de Sylow de G est congru à 1 modulo 5 et divise 9, ce qui n'est possible que si ce nombre est égal à 1, donc G est 5-clos. Donc pour chaque facteur premier de l'ordre de G, G est -clos. D'après un théorème démontré dans le chapitre théorique, il en résulte que G est le produit direct d'un groupe d'ordre 9 et d'un groupe d'ordre 5. Puisque tout groupe d'ordre 9 et tout groupe d'ordre 5 est abélien et que le produit direct de deux groupes abéliens est abélien, il en résulte que G est abélien.
Problème 14
modifierSoit G un groupe fini, soit un facteur premier de , soit Q un -sous-groupe de G. On suppose que n'est pas la plus grande puissance de qui divise , autrement dit que Q n'est pas un -sous-groupe de Sylow de G.
Prouver que contient un sous-groupe contenant Q et tel que
Indication : on a vu dans le chapitre théorique qu'un sous-groupe propre d'un groupe nilpotent N est sous-groupe propre de son normalisateur dans N.
Choisissons un -sous-groupe de Sylow P de G contenant Q. D'après les hypothèses de l'énoncé,
- (1)
Puisque P est un -groupe fini, il est nilpotent, donc (chapitre théorique) il résulte de (1) que
Puisque Q est normal dans , cela revient à dire que
- (2) le groupe quotient n'est pas trivial.
Puisque est un sous-groupe du -groupe P, il est lui aussi un -groupe, donc son quotient en est un lui aussi, donc (2) revient à dire que
- est un -groupe non trivial.
Dès lors (théorème de Cauchy), nous pouvons choisir un sous-groupe d'ordre de D'après le théorème de correspondance, est de la forme T/Q, où T est un sous-groupe de contenant Q. Puisque est d'ordre , c'est-à-dire que T/Q est d'ordre , nous avons
- (3)
Puisque T est un sous-groupe de , il est contenu dans Joint à (3), cela montre que l'énoncé est vrai avec
Remarque. Ce qui précède montre que si G est un groupe fini, un nombre premier et Q un p-sous-groupe de G, si Q est un -sous-groupe de Sylow de , alors Q est un -sous-groupe de Sylow de G.
Problème 15
modifierSoit G un groupe nilpotent fini. Montrer qu'il existe dans G un élément dont l'ordre est égal à l'exposant de G.
G est produit direct de ses Sylow. Soit ep l'exposant du p-Sylow Gp. Puisque Gp est un p-groupe fini, il contient un élément xp d'ordre ep. Les ep sont premiers entre eux deux à deux et les xp commutent donc l'ordre de leur produit est égal au produit des ep. Or ce produit est égal à l'exposant de G.
Références
modifier- ↑ J. Calais, Éléments de théorie des groupes, PUF, 1984, ch. VII, exerc. 29, p. 264-265.
- ↑ S. Lang, Algèbre, tr. fr., Dunod, 2004, p. 719
- ↑ J. Calais, Éléments de théorie des groupes, PUF, 1984, ch. VII, exerc. 29, point 6°, p. 265-266; J.S. Rose, A Course on Group Theory, réimpr. Dover, 1994, p. 156-157.